Rôle physiopathologique du microbiote intestinal

Le syndrome de l’intestin irritable (SII)

Définition et critères diagnostiques 

Les troubles fonctionnels intestinaux (TFI) désignent un groupe de troubles gastro-intestinaux (GI) caractérisés par des symptômes attribués à la partie médiane et inférieure du tractus GI ne pouvant être expliqués par des anomalies organiques et/ou biochimiques [1]. Les TFI incluent le syndrome de l’intestin irritable (SII), douleur abdominale fonctionnelle (DAF), ballonnement fonctionnel (BF), constipation chronique idiopathique (CCI) et des diarrhées fonctionnelles (DF) [1]. Le SII, ou IBS (Irritable Bowel Syndrome), est un TFI chronique se caractérisant par la présence d’une douleur abdominale accompagnée d’altérations du transit intestinal [1]. Plusieurs critères basés sur les symptômes ont été employés pour le diagnostic du SII principalement dans la recherche clinique [2]. En général, ces critères incluent la présence d’une douleur ou d’un inconfort abdominale chronique ou récurrent accompagné d’altérations du transit GI [2]. En 1978, les critères diagnostiques définis par Manning et al. (1978) ont été les premiers proposés et identifiaient les symptômes de douleur abdominale soulagée après défécation, de selles plus molles et plus fréquentes à la survenue de la douleur, de passage de mucus, de vidange incomplète du rectum et de distension abdominale comme étant les caractéristiques principales du SII [3]. Cette définition ne mentionnant aucune notion de durée des symptômes, les critères développés par Kruis et al. (1984) ont alors proposé une durée de 2 années et l’intégration dans le processus de diagnostic de résultats négatifs pour l’examen physique et les tests sanguins (vitesse de sédimentation et hémogramme complet) [4]. En 1990, le Comité de Rome pour la Classification des TFI a défini les critères de Rome qui excluaient les résultats d’un test sanguin négatif et d’un examen physique général car ces critères préalablement développés pour les besoins de la recherche clinique ont pour objectif d’obtenir des échantillons de population plus homogènes [2]. La plus récente version en 2006 de ces critères correspond à ceux de « Rome III » et définit le SII comme étant un trouble chronique caractérisé par une douleur, ou un inconfort abdominal, associée à des troubles de la défécation (Tableau 1) [1]. L’inconfort désigne une sensation inconfortable qui n’est pas décrite comme une douleur. De plus, ces critères doivent être observés sur les 3 derniers mois précédant le diagnostic conjointement à une survenue des symptômes au moins 6 mois avant le diagnostic [1]. Les critères de ROME III définissent également 4 sous-types de patients SII dont la classification s’établit selon la consistance des selles (Tableau 2) [1]. Par ailleurs, les lignes directrices ou guidelines du groupe de travail sur le SII de l’American College of Gastroenterology (GT-ACG-SII) mettaient l’accent dès 2002 sur une approche orientée cliniquement du SII en le définissant comme une douleur ou un inconfort abdominale bas accompagné d’altérations de la défécation [5]. En 2009, la position du GT-ACG-SII indiquait qu’aucun critère basé sur les symptômes ne possédait une précision idéale pour le diagnostic du SII. Celui-ci a alors été défini comme une douleur ou inconfort abdominal qui survient en association avec un transit intestinal altéré depuis au moins 3 mois.

