Validation des données, adaptée à l’étude de la structure thermohaline du Pacifique ouest

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Présentation de l’état moyen

Températures moyennes

La température de surface (SST, Sea Surface Temperature) moyenne, présentée sur la Figure 5 diminue globalement de l’équateur vers les pôles et d’ouest en est dans la bande équatoriale. On observe des eaux chaudes (T> 28-29°C ; la Warm Pool) dans l’ouest du Pacifique équatorial et des eaux plus froides (T<24°C ; la Cold Tongue) dans la partie est, liée à la présence d’un upwelling équatorial. Le Pacifique équatorial est donc marqué par un gradient zonal de températures de surface qui contribue à maintenir les vents dominants d’est en ouest (cf. Figure 10).
Au nord et au sud, dans la partie est du bassin, on observe également 2 bandes d’eaux froides (cf. Figure 5) qui s’expliquent par l’arriv ée des courants de Humbolt au sud, et du courant de Californie au nord.
La distribution moyenne longitude – profondeur de l a température le long de l’équateur est présentée Figure 6. Selon la verticale, les températures diminuent avec la profondeur. On rencontre d’abord, près de la surface, mais à l’oue st du Pacifique tropical, une couche quasi homogène en température (T>26°C), d’environ 100 m d’épaisseur. Ensuite, la température présente une rapide décroissance sur quelques mètres. Cette zone de forts gradients verticaux de température s’appelle la thermocline, souvent repérée par l’isotherme 20°C (cf.Figure 6). Elle est en moyenne plus profonde à l’ouest (150m) qu’à l’est (50m) dans le Pacifique tropical. En dessous de la thermocline, on trouve des eaux plus froides (de températures inférieures à 15°C).

Salinité de surface

La distribution moyenne de la SSS (Sea Surface Salinity) est présentée Figure 7. Les eaux les moins salées coïncident globalement avec les zones de convergence intertropicale (l’ITCZ, Inter Tropical Convergence Zone et la SPCZ, South Pacific Convergence Zone, cf. 4.) qui sont des zones de fortes précipitationset de faibles vents. Les eaux les moins salées se trouvent également dans la Warm Pool, parfois appelée la Fresh pool (Delcroix et Picaut, 1998).
A l’inverse, on observe deux zones de maximum de salinité au sud (au sud-est de la Polynésie) et au nord (près d’Hawaii) qui correspondent à des zones de forte évaporation (et de faibles précipitations) en raison de forts vents(cf. Figure 10).
Le long de l’équateur, on observe une décroissancede la salinité de surface du centre vers l’ouest avec une zone de gradient zonal maximum située vers 165-170°E. Ce front de salinité, également marqué en subsurface dans la couche 0-05 m (Figure 8) est une zone de convergence entre les eaux froides et salées du Pacifique central et les eaux chaudes et peu salées de la warm pool. Cette convergence peut générer en subsurface une structure thermohaline particulière avec l’apparition d’une couche isotherme mais stratifiée en sel (cf. Figure 8 et Figure 6) appelée « couche barrière de sel » qui sépare la base de la couche isotherme de la base de la couche de mélange (Lukas et Lindstrom, 1991). Cette couche apparaît généralement à l’ouest du front de salinité. Par sa stratification, elle peut inhiber les échanges entre l’atmosphère et l’océan intérieur (Vialard et Delecluse, 1998ab). Nous l’analyserons en détail au chapitre V.

Les courants de surface

Les courants de surface sont fortement influencés par les vents (Figure 10). Dans le Pacifique tropical, le Courant Equatorial Sud (South Equatorial Current, SEC, Figure 9) et le Courant Equatorial Nord (North Equatorial Current, NEC) se dirigent d’est en ouest. A contrario, le Contre Courant Equatorial Nord (North Equatorial Counter Current, NECC) et le Contre Courant Sud Equatorial (South Equatorial Counter Current, SECC) se dirigent d’ouest en est en lien avec le rotationnel de la tension du vent (Meyers, 1979).
Le SEC se dirige vers l’ouest avec une vitesse de l’ordre de 0.5 à 1 m/s, il se situe entre 3°N et 8°S, s’étire sur une centaine de mètres de profondeur, et peut transporter jusqu’à 30Sv 4 (A titre de comparaison, l’ensemble des rivières du monde forme un flux de 1 Sv, et 4 1 Sv=106 m3/s l’ensemble des précipitations au-dessus des océanssont de l’ordre de 10 Sv). Le NEC se dirige également vers l’ouest au nord de 5°N-10°N. Son intensité augmente d’est en ouest. Le NECC se situe entre 4°N et 9°N (entre le SEC et le NEC) suivant la position de l’ITCZ et se dirige vers l’est avec une intensité pouvant atteindre 0.5 m/s. Le SECC se dirige également vers l’est. Il se situe vers 9°S et il est surtout développé dans le Pacifique Ouest entre 50 et 200 m sous la surface. Une description quantitative de ces courants et de leurs transports est donnée par Picaut et Tournier (1991) à partir de mesures XBT le long de rails de navigation et par Reverdin et al. (1994) à partir de bouées dérivantes dans l’ensemble du bassin. On notera qu’il existe également des courants méridiens sur el bord ouest du Pacifique tropical relativement peu documentés dans la littérature.

