Vers une dégradation des conditions de séjour des étrangers « indésirables »

L’AIDE AU RETOUR

L’aide au retour est un programme national comprenant un ensemble de mesures dont le but est de permettre à certaines catégories de personnes relevant du domaine de l’asile mais aussi de LEtr dans les cas de victimes ou témoins de la traite et des artistes de cabaret en situation d’exploitation, de bénéficier de prestations financières en vue de leur retour volontaire et de leur réintégration dans leur pays d’origine. Depuis son institutionnalisation dans les années 90, l’aide au retour est devenue un élément indispensable de la stratégie des autorités fédérales en matière de retour (Estelli, 2015 :3) et le retour volontaire est aujourd’hui représentatif d’enjeux et d’intérêts politiques et économiques importants. Pour les gouvernements européens, le retour volontaire représente une alternative favorable aux renvois forcés, et cela pour plusieurs raisons. Premièrement, celui-ci offre un avantage « pratique » non négligeable pour les autorités en rendant possibles des retours qui ne l’auraient pas été de manière forcée. En effet, de nombreux obstacles rendent parfois difficile l’exécution des renvois dits forcés2. Parmi les plus courants on compte l’obtention des documents nécessaires au voyage3 ainsi que le respect du principe de non-refoulement dans le cas où la personne court un risque sérieux d’être soumise à la torture ou de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays de retour. Afin d’éviter d’être confrontées à ces obstacles parfois insurmontables et de pouvoir procéder au renvoi des personnes concernées, les autorités fédérales ont mis sur pied différents outils qui déploient leurs effets au-delà des frontières nationales et européennes mais aussi à la limites de celles-ci et sur le territoire national, tels que les accords de réadmission, les partenariats migratoires, les accords de transit, et l’aide au retour.

Au niveau politique, le retour volontaire permet donc un meilleur dialogue concernant les conditions de réadmission et améliore les possibilités d’accords avec les pays d’origine en augmentant ainsi les chances d’obtenir les documents nécessaires au retour de la personne. Le retour volontaire assure également une collaboration avec la personne concernée et donne ainsi une vision plus « humaine » des autorités et permet une meilleure acceptation de celui-ci auprès de l’opinion publique et des groupes de défense des droits de l’Homme. De plus, au niveau économique, un retour volontaire coûte proportionnellement moins cher du fait des coûts importants des mesures de contraintes et des dispositifs sécuritaires nécessaires à l’exécution d’un renvoi forcé. Cependant, malgré ces nombreux avantages, l’aide au retour est susceptible de rencontrer certains problèmes au niveau de sa mise en oeuvre du fait notamment de la grande variété de buts qu’elle prétend atteindre et le manque de cohérence qui en découle ainsi que de la variété des facteurs influençant la volonté et les possibilités de retour des personnes concernées (Piguet et al. 2004).

Petit historique et quelques chiffres de l’aide au retour en Suisse

Les différents programmes d’aide au retour mis en place depuis une trentaine d’années s’inscrivent dans des contextes politiques et historiques particuliers. À la fin des années 80, après la guerre froide, les premiers programmes d’aide au retour sont mis sur pied pour les personnes ayant fui les régimes communistes. En Suisse, c’est aussi durant cette période que les décisions d’asile positives diminuent et que le nombre de personnes qui « disparaissent » et passent dans l’illégalité dépasse le nombre de départs contrôlés (Piguet et al, 2000). Cette situation couplée aux importantes difficultés rencontrées dans le renvoi des requérants d’asile déboutés pousse la Confédération à créer une aide au retour et c’est ainsi qu’émergent les premières réflexions concernant l’encouragement des retours volontaires. Au début des années 90, un concept d’aide au retour est créé par l’ODR (actuel SEM) mais celui-ci ne rencontre pas les résultats attendus et reste longtemps au stade de projet pilote. Il faudra attendre la fin de la guerre des Balkans à la fin des années 90 pour que les premiers véritables programmes d’aide au retour efficaces apparaissent. En 1993, le premier concept suisse d’aide au retour voit le jour et, en 1997, l’aide au retour est appliquée à l’ensemble des requérants d’asile.

