L’interprete dans l’étrange destin de wangrin et dans monne, outrages et defis

Beaucoup d’œuvres de la littérature africaine francophone, qui traitent de l’époque coloniale, mettent souvent en scène deux personnages majeurs : l’interprète et le griot. Le premier est au service du colonisateur, le second est le plus souvent au service des rois, des chefs traditionnels et des nobles. Pour une meilleure intelligence du sujet, il convient de définir les deux personnages, objets de notre document.

A ce propos, notons que l’interprète désigne un «Traducteur servant d’intermédiaire entre deux personnes ne sachant pas la langue l’une de l’autre ». En Afrique, pendant la période coloniale, il était recruté par le colonisateur pour « combler le vide linguistique » qui séparait les deux communautés : noire et blanche. Son rôle fondamental était de les rapprocher afin de faciliter la mission civilisatrice du colonisateur. Il était l’intermédiaire entre l’administration coloniale et la population autochtone. Cette fonction, dans la société, lui procure notoriété, crainte mais aussi mépris. Sa proximité avec le commandant blanc fait de lui le personnage le plus important de la société indigène. Il est convoité par toutes les couches sociales. On le couvrait partout de cadeaux. Hampaté Bâ écrit :

L’époque était, pour Racoutié, telle un riche hivernage. Les pourboires pleuvaient nuit et jour. Chaque nuit des guitaristes et des chanteurs allaient l’égayer.il mangeait et faisait manger gras. Ses femmes ne savaient plus où mettre leurs bijoux d’ambre, de corail et d’argent. Ses deux chevaux mangeaient du couscous fin et buvaient du lait.

De même « Dans les colonies, l’interprète était un personnage incontournable qui, en dehors de ses tâches traditionnelles, pouvait non seulement remplacer le fonctionnaire colonial, le commandant de cercle et le représenter, face aux chefs locaux ou religieux, mais il exerçait le pouvoir en son nom, souvent sans son autorisation, et même à son insu. » Le poste d’interprète était l’un des plus convoités. C’est pourquoi certains d’entre eux s’en vantaient.

Par ailleurs, on note deux types d’interprètes. Un interprète qui, à force de côtoyer le milieu européen, finit par apprendre à s’exprimer en français. C’est le cas par exemple des tirailleurs devenus interprètes, dont les connaissances en français sont des plus rudimentaires. Parlant de Racoutié, le narrateur dans l’Etrange destin de Wangrin nous le décrit ainsi : « Il n’était pas allé à l’école comme Wangrin, il parlait le forofifon naspa, ou français du tirailleur. » .

L’autre, contrairement à ses prédécesseurs, a appris la langue européenne de manière formelle et sur place dans les premières écoles occidentales créées d’abord par les missionnaires, puis par l’administration coloniale .Cette dernière, pour former plus d’interprètes, des cadres locaux d’interprètes indigènes sont créés successivement au Dahomey (actuel Bénin) en 1892, au Soudan (actuel Mali) en 1895, en Côte- d’Ivoire en 1897, en Guinée en 1901, en Mauritanie en 1906, au Haut-Sénégal (actuel Sénégal) et Niger en 1910, en Afrique équatoriale française (Gabon, Congo, Tchad, Oubangui (actuelle République Centrafricaine)) en 1914.

A l’opposé de l’interprète, le griot est un individu «appartenant à une caste spéciale, à la fois poète, musicien et sorcier . » Par le pouvoir du verbe, les griots sont les « Détenteurs de l’histoire orale, bardes, hérauts, panégyristes généalogistes, moralistes, garants des traditions, chanteurs et instrumentalistes… » Son talent de conteur fait de lui le narrateur de beaucoup d’œuvres de la littérature orale et écrite francophone. C’est le cas par exemple de Kindia Mory Diabaté le Djéliba, dans Monné, outrages et défis, Bingo dans En attendant le vote des bêtes sauvages, de Djéli Mamadou Kouyaté, le narrateur de Soundjata ou l’épopée mandingue, d’Amadou Koumba dans les contes et nouveaux contes de Birago Diop.

Les griots constituent une caste, à la fois crainte et méprisée dans le Manding, appelée la caste des diéli :diéli signifie sang …Les griots sont des frères de sang des nobles…Les griots n’étaient pas seulement des panégyristes ; mais aussi des entremetteurs ,des généalogistes et des historiens. Comme homme de caste, ils avaient  des droits importants et imprescriptibles, ceux de n’être ni prisonniers de guerre ni esclaves et n’étaient pas tenus par l’engagement d’honneurs des nobles.