Vents de surface et précipitations

La distribution moyenne des vents de surface et des précipitations est présentée Figure 10. En lien avec la distribution moyenne de la SST et du sens de rotation de la Terre, on observe des vents de nord-est dans l’hémisphère nord et de sud-est dans l’hémisphère sud. Ces vents appelés « alizés » convergent sur deux zones particulières appelées ITCZ et SPCZ, Figure 10.
L’ITCZ s’étend d’est en ouest entre 10°N et 5°N env iron. Elle se déplace suivant les saisons entre l’équateur en hiver boréal et 10°N en été. Elle est aussi appelée « équateur météorologique » ou encore « pot au noir » dans lelangage des navigateurs. Les navigateurs à la voile redoutent le passage de cette zone car ils se trouvent souvent confrontés à des vents relativement faibles et parfois à de violents orage s. La SPCZ se situe dans l’hémisphère sud, à l’ouest du bassin. Elle s’étend de la Nouvelle-Guinée aux îles de Polynésie. Sa position varie également en fonction des saisons : elle se trouve plus au sud en été austral, près de l’Australie, elle migre vers l’équateur en hiver austral. L’ITCZ et la SPCZ sont toutes deux associées à de fortes précipitations (> 8 mm/jour). On notera également les fortes précipitations situées sur la warm pool.

Rappel des théories oscillatoires d’ENSO

Dans cette partie, nous rappelons puis comparons, les principales théories permettant d’expliquer la nature quasi-oscillatoire du phénomène ENSO. Cette comparaison et synthèse, nous a permis de définir les questions scientifique majeures auxquelles nous nous proposons de répondre dans cette thèse.

Les principales théories oscillatoires

La théorie de l’oscillateur retardé

Cette théorie (Suarez et Schopf, 1988; Battisti etHirst, 1989) explique pour la première fois, la nature « oscillatoire » d’ENSO. Le principe de la théorie est le suivant.
A l’ouest du Pacifique équatorial, des coups de vent d’ouest génèrent des ondes équatoriales de Kelvin de downwelling et de Rossby d’upwelling. Les ondes de Kelvin se propagent vers l’est (cf. Figure 11), approfondissent la thermocline, et provoquent un réchauffement dans la partie est du bassin. Les ondes de Rossby d’upwelling, se propagent vers l’ouest, se réfléchissent sur le bord ouest duPacifique en ondes de Kelvin d’upwelling qui vont entraîner un refroidissement de la température de surface. En atteignant quelques mois plus tard le centre-est du bassin, ces dernières ondes vont s’opposer au réchauffement induit dans le Pacifique et contribuer au retour à la normale. Ce mécanisme permet d’introduire une rétroaction négative retardée, avec un délai lié au temps de propagation des ondes.

L’oscillateur advectif-réflectif

Selon cette théorie (Picaut et al., 1997), des anomalies d’eau chaude situées au centre du bassin induisent des anomalies de vent d’ouest (noter que compte tenu du couplage, la chronologie du scénario présenté ci-dessous, peutrèst bien débuter par des anomalies de vent d’ouest). Ces vents d’ouest sont à l’origine de la propagation vers l’est d’ondes de Kelvin de downwelling et vers l’ouest d’ondes de Rossby d’upw elling. Ces 2 types d’ondes ayant des vitesses zonales associées positives, elles advectent les eaux chaudes de la warm pool vers l’est du bassin (cf. Figure 12), ce qui renforce les anomalies positives de température au centre du bassin, témoin de la genèse d’un évènement El Niño.
Pour expliquer le retour à la normale, cette théorie propose le mécanisme suivant : lorsque ces ondes de Kelvin (resp. de Rossby) atteignent la côte est (resp. ouest) du Pacifique, elles se réfléchissent en ondes de Rossby de downwelling (resp. Kelvin d’upwelling) qui se propagent vers l’ouest (resp. vers l’est) du bassin avec des vitesses zonales négatives associées. Ces vitesses zonales négatives advectentla warm pool vers l’ouest du Pacifique et permettent ainsi le retour à la normale. Par ailleu rs, les courants moyens qui convergent au niveau du bord est de la warm pool participent également à ce retour de la warm pool vers l’ouest du Pacifique.