Symptômes et approche diagnostique 

En dépit de l’hétérogénéité du SII catégorisé en sous-types selon le transit intestinal prédominant, la douleur abdominale constitue le symptôme caractéristique du SII [2]. En effet, il s’agit pour le patient du symptôme clé associé à une diminution de la qualité de vie liée à la santé, à la sévérité de la pathologie et au recours à des soins de santé [8-10]. Cette douleur abdominale est augmentée par la prise alimentaire [2]. De ce fait, une partie importante de la population adulte générale estimée à 20 % à 45 % pense souffrir d’intolérance alimentaire et une majorité des patients avec un SII estimée à 70 % attribue leur symptôme à des évènements indésirables (EI) liés à l’alimentation [11, 12]. Dans ce cas, la douleur, de nature continue, non liée à une modification du transit intestinal, et ne pouvant être expliquée par une maladie organique, s’apparente davantage à une DAF qu’à un SII [13]. Egalement, dans la mesure où la douleur est caractéristique d’un SII, des épisodes chroniques de diarrhée et/ou constipation sans douleur s’apparentent plutôt à des diarrhées et/ou constipations fonctionnelles [1]. D’après les critères Rome III, d’autres symptômes supportant le diagnostic du SII mais ne faisant pas partie des critères diagnostiques incluent :
a) Fréquence de selles anormale (≤ 3 défécations par semaine ou > 3 défécations par jour)
b) Aspect des selles anormales avec 2 modalités possibles : grumeleuses/dures ou molles/liquides
c) Défécation anormale (effort, urgence, évacuation incomplète)
d) Passage de mucus
e) Ballonnements ou sensation de distension abdominale .

Parmi ces symptômes, les ballonnements constituent un symptôme prédominant rapporté par une importante majorité des patients avec un SII estimée à 96 % [1]. De plus, la prévalence de symptômes extra-intestinaux chez les patients avec un SII est plus élevée que celle estimée chez les sujets contrôles, incluant céphalées, fatigue, myalgie, dyspareunie, fréquence urinaire ou autres symptômes urinaires, étourdissements et symptômes psychiatriques [14]. Ces symptômes sont courants au sein des patients les plus symptomatiques du SII et pourraient être dues à des conditions pathologiques chevauchantes telles que la fibromyalgie, le syndrome de fatigue chronique ou la douleur pelvienne chronique. L’association mise en évidence par Heitkemper et al. (2003) entre la symptomatologie du SII et la menstruation ou d’autres affections gynécologiques telles que la dyspareunie, augmente la complexité du diagnostic du SII et entraîne des actes médicaux invasifs ou chirurgicaux supplémentaires mais inutiles [17,18]. Un diagnostic efficace du SII démarre avec un interrogatoire des antécédents médicaux afin de différencier les symptômes fonctionnels des pathologies organiques et de rechercher les symptômes et signes d’alerte amenant immédiatement l’investigateur à considérer un diagnostic alternatif au SII, tel qu’une MICI ou un cancer du côlon [19-24]. Ces « drapeaux rouges » incluent une apparition des symptômes à 50 ans et plus, perte de poids non-intentionnelle, diarrhées nocturnes, anémie, sang dans les selles, antécédent familial de MICI, cancer colique ou maladie cœliaque [2, 19-24]. Ces signaux d’alerte ne concerneraient néanmoins qu’une minorité de patients (estimée à 3 %) avec une suspicion de SII.

Epidémiologie

En l’absence d’un « Gold standard » définissant le SII, les critères diagnostiques utilisés présentent une large marge d’erreur dans leur application [30, 31]. C’est pourquoi la définition des cas caractérisés lors d’études épidémiologiques représente une difficulté qui pourrait limiter la pertinence de leurs résultats [32]. De plus, en l’absence d’une approche thérapeutique bien établie malgré les nombreux traitements proposés en vente libre et tenant compte également que certains patients ne suivent aucune médication, les données issues des prescriptions représentent un intérêt limité [32]. Une minorité des patients est admise à l’hôpital avec un SII ou diagnostiqué comme tel durant leur admission [31]. Dans la mesure où le SII n’est pas considéré comme une cause de mortalité, les données hospitalières ne sont également pas d’un grand intérêt pour définir les cas [32, 33]. Une attention particulière doit de ce fait être apportée à la méthodologie employée pour la définition et la constatation des cas qui peut impacter significativement le nombre de cas rapportés.

