Presse et théâtre en Égypte dans la deuxième moitie du XIXème siècle

« Publiciste » est le qualificatif qui convient le mieux à Yaʿqûb Ṣannûʿ, alias James Sanua, dont la carrière, commencée sur les bords du Nil se poursuit en exil en France à partir de 1878. Désignant au XIXème siècle en France un homme de lettres, « polygraphe ou littérateur » , « mélange d’écrivain […], de journaliste et d’érudit » qui écrit dans et pour un journal, ce terme sera relayé par l’expression «journaliste », signe d’une « professionnalisation de la profession » aux alentours de 1880. Il exprime la relation constitutive et complexe entre littérature, presse mais aussi politique au moment où prend forme la « civilisation du journal » . Balzac , dans sa Monographie de la presse parisienne, gratifie le publiciste de cette définition:

Publiciste, ce nom jadis attribué aux grands écrivains comme Grotius, Puffendorf, Bodin, Montesquieu […] est devenu celui de tous les écrivassiers qui font de la politique. [https://www.rapport-gratuit.com] Le Publiciste est maintenant un homme occupé des bâtons flottants de l’Actualité. […] Le publicisme était un grand miroir concentrique, les publicistes d’aujourd’hui l’ont mis en pièce et en ont tous un morceau qu’ils font briller aux yeux de la foule.

Le publiciste, plus largement, est donc aussi un polémiste, une figure de l’éloquence, un homme résolument de son temps  . Ecrivain-journaliste, il est à la fois « écrivain » et « écrivant » pour reprendre le couple notionnel barthien. Encore dans la recherche littéraire, il « travaille sa parole » mais, en même temps, l’idéal de cette parole sans finalité autre qu’elle-même, ambigüe et possédant ses propres normes doit être révisée à l’aune des exigences de la matrice journalistique. La parole devient alors un moyen pour atteindre « une fin (témoigner, expliquer, enseigner) », «un instrument de communication, de véhicule de la « pensée » ». Par la voie du journalisme, l’écrivain endosse la fonction de l’écrivant, celle « de dire sans retard et en toute occasion ce qu’il pense ». Ne s’absorbant plus tout entier dans l’activité tautologique de la littérature, le publiciste est cet « homme transitif » qui écrit quelque chose pour quelqu’un en vue d’une fin : il accorde un intérêt tout particulier au lectorat sur lequel il cherche à agir et travaille autant l’écriture que le médium, la matrice – le journal – de son message.

Yaʿqûb Ṣannûʿ, dont l’essentiel de la carrière journalistique s’est fait en France, s’est forgé un personnage de publiciste oriental et a été perçu comme tel, au risque de paraître en décalage aux yeux de ses confrères parisiens alors que la presse s’affirme, à la fin du XIXe, comme champ et mode de production d’écrits spécifiques. Dans une « conversation » en première page, La Presse présente ainsi notre homme : « Il est à la fois professeur, homme politique, poète, romancier et journaliste. […] C’est également un conférencier aimable et spirituel » . C’est sans complexe et même avec ostentation qu’il affiche l’hybridité de sa production et de son écriture, hybridité qui lui permet justement de se faire un nom dans le milieu de la presse française. Publiciste, Ṣannûʿ l’est encore par sa passion pour la politique ; s’il s’essaie à tant de genres et de canaux de communication, c’est pour diffuser à un public le plus large possiblela voix du peuple égyptien dont son journal se proclame le porte-parole (lisân al-ḥâl).Tous les moyens sont bons pour faire entendre sa charge corrosive contre les dirigeants d’Egypte : d’abord contre le Khédive Ismâʿîl, despote corrompu à l’origine de la banqueroute de l’Egypte et de la mainmise étrangère sur le pays ; puis contre son fils et successeur Tawfîq, marionnette aux mains des Européens ; enfin contre l’Angleterre et l’occupation britannique .