L’oscillateur du Pacifique ouest

Selon cette théorie (Weisberg et Wang, 1997), un réchauffement des eaux de surface du centre du Pacifique équatorial génère l’apparitionde 2 cellules cycloniques de part et d’autre de l’équateur (cf. « L » Figure 13) liées à la présence d’anomalies de vent d’ouest dans la région ouest. Ces anomalies de vent d’ouest génèrent des ondes de Kelvin de downwelling qui se propagent vers l’est, approfondissent la thermocline, ce qui entraîne l’apparition d’anomalies chaudes à l’est du Pacifique caractéristiques de l’arrivée d’un évènement El Niño. Par ailleurs, les régions cycloniques extra-quatorialesé entraînent une remontée de la thermocline par pompage d’Ekman dans l’ouest du bas sin. Ces anomalies de thermocline peu profonde se propagent vers l’ouest, entraînant un r efroidissement de la température de surface ainsi qu’une augmentation de la pression en surface dans le Pacifique ouest. Ces anomalies de pression en surface entraînent l’apparition de 2 ci rculations anticycloniques de part et d’autre de l’équateur à l’ouest (cf. « h » Figure 13), qui génèrent des vents d’est à l’origine d’ondes de Kelvin d’upwelling qui se propagent vers l’est d u bassin et permettent un retour à la normale.

L’oscillateur Réchargé-Déchargé

Cet oscillateur a été proposé par Jin (1997). Dansla continuité des travaux de Bjerknes, Wyrtki (1975) propose le mécanisme de recharge du Pacifique ouest : il montre, à partir d’observations, que le Pacifique ouest se recharge systématiquement en eau chaude avant l’arrivée d’un évènement El Niño, en raison d’un renforcement des alizés dans le centre du Pacifique les années précédant El Niño. Ces alizésentraînent une accumulation d’eau chaude à l’ouest du Pacifique et une augmentation de la pe nte est-ouest de la thermocline. Une fois le Pacifique ouest « rechargé », un simple relâchement des alizés entraîne le déversement de ces eaux chaudes vers l’est du Pacifique, ce qui témoigne d’une situation El Niño. Ensuite, Wyrtki (1975) émet l’hypothèse que ces eaux chaudessont évacuées vers les hautes latitudes par des ondes de Kelvin côtières le long des côtes de l’Amérique du sud. Cette recharge apparaît alors comme une condition nécessaire à l’arrivée d’un évènement chaud. En 1985, à l’aide d’observations marégraphiques sur la période1974-1983 incluant le très fort évènement de 1982-1983, Wyrtki montre que ce n’est pas seulement le Pacifique ouest qui se recharge mais l’ensemble du Pacifique équatorial entre 15°S et 15°N.
A la suite de ces travaux, Jin (1997) propose la théorie de la Recharge-Décharge qui s’effectue par transports de Sverdrup pour la bande équatoriale. Voici ci-dessous le mécanisme proposé par Jin (1997) : Un coup de vent d’ouest dans l’ouest du Pacifique e ntraîne d’une part, l’advection d’eaux chaudes vers l’est du Pacifique ce qui fait apparaître une augmentation de la température de surface (SST) et donc une anomalie positive de température dans l’est du bassin (cf. schéma I, Figure 14). D’autre part, ces coups de vents d’ouest génèrent, d’après la théorie de Sverdrup (V=rot >0, où est le vecteur vent, est la dérivée du paramètre de Coriolis à l’équateur, V est le transport horizontal), des transports méridiens divergents (qui déchargent la bande équatoriale en eau chaude). Parconservation de la masse, cela induit une remontée d’eaux froides dans la bande équatoriale cf(. schéma II, Figure 14). Cette remontée de la thermocline permet à l’océan de retrouver un état « neutre » puis de passer en situation La Niña lorsque la thermocline est anormalement peu profonde à l’est du bassin (cf. schéma III, Figure 14). Alors, des anomalies négatives de SST apparaissent à l’est du bassin entraînant des vents d’est. Ces vents d’est génèrent des transports de Sverdrup convergents (qui rechargent la bande équatoriale) et enfoncent la thermocline à l’ouest du bassin ce qui permet à l’océan de repasser par un état « neutre »(cf. schéma IV, Figure 14) puis El Niño.

L’oscillateur unifié

Wang (2001) met au point l’oscillateur unifié qui prend en compte les mécanismes physiques de tous les oscillateurs présentés ci-dessus.
Chacune des théories précédentes est représentée r paun ensemble d’équations (cf. Wang et Picaut, 2004). La théorie de l’oscillateur unifié résulte donc de cet ensemble d’équations où la contribution relative de chacun des mécanismes mis en jeu dans les différentes théories peut être déterminée par unustementaj des paramètres de ces équations.

