Vers une critique de la raison quantique

Après le rejet de la philosophie transcendantale comme outil indispensable à l’analyse de l’activité de la science contemporaine tant de la part de philosophes empiristes, profondément marqués par le mouvement du Cercle de Vienne , que de celle de philosophes réalistes, d’inspiration popperienne , un ensemble de publications a à nouveau mis en évidence ces dernières années les conditions transcendantales des théories physiques, et plus particulièrement de la mécanique quantique. Quelques tentatives d’étendre la fécondité de la philosophie transcendantale dans le domaine de la physique contemporaine avaient été déjà faites par des philosophes néo-kantiens comme Grete Hermann, Ernst Cassirer ou Carl Friedrich von Weizsäcker. Néanmoins des nouvelles approches sont ancrées de manière plus approfondie dans les débats récents relatifs à la philosophie de la mécanique quantique . Par ailleurs, l’analyse transcendantale du principe de complémentarité de N. Bohr, qui a prétendu donner une solution au paradoxe suscité par l’usage des concepts classiques dans le domaine de la microphysique, s’avère, à notre avis, une voie fertile surtout pour mieux comprendre la place du langage ordinaire dans la structuration de la physique contemporaine. Savoir si la mécanique quantique, et plus précisément l’interprétation de Copenhague de celle-ci, a établi de nouvelles conditions a priori de la connaissance de la physique quantique est une question controversée. Il n’y a pas de consensus entre les interprètes qui caractérisent la pensée de Bohr et de Heisenberg tantôt comme empiriste, parfois instrumentaliste ou opérationnaliste, tantôt comme transcendantaliste. Cette liste n’est pas du tout exhaustive. Pour P. Mittelstaedt, par exemple, Bohr est le premier représentant de l’empirisme de D. Hume dans la mécanique quantique:

En principe il y a deux manières possibles de réagir à la discordance entre les arguments transcendantaux et la mécanique quantique. La première permettrait de restreindre l’aspect physique à la donnée observée et aux résultats de mesure afin d’éviter les inconsistances mentionnées. Cette approche correspond à l’empirisme de David Hume ou au positivisme d’Ernst Mach et c’est Niels Bohr le premier qui l’a appliquée à la mécanique quantique. Ce raisonnement, qui a été développée par la suite par G. Ludwig, conduit à une description consistante des résultats de mesure sans aucune référence aux objets et à leurs propriétés.

La deuxième essayerait de résoudre les inconsistances d’une manière différente et d’interpréter aussi la mécanique quantique en termes d’objets et de leurs propriétés. Cette entreprise remonte à Heisenberg et a été discutée après par G. Hermann, C. F. v. Weizsäcker, E. Cassirer parmi d’autres .

Pourquoi Kant ? 

Le thème que nous nous proposons de discuter à partir de Kant se situe à la frontière délicate entre deux domaines particuliers : science et philosophie. Nous allons parler d’un lieu peu délimité d’où surgit le discours sur la science. Historiquement, la réflexion sur la science appartenait à la philosophie, et, paradoxalement, elle s’est établie en dehors des milieux scientifiques. La science, en revanche s’imposait non par ce qu’elle disait de sa pratique mais par ce qu’elle faisait, ses résultats et ses applications étant la garantie de sa légitimité.

La réflexion philosophique sur la science s’est de plus en plus déplacée face aux diversités et aux niveaux de spécialisation exigés par les connaissances scientifiques. A vrai dire, traiter la science sur le terrain de la philosophie est à l’origine d’un certain inconfort ainsi que d’une série de malentendus. Par conséquent, la philosophie de la science occupe aujourd’hui un territoire étranger tant aux philosophes qui ne le considèrent pas strictement philosophique, qu’aux scientifiques qui ne reconnaissent comme thèmes scientifiques que ceux sortis de leurs laboratoires de recherche. Lorsque ceux-ci, à leur tour, doivent véhiculer une image déterminée de leur propre activité, ils s’appuient sur des conceptions naïves, philosophiquement peu consistantes. En revanche, il est courant de voir des philosophes élaborer des visions générales de la science à partir de principes méthodologiques qui disent peu des pratiques effectives des divers champs scientifiques. Bref, il manque à la science l’instrument philosophique nécessaire pour penser sa pratique et à la philosophie sa propre recherche scientifique.

