INCORPORATION DES IONS DE TERRES RARES DANS LES VITROCERAMIQUES MASSIVES

Les matériaux à base de silice dopés avec des ions de terres rares (TR) ont été étudiés et utilisés depuis 40 ans dans une variété d’applications photoniques, telles que les lasers [1, 2], les amplificateurs [3, 4] ou les convertisseurs de fréquences [5]. Cependant, la silice pure n’est généralement pas un verre hôte approprié pour le dopage par des ions actifs en raison de la faible solubilité de ces dopants. Dans la silice en effet, les ions ont tendance à se regrouper en agrégats, même à une faible concentration, conduisant à des phénomènes d’extinction de luminescence (quenching). Par exemple, l’interaction Er3+-Er3+ devient significative dans la silice à une concentration aussi faible que 100 ppm [6]. Il en résulte une réduction du rendement de luminescence due à des transferts d’énergie entre les ions, ce qui entraîne des relaxations non-radiatives. Ce problème n’est pas encore crucial dans les fibres optiques (par exemples les amplificateurs EDFA) où la faiblesse du dopage peut être compensée par la longueur de fibre. Néanmoins, afin d’envisager des composants optiques plus compacts, une forte concentration en ions de TR est requise [1, 7-9]. Dans ce contexte, les matériaux vitrocéramiques apparaissent comme de très bons candidats pour réaliser des guides d’onde optiques fortement dopés. Associant une matrice vitreuse avec des nanoparticules cristallines, ces matériaux présentent les avantages combinés des deux composantes: la matrice de silice fournit la transparence optique requise, tandis que les nanocristaux (NCs) empêchent l’agrégation de ces ions à haute concentration. Qui plus est, dans certaines conditions, la présence de NCs semi-conducteurs améliore l’efficacité de la luminescence de ces ions via un transfert d’énergie depuis les NCs vers ces ions, ce qui peut compenser une faible section efficace d’absorption des transitions f-f au sein des TR [10]. Ce phénomène de transfert est souvent appelé « sensibilisation de la TR ».

La transition électronique de l’ion trivalent d’erbium qui donne lieu à une émission de lumière autour de la longueur d’onde 1540nm attire l’attention car elle coïncide avec la bande d’absorption optique minimale des fibres optiques à base de silice. La région spectrale au voisinage de cette longueur d’onde correspond à la troisième fenêtre des télécommunications. Les bandes d’absorption des ions Er3+ sont très fines. Afin d’exciter ces ions, il est nécessaire d’utiliser une source d’excitation monochromatique très stable : les modules de pompage des fibres dopées Er3+ dans les EDFA sont généralement des diodes laser stabilisées en température, ce qui rend le montage lourd et coûteux. Un des enjeux majeurs du co-dopage par des NCs et des ions de TR est donc de profiter d’une sensibilisation efficace de la TR de manière à employer de simples diodes électroluminescentes dans les modules de pompage, l’excitation des semi-conducteurs étant large bande. L’oxyde d’étain SnO2 est transparent dans une large gamme de longueurs d’onde. Il est considéré comme un semi-conducteur à bande interdite large (Eg = 3.6eV à 300K). Ce gap peut encore être augmenté dans les NCs par l’effet du confinement quantique. En outre, SnO2 a une énergie de coupure des phonons relativement faible (à 630 cm-1), ce qui réduit la probabilité des transitions non radiatives des états excités. Les NCs de SnO2 peuvent être excités par une large gamme de sources lumineuses dans l’UV telles que des lasers, des diodes ou des lampes à arc. Ainsi, une vitrocéramique à base de silice et de dioxyde étain fait une matrice-hôte de choix pour la plupart des ions actifs. Cependant, selon la littérature, la concentration en SnO2 demeure limitée à 8% molaire dans les silicates massifs [11] et à 25% molaire pour les couches minces [12]. En outre, l’effet d’une augmentation de la concentration en SnO2 et en Er3+ sur la forme du spectre de luminescence dans la région de 1.5 µm et sur la durée de vie du niveau 4 I13/2 de Er3+ n’a pas été discuté. Enfin, le mécanisme de transfert d’énergie des NCs de SnO2 vers les ions de terres rares est encore un sujet de controverses.