Synthèse et questions scientifiques

Toutes les théories que nous venons de voir reposent sur la rétroaction positive établie par Bjerknes (1969) entre l’océan et l’atmosphère. Cette rétroaction met en jeu le couplage entre les anomalies de vents d’ouest et de SST dans le centre du Pacifique. Cependant, elles proposent des boucles de rétroaction négatives différentes pour expliquer le retour à la
« normale » et permettre au système d’osciller:
– la réflexion des ondes de Kelvin au bord ouest pour l’oscillateur retardé,
– l’advection zonale, la convergence des courants mo yens au bord est de la warm pool et les réflexions des ondeséquatoriales de Kelvin et Rossby aux bords est et ouest du Pacifique, pour l’oscillateur advectif-réflectif,
– le forçage par les vents d’une onde de Kelvin à l’ ouest du Pacifique, pour l’oscillateur Pacifique ouest
– le processus de décharge méridienne de la bande équatoriale en eau chaude par les transports de Sverdrup pour l’oscillateur Rechargé-Déchargé.
Tous ces mécanismes ont été observés dans la nature(Delcroix et al., 2000 ; Meinen et McPhaden, 2000, 2001 ; Hasegawa et Hanawa, 2003 ; Holland et Mitchum, 2003 ; Wang et Weisberg, 2000 ; Picaut et al., 2002), ce qui montre la pertinence de chacune de ces boucles négatives de rétroaction pour expliquer la nature uasiq-oscillatoire du phénomène ENSO.
Chacune de ces théories présente des particularités.L’oscillateur retardé et l’oscillateur du Pacifique ouest s’intéressent particulièrement aux déplacements zonaux des anomalies de SST et/ou aux basculements zonaux de la thermocline. L’oscillateur advectif-réflectif considère le Pacifique central et plus précisémentle bord est de la warm pool comme une zone clé pour l’étude d’El Niño. Tandis que le mouvement vertical de la thermocline était privilégié dans l’oscillateur retardé pour expliquer le déplacement est-ouest des anomalies de SST, c’est l’advection zonale des eaux chaudes de s urface qui joue un rôle essentiel dans la théorie de l’oscillateur advectif-réflectif.
Enfin, la théorie de la Recharge-Décharge s’affranchit du basculement zonal des anomalies de thermocline en considérant le Pacifique équatorial dans son ensemble. Elle s’intéresse surtout aux échanges entre la bande équatoriale et les tropiques pour expliquer l’arrivée d’un évènement El Niño ou le « retour à al normale ». Cette théorie est la seule à considérer les aspects méridiens.
On notera que toutes ces théories, à l’exception de la Recharge-Décharge, donnent une grande importance aux ondes équatoriales de Kelvin (et Rossby) pour expliquer le caractère quasi oscillatoire d’ENSO, avec ou sans réflexions de ces ondes aux bords est/ouest du Pacifique. La théorie de l’oscillateur advectif-réflectif fait intervenir la réflexion à la frontière est du Pacifique en plus de la réflexion à la frontière ouest déjà considérée dans l’oscillateur retardé pour expliquer le « retour à la normale ». Tout comme pour l’oscillateur retardé ou advectif-réflectif, le principe de la boucle de rétroaction négative de l’oscillateur Pacifique ouest repose sur les ondes équatoriales. La pertinence de la réflexion des ondes équatoriales aux bords est et ouest du Pacifique, est une question toujours d’actualité : les résultats obtenus diffèrent suivant les méthodes utilisées pour estimer l’efficacité des réflexions aux bords ouest et est (Alory et Delcroix, 2002 ; Boulanger et Menkes, 2001, Dewitte et al., 2003, Cravatte et al., 2004).
La seule théorie qui ne fait pas intervenir explicitement les ondes équatoriales est la théorie de la Recharge-Décharge. Nous détaillons sleparticularités de cette théorie ci-dessous.

Spécificités de la Recharge-Décharge

Cette théorie a fait l’objet de plusieurs publications qui ont fait progresser la compréhension du phénomène El Niño. Une revue bibliographique de ces études se trouve dans l’article de Bosc et Delcroix (2008) reproduit au chapitre IV. Cette théorie présente un intérêt particulier pour plusieurs raisons : Potentiel prédictif d’El Niño.Son premier intérêt repose sur l’idée que la recharge de la bande équatoriale précède l’arrivée d’un évènement El Niño. En effet, Meinen et McPhaden (2000) ont montré à partir d’observations, que le volume d’eau chaude (défini comme le volume d’eaux de température supérieures à20°C) dans toute la bande équatoriale du Pacifique (5°N-5°S-120°E-80°W), est fortement co rrélé (R=0.7) avec les anomalies de SST qui apparaissent 7 mois plus tard dans la boîte Niño3 (5°N-5°S-150W-90W). La Figure 16 illustre sur la période 1980-2008, la recharge ystématique de la bande équatoriale en eaux chaudes (augmentation du WWV) avant l’arrivée d’un évènement El Niño (cf. les évènements El Niño de 1982-1983, 1986-1987, 1991-1992, 1994-1995, 1997-1998, 2002-2003, 2004-2005, 2006-2007) et sa décharge (diminution du WWV)lors de sa phase mature (maximum de SST Niño3.4). On remarque cependant, que l’augmentation du WWV est une condition nécessaire qui pourrait bien prévenir de l’arrivéed’un évènement El Niño mais ce n’est pas une condition suffisante (cf. 1988 ou 2000, McPhaden et al., 2006).
Figure 16: Séries temporelles du volume d’eau chaude (T>20°C, courbe bleue) dans la bande équatoriale 5°N-5°S-120°E-80°W, et des anomalies de température de surface (SST, courbe rouge) dans la région Niño3.4 (5°N-5°S-170°W-120°W). D’après http://www.pmel.noaa.gov/tao/elnino/wwv.
Considération des transports méridiens.Une autre originalité de la théorie de la Recharge-Décharge vient du fait qu’elle est la seule à considérer les aspects méridiens pour l’étude du phénomène ENSO (et non uniquement les aspects zonaux comme c’était le cas dans les 3 autres théories). A ce titre, Meinen et McPhaden (2001) ont montré, à partir d’observations in situ sur la période 1993-1999, que les transports méridiens permettaient d’expliquer la Recharge-Décharge de la bande équatoriale en eaux chaudes.
Rôle des ondes équatoriales. Une autre particularité de cette théorie est queles ondes n’apparaissent pas de manière explicite ou du moins, leur contribution au mécanisme de Recharge-Décharge n’a jamais été observée.

