ACCOMPAGNER LE LANGAGE ET LA COMMUNICATION POUR CRÉER DU SENS

PRATIQUE DE COMMUNICATION

  Je suis née au milieu des ailllées cinquante, de parents inconnus. J’ai donc passé la première année de ma vie à la crèche, avec les Sœurs du Bon Pasteur, à Québec, et bien d’autres bébés. Adoptée à l’ âge de un an, j ‘ai grandi dans une famille québécoise de la classe moyelme avec des parents soucieux de nous transmettre leurs valeurs, dont l’amour du travail bien fait. Nous correspondions assez bien aux autres familles de l’époque, dans une province catholique qui allait entamer, quelques années plus tard, sa révolution tranquille. Il me semble important de préciser que ma vie a commencé sous le signe de l’ abandon puisque, dans mon métier, je prends soin des « abandonnés» de la communication. Mon chemin de vie m’a menée vers des personnes enfermées dans des corps inadéquats. Le sens que je donne à cela, aujourd’hui, c’est que je suis semblable à ceux que j ‘accompagne: une abandoilllée du lien, une abandonnée de la communication. C’est la force vitale en moi qui m’a fait cheminer vers les autres et j’ai toujours vécu en quête de reliance. Cette notion de reliance a été inventée par Marcel Boll de Bal, un sociologue belge, et a été mise en avant par Edgar Morin, un sociologue et philosophe français, qui en parle ainsi : [ … ] la reliance, dans le fond, englobe le terme de solidarité, celui de responsabilité et nous permet, justement, de nous relier à autrui de façon active et consciente, ce qui est à la fois un principe et un but de l’éthique. À partir de ce mot, on peut faire une boucle : il faut partir de nos possibilités de reliance, qui sont toujours virtuelles en nous, pour développer nos reliances avec autrui et cette reliance que nous développons stimule et régénère nos possibilités de reliance (Revue Reliance, 2005/3 : 9).Dans ma pratique, mes objectifs sont de rencontrer, de toucher, de créer du lien, de communiquer, bref de développer ma reliance avec autrui. On peut donc établir un parallèle entre cette problématique personnelle et originelle de « l’abandon » et le choix de mon métier d’accompagnante. C’est en allant vers les autres, en tendant la main, en prenant soin d’eux que je prends soin de l’ abandOlmée en moi. Comme le dit Daniel Hazard quand il parle de métier intime et de métier public: Ainsi l’histoire de l’ individu interviendrait dans ses gestes les plus quotidiens qui à leur tour se socialiseraient sous forme de métier public. Celui-ci pourrait, en partie, être fait des gestes de la geste, ce dernier terme étant pris au sens médiéval: l’ histoire (Hazard, 2012 : 5). Dans mon choix de travailler dans des institutions pour personnes âgées, il y a peut être, aussi, un déterminisme familial: je me retrouve, à l’âge de six ans, près de mon grand père maternel qui est sur son lit de mort. Ce grand-père est une figure impOliante de mon enfance. Il dit adieu à sa famille et à moi, il dit: « Tu seras garde-malade ». Je pense bien qu ‘en me tournant vers les soins, au début de la quarantaine, j ‘obéis à cette injonction, sans trop y penser. J’obéis, mais seulement à moitié, puisque, en définitive, je ne serai j amais infirmière. Par contre, en allant vers les personnes âgées, peut-être qu’inconsciemment je vais vers mon grand-père. Une façon de prendre soin de lui? Ce que je peux affirmer, c’est qu’ en choisissant cette orientation je suis animée d’un profond intérêt pour les personnes. Cet intérêt va se manifester par un désir de savoir qui sont ces gens dont je vais prendre soin, au fil des almées.