MATERIAUX OPTIQUES ELABORES PAR PROCEDE SOL-GEL ET TECHNIQUES DE MESURE UTILISEES 

Le procédé sol-gel 

Le procédé met en jeu un sol qui évolue vers un gel via un processus de gélification. Il existe deux voies de synthèse sol-gel qui sont [1]:
– Voie inorganique ou colloïdale: obtenue à partir de sels métalliques (chlorures, nitrates, oxychlorures…) en solution aqueuse. Cette voie est peu chère mais difficile à contrôler. C’est pourquoi elle est encore moins utilisée. Toutefois, c’est la voie privilégiée pour obtenir des matériaux céramiques et des nanoparticules métalliques, oxydes et sulfures.
– Voie métallo-organique ou polymérique: obtenue à partir d’alkoxydes métalliques dans des solutions organiques. Cette voie est relativement coûteuse mais permet un contrôle assez facile de la granulométrie. Dans le cadre de ce travail, nous avons combiné ces deux voies en élaborant les vitrocéramiques SiO2-SnO2. La première étape de la synthèse consiste en l’élaboration d’une solution (appelée sol), puis en la formation d’un gel par polymérisation. Le tétraéthoxysilane (TEOS) est le précurseur de silice, alors que le chlorure d’étain (SnCl2.2H2O) est utilisé comme le précurseur des cristaux de SnO2.

Réactions chimiques et cinétique 

En présence de molécules d’eau, les alkoxydes métalliques M(OR)n (où M désigne un atome métallique ou un métalloïde de valence, n et R une chaine alkyle (CnH2n+1)) subissent des réactions d’hydrolyse et de condensation. Lors de la réaction d’hydrolyse, il y a substitution d’un groupe alkoxy (OR) par un groupement hydroxyl (OH), qui s’accompagne de la libération d’une molécule d’alcool. Les alkoxydes de silicium réagissent très lentement avec l’eau, et sont d’ailleurs indéfiniment stables en l’absence d’eau. C’est pourquoi, la synthèse de gels de silice requiert une étape d’hydrolyse. Les précurseurs commerciaux les plus répandus sont les tétraméthoxyet tétraéthoxysilanes (en abrégé TMOS et TEOS respectivement). Les alkoxydes de silicium étant non miscibles dans l’eau, on utilise un co-solvant (généralement un alcool parent de l’alkoxyde) pour effectuer la réaction.

L’hydrolyse d’un alkoxyde de silicium peut s’écrire :
Si(OR)4 + H2O → (HO)-Si(OR)3 + ROH (I-1)

L’hydrolyse est partielle ou totale selon la quantité d’eau et d’acide. Lorsqu’il est plus juste de rendre compte de la poursuite de l’hydrolyse à tous les groupements du précurseur, on écrira :
Si(OR)4 + 4H2O → Si(OH)4 + 4ROH (I-2)

Après cette première substitution, la réaction de condensation établit des pontages via les atomes d’oxygène, conduisant à la formation d’un réseau tridimensionnel. Les premières étapes de la condensation conduisent à la formation de dimères suivant deux processus avec une libération d’eau ou d’alcool : La déshydratation :
(OR)3-Si-(OH) + (OH)-Si-(OR)3 → (OR)3-Si-O-Si-(OR)3 + H2O (I-3)

La désalcoolisation:
(OR)3-Si-(OR) + (OH)-Si-(OR)3 → (OR)3-Si-O-Si-(OR)3 + ROH (I-4)

Les réactions de condensation successives conduisent à la polymérisation du précurseur hydrolysé .