Questions scientifiques

Dans cette thèse (cf. Chapitre IV), nous analyserons les variations de volume d’eau chaude du Pacifique équatorial sur la période récente de 1992-2006. Nous étudierons en particulier le rôle potentiel des ondes équatoriales. Pour quantifier la contribution des ondes, les données in situ étant trop éparses, nous utiliserons des données altimétriques qui assurent une couverture « globale » et homogène de notre région d’étude.
Nous allons, dans un premier temps, tenter d’observer et d’expliquer la Recharge-Décharge de la bande équatoriale mais cette fois àl’aide de données altimétriques (cf. Meinen 2005). La démarche sera la suivante :
1/ Comment estimer les variations de volume d’eau chaude (c’est-à-dire la Recharge et la Décharge) dans une région donnée à partirde mesures altimétriques ?
2/ Peut-on expliquer ces variations de volume d’eau chaude en termes de transports géostrophiques et d’Ekman, à partir de données satellites ?
3/ Comment est-ce que les ondes équatoriales peuvent participer à la recharge ou à la décharge de la bande équatoriale ? par quelsmécanismes ? Comment les détecter ?
4/ Quelle est l’origine de ces ondes ? Sont-elles forcées par le vent ? Réfléchies aux côtes?
5/ Peut-on différencier les évènements El Niño enterme de Recharge-Décharge? Est-ce que cette analyse peut contribuer à une no uvelle classification des El Niño5?