Incidence

Dans la mesure où les symptômes associés au SII sont couramment décrits au sein de la population, il est fréquent que leur survenue n’aboutisse pas à une prise en charge médicale [34, 35]. En conséquence, il existe un écart entre l’incidence de la première occurrence des symptômes et le diagnostic du SII établi par un médecin expliquant le faible nombre d’études destinées à estimer une incidence du SII [34]. Une étude américaine publiée en 1992 a estimé l’incidence du SII en mesurant la première occurrence des symptômes du SII par la réalisation de deux études de cohorte à un an d’intervalle et a conclu à un taux d’incidence de 67 pour 1000 sujets/an [36]. Néanmoins les trois autres études d’incidence publiées à ce jour et ayant opté pour définir les cas comme le premier diagnostic du SII par un médecin ont fourni des estimations plus prudentes d’environ 2 pour 1000 sujets/an.

Prévalence globale

La prévalence globale du SII au sein d’une communauté donnée se situe entre 10 % et 25 % [32]. Les estimations de prévalence pour le SII varient de façon importante au niveau international, à la fois à l’intérieur et entre les pays (Figure 1 – Tableau 5) [32]. La considérable hétérogénéité existant entre les études épidémiologiques s’explique d’une part par les différences méthodologiques et d’échantillonnage et d’autre part par l’utilisation de critères différents pour définir le SII plutôt que d’un biomarqueur de référence [32]. La majorité des études traitant la prévalence du SII sont des enquêtes communautaires réalisées essentiellement en Europe, Asie du Sud-Est et en Amérique du Nord [32]. Une méta-analyse publiée par Lovell et al. (2012) conclut à une estimation globale de la prévalence du SII de 11,2 % (IC 95 % : 9,8-12,8) avec des variations par région géographique, la plus faible en Asie du Sud (7 %) et la plus élevée en Amérique du Sud (21 %) [40]. Enfin, la prévalence ne varie pas significativement selon l’année calendaire pendant laquelle les études ont été réalisées.