L’empreinte que Ṣannûʿ laisse en France, c’est son journal satirique illustré, Abû Naẓẓâra (L’Homme aux lunettes), dont il est l’homme-orchestre pendant plus de trente années, de 1878 à 1910 ; d’abord rédigé en arabe littéraire et dialectal égyptien puis bilingue arabe-français, il porte la voix du journaliste jusqu’en Egypte mais la fait aussi entendre au lectorat français. Il s’agit en réalité de l’autre versant de son œuvre, initiée au Caire au tournant des années 1870 avec ses pièces de théâtre, les premières comédies égyptiennes. En tant que publiciste, Ṣannûʿ inscrit son activité de journaliste dans la continuité de celle d’homme de théâtre ; elle prend le relais lorsque sa troupe est dissoute à la suite, soutient-il, de pressions politiques. James Sanua aime ainsi à se présenter en France comme le fondateur de la presse satirique et du théâtre arabes égyptiens. Dès 1879, il est mentionné sur la première page d’Abû Naẓẓâra, en accompagnement du titre : al-ustâḏ Jâms Sânûwa al-miṣrî muʾassis al-tyâtriât al-ʿarabiyya fî al-dyâr al-miṣriyya (Professeur James Sanua l’égyptien fondateur du théâtre arabe en terre égyptienne) . Ces affirmations sont, pour qui connaît le personnage et a lu ses œuvres, à nuancer ; néanmoins, l’objectif de cette recherche sera également de faire la lumière sur les liens, chez Ṣannûʿ, entre la figure du publiciste et celle d’homme de théâtre.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE
YAʿQÛB ṢANNÛʿ – ABÛ NAẒẒÂRA, DU THEATRE A LA PRESSE : UNE FIGURE SINGULIERE DE LA NAHḌA
INTRODUCTION
CHAPITRE I. PRESSE ET THEATRE EN EGYPTE DANS LA DEUXIEME MOITIE DU XIXE SIECLE
1) LA PRESSE
1.1 Débuts et essor de la presse égyptienne jusqu’en 1877
1.2 La presse en Egypte de 1877 à la révolution urabiste
1.3 La législation de la presse en Egypte
1.4 La presse égyptienne exilée à Paris : réseaux et influences
1.5 La question de la lecture et du lectorat de la presse égyptienne
2) LE THEATRE
2.1 Les origines du théâtre égyptien moderne
2.2 Définition des termes
2.3 Les performances spectaculaires antérieures
2.4. La naissance du théâtre égyptien moderne
2.5 Les pionniers du théâtre égyptien en langue arabe
2.6 Les difficultés du théâtre arabe naissant face au projet khédivial
2.7 Continuité et discontinuité des lieux, des pratiques et des publics
3) LES RELATIONS ENTRE LA PRESSE ET LE THEATRE ARABES EN EGYPTE AU XIXEME SIECLE
3.1 Un projet réformateur commun
3.2 Le statut du texte
3.3 La presse au théâtre, le théâtre dans la presse
3.4 La presse comme support et continuité du projet théâtral
CHAPITRE II. YAʿQÛB ṢANNÛʿ : UNE FIGURE CONTROVERSEE
1. LES SOURCES SUR LA VIE DE ṢANNU
1.1 Les écrits de Ṣannûʿ
1.2. Les témoignages des contemporains de Ṣannûʿ
2) LES ZONES D’OMBRES ET LA CONTROVERSE AUTOUR DE ṢANNUʿ
2.1 Un pionnier ou un imposteur ?
2.2 La question de sa judéité
3. LA BIOGRAPHIE DE YAʿQUB ṢANNUʿ
3.1 Sa naissance et sa formation intellectuelle
3.2 L’enseignant
3.3 Le dramaturge
3.4 Ses sociétés secrètes, la Franc-maçonnerie et ses débuts dans le journalisme
3.5 Un publiciste oriental parisien
4) SES IDEES
4.1 Sa vision politique
4.2 La Franc-maçonnerie et les sociétés secrètes
CONCLUSION
DEUXIEME PARTIE
ABÛ NAẒẒÂRA DE 1878 A 1882
INTRODUCTION
CHAPITRE I. L’ACTUALITE EGYPTIENNE DE 1878 A 1882
1) LA CRISE DE LA DETTE ET LA MISE SOUS TUTELLE FINANCIERE ET POLITIQUE DE L’EGYPTE
2) L’EXASPERATION DE LA POPULATION ET LA REVOLTE DE 1879
3) L’EMERGENCE DU MOUVEMENT CONSTITUTIONNALISTE
4) L’ABDICATION D’ISMAʿIL, LE DEBUT DU REGNE DE TAWFIQ ET L’INFLUENCE DE RYAḍ
5) L’ACTION DU PARTI NATIONAL ET LES PREMISSES DU MOUVEMENT URABISTE
6) LA PREMIERE CONSTITUTION EGYPTIENNE
7) LA MONTEE DES TENSIONS ET L’ENTREE EN JEU DES PUISSANCES ETRANGERES
8) L’AFFRONTEMENT MILITAIRE ET LA DEFAITE DE ʿURABI
CHAPITRE II. LE JOURNAL ABÛ NAẒẒÂRA DE 1879 A 1884
1) LE BAVARD EGYPTIEN, LE MOUSTIQUE ET L’OCCHIALINO
2) ABU NAẒẒARA ZARQA ( L’HOMME AUX LUNETTES BLEUES, 25 MARS 1878 – 18 MAI 1878)
3) RIḥLA ABI NAẒẒARA MIN MIṢR AL-QAHIRA ILA BARIZ AL-FAḪIRA (LE VOYAGE D’ABU NAẓẓARA DE LA
VILLE VICTORIEUSE DU CAIRE JUSQU’A PARIS LA GLORIEUSE, 7 AOUT 1878-13 MARS 1879)
4) ABU NAẒẒARA ZARQA ( L’HOMME AUX LUNETTES BLEUES, 21 MARS 1879 –DECEMBRE 1879)
5) AL-NAẒẒARAT AL-MIṢRIYYA (LES LUNETTES EGYPTIENS, 17 SEPTEMBRE 1879 – 7 MARS 1880)
6) ABÜ ṢAFFARA (LE FLUTISTE, 4 JUIN 1880 – 20 JUIN 1880)
7) ABU ZAMMARA (LA CLARINETTE, 17 JUILLET 1880 – 27 AOUT 1880)
8 AL-ḤAWI (LE CHARMEUR, SEPTEMBRE 1880 –MARS 1881)
9. ABU NAẒẒARA LISAN ḤAL AL-UMMA AL-MIṢRIYYA AL-ḤURRA (ABOU-NADDARA, ORGANE DE LA
JEUNESSE D’EGYPTE, MAI 1881- 30 DECEMBRE 1881)
9) ABU NAẒẒARA. LISAN ḤAL AL-ʾUMMA AL-MIṢRIYYA AL-ḤURRA (ABOU-NADDARA, ORGANE DE LA
JEUNESSE D’EGYPTE, 12 JANVIER 1882- 16 DECEMBRE 1882)
CHAPITRE III. LA VIE DU JOURNAL
1) LES CHANGEMENTS DE NOMS
2) LA QUESTION DE L’AUCTORIALITE
3) LES ASPECTS ET LES EVOLUTIONS FORMELS
4) LA FABRIQUE DU JOURNAL
5) LA DIFFUSION DU JOURNAL FACE A LA CENSURE
6) LE LECTORAT ET LA RECEPTION DU JOURNAL
7) LA VIE DE LA PRESSE AU MIROIR DE L’ABU NAẓẓARA
CONCLUSION GENERALE 

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