La warm pool : ses spécificités

Présentation

Comme nous l’avons rapidement vu (I.), le Pacifique équatorial se caractérise à l’est par des eaux relativement froides et salées (T<24°C, S>35) dans la Cold Tongue et à l’ouest par des eaux chaudes et peu salées (T>28°C, S<34,5) dans la warm (fresh) pool. Cette dernière région couvre, en surface, une superficiecomparable à celle de l’Australie (cf. Figure 5) et s’étend en profondeur sur les 60 à 100 premiers mètres de l’océan. En raison de ses fortes températures de surface (T>28°C), elle est le siège de fortes interactions entre l’océan et l’atmosphère qui se traduisent par une convection atmosphérique intense (Webster et Lukas, 1992). On notera également que des petites variations de SST dans cette région (de 5 Plusieurs études ont tenté de classer les évènements en regroupant ceux qui se comportaient de manière similaire. A partir de données de surface, des classifications ont eu lieu en terme d’amplitude des anomalies de SST, de leur durée, de leur date de départ (Xu andChan, 2001 ; McPhaden, 2008), de la position géographique du développement des anomalies de SST (Wang, 1995), et du sens de propagation des anomalies (Guilyardi, 2006). Très peu d’études ont été réalisées à partirde données de subsurface. Hasegawa et al. (2006) ont déjà tenté de classifier les évènements en termes d’amplitude de recharge ou de décharge en contenu thermique de la bande équatoriale. Ils différencient 2 types d’évènements : ceux qui sont bien déchargés sont généralement long (10-18 mois) et forts tandis que ceux qui sont « mal » déchargés sont généralement courts (5-9 mois)t de faible amplitude. Peut on utiliser le WWV pour effectuer une classification des évènements ENSO ?
La taille de ce réservoir d’eau chaude varie de manière importante au cours du temps, à l’échelle ENSO. Les déplacements zonaux du bord est(de 150°E à 150°W) induisent une extension de la warm pool lors d’un évènement El Niño ou une réduction lors d’un évènement La Niña. Le bord est peut se situer à plus de 8000 km à l’est ou 1500 km à l’ouest de sa position moyenne (Fu et al., 1986 ; Picaut et al., 1996 ; Maes et al., 2004). Ces déplacements zonaux du réservoir d’eau chaude entraînent un déplacement des zones de convection et du système de précipitations associées. Les déplacements zonaux du bord est de la warm pools’expliquent majoritairement par l’advection zonale (Picaut et al., 1997) et par l’e xistence d’une zone de convergence de courants de surface zonaux (de moyenne quasi nulle, cf. Reverdin et al., 1994) près du bord est de la warm pool. Cette convergence résulte du ransport de masse des eaux du Pacifique ouest, sous l’effet des jets d’est, et des eaux du Pacifique est, sous l’effet du Courant Equatorial Sud (Picaut et al., 1996, 2001). Cette convergence de masse entraîne l’apparition de fronts zonaux plus ou moins marqués près du bordest de la warm pool.
Ces fronts peuvent être détectés à partir de mesurebiologiques (couleur de l’eau: Radenac et al., 2001 ; chlorophylle: Eldin et al., 1997 ; Rodier et al., 2000 ; Stoens et al., 1999 ; zooplancton: Leborgne et Rodier, 1997), chimiques (pression partielle de CO2: Inoue et al., 1996) ou encore physiques (salinité: Picaut et al., 1996, 2001 ; Eldin et al., 1997 ; Rodier et al., 2000 ; Hénin et al., 1998). Les différents fronts biologique, chimique et physique, ont tous été observés lors de campagnes céanographiques (voir la Figure 5 de Rodier et al., 2000, pour la campagne Flupac). Ils se situent dans la même zone, près du bord est de la warm pool, mais ne sont pas forcément confondus ni même toujours présents simultanément. Durant la campagne Frontalis-1, Eldin et al. (2004) montrent par exemple un très faible gradient de salinité tandis que le front en pression partielle de CO2 est présent. Le bord est de la warm pool se distingue donc souvent, mais pas toujours, par des fronts zonaux.
Nous nous intéressons ici au front de salinité de urfaces qui se situe au bord est de la warm pool ainsi qu’à la structure thermohaline vert icale très spécifique de la région.
Le front de salinité a été observé à partir : a) demesures issues de bateaux marchands (Picaut et al., 1996 ; Delcroix et Picaut, 1998), b) de données issues des bouées TAO (Sprintall et McPhaden, 1994), c) de campagnes océanographiques le long de l’équateur (Kuroda et McPhaden, 1993 ; Rodier et al., 2000 ; Maes, 2008) d) d’analyses de données CTD issues de plusieurs campagnes (Ando et McPhaden, 1997 ; Delcroix et McPhaden, 2002), et e) de mesures de salinité reconstituées Maes( et Behringer, 2000). A titre d’exemple, la Figure 17 représente la SST et la SSS observéesle long de l’équateur lors de la campagne Flupac en automne 1994. Lorsque l’on observe l’évolution de la salinité d’ouest en est, on voit clairement l’apparition d’un front zonal de sa linité avec des salinités qui augmentent de plus de 0.5, en moins d’un degré de longitude. Ce front, bien que moins intense est également visible sur les données climatologiques (cf. Figure7). On notera également l’absence de front en SST le long de cette section équatoriale.
La warm pool présente en plus du front de salinité,une autre particularité dans sa structure thermohaline, avec la présence d’une couche barrière de sel en subsurface. Dans beaucoup de régions du globe, la structure verticale de l’océan peut schématiquement se présenter en 2 couches : une couche supérieure mélangée en température et en salinité appelée
