La conversion de spin à l’échelle de la molécule

Les composés à transition de spin peuvent commuter d’un état moléculaire à un autre sous l’effet de stimuli externes tels qu’un changement de température, une irradiation lumineuse, l’absorption d’un gaz ou l’application d’une pression ou d’un champ magnétique intense. Ce changement d’état s’accompagne d’une modification importante des propriétés physiques du matériau, dont un changement des propriétés mécano-élastiques (masse volumique, rigidité), magnétiques, électriques, optiques et vibrationnelles. De plus, pour quelques familles de composés à l’état solide, la transition présente un cycle d’hystérésis (effet mémoire). Celui-ci prend son origine d’une part, dans le changement important de volume et de propriétés élastiques de la molécule et d’autre part, dans les fortes interactions entre molécules à l’état solide. Ainsi ces matériaux peuvent être utilisés comme interrupteur optique ou électrique, comme capteur/détecteur de gaz, pour générer une actuation ou pour stocker de l’information.

Cependant, avec la réduction de la taille, il apparaît une évolution des propriétés des nano-objets du fait de phénomènes de surfaces ou de confinements. Expérimentalement, il a été observé que la diminution de la taille pouvait avoir des conséquences importantes à la fois sur la bistabilité des matériaux, menant parfois à la perte de l’effet mémoire, et à la fois sur la stabilité des phases. Par exemple, dans le cadre d’une transition thermoinduite, cela peut mener à une modification de la température de transition de plusieurs dizaines de Kelvins.

Les premières approches physiques cherchant à modéliser le phénomène de la transition de spin à l’échelle nanométrique consistaient à ne prendre en compte qu’un défaut de liaisons en surface, conduisant systématiquement à la perte de l’effet mémoire. Par la suite, ces modèles se sont complexifiés en considérant une particule dans une matrice parfaitement cohérente permettant, d’une part, de prendre en considération l’apparition de transitions incomplètes (en fixant, de manière empirique, l’état électronique des molécules en surface) et d’autre part, d’expliquer la présence d’un effet mémoire à l’échelle nanométrique du fait de la présence d’une matrice rigide. En parallèle, la notion d’énergie de surface dans le cadre d’un modèle thermodynamique a été intégrée et permet d’expliquer l’apparition des transitions incomplètes du fait d’une énergie de surface dans l’un des deux états électroniques bien plus favorable que dans l’autre. Dans le même temps, l’étude en taille des propriétés élastiques de nanoparticules à travers la détermination de la température de Debye a montré une apparente rigidification. Celle-ci pouvant alors expliquer la présence du cycle d’hystérésis.

Historique

C’est en 1931 que le phénomène de la transition de spin est observé pour la première fois par Cambi [1, 2] qui met à jour un comportement magnétique anormal dans une série de composés de Fe(III) à base de ligand dithiocarbamate. Vingt-cinq ans plus tard, en 1956, la notion d’équilibre de spin est évoquée [3] et en 1959, cette notion est expliquée dans le cadre des complexes de Ni(II) par un faible écart énergétique entre les niveaux électroniques triplet et singulet [4]. Il est alors fait l’hypothèse d’un peuplement thermoinduit de l’état triplet qui conduirait à une conversion de spin entre un état diamagnétique et un état paramagnétique. En 1961, cette hypothèse est confirmée par Stoufer et al. avec une mesure de la susceptibilité magnétique en fonction de la température [5]. En 1964, Baker et Bobonich mettent en évidence la première transition de spin à l’état solide sur le complexe [Fe(phen)2 (NCS)2] à base de Fe(II) [6]. Cette même année, dans le cadre de la théorie du champ de ligands, la notion de croisement de spin («spin-crossover») est introduite par Ewald et al. [7] conformément aux diagrammes de Tanabe-Sugano [8] dans lesquels apparaît le croisement des courbes d’énergie des états électroniques 5T2 et 1A1 en fonction de l’énergie du champ de ligands. Un changement de l’état de spin est alors possible lorsque les énergies du champ de ligands et d’appariement des électrons des orbitales d sont comparables. Ce phénomène, communément appelé «transition de spin», a depuis été caractérisé pour une grande variété de complexes métalliques. Il apparaît dans les métaux de transition de configuration électronique allant de d 4 à d7 tels que les ions Fe(III), Co(II), Co(III), Mn(II), Mn(III), Cr(II) et bien sûr l’ion Fe(II) reportant le plus grand nombre d’études à ce jour [9].