Certains griots étaient des conseillers personnels des rois, des émissaires, des ambassadeurs. Détenteurs de la constitution « par le seul travail de la mémoire », ils enseignaient aux princes l’histoire des royaumes et des rois. A ce propos, voici ce qu’en dit le griot narrateur de Soundjata ou l’épopée mandingue, Djéli Mamadou Kouyaté : « J’ai enseigné à des rois l’histoire de leurs ancêtres afin que la vie des anciens leur serve d’exemple, car le monde est vieux mais, l’avenir sort du passé. » Ainsi, chaque prince, dès sa naissance, avait un griot préposé, chargé de lui enseigner l’histoire. Ce griot était le compagnon fidèle du prince durant toute une vie. Ils subiront ensemble toutes les vicissitudes de la vie. Nous pouvons donner comme illustration le cas de Balla Fasséké et Soundjata dans l’épopée mandingue.

L’INTERPRETE DANS L’ÉTRANGE DESTIN DE WANGRIN ET DANS MONNE, OUTRAGES ET DEFIS

inventaire

Racoutié

Interprète du grand Commandant de Diagaramba, capitale de l’empire de Namaci, Racoutié était « un ancien sergent de Fantirimori, classe 1885, matricule 6666 ». Il faisait partie des fonctionnaires indigènes de l’administration coloniale qui intimidaient leurs frères de race. Pendant cette époque, les fonctionnaires indigènes étaient parmi les privilégiés de la société. Pour Racoutié, c’était le lieu de se faire un renom. Comme interprète, il était le personnage le plus important qui venait après le Commandant de cercle. C’était un homme imbu de lui-même qui se vantait de sa fonction de grand interprète du grand Commandant. Laissons-lui le soin de nous décliner sa position :

Je suis […] l’interprète du Commandant. Je suis son œil, son oreille et sa bouche. Chaque jour, je suis le premier et le dernier auxiliaire qu’il voit. Je pénètre dans son bureau à volonté. Je lui parle sans intermédiaire. Je suis Racoutié qui s’assied sur un banc en beau bois de caïlcedrat devant la porte du Commandant blanc. Qui parmi vous ignore que le Commandant a droit de vie et de mort sur nous ? Que ceux qui l’ignorent sachent que ma bouche, aujourd’hui, Dieu merci, se trouve être la plus proche de l’oreille du Commandant. » .

L’arrivée d’un nouveau moniteur de l’enseignement élémentaire, Wangrin, va complètement bouleverser la quiétude du vieil interprète. Comme tout fonctionnaire affecté dans une localité, avant de prendre service, il doit se présenter au bureau du Commandant de cercle. Wangrin, une fois à Diagaramba se rend au bureau du Commandant pour s’acquitter de ce devoir. Grande fut la surprise de Racoutié quand le Commandant lui dit de le laisser seul avec le moniteur. Or, « le Commandant n’avait pas de secret pour lui. Il était le témoin privé et l’assistant permanent. Pour la première fois, le Commandant demanda à l’interprète de les laisser seuls. Celui-ci sortit inquiet et étonné. » Cette attitude du Commandant à son égard suscite en lui une peur : celle d’être remplacé par le nouveau moniteur qui ne parle pas en « forofifon naspa mais en français couleur vin de bordeaux » au Commandant.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’INTERPRETE DANS L’ÉTRANGE DESTIN DE WANGRIN ET DANS MONNE, OUTRAGES ET DEFIS
Chapitre 1 : inventaire
1-1 Racoutié
1-2 Romo Sibedi
1-3 Wangrin
1-4 Soumaré
Chapitre 2 : nature
2-1 Les illettrés
2-2 Les semi- lettrés
2-3 Les lettrés
Chapitre 3 : fonctions dans les communautés
3-1 Intermédiaire linguistique
3-2 Médiateur
3-3 Conseiller
DEUXIEME PARTIE : LE PERSONNAGE DU GRIOT DANS L’ÉTRANGE DESTIN DE WANGRIN ET DANS MONNE, OUTRAGES ET DEFIS
Chapitre 1 : inventaire
1-1 Kounténa
1-2 Djéliba
1-3 Djélicini
Chapitre2 : nature
2-1 Le griot-historien
2-2 Le griot royal
3-3 le griot musicien
Chapitre3 : fonctions dans la société
3-1 Émissaire
3-2 Médiateur
3-3 Conseiller
CONCLUSION
RESUMÉ DES OUVRAGES ET ARTICLES
PLAN DÉTAILLÉ
BIBLIOGRAPHIE

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