Wikimini, un outil pédagogique pour l’écriture de l’histoire

Pourquoi et comment faire écrire les élèves en classe d’histoire ?

L’écriture de l’histoire est une pratique redoutée des historiens. Peut-être parce qu’elle soulève de nombreux défis. Très sûrement parce qu’elle place la discipline historique face à ses limites, l’impossible quête de vérité. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si la question a tant interrogé les philosophes, de Michel Foucault à Paul Ricœur, et a été délaissée par bon nombre d’historiens. Il faut croire que l’histoire se fait avant de se dire.
Dans ses Douze leçons sur l’histoire, Antoine Prost soulève le problème. L’écriture de l’histoire est au cœur d’une tension épistémique, la plaçant « simultanément du côté du pensé et du vécu, parce qu’elle est, dit-il, la pensée du vécu. » (Prost, 1996, p. 275) De là surgit évidemment la question des mots, du langage, des représentations et de la mémoire. Et bien sûr, de notre rapport au réel. On comprend dès lors mieux pourquoi le sujet a tant fasciné les philosophes et repoussé les historiens. Car, après tout, n’est-ce pas la porte ouverte à la relativité du discours historique ? à la relégation de l’histoire au rang de simple discipline subalterne des sciences humaines ?
Des méthodistes à l’école des Annales, des historiens ont bien tenté d’y répondre en questionnant leur pratique, le dire historique ne devant ni échapper aux historiens eux-mêmes, ni devenir qu’une simple fiction, c’est-à-dire mise à la portée de tous. De la sacralisation du document à l’histoire-problème, la question n’a jamais été totalement résolue. Peut-elle l’être d’ailleurs ? Elle semble aujourd’hui prendre une tournure bien plus inédite, identitaire même, alors que l’enseignement et l’écriture de l’histoire devraient d’abord servir, comme le mentionne le Rapport sur l’écriture et l’enseignement de l’histoire commandé par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à « mettre en lumière les préjugés et les stéréotypes enracinés dans la mémoire collective. » (2013, p. 4) «L’histoire n’est pas plus proche du réel parce qu’elle parle de faits historiques», met en garde Michel de Certeau (1976) lors d’un entretien radiophonique sur ses publications. Elle est d’abord l’objet d’une fabrication savamment orchestrée par un historien qui se garde bien de dévoiler toute la machinerie cachée derrière son discours. Le problème n’est pas tant la relativité du discours, mais qui le fait et comment.

L’adaptation de la pédagogie par projet à l’enseignement de l’histoire

L’encyclopédie collaborative en ligne a cela d’exceptionnel qu’elle synthétise l’entier du faire historique : le qui, le quoi, le pourquoi et le comment. On pourrait même dire qu’elle concurrence directement le travail de l’historien par sa rapidité, sa gratuité et son accessibilité immédiate. Voilà qui en fait un outil pédagogique extrêmement précieux, comme le relève Christian Vandendorpe (2008), professeur à la faculté des lettres à l’université d’Ottawa, et grand défenseur de Wikipédia, qui souligne l’attitude critique que peut induire une bonne utilisation de la plateforme : Au lieu d’élever un pare-feu autour de Wikipédia, l’Ecole aurait tout intérêt à s’en servir comme d’un outil pédagogique. Outil d’éducation pour apprendre à respecter le bien public et à ne pas vandaliser des articles ; outil de formation à la lecture critique, surtout, afin d’apprendre à ne pas prendre pour argent comptant tout ce qui s’écrit : en vérifiant la présence de sources crédibles, en comparant divers états d’un article, en comparant la version française avec des versions rédigées dans d’autres langues, en faisant des recherches complémentaires dans d’autres sources, numériques ou imprimées. (p. 20)
L’impact pédagogique de l’utilisation de Wikipédia à l’école est indéniable, comme le relève Vandendorpe. Cette « entreprise d’éducation mutuelle » (2008, p. 22) conduit l’élève à écrire un texte qui transmet un savoir pour un large public, tout prenant part à un projet collectif qui le touche directement, étant lui-même utilisateur de la plateforme et devant de facto contributeur. Le modèle collaboratif né du principe wiki1 donne la possibilité à tout un chacun d’éditer un texte en ligne, du collégien au professeur d’université. Ce modèle est assurément un outil pédagogique pertinent pour élaborer un projet qui valorise l’élève et qui propose surtout un « produit socialisable » au bout de la séquence, une finalité que Michel Huber (2005) définit ainsi : Un projet c’est avant tout la réalisation d’un produit concret qui fera l’objet d’une socialisation extérieure au groupe formés/formateurs. Cette socialisation transformera l’environnement dans certaines de ses dimensions, sociale, économique, culturelle, politique selon la nature du projet. […] Cette entreprise en cas de réussite renforcera l’image de soi de chacun des acteurs et mettra en mouvement leurs représentations. (p. 19)
L’enseignement de l’histoire se justifie souvent comme un détour obligé pour comprendre le présent. Cette justification n’est pas fausse, bien qu’elle manque de consistance auprès des élèves. Rattacher une pratique historienne à une réalité concrète ne peut que renforcer le sens de l’enseignement de l’histoire dans leur esprit. La réalisation d’un tel projet devrait même modifier leur rapport au savoir, à en croire Huber (2005), qui explique l’importance de la « production concrète », du « « faire » [qui] rend indispensable la mobilisation des schèmes de pensée ou d’action, des réinvestissements créatifs souvent surprenants et l’élaboration de conduites nouvelles. » Et d’ajouter : « Le produit réalisé dans le projet doit avoir un impact sur l’environnement, qui apportera la preuve tangible de l’acquisition de savoirs, savoir-faire, savoir-être nouveaux. » (p. 51)