La conversion de spin à l’échelle de la molécule

Théorie du champ cristallin

La compréhension du phénomène de transition de spin commence par l’étude des conditions de commutation de la molécule. L’une des étapes primordiales est alors la détermination de son spectre en énergie. Les molécules à transition de spin formant des édifices électroniques complexes, la résolution exacte de l’équation de Schrödinger devient impossible, que cela soit de manière analytique ou numérique. Il est alors nécessaire de faire appel à des modèles plus simples permettant de décrire, du moins qualitativement, la structure électronique des complexes de métaux de transition. Dans ce contexte, la théorie du champ cristallin offre une description qualitative de la conversion de spin. Dans ce modèle, les ligands sont considérés comme des charges ponctuelles interagissant de manière purement électrostatique sur l’ion métallique central. La distribution des charges des ligands déterminent la symétrie du champ électrostatique extérieur qui va agir sur le métal de transition et induire une levée de dégénérescence [10]. Prenons l’exemple de l’ion Fe(II). Lorsque celui-ci est libre, les niveaux d’énergie électronique des cinq orbitales 3d sont dégénérés. Si l’ion Fe(II), chargé positivement, est placé dans un champ de symétrie octaédrique parfaite Oh, formé de six ligands chargés négativement, alors les électrons du centre métallique subissent des forces répulsives de la part des ligands. Le peuplement des orbitales d va alors être gouverné par la minimisation de l’énergie électrostatique. La conséquence est une levée de dégénérescence partielle des niveaux d’énergie en un niveau de basse énergie t2g composé des trois orbitales non-liantes dégénérées dxy, dxz et dyz et un niveau de haute énergie eg composé des deux orbitales anti-liantes dégénérées dz 2 et dx2−y 2 (voir figure I.1). L’écart d’énergie entre ces deux ni-veaux s’exprime en terme de force du champ de ligands ou éclatement du champ cristallin valant 10Dq. Dq est un paramètre semi empirique associé à la force du champ cristallin et dépendant de la distribution des charges de l’ion métallique et de la distance métal-ligand comme 1/rn (n = 5, 6) [10].

Limites de la théorie du champ cristallin
La théorie du champ de cristallin est relativement pratique comme première approche du phénomène de la transition de spin et explique de manière qualitative la levée de la dégénérescence des niveaux électroniques. Cependant, il s’agit d’un modèle purement électrostatique qui n’est donc pas adapté au cas de ligands non chargés. Pour mieux rendre compte de la nature non chargée des ligands, il est nécessaire d’y ajouter la théorie des orbitales moléculaires qui prend en compte les interactions des liaisons covalentes faibles de type σ et π entre le centre métallique et les ligands. Cette approche est appelée théorie du champ de ligands et donne des résultats similaires à ceux trouvés à l’aide de la théorie du champ cristallin [10].