En cette région de frontières peu définies, la fécondité de la réflexion kantienne réside en grande partie dans le fait que Kant possède une solide formation aussi bien scientifique que philosophique. Ceci lui permet de promouvoir une parfaite intégration entre ces deux domaines.

Dans le domaine de la science ses contributions sont originales et comptent même comme une référence dans la littérature astrophysique. Sa théorie des « univers îles» qui interprète les nébuleuses comme des systèmes stellaires analogues à notre galaxie reste réputée. Ce fut Kant qui pour la première fois imagina que la Voie Lactée devait être aplatie, en vertu du mouvement de rotation de son axe de symétrie, ce qui, plus tard a été constaté par les recherches astronomiques. Bien que son ouvrage sur ce sujet, Histoire Générale de la Nature et Théorie du ciel (1755), et d’autres, où Kant fait preuve de familiarité avec les sujets de la science, appartiennent à sa phase pré-critique, ils mettent en évidence la force de l’imagination philosophique dans la constitution des théories scientifiques.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I: LE PROBLÈME DE LA CONSTITUTION DE LA MATIÈRE DU POINT DE VUE DE KANT
INTRODUCTION: POURQUOI KANT ?
CHAPITRE 1: LA QUESTION DE LA MÉTHODE DANS LA CRITIQUE DE LA RAISON PURE
1.1 LA CRITIQUE COMME MÉTHODE
1.2. LES RÈGLES MÉTHODOLOGIQUES DE LA SENSIBILITÉ
1.3. LES RÈGLES MÉTHODOLOGIQUES DE L’ENTENDEMENT
1.3.1. Les catégories
1.3.2. L’aperception originaire
1.3.3. Le schématisme
1.3.4 Système des principes de l’entendement pur
1.4. L’ESSENCE DE LA MÉTHODE TRANSCENDANTALE : LE PRINCIPE DE LA GRANDEUR INTENSIVE
1.4.1 La grandeur extensive
1.4.2. La grandeur intensive
1.4.3 Les analogies de l’expérience et le principe de la grandeur intensive
1.5. LA DIALECTIQUE COMME MÉTHODE
CHAPITRE 2: DE LA MÉTHODE À LA MÉTAPHYSIQUE DE LA NATURE
2.1 MÉTAPHYSIQUE ET MÉTHODE
2.2 DES PRINCIPES DE L’ENTENDEMENT AUX PRINCIPES PREMIERS DE LA SCIENCE
2.3 DES PRINCIPES MÉTAPHYSIQUES DE LA PHORONOMIE
2.4 DES PRINCIPES MÉTAPHYSIQUES DE LA DYNAMIQUE
2.5 DES PRINCIPES MÉTAPHYSIQUES DE LA MÉCANIQUE
2.6 DES PRINCIPES MÉTAPHYSIQUES DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE
2.7 DE LA MÉTAPHYSIQUE DE LA NATURE À LA MÉTHODE TRANSCENDANTALE
CHAPITRE 3: KANT ET LE PROBLÈME DE LA CONSTITUTION DE LA MATIÈRE
3.1. L’ILLUSION DIALECTIQUE SUR LA NATURE DE LA MATIÈRE
3.1.1. La méthode dialectique
3.1.2. Les principes de la cosmologie rationnelle