L’origine de la démarche de la séquence didactique

La démarche que nous avons choisie s’inspire de celle de Dolz, Noverraz et Schneuwly (2006) pour enseigner l’expression orale ou écrite en français.
Déclinée en quatre étapes :(mise en situation, production initiale, modules d’apprentissage et production finale), elle s’inscrit dans une approche générique du discours qui conçoit le texte comme « un ensemble de caractéristiques reconnaissables. »8 La démarche de Dolz, Noverraz et Schneuwly repose sur le postulat suivant : l’approche générique des texte s’enseigne. Ils le précisent en ces termes : Dans des situations semblables, on écrit des textes avec des caractéristiques semblables, qu’on peut appeler des genres de textes, connus et reconnus de chacun, et qui, par ce fait même, facilitent la communication. Une séquence didactique a précisément pour but d’aider l’élève à mieux maîtriser un genre de texte, lui permettant ainsi d’écrire ou de parler de manière plus adéquate dans une situation de communication donnée. (pp. 6-7)
Dans la démarche de Dolz, Noverraz et Schneuwly, la mise en situation permet de placer les élèves face à un problème communicationnel bien défini auquel ils devront répondre. Cette étape se rapproche de la situation-problème de l’apprentissage en projet développé par Huber (2005). Selon Huber, cette étape doit permettre « l’adhésion des formés » en impulsant une « dynamique » et en scellant «un contrat didactique». (p. 18) Cette dimension de « projet collectif » est également présente chez Dolz, Noverraz et Schneuwly (2006), afin de présenter aux élèves « toutes les informations nécessaires pour connaître le projet communicatif visé et l’apprentissage langagier qui y est lié. » (p. 8)
La production initiale « joue un rôle central de régulateur dans la séquence didactique tant pour les élèves que pour l’enseignant », note Dolz, Noverraz et Schneuwly (2006, p. 9). Elle est un révélateur des problèmes rencontrés pour les élèves et sert à clarifier les caractéristiques du genre abordé. Pour les enseignants, elle donne des indications sur les difficultés rencontrées par les élèves et permet de différencier, le cas échéant, les apprentissages. Chez Huber (2005), la production initiale n’est pas une étape aussi bien définie que chez Dolz, Noverraz et Schneuwly. En fonction de la nature du projet, l’activité se construit progressivement et se décline en « sous-projets », voire en « micros-projets », conduits parallèlement par des petits groupes d’élèves. (p. 62) Cette démarche permet de responsabiliser les élèves.
Les modules d’apprentissage imaginés par Dolz, Noverraz et Schneuwly portent sur des problèmes repérés par l’enseignant durant la production initiale. « L’activité de produire un texte écrit ou oral est en quelque sorte décomposée, notent les chercheurs, pour aborder un à un et de manière séparée ses divers éléments […]. » (pp. 9-10) Pour y arriver, ils s’inspirent de la psychologie du langage en distinguant quatre niveaux bien différents : « la représentation de la situation de communication » (en fonction du genre choisi), « l’élaboration des contenus » (les techniques de recherche d’informations), « la planification du texte » (le choix d’une structure appropriée) et « la mise en texte » (l’utilisation des fonctions langagières). Chacun de ces niveaux doit faire l’objet d’activités spécifiques que Dolz, Noverraz et Schneuwly classent en trois catégories : « les activités d’observation et d’analyse de textes » (modèles de référence), «les tâches simplifiées de production de texte » (travail sur une composante précise) et « l’élaboration d’un langage commun» (vocabulaire technique).