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Table des matières

Introduction générale
I Introduction
I.1 Historique
I.2 La conversion de spin à l’échelle de la molécule
I.2.1 Théorie du champ cristallin
I.2.2 La transition de spin thermo-induite
I.2.2.1 Diagramme configurationnel
I.2.2.2 Approche thermodynamique
I.3 La transition de spin à l’état solide
I.3.1 Comportements collectifs ou «coopérativité»
I.3.1.1 Introduction à la notion de coopérativité
I.3.1.2 Les différentes transitions de spin
I.3.2 Approche macroscopique et mésoscopique
I.3.2.1 Les modèles thermodynamiques
I.3.2.2 Modèles élastiques
I.3.3 Approche microscopique
I.3.3.1 Les modèles de type Ising
a) Modèle à quatre niveau
b) Le modèle de type Ising à deux niveaux
c) Résolution du modèle d’Ising par la méthode variationnelle dans l’approximation du champ moyen
d) Extension du modèle de type Ising
I.3.3.2 Les modèles «électron-réseau» ou «spin-phonon»
I.4 La transition de spin à l’échelle nanométrique
I.4.1 Observations expérimentales
I.4.1.1 Les différents composés à transition de spin
I.4.1.2 La famille des Fe(II)-triazole
I.4.1.3 La famille des clathrates de Hofmann
I.4.1.4 Les complexes moléculaires
I.4.1.5 Les premières hypothèses
I.4.1.6 Le rôle de l’environnement
I.4.2 Les mécanismes à l’origine des effets de taille
I.4.2.1 Le défaut de coordination
I.4.2.2 Les effets de matrice
I.4.2.3 Le modèle nanothermodynamique
a) Non extensivité et quantités en excès
b) Énergie de surface
c) Entropie de mélange et terme d’interaction
d) Enthalpie libre de Gibbs
e) Coopérativité à l’échelle nanométrique
I.4.3 La réduction de la taille : vue d’ensemble
I.4.3.1 Les effets de surface
I.4.3.2 La cinétique de transition
I.4.3.3 Les effets de confinement
I.4.3.4 Les autres effets
I.4.3.5 Les complications expérimentales
I.4.4 Conclusions
II Étude du rôle des surfaces
II.1 Introduction
II.2 Évolution de la température de Debye
II.2.1 Dépendance en taille de la température de Debye
II.2.2 La spectroscopie Mössbauer
II.2.2.1 Effet Mössbauer
II.2.2.2 Expression du facteur Lamb-Mössbauer
II.2.2.3 Observations expérimentales
II.2.3 Évaluation de la température de Debye
II.2.3.1 Modèle et extraction de θD
a) Modèle
b) Simulation Monte Carlo
c) Mouvement quadratique et température de Debye
II.2.3.2 Estimation de la profondeur de puits ǫ
II.2.3.3 Évolution avec la taille de θD
II.2.4 Profondeur des surfaces
II.3 Étude des relaxations de surface à travers le modèle d’Ising
II.3.1 Résolution du modèle d’Ising en champ moyen inhomogène
II.3.2 Conséquences sur TC et T1/2
II.3.3 Relaxation de surface et profondeur des surfaces
II.3.3.1 Modèle d’Ising sans terme de champ
II.3.3.2 Application à la transition de spin sans fraction résiduelle
II.3.3.3 Application à la transition de spin avec fraction résiduelle
II.3.3.4 Les fractions résiduelles BS
II.4 Rôle des contraintes
II.4.1 Modèle et méthode numérique
II.4.1.1 Modèle
II.4.1.2 Cartographie des pressions
II.4.2 Résultats
II.4.2.1 Portée des interactions
II.4.2.2 Transition de surface
II.5 Conclusions
III Étude expérimentale de la dynamique du réseau
III.1 Introduction
III.2 Technique expérimentale
III.2.1 Principe de l’expérience
III.2.2 Traitement des données
III.2.3 Grandeurs extraites
III.2.3.1 Extraction directe
III.2.3.2 Température de Debye
III.2.3.3 Vitesse du son de Debye et modules élastiques
III.2.4 Présentation des échantillons
III.3 Effets de l’état de spin sur la dynamique du réseau
III.4 Réduction de la taille
III.4.1 Densité d’états vibrationnels
III.4.2 Évolution des grandeurs thermodynamiques
III.4.3 Évolution de la dynamique du réseau
III.5 Conclusions
Conclusion générale

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