« couche de mélange » par la suite et, en profondeur, une couche stratifiée. La couche de mélange est extrêmement importante car c’est elle uiq « régie » les échanges avec l’atmosphère. Bien qu’observées lors de campagnes anciennes (Defant, 1961 ; Rotschi et al., 1972), ce sont les travaux de Lindstrom et al. (1987) qui ont mis l’accent sur les différences entre ces 2 couches : couche isotherme et couche mélangée. Leurs études ont été réalisées à partir de l’analyse de profils CTD obtenus dans la warm pool. Ils montrent la présence d’une couche isotherme et stratifiée en salinité qui sépare donc la base de la couche isotherme située aux alentours de 70m et la base de la couche de mélange en densité située à 30m (cf. Figure 18b).
Cette couche fut nommée plus tard « couche barrièrede sel » par Godfrey et Lindstrom (1989) car la stratification en sel dans la couche homogène en température agit comme une « barrière » au mélange vertical. Elle peut empêcher le mélange avec les eaux froides plus profondes ce qui peut se traduire par un réchauffement de la surface. Par ailleurs, l’effet des vents en surface reste confiné sur une couche de mélange plus fine et donc plus réactive à l’atmosphère (Vialard et Delecluse, 1998ab). La couche barrière de sel, présente dans la warm pool, joue donc un rôle important dans les échanges océan atmosphère et par conséquent sur l’instabilité couplée ENSO (Maes et al., 2002).
De nombreuses études ont montré l’existence de cett couche barrière dans le Pacifique équatorial mais aussi dans d’autres régions du monde (cf. de Boyer Montégut et al., 2004). Une revue, probablement non exhaustive, de ces travaux pour le Pacifique tropical se trouve dans l’article Bosc et al. (2009) présenté au chapitre V.
D’après les études antérieures, l’épaisseur de la ouche barrière de sel, semble influencée principalement par 3 éléments : les vents, les précipitations et la circulation océanique de surface. Ces éléments interviennent dans les différents mécanismes de formation proposés jusqu’ici (cf. Figure 19).
Les précipitationslocales (Figure 19, « Rainfall ») sont à l’origine de barrières de sel dans les zones de fortes précipitations comme l’ITCZ et la SPCZ (Sprintall et Tomczak, 1992 ; Ando et McPhaden, 1997 ; Delcroix et al., 1992 ; Anderson et al., 1996). En effet, les précipitations déssalent les eaux de surface et entraînent donc une stratification en sel dans la couche isotherme et donc, une couche barrière de sel.
Les vents peuvent soit favoriser les couches barrières de sel soit les détruire. En effet, les vents, lorsqu’ils sont trop forts, peuvent détruire la stratification en sel dans la couche isotherme en créant du mélange vertical et participent ainsi à la destruction de la couche barrière de sel (Cronin et McPhaden, 2002). Par ailleurs, les vents (plus faibles) peuvent participer doublement à la formation de couche barr ière soit, en créant de l’advection zonale ou méridienne, soit par « tilting shearing ». L’advection zonale (Figure 19, « Horizontal advection ») déplace la zone de couche barrière de sel dans une région où il n’y en avait pas précédemment. Letilting/shearing (Figure 19, « Tilting ») ou basculement de la zone frontale peut créer des couches barrières de sel (Roemmich te al., 1994 ; Vialard et Delecluse, 1998 ; Maes et al., 2006a ; Cronin et McPhaden, 2002) selon 2 modes. Le plus commun est le mécanismesubduction proposé par Lukas et Lindstrom (1991). Selon ce mécanisme, les eaux à l’est du front, salées et relativement chaudes du Courant Equatorial Sud advectées vers l’ouest « subductent » lorsqu’elles entrent en cont act avec les eaux moins salées et chaudes (donc moins denses) qui se trouvent à l’ouest du fr ont de salinité. Cette subduction entraîne la formation d’une couche plus salée que la couche de surface dans la couche isotherme et donc fait apparaître une couche isotherme mais stratifiée en sel c’est-à-dire une couche barrière de sel. Ce mécanisme de subduction a été mis en évidence par Vialard et Delecluse (1998ab) qui utilisent un modèle océanique de circulation générale (OGCM) forcé par des vents sur la période 1984-1993. L’importance de ce mécanisme a galementé été suggérée par Delcroix et McPhaden (2002), Maes et al. (2006a) et Mignot et al. (2007). D’autre part, le tilting/shearing, en créant du cisaillement vertical de courant dans la couche isotherme, peut aussi entraîner des eaux peu salées venues de l’ouest du front sur des eaux plus salées situées à l’est du front ce qui génère une stratification en sel dans la couche isotherme (pas de front en SST) et donc une couche barrière de sel.
Enfin, le mécanisme de stretching (Figure 19, « Stretching »), en faisant intervenir l’approfondissement de la thermocline, étire la couche barrière de sel et influence donc son épaisseur.
La formation de couche barrière est un processus complexe en trois dimensions. Quels en sont les mécanismes dominants ? Dépendent-t’ils de la période observée, du lieu de formation, du cycle ENSO ? Un des aspects qui n’a pas encore été réellement exploré est le rôle possible des ondes sur la formation de la couc he barrière. Plusieurs études ont suggéré le rôle des ondes de Kelvin (Vialard et Delecluse, 199 8 ; Vialard et al., 2001 ; Mignot et al., 2007), de Rossby de downwelling (Delcroix et McPhaden, 2002 ; Cronin et McPhaden, 2002) et des ondes de Rossby d’upwelling (Mignot et al., 2007). Aucune de ces études n’a, à ce jour,
à notre connaissance, démontré le rôle des ondes équatoriales. Pour compliquer les choses, on peut noter que des hypothèses contradictoires peuvent être avancées. Par exemple, pour les ondes de Rossby de downwelling : d’une part, elles approfondissent plus vite la thermocline que la halocline et donc contribuent à un épaississement de la couche barrière mais, d’autre part, elles sont associées à une divergence méridienne qui entraîne les eaux peu salées de surface loin de l’équateur et donc détruit la couche supérieure peu salée et la couche barrière de sel.