Paramètres influençant la vitesse de réaction 

La structure finale du gel et ses propriétés dépendent des réactions d’hydrolyse et de condensation des précurseurs. Néanmoins, certaines caractéristiques pourront être modifiées au cours des étapes suivantes (dépôt, séchage, recuit). Les cinétiques relatives de l’hydrolyse et de la condensation, responsables de la croissance des amas polymériques qui engendrent le réseau, vont imposer les caractéristiques du gel obtenu. Ces vitesses de réaction dépendent de plusieurs paramètres dont il faudra tenir compte lors de la mise en œuvre du procédé :
– La température : c’est le premier paramètre à considérer, qui intervient dans toute réaction chimique. Dans notre cas, elle a une influence sur les vitesses d’hydrolyse et de condensation dès la préparation du sol, puis pendant le vieillissement ou le stockage. Plus elle est élevée, plus les réactions sont rapides.
– Le type et la concentration de l’alkoxyde : ce choix se fait en fonction de la réactivité de l’alkoxyde (ou précurseur) et du type d’échantillon que l’on veut élaborer. La concentration dans le sol, quant à elle, est surtout importante lors de la condensation : plus elle est faible, plus les molécules aptes à se lier sont éloignées les unes des autres, ce qui retarde les réactions.
– Le solvant : les alkoxydes sont généralement peu ou pas miscibles dans l’eau. Il est donc nécessaire de mélanger ces précurseurs, l’eau (et éventuellement le catalyseur) dans un solvant commun. Il est alors préférable d’utiliser comme solvant l’alcool correspondant au ligand –OR de l’alkoxyde, ceci afin d’éviter d’éventuelles réactions entres les différents composants susceptibles de modifier les cinétiques de réaction. Le sol de départ est donc généralement une solution alcoolique. Le choix du solvant est également dicté par des impératifs de procédé (facilité de séchage sans fissures), par la possibilité d’éviter une toxicité éventuelle, enfin par des contraintes environnementales (émission de composés organiques volatils).
– Le choix du catalyseur : l’étape d’hydrolyse étant très lente avec l’eau pure, on ajoute toujours un catalyseur, qui peut être un acide ou une base. En effet, les ions H3O + et OHn’ont pas la même influence sur les deux types de réaction.

✔ Le cation H3O+ , attiré par l’oxygène, facilite la substitution des groupes OR. Un pH acide accélère donc l’hydrolyse. Un fort taux d’hydrolyse (pH acide) favorise la croissance du réseau et conduit à une solution polymérique. Sous catalyse acide, qui est la voie de synthèse la plus rapide, le gel formé est appelé « gel polymérique » : on obtient après gélification une structure dense .

✔ L’anion OH- , attiré par le métal M électronégatif, privilégie la formation de liaison MO-M par condensation. Un taux faible d’hydrolyse (pH basique) favorise plutôt la nucléation et conduit à la formation d’une solution colloïdale. Dans le cas de la catalyse basique, la taille des pores est contrôlable (contrairement à la catalyse acide). Le gel formé est appelé « gel colloïdal » et possède une structure à larges pores (clusters).