3.1.3. La première antinomie
3.1.4. La deuxième antinomie
3.1.5. La solution critique des antinomies
3.2. LA DÉTERMINATION SCIENTIFIQUE SUR LA NATURE DE LA MATIÈRE
3.2.1. La confrontation entre dynamisme et mécanicisme
3.2.2. Le principe de la divisibilité infinie
3.3 ILLUSION DIALECTIQUE ET DÉTERMINATION SCIENTIFIQUE SUR LA NATURE DE LA MATIÈRE
CONCLUSION: SOLUTION DU PARADOXE ENTRE L’ANTINOMIE DIALECTIQUE ET LE THÉORÈME DYNAMIQUE SUR LA
CONSTITUTION DE LA MATIÈRE
PARTIE II: VERS LA LIMITATION DES A PRIORI KANTIENS
INTRODUCTION: LA NOTION DE LIMITATION DANS LE CONTEXTE
TRANSCENDANTAL
CHAPITRE 4 : L’INTERPRÉTATION COMPLÉMENTAIRE DE BOHR ET LA PLACE DES A PRIORI
4.1. INTRODUCTION : DE LA PLURALITÉ D’INTERPRÉTATIONS EN MÉCANIQUE QUANTIQUE
4.2. MÉCANIQUE QUANTIQUE ET LIMITES DU KANTISME
4.3. LA PREMIÈRE CONDITION DE LIMITATION : LE POSTULAT QUANTIQUE
4.4. LA DEUXIÈME CONDITION DE LIMITATION : LE PRINCIPE DE CORRESPONDANCE
4.5. LA TROISIÈME CONDITION DE LIMITATION : LA RÈGLE DE BORN ET L’INTERPRÉTATION PROBABILISTE DE LA FONCTION D’ONDE
4.6. LA QUATRIÈME CONDITION DE LIMITATION : LE PRINCIPE D’INCERTITUDE
4.7. LA CINQUIÈME CONDITION DE LIMITATION : LE PRINCIPE DE COMPLÉMENTARITÉ
4.8. QUELQUES REMARQUES SUR LES DIVERGENCES PARMI LES INTERPRÈTES DE COPENHAGUE
4. 9. CE QUI RESTE DE KANT
CHAPITRE 5 : GRETE HERMANN ET LA LOI DE CAUSALITÉ À REBOURS
5.1. INTRODUCTION
5.2. LA SÉPARATION ENTRE CAUSALITÉ ET DÉTERMINISME
5.3. LE CRITÈRE DE PRÉDICTION DE LA CAUSALITÉ MÉDIATE RÉTRODICTIVE
5.4. LA CAUSALITÉ RÉTRODICTIVE ET LE RÔLE DES IMAGES INTUITIVES: EN SCÈNE LES PRINCIPES DE CORRESPONDANCE ET DE COMPLÉMENTARITÉ
5.5. L’APPROCHE RELATIONNELLE DE LA THÉORIE QUANTIQUE
5.6. LA DISSYMÉTRIE ENTRE EXPLICATION ET PRÉDICTION
5.7. LES CONTROVERSES SUR LA COMPLÉTUDE ET LA NÉCESSITÉ DE L’EXPLICATION CAUSALE
5.8. CAUSALITÉ ET PRINCIPE DE RAISON SUFFISANTE
5.9. LE RÔLE DES ANALOGIES
5.10. LA DISJONCTION ENTRE ANALOGIE DE L’EXPÉRIENCE ET ANTICIPATION DE LA PERCEPTION
5.11. PHILOSOPHIE CRITIQUE ET INTERPRÉTATION COMPLÉMENTAIRE
CHAPITRE 6: P. MITTELSTAEDT : L’OBJECTIVATION EN MÉCANIQUE QUANTIQUE EN TANT QUE PROBLÈME TRANSCENDANTAL
6.1. INTRODUCTION
6.2. LE PROBLÈME DE L’OBJECTIVATION DANS LE CADRE DE L’INTERPRÉTATION DES OBJETS SHARP
6.2.1. Le clivage propriétés objectives / propriétés non-objectives
6.2.2. Quelques remarques sur l’emploi du terme propriété
6.2.3. La question de l’objectivité et de la non-objectivité des propriétés