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Table des matières

INTRODUCTION
1.1 Le syndrome de l’intestin irritable (SII)
1.1.1 Définition et critères diagnostiques
1.1.2 Symptômes et approche diagnostique
1.1.3 Tests de diagnostic
1.1.4 Epidémiologie
1.1.4.1 Incidence
1.1.4.2 Prévalence globale
1.1.4.3 Prévalence en soins primaires
1.1.5 Marqueurs et facteurs de risque
1.1.6 Enjeux de santé publique
1.2 Rôle physiopathologique du microbiote intestinal
1.2.1 Méthodes d’étude du microbiote intestinal
1.2.2 Composition du microbiote intestinal humain
1.2.3 Fonctions physiologiques du microbiote intestinal
1.2.3.1 Fonctions métaboliques
1.2.3.1.1 Métabolisme nutritionnel
1.2.3.1.2 Métabolisme des xénobiotiques
1.2.3.2 Microbiote et homéostasie intestinale
1.2.3.2.1 Interactions du microbiote avec l’épithélium intestinal
1.2.3.2.2 Récepteurs PRR et homéostasie intestinale
1.2.3.2.3 Mécanismes PRR/MAMP-dépendants et homéostasie intestinale
1.2.3.2.4 Microbiote et immunomodulation
1.2.3.2.4.1 Microbiote et système immunitaire inné
1.2.3.2.4.2 Microbiote et système immunitaire adaptatif
1.2.3.2.5 Microbiote et maintien de la fonction de barrière
1.2.3.2.6 Microbiote et homéostasie intestinale par des mécanismes non PRRdépendants
1.2.3.3 Axe cerveau-intestin-microbiote
1.2.3.3.1 Description de l’axe cerveau-intestin et rôle du microbiote
1.2.3.3.2 Mécanismes d’interaction de l’axe cerveau-intestin-microbiote
1.2.3.3.2.1 Du microbiote intestinal vers le cerveau
1.2.3.3.2.2 Du cerveau au microbiote intestinal
1.2.4 Mécanismes physiopathologiques du SII
1.2.4.1 Dysrégulation de l’axe cerveau-intestin-microbiote
1.2.4.2 Dysbiose
1.2.4.2.1 Altération de la composition du microbiote intestinal
1.2.4.2.2 Altération de l’activité métabolique du microbiote intestinal
1.2.4.3 Activation de l’immunité mucosale et de l’inflammation
1.2.4.4 Altération de la barrière épithéliale
1.2.4.5 Perturbations des fonctions sensori-motrices
1.2.4.5.1 Hypersensibilité viscérale
1.2.4.5.2 Altérations de la motilité gastro-intestinale
1.3 Stratégies de prise en charge du SII
1.3.1 Mesures générales
1.3.2 Modifications du régime alimentaire
1.3.3 Approches thérapeutiques pharmacologiques
1.3.3.1 Approches pharmacologiques du SII-C
1.3.3.2 Approches pharmacologiques du SII-D
1.3.3.3 Approches pharmacologiques de la douleur abdominale et/ou ballonnements
1.3.4 Approches thérapeutiques non-pharmacologiques
1.3.4.1 Comportementales
1.3.4.2 Acupuncture
1.3.4.3 Phytothérapie
1.3.4.4 Prébiotiques
1.4 Probiotiques et prise en charge du SII
1.4.1 Historique des probiotiques
1.4.2 Définitions des probiotiques
1.4.3 Aspects critiques de l’interaction probiotiques – organisme hôte
1.4.3.1 Viabilité des souches probiotiques
1.4.3.2 Identification des probiotiques
1.4.3.3 Doses
1.4.3.4 Type de bénéfice et population cible
1.4.3.5 Sécurité
1.4.3.6 Propriétés souhaitables des probiotiques
1.4.4 Mécanismes de l’interaction entre les probiotiques et l’organisme hôte
1.4.5 Principaux genres et espèces microbiens aux propriétés probiotiques
1.4.6 Métabolisme et effets probiotiques des bactéries lactiques (LAB)
1.4.7 Rationnel d’utilisation des probiotiques en santé humaine
1.4.7.1 Pathologies intestinales
1.4.7.2 Pathologies extra-intestinales
1.4.8 Rationnel d’utilisation des probiotiques dans le SII
1.4.8.1 Revues systématiques et méta-analyses
1.4.8.2 Les études cliniques individuelles de haute qualité méthodologique
1.4.8.3 Rationnel d’utilisation des souches probiotiques dans les sous-types du SII
1.4.8.3.1 Probiotiques et SII-D
1.4.8.3.2 Probiotiques et SII-C
1.4.8.3.3 Probiotiques chez les enfants diagnostiqués pour un SII associé ou non à une DAF
1.4.8.4 Symbiotiques et prise en charge du SII
1.4.8.5 Mécanismes d’action des probiotiques et cibles physiopathologiques du SII
1.4.8.5.1 Modifications du microbiote intestinal et du métabolisme luminal
1.4.8.5.2 Hypersensibilité viscérale
1.4.8.5.3 Motilité intestinale
1.4.8.5.4 Immunité mucosale et barrière intestinale
1.4.8.5.5 Dysrégulation de l’axe cerveau-intestin
1.5 Complément alimentaire et justification scientifique de l’effet probiotique
1.5.1 Définition et cadre règlementaire des compléments alimentaires en Europe et en France
1.5.2 Les allégations nutritionnelles et de santé en Europe
1.5.3 La justification scientifique des allégations des aliments et ingrédients santé
1.5.4 La démarche PASSCLAIM
1.5.5 Législation communautaire et rôle de l’EFSA
1.5.6 La justification scientifique d’un effet probiotique
1.5.7 Contexte scientifique de l’étude
CONCLUSION

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