Par exemple, l’hydrolyse des alkoxydes de silicium permettant la synthèse de la silice SiO2, qui se produit dans un milieu soit acide soit basique, donne des produits totalement différents. En milieu acide, on obtient une structure polymérique en chaîne qui conduit à la formation d’une structure relativement dense, tandis qu’en milieu basique on forme des particules colloïdales qui donnent une structure de gel poreux.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I : MATERIAUX OPTIQUES ELABORES PAR PROCEDE SOL-GEL ET TECHNIQUES DE MESURE UTILISEES
I.1. Le procédé sol-gel
I.1.1. Réactions chimiques et cinétique
I.1.2. Mise en forme
I.1.3. Avantages et inconvénients du procédé sol-gel
I.2. Les vitrocéramiques
I.2.1. Méthodes d’élaboration des vitrocéramiques
I.2.1.1. Synthèse par dévitrification des verres
I.2.1.2. Synthèse par chimie douce
I.2.2. Propriétés des vitrocéramiques et domaines d’application
I.2.2.1. Propriétés mécaniques des vitrocéramiques
I.2.2.2. Propriétés thermomécaniques des vitrocéramiques
I.2.2.3. Propriétés optiques des vitrocéramiques
I.3. Guides d’onde planaires
I.3.1. Définition
I.3.2. Equation de dispersion
I.3.3. Excitation des modes guidés : le couplage
I.3.3.1. Le couplage par la tranche
I.3.3.2. Le couplage par biseau
I.3.3.3. Le couplage par réseau de diffraction
I.3.3.4. Le couplage par prisme
I.4. Techniques de caractérisation des matériaux massifs et des couches minces optiquement guidantes
I.4.1. Porosimétrie par adsorption-désorption de gaz
I.4.1.1. Isothermes d’adsorption-désorption
I.4.1.2. Détermination des aires spécifiques
I.4.1.3. Détermination de la distribution de taille des mésopores
I.4.1.4. Dispositif de mesure
I.4.2. Analyse structurale et morphologique
I.4.2.1. Diffraction de rayons X
I.4.2.2. Etat de surface de films minces : Microscopie à Force Atomique (AFM)
I.4.2.3. Morphologie de nanoparticules : Microscopie électronique en transmission (MET)
I.4.2.4. Spectroscopie de diffusion Raman
I.4.2.4.1. Principe de la spectroscopie de diffusion Raman
I.4.2.4.2. Spectroscopie de diffusion Raman en configuration guidée
I.4.2.5. Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (IRTF)
I.4.2.6. Spectroscopie des lignes noires (ou M-lines)
I.4.2.7. Spectroscopie de photoluminescence
I.4.2.7.1. En régime continu : Spectre d’émission
I.4.2.7.2. En régime d’impulsions : durée de vie
I.5. BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE 2 : XEROGELS MASSIFS ET CERAMIQUES DE SILICE CONTENANT DE FORTES CONCENTRATIONS EN OXYDE D’ETAIN
II.1. ELABORATION DES MATERIAUX MASSIFS (100-x)SiO2-xSnO2
II.1. Synthèse du sol
II.1.2. Vieillissement et séchage
II.1.3. Densification des gels par traitement thermique
II.2. STRUCTURE ET TEXTURES DES SYSTEMES VITROCERAMIQUES
II.2.1. Identification des phases
II.2.1.1. Etude par diffraction des rayons X
II.2.1.2. Etude par analyse sous microscope MET
II.2.1.3. Etude par spectroscopie Raman et IRTF
II.2.2. Détermination de la morphologie et de la taille des cristaux
II.2.2.1. Estimation de la taille des cristaux par diffraction des rayons X
II.2.2.2. Analyses des images MET
II.2.2.3. Exploitation des spectres Raman basses fréquences pour la détermination de la taille des cristallites
II.2.3. Etude cinétique de la densification des xérogels massifs
II.2.3.1. Influence de la température de recuit
II.2.3.1.1. Caractérisation par spectroscopie Raman
II.2.3.1.2. Caractérisation par spectrométrie IRTF
II.2.3.1.3. Caractérisation par BET
II.2.3.2. Influence de la concentration de SnO2
II.2.3.2.1. Caractérisation par spectroscopie Raman
II.2.3.2.2. Caractérisation par IRTF
II.2.3.2.3. Caractérisation par BET
II.3. CONCLUSION
II.4. BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE III : INCORPORATION DES IONS DE TERRES RARES DANS LES VITROCERAMIQUES MASSIVES
III.1. INFLUENCE DE LA TERRE RARE SUR LA STRUCTURE DES GELS
III.1.1. Etude par spectroscopie Raman
III.1.2. Etude par IRTF
III.2. SPECTROSCOPIE D’EMISSION DES IONS DE TERRES RARES
III.2.1. Propriétés optiques des ions de terres rares dans une matrice
III.2.2. Exemple de Eu3+ dans les matrices massives SiO2-SnO2
III.2.3. Exemple de Er3+ dans les matrices massives SiO2-SnO2
III.2.3.1. Luminescence de l’Er3+ dans le domaine infrarouge
III.2.3.1.1. Caractérisation par spectroscopie d’absorption UV-Visible et proche Infrarouge
III.2.3.1.2. Caractérisation par spectroscopie de luminescence
III.2.3.2. Mesure de durée de vie
III.2.3.2.1. Influence de la température de recuit
III.2.3.2.2. Influence de la concentration en Er3+
III.2.3.2.3. Influence de la concentration en SnO2
III.3. SENSIBILISATION D’IONS DE TERRES RARES PAR LES NANOPARTICULES DE SnO2
III.3.1. Phénomènes de sensibilisation et codopage
III.3.1.1. Interaction dipôle-dipôle
III.3.1.2. Interaction de type échange
III.3.1.3. Etat de l’art
III.3.2. Mise en évidence du transfert d’énergie par spectroscopie d’émission et spectroscopie d’excitation
III.3.2.1. EUROPIUM
III.3.2.2. ERBIUM
III.4. CONCLUSION
III.5. BIBLIOGRAPHIE
CONCLUSION

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