À LA RECHERCHE DE MOYENS DE COMMUNIQUER

  En septembre 2002, je suis en pleine recherche pour une approche de communication.Je m’intéresse à l’ haptonomie. Fondée par Frans Veldman, l’haptonomie est la science de l’affectivité.Dans une société aux structures fondées exclusivement sur la rationalité, l’efficience et la productivité, l’effectivité touche à son apogée, tandis que l’affectivité menace de s’étioler. [ … ] Le concept d’haptonomie provient de la conjonction de deux termes grecs classiques : hapsis qui signifie le toucher, le sens, la sensation, le sentiment, le tact, et nomos, qui veut dire loi, règle, norme. Hapto, du verbe haptein, signifie: je touche, je réunis, j ‘établis une relation, je (m’) attache à … , et au sens figuré: j’établis (tactilement) un contact pour rendre sain et guérir (rendre entier), pour confirmer (l’ autre dans son existence) ». (Veldman, 1990: 28, 36). Cette approche m’attire, mais il faudrait aller dans le sud de la France pour me former et cela n’est pas possible à ce moment de ma vie. Un jour, dans un quartier de Lausanne où je vais rarement, je rencontre une connaissance qui me demande ce que je deviens. Je lui parle de ma recherche et elle me demande si j’ai déjà entendu parler de la communication facilitée (CF). C’est grâce à cette personne que je me retrouve à l’école Effeta, le mois suivant, pour commencer ma formation avec Michel Marcadé. L’école Effeta est l’un des pôles de l’école CFTMPP (Confédération francophone Ta main pour parler) fondée par AIme-Marguerite Vexiau dont je reparlerai au prochain chapitre. Son siège est à Paris. Michel Marcadé est un éducateur spécialisé. Il a travaillé à St-Prex, près de LausaIme, donc près de chez moi, dans une institution qui fait partie du Mouvement international Camphill. Ce dernier s’inspire de la pédagogie curative de Rudolf Steiner, et l’une de ses particularités est d’ interagir avec les personnes handicapées en tenant compte de leur âge réel. Rudolf Steiner est né en Autriche et il a vécu de 1861 à 1925. Dans le Petit Robert, il est présenté comme un penseur, un pédagogue et comme le fondateur de l’ anthroposophie : Éduquer et guérir l’homme, parvenir à harmoniser en lui l’être matéri el (physique) et l’ être spirituel, en développant le sentiment ou « don du cœur », seule force capable d’ équilibrer les contraires, tel est le but que cherche à atteindre l’anthroposophie, qui voit dans le Christ « le véritable cœur de l’histoire terrestre. (Petit Robert 2, 2003) Je constate donc qu’ en Suisse romande, ce sont des gens près de l’ anthroposophie qui s’ intéressent à la communication facilitée. En plus d’ être éducateur spécialisé, Michel Marcadé est, comme moi, parent à l’École Steiner de Lausanne; je me sens interpellée et en confiance

LA COMMUNICATION FACILITÉE

   La communication facilitée consiste à offrir un soutien physique qui permet à la personne privée de parole de taper des lettres sur un clavier. Cela peut être un clavier d’ordinateur ou quelque chose de beaucoup plus simple, comme un clavier en carton, par exemple. Les lettres tapées fOlment des mots, des phrases, enfi n un discours. Le soutien peut aussi permettre de désigner des pictogrammes ou des objets. J’ ai connu des gens qui pratiquaient la communication facilitée en utilisant un crayon, du papier et l’écriture cursive. Ce qui semble constant est le soutien physique. Les noms impoliants dans le domaine de la communication facilitée sont ceux de Rosemary Crossley (Australie), de Douglas Biklen (États-Unis) et d’Anne-Marguerite Vexiau (France). Cette dernière fait intervenir dans sa pratique une dimension inédite qui est celle de la communication d’ inconscient à inconscient. En plus d’ accompagner despersonnes privées de parole, elle utilise la communication facilitée comme support thérapeutique pour des personnes valides. Elle pratique aussi cette approche avec des personnes dans le coma, des personnes aveugles ou sourdes et elle donne des exemples de «.frappe à distance », ce qui suppose que si le contact physique améliore la transmission, il n’est pas indispensable (Vexiau, 2002 : 48). Les Anglo-saxons ne partagent pas ce point de vue. Rosemary Crossley a fondé le DEAL Communication Center à Melbourne, en 1986. Les lettres de l’ acronyme signifient Dignity, Education, Advocacy, Language (dignité, éducation, plaidoyer, langage). Elle souligne le fait que la télévision, les journaux, les magazines dOlment aux personnes sans paroles l’accès à l’ alphabétisation. « Yau can learn ta read withaut a teacher, but yau can ‘t learn ta read if yau dan ‘t have meaningful expasure ta print. » (Crassley, 1997 : 140l Pour elle, le soutien physique donné par la communication facilitée permet à la perSOlme d’entrer dans un autre mode d’expression. En soi, c’ est une stratégie de communication. (Crossley, 1997). Douglas Biklen est professeur,doyen de l’École de l’éducation (School of Education) à l’Université Syracuse à Newy ork. Enseignant, chercheur et directeur de l’Institut de communication facilitée, il est un spécialiste des recherches qualitatives aux États-Unis. Il a beaucoup publié. Dans son livre Autism and the myth af the persan alane (2005) , il donne la parole à des personnes souffrant d’ autisme, qui, grâce à la communication facilitée , ont développé leur capacité de communiquer de façon autonome. Pour Crossley et Bilden, la coordination oculomotrice est essentielle dans l’ apprentissage de la communication facilitée. Cela signifie que la personne facilitée doit regarder le clavier et ce qu’elle tape. Un des objectifs de cet apprentissage est de rendre la personne capable de taper seule. Un autre objectif important est de rendre le monde de l’éducation accessible aux personnes atteintes de troubles tels que l’autisme, la trisomie 21, la paralysie cérébrale et la déficience intellectuelle. Pour eux, et aussi pour Vexiau, l’ incapacité de parler ne dépend pas nécessairement de déficits intellectuels, mais de troubles neurologiques. Au cœur de leurs travaux se pose la question de l’intelligence. Mais, qu’est-ce donc que l’intelligence?