En 1999 la section « aide au retour » est créée à l’ODR (actuel SEM) et en 2002, l’aide au retour prend une autre dimension avec la signature par la Suisse des ALCP qui implique une coordination avec les autres Etats signataires. Celle-ci devient alors plus flexible et une aide complémentaire pour la réintégration (RAS) fait son apparition. En 2008, d’autres changements apparaissent avec l’introduction de l’accès de personnes relevant du droit des étrangers à l’aide au retour ainsi qu’aux NEM (non-entrée en matière) et au nouvel objectif de certains programmes de participer à la prévention de la migration irrégulière. En 2008 et 2009, deux cantons romands, Vaud et Genève, mettent en place une aide au retour cantonale destinée aux sans-papiers suite au constat de l’augmentation de du nombre de personnes sans statut de séjour légal4 qui souhaitaient regagner leur pays d’origine mais manquent de moyens pour y parvenir. Depuis un certain nombre d’années, l’aide au retour se dirige dans le sens d’une individualisation de l’information, du conseil et de l’assistance matérielle des personnes concernées dans le cadre du « case management » ainsi que vers un élargissement des groupes cibles.

Actuellement, la mise en place de la politique d’aide au retour est gérée par le SEM en collaboration avec la Direction du développement et de la coopération (DDC), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ainsi qu’avec les services cantonaux qui assurent les services-conseils en vue du retour. Cependant, dans la restructuration du domaine de l’asile en cours, les centres fédéraux d’enregistrement disposeront également de bureaux de conseil en vue du retour et dans ces cas, les conseils à l’aide au retour relèvera alors de la compétence de la Confédération. Cette évolution va dans le sens d’une redistribution des compétences cantonales à la Confédération et occasionne ainsi une certaine perte de compétences des cantons dans ce domaine. Cette diminution des compétences cantonales se traduit déjà depuis le début des phases test d’accélération des procédures en janvier 2014 par une diminution du nombre de cas attribués aux cantons. En effet, selon les chiffres du SEM, alors qu’en 2013 3’478 personnes ont effectué un retour volontaire contrôlé5, en 2014 ce nombre est descendu à 2’711 et parmi celles-ci 1990 personnes seulement ont bénéficié de l’aide au retour pour une moyenne de 166 personnes par mois. Parmi celles-ci, 922 ont effectué ce retour depuis les centres d’enregistrements et de procédures, 883 avec l’aide au retour individuelle et 88 personnes sont parties dans le cadre des programmes à l’étranger. De plus, 97 personnes ont bénéficié de consultation et d’une organisation du départ dans le canton et sans aide financière, par exemple uniquement avec une aide médicale. Il n’existe malheureusement pas de statistiques cantonales permettant de comparer le nombre de bénéficiaires de l’aide au retour par canton. Du fait de notre recherche, nous avons cependant pu avoir accès aux statistiques concernant le canton de Vaud, que nous présenterons dans la troisième partie de ce travail.

Bases juridiques de l’aide au retour

Plusieurs textes de loi en Suisse font référence à l’aide au retour et permettent de définir le cadre et les conditions de déploiement de celle-ci ainsi que ses limites. L’article 93 de la Loi sur l’asile (réf. Annexe 1) concernant l’aide au retour et la prévention de la migration irrégulière définit la participation financière de la Confédération à la fois aux CVR mais aussi aux projets individuels, à des programmes à l’étranger ou encore aux frais médicaux. Le chapitre 6 de l’Ordonnance 2 sur l’asile relatif au financement (OA 2) intitulé aide au retour et réintégration (articles 62 à 78) définit les buts de l’aide au retour, les bénéficiaires et les limitations d’octroi, mais aussi le rôle et les compétences des CVR, les montants des subventions allouées aux cantons, ainsi que les généralités des programmes à l’étranger et de l’aide individuelle (réf. Annexe 2). La directive 4 du SEM concernant l’aide au retour et à la réintégration (réf. Annexe 3) se base sur les deux lois citées précédemment et en reprend les principaux éléments en développant de manière plus détaillée certains aspects. L’article 60 de la section 1 « Aide au retour et à la réintégration » du chapitre 10 « Fin du séjour » de la LEtr règle le cas des personnes relevant du droit des étrangers (réf. Annexe 4).