Production finale et publication sur Wikimini

La production finale est l’aboutissement de la séquence. Elle permet de vérifier si les apprentissages réalisés par les élèves sont acquis ou en voie d’acquisition. Elle fait l’objet d’une évaluation certificative dont la pondération des critères donne la possibilité de moduler les attentes en fonction des difficultés rencontrées et du niveau des élèves.
La production finale est planifiée sur quarante-cinq minutes, durée relativement brève afin d’éviter que les élèves ne se perdent dans l’analyse de leurs documents. Aussi, avons-nous informé les élèves de nos exigences et demandé que le travail soit fait en amont (connaissance du contexte, analyse des sources, etc.).
Activité 1 – production finale :Les élèves reçoivent un fascicule sur lequel nous avons prévu un emplacement spécial pour les notes de bas de page.
Les élèves sont conviés à améliorer leur production initiale, les consignes d’écriture restant les mêmes qu’au début de la séquence. Durant la rédaction, nous avons remis une grille d’évaluation reprenant tous les éléments travaillés durant les modules d’apprentissage afin que les élèves connaissent nos attentes. Activité 2 – sélection des articles :Dans l’esprit du modèle collaboratif qui régit la plateforme Wikimini, nous avons choisi d’organiser une délibération pour choisir les meilleurs textes d’élèves. Evidemment, il est également possible de former un article regroupant plusieurs parties de textes d’élèves. Après avoir corrigé les textes, nous avons choisi deux à trois textes de qualité par thème. En vue de présenter les textes aux élèves, nous les avons retranscrits en corrigeant les erreurs de syntaxe et d’orthographe.
En classe, nous avons présenté les textes sélectionnés et avons formé des groupes de lecteurs en fonction des thèmes étudiés. Les membres de chaque groupe ont dû discuter de la qualité des textes en reprenant les critères initiaux d’évaluation et en se posant les questions suivantes :
pertinence : le texte est-il un article encyclopédique qui cherche à faire comprendre un phénomène historique ?
exactitude : l’article fournit-il une explication en conformité avec le contexte historique étudié ? cohérence: la progression thématique est-elle cohérente ? complétude : l’article répond-il de manière exhaustive au problème posé ?
Au terme de la discussion, chaque groupe a élu le meilleur texte et présenté son choix au reste de la classe. Par principe, nous ne sommes pas intervenu dans le processus de décision. La sélection des textes s’est faite en amont, lors de l’évaluation. Même si les textes sont de qualité moyenne, et pour autant qu’il n’y ait pas des grossières erreurs historiques, nous avons décidé de les publier. Après tout, c’est aux utilisateurs de la plateforme, selon le principe wiki, de veiller à la qualité et à la justesse des textes.
Activité 3 – publication des articles sur Wikimini :Nous avons ouvert un compte unique sur Wikimini. Etant donné le temps à disposition, nous avons publié nous-mêmes les articles sélectionnés. Dans tous les cas, une séance en salle d’informatique est à prévoir pour que les élèves se familiarisent avec la plateforme, le but étant, in fine, qu’ils l’alimentent eux-mêmes.
Durant les semaines qui suivent, nous avons effectué un suivi des modifications et joué le rôle de modérateur pour prévenir tout acte malveillant.
Dans cette perspective, nous avons sensibilisé les élèves à la question du savoir-vivre sur de telles plateformes.

 

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Table des matières

1. Introduction 
2. Cadre théorique
2.1. Pourquoi et comment faire écrire les élèves en classe d’histoire ?
2.2. L’adaptation de la pédagogie par projet à l’enseignement de l’histoire
2.3. L’origine de la démarche de la séquence didactique
3. Démarche de recherche
3.1. Population, contexte, connaissances préalables
3.2. Définition du projet et objectifs d’apprentissage
3.3. Mise en situation
3.4. Production initiale
3.5. Module 1 : le contexte
3.6. Module 2 : l’article encyclopédique
3.7. Module 3 : les sources
3.8. Production finale et publication sur Wikimini
4. Présentation et discussion des résultats
4.1. Analyse du dispositif
4.2. Typologie des erreurs
4.3. Discussion des résultats
4.4. Pistes de rémédiation
5. Conclusion
Annexes
A. Apprendre en projet
B. Schéma de la séquence didactique
C. Plan de la séquence
D. Texte de J.
E. Texte de D.
F. Texte de L.
G. Texte de Y.
H. Texte de N.
I. Publication sur Wikimini
Fiches d’activité 
Fiche 1 Mise en situation
Fiche 2a Production initiale
Fiche 2b Production initiale
Fiche 2c Production initiale
Fiche 3 Module 1
Fiche 4 Module 1
Fiche 5 Module 1
Fiche 6 Module 2
Fiche 7 Module 2
Fiche 8 Module 3
Fiche 9 Module 3
Fiche 9_Maître Module 3
Fiche 10 Production finale
Fiche 11 Production finale
Bibliographie
Littérature secondaire
Sites Internet

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