6.2.4. Le principe de la permanence de la substance
6.2.5. Le principe de causalité
6.2.6. Le problème de l’objectivation dans le cas de mesures bien définies
6.3. LE PROBLÈME DE L’OBJECTIVATION DANS LE CADRE DE L’INTERPRÉTATION UNSHARP
6.4. KANT, MITTELSTAEDT ET LA QUESTION DE L’OBJET
CONCLUSION: LES INSUFFISANCES DU PROGRAMME DE LIMITATION
PARTIE III: VERS LA RELATIVISATION DES A PRIORI
INTRODUCTION: LE PROGRAMME DE RELATIVISATION DES A PRIORI
CHAPITRE 7: ERNST CASSIRER ET LA RÉVISION DE LA NOTION KANTIENNE DE CAUSALITÉ AU MOYEN DE LA NOTION DE FONCTION
7.1. CASSIRER FACE À L’A PRIORI FONCTIONNEL PROPOSÉ PAR LE JEUNE REICHENBACH
7.2. LE DÉPLACEMENT PROPOSÉ PAR CASSIRER
7.3. LE RÔLE DE LA CAUSALITÉ EN PHYSIQUE
7.4. LE TOURNANT HELMHOLTZIEN VERS LA CAUSALITÉ COMME IDÉAL RÉGULATEUR
7.5. CAUSALITÉ EMPIRIQUE ET CAUSALITÉ TRANSCENDANTALE : VERS UNE INTERPRÉTATION PLUS HOLISTE DE KANT
7.6. CAUSALITÉ TRANSCENDANTALE ET MÉCANIQUE QUANTIQUE
CHAPITRE 8: C. F. VON WEIZSÄCKER : RELATIVISATION DE L’A PRIORI ET UNITÉ DE LA NATURE
8.1. INTRODUCTION
8.2. LA CRITIQUE DE L’A PRIORI ABSOLU
8.3. L’A PRIORI RELATIONNEL
8.4. LE RENONCEMENT À L’OBJECTIVATION
8.5. CONNAISSANCE ET ACTION
8.6. LA CRITIQUE DU RELATIVISME HISTORIQUE
8.7. LA SYMÉTRIE COMME PRINCIPE UNIFICATEUR DE LA SCIENCE DE LA NATURE
8.8. L’UNITÉ DE LA NATURE
CHAPITRE 9: L’APPROCHE TRANSCENDANTALE DE JEAN PETITOT
9.1. INTRODUCTION
9.2. LA RÉGIONALISATION DE L’ESTHÉTIQUE TRANSCENDANTALE
9.3. LA NOUVELLE CONSTRUCTION DES CATÉGORIES
9.4. LE RÔLE CONSTITUTIF DE LA SYMÉTRIE EN PHYSIQUE
9.4 L’OBJECTIVITÉ QUANTIQUE
CHAPITRE 10: LE PRAGMATISME TRANSCENDANTAL EN MÉCANIQUE QUANTIQUE
10.1. INTRODUCTION : LE PROBLÈME DU LANGAGE ORDINAIRE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE
10.2. LA SÉMANTIQUE ANALYTIQUE EN MÉCANIQUE QUANTIQUE
10.2.1. La dichotomie entre le langage observationnel et le langage théorique
10.2.2. Explication et prédiction dans le cadre du sémantisme de Carnap et Hempel
10.2.3. Les limites du sémantisme analytique
10.3. LE TOURNANT PRAGMATICO-LINGUISTIQUE DANS LA PHILOSOPHIE CONTEMPORAINE
10.4. L’A PRIORI PRAGMATICO-ANALYTIQUE DE C. I. LEWIS
10.5. LE PRAGMATISME TRANSCENDANTAL
10.6. L’INTERPRÉTATION DE BOHR SUR L’OPTIQUE PRAGMATICOTRANSCENDANTALE
10.7. M. BITBOL ET LA JUSTIFICATION PRAGMATICO-TRANSCENDANTALE DE LA MÉCANIQUE QUANTIQUE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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