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Table des matières

REMERCIEMENTS
RESUME
TABLE DES MATIERES
ABREVIATIONS
1. INTRODUCTION
1.1 CHOIX ET DELIMITATION DU SUJET
1.2 INTERET ET BUT DE LA RECHERCHE
1.3 STRUCTURE DU TRAVAIL
PREMIERE PARTIE
2. MISE EN CONTEXTE
2.1 L’AIDE AU RETOUR
2.1.1 Petit historique et quelques chiffres de l’aide au retour en Suisse
2.1.2 Bases juridiques de l’aide au retour
2.1.3 Les bénéficiaires de l’aide au retour
2.1.4 Objectifs de l’aide au retour
2.1.5 Structure de l’aide au retour
2.1.6 Montants de l’aide au retour
2.2 RÔLE ET FONCTIONNEMENT DES CVR
2.2.1 Rôle
2.2.2 Tâches
2.2.3 Financements
2.3 LA POLITIQUE SUISSE EN MATIERE DE RENVOIS
2.4 LE SYSTÈME D’ASILE EN SUISSE
2.4.1 Vers une dégradation des conditions de séjour des étrangers « indésirables »
2.4.2 Une procédure d’asile entre compétences fédérales et cantonales
Table des matières
3. ETAT DES CONNAISSANCES
3.1 SOURCES D’INFORMATIONS ET ETAT DE LA LITTERATURE
3.1.1 Sources informatives en Suisse et en Europe
3.1.2 Littérature scientifique en Suisse et en Europe
3.1.2.1 Question de définitions et de points de vue
3.2 UN SUJET D’ACTUALITE FORTEMENT POLITISE MAIS PEU CONNU ET MAL DOCUMENTE
DEUXIEME PARTIE
4. PROBLEMATIQUE
4.1 QUESTIONS DE RECHERCHE
TROISIEME PARTIE
5. CADRE THEORIQUE
5.1 DEFINITION DE L’OBJET D’ETUDE ET CHOIX D’UNE APPROCHE
5.2 LE PROCESSUS DE DECISION
5.3 L’ETUDE DES ADMINISTRATIONS
5.3.1 Street-level bureaucrats, pouvoir discrétionnaire et marge de manoeuvre
5.3.2 Le processus de décision dans le domaine de l’asile
6. METHODOLOGIE
6.1 UNE APPROCHE
6.2 UN TERRAIN
6.2.1 Choix du terrain, accès et échantillonnage
6.2.2 Structure et collaborateurs
6.2.3 L’aide au retour du canton de Vaud en chiffres
6.3 ET DES METHODES
6.3.1 Récolte de données
6.3.2 Utilisation des données
6.3.3 Analyse de données
6.4 REFLEXIVITE SUR MA POSITION DE CHERCHEUSE
QUATRIEME PARTIE
7. RESULTATS ET ANALYSE
7.1 LE CANTON DE VAUD ET LE CONTEXTE ACTUEL DE L’ASILE : DES ELEMENTS PARTICULIERS A PRENDRE EN COMPTE
7.1.1 L’ « exception vaudoise » : des spécificités en matière de renvois
7.1.2 Le CVR du canton de Vaud
7.1.2.1 L’aide au retour cantonale
7.1.3 Actualités dans le domaine de l’asile : changements dans la répartition des compétences
7.2 LA DECISION D’OCTROI DE L’AIDE AU RETOUR : UN PROCESSUS COMPLEXE ET MULTIFACTORIEL
7.2.1 La décision d’entrée en matière concernant l’octroi d’une aide au retour
7.2.1.1 Vérification de la conformité de la situation du demandeur aux critères légaux d’octroi de l’aide au retour
7.2.1.2 Vérification des conditions d’octroi et des clauses d’exclusion
7.2.2 Définir le montant de l’aide
7.2.2.1 Dispositions légales et exceptions possibles
7.2.2.2 La volonté de rentrer
7.2.2.3 La confiance : une condition sine qua non d’un projet de réintégration durable
7.2.2.4 Le récit : entre cohérence, vulnérabilité et doutes
7.2.2.5 Justification de l’aide octroyée : l’objectivation des pratiques
7.2.2.6 Réalisme du projet : recherche d’informations, travail en réseau et négociations
7.2.3 Des situations de plus en plus complexes et des personnes de plus en plus vulnérables
CINQUIEME PARTIE
8. DISCUSSION DES RESULTATS
9. CONCLUSION
10. BIBLIOGRAPHIE
11. ANNEXES

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