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Table des matières

REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
ABSTRACT
LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 L’ÉMERGENCE DE MA QUESTION DE RECHERCHE DANS MON TRAJET DE VIE
1.1 UNE RÉORIENTATION PROFESSIONNELLE 
l.2 PRATIQUE DE COMMUNICATION 
1.3 A LA RECHERCHE DE MOYENS DE COMMUNIQUER
1.4 LA COMMUNICATION FACILITÉE
l.5 PREMIÈRES EXPÉRlENCES DE COMMUNICATION FACILITÉE
1.6 ET SI TOUT CELA N’ÉTAIT QU’UN LEURRE 
1.6.1 La communication au-delà des ceritudes
1.7 LA BEAUTÉ POUR MIEUX VIVRE
1.8 PROBLÉMATIQUE 
CHAPITRE 2 ACCOMPAGNER LE LANGAGE ET LA COMMUNICATION POUR CRÉER DU SENS
2.1 ACCOMPAGNER DANS LA PERSPECTIVE DE L’AUTOFORMAION ET DU SOI BIO COGNITIF 
2. 1.1 Une posture essentielle et modeste
2.1.2 Une posture bio-cognitive existentielle
2.1.3 L’accompagnement, un couplage pour faire émerger un monde commun
2.2 LA DIMENSION IMAGINAIRE DU TRAJET ANTHROPOLOGIQUE 
2.3 LA COMMUNICATION FACILITÉE
2.3.1 Une méthode pour un droit à communiquer
2.3.2 Les troubles de la communication et la spirale de l’incompréhension
2.3.3 S’entraîner à communiquer pour dépasser les peurs
2.3.4 La communication inconsciente au-delà des limites du conscient
2.3.5 Une sensibilité au niveau pré-verbal intuitif
2.3.6 L’approche sensible et intuitive dans ma pratique
2.4 D’AUTRES APPROCHES COMPLÉMENTAIRES POUR LA COMMUNICATION INTERSUBJECTIVE INTUITIVE
2.4.1 L’haptonolnie
2.4.2 La validation
2.4.3 L’hummanitude
2.5 LA DIMENSION CU LTURELLE DE LA COMMUNICATION 
2. 5.1 La culture et la dimension non verbale de la communication
2.5.2 Le langage silencieux et la synchronie
CHAPITRE 3 ÉLABORATION D’UN CHEMIN D’EXPLICITATION PHÉNOMÉNOLOGIQUE DE MA PRATIQUE
3. 1 UNE RECHERCHE QUALITATIVE À LA PREMIÈRE PERSONNE
3.2 L’ÉTUDE DES PRATIQUES, UNE RECHERCHE SUR L’EXPÉRIENCE 
3.3 L’ENTRETIEN D’EXPLICITATION POUR EXPLORER L’AGLR
3.3. 1 Une démarche liée à la phénoménologie
3.3.2 Une méthode qui s’ inspire des travaux de Jean Piaget, de Milton Érickson et des apports de la programmation neuro linguistique
3.3.3 Comment procéder pour accéder aux savo irs d’ action?
3.3.4 La place des émotions dans l’entretien d’ explicitation
3.3.5 Con1mentaires
3.3.6 Différentes mises en pratique de l’explicitation dans cette recherche
3.4 MÉTHODOLOGIE D’ ANALYSE DES DONNÉES 
CHAPITRE 4 L’INTERSUBJECTIVITÉ INTUITIVE OU LA CÉA TION SENSIBLE D’UN LANGAGE COMMUN 
4.1 LA RENCONTRE
4.2 l TERSUBJECTIVITÉ ET RÉClPROCITÉ
4.3 AUTHENTICITÉ ET CONGRUENCE 
4.4 LA PUISSANCE DE L’IMAGINAIRE
4.5 LA TRANSDUCTION
4.6 RETOUR SUR L’ENTRETIEN D’EXPLICITATION
4.7 D’AUTRES EXPÉRlENCES D’ACCOMPAGNEMENT AVEC DE JEUNES ADULTES POLYHANDICAPÉS
CHAPITRE 5 CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ET RENOUVELLEMENT DES PRATIQUES
5.1 QUELLE PLACE POUR UNE ÉTHIQUE INTERSUBJECTIVE DANS NOSVlES? 
5.1.1 Une méthode de résolution qui prend en compte la dimension éthique
5.1 .2 L’éthique de la sollicitude
5.1.3 Éthique et énaction
5.2 B ILAN D’UNE EXPÉRlENCE D’HI STOIRES DE VIE AUPRÈS DE PERSONNES POL YHANDICAPÉES 
5.3 CRÉATION D’UNE FORMATION À LA COMMUNICATION INTUITIVE INTERSUBJECTIVE
5.3.1 Finalités et objectifs
5.3.2 Aspects matériels et moyens
5.3.3 Outils de formation
CONCLUSION GÉNÉRALE
ANNEXE
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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