Questions scientifiques

La warm pool est donc une région particulière avecla présence d’une zone frontale en sel en surface et, d’une couche barrière de sel en subsurface. Pourtant, si l’existence du front de salinité et de ses déplacements zonaux a fait l’objet d’une nouvelle théorie pour ENSO (cf. II), la couche barrière de sel (et même le rôle du sel) n’est pas prise en compte dans les théories oscillatoires d’ENSO, en dépit de son rôle dans les modèles couplés (Maes et al., 2002). Il paraît donc nécessaire de mieux comprendre les liens existants entre la couche barrière de sel, la zone frontale, et ENSO.
L’étude de la couche barrière n’était pas évidenteà réaliser il y a quelques années à partir d’observations in situ compte tenu du manque de profils simultanés en température (T) et salinité (S). Depuis 2000 jusqu’à aujourd’hui, la mise à l’eau de profileurs Argo (cf. Chapitre III) a permis de collecter des profils de température et de salinité de manière continue tous les 10 jours près du bord est de la warm pool. Grâce à ces données, nous allons pouvoir observer et suivre précisément et de manière continue, l’évolution du front de sel et de la couche barrière sur la période récente 2000-0072.
Nous allons tenter de :
1/ Mettre en évidence et comprendre la variabilitéde la couche barrière dans l’espace et dans le temps: Existe-t’il une relation entre les variations du front en surface et celles de la couche barrière en subsurface ? Existe-t-il un lien avec l’occurrence d’évènements El Niño ou La Niña ?
2/ Mettre en évidence les liens entre la présenced’une couche barrière et la présence de SST chaudes. Est-ce que la couche barrière a vraiment un impact sur les températures de surface ?
3/ Expliciter, à partir d’observations, les mécanismes de formation ou de destruction de la couche barrière de sel ; tenter de déterminerle rôle des vents, des précipitations, des courants. Est-ce que la couche barrière de sel résulte d’un mécanisme dominant ou de plusieurs ? Est-ce qu’un forçage à distance de type onde peut influencer l’épaisseur de la couche barrière ?

Les bouées TAO/TRITON

Le réseau TAO s’est développé progressivement pendant le programme international TOGA (1985-1994), avec la mise en place d’un réseau permanent de 70 bouées ATLAS (Autonomous Temperature Line Acquisition System) disposées dans le Pacifique équatorial entre 8°N-8°S et 165°E-95°W (Figure 21). Début 2000 , le réseau s’est étendu au Pacifique ouest, avec la mise en place de bouées TRITON (Triangle Trans Ocean Buoys Network) entre 137°E et 165°E. Il fut renommé depuis, le réseau TAO/TRITON (McPhaden, 1995).
Ces bouées fixes (ou bouées ancrées, ou encore mouillages) permettent, en un lieu donné, de suivre tous les jours voire plusieurs fois par jour, l’évolution des paramètres océaniques tels que température, salinité et courants, sur les 500 premiers mètres de l’océan. L’échantillonnage vertical varie entre l’est et l’ouest du bassin. A titre d’exemple, une dizaine de niveaux verticaux sont échantillonnés en température à 0°-155°W sur les 500 premiers mètres de l’océan. Par ailleurs, ces bouées sont équipées de capteurs qui mesurent des paramètres atmosphériques comme le vent, la pression atmosphérique, l’humidité relative, les précipitations, la température de l’air (cf. Figure22). La quasi-totalité de ces mesures sont transmises par satellite, à un centre de traitement qui les met à disposition des utilisateurs en temps quasi réel. Les données sont téléchargeables librement à l’adresse http://www.pmel.noaa.gov/tao.
Les bouées situées à l’équateur sont équipées de urantomètresco ADCP (Acoustic Doppler Current Profiler, Figure 21 et Figure 22) qui mesurent les courants en subsurface sur les 600 premiers mètres de l’océan avec une résolution verticale d’environ 8 m (McPhaden, 1995).
L’étalonnage des capteurs et la durée de vie limitée des batteries imposent des visites et un entretien régulier. Ce travail est actuellement effectué par l’équipe du PMEL Pacific( Marine Environmental Laboratory) pour les bouées TAO et par l’équipe du JAMSTEC (Japan Agency for Marine Earth Science and Technology) pour les bouées TRITON. Chaque ligne de mouillage est visitée environ tous les 6 mois, pour être réparée, nettoyée ou remplacée (Figure 22). Ces campagnes d’entretien permettent également d’effectuer des mesures (CTD, ADCP) lors du transit du navire océanographique, ces mesures étant en particulier utilisées pour l’étalonnage des capteurs situés sur les mouillages.
Dans cette thèse, nous utiliserons les mesures CTD réalisées pendant les campagnes de maintenance et transmises au World Ocean Data Base, ainsi que les mesures de courant issues des ADCP. A noter que ces mesures ADCP ne sont pas transmises en temps réel, les instruments se trouvant tous en subsurface. Les données ADCP sont donc disponibles environ 1 an après les mesures (d’où l’absence de données en 2007, cf. Figure 12, Bosc et al., 2009 page 112).

Les mesures CTD

Une sonde CTD (Conductivity, Temperature, Depth) mesure, à une station donnée, la température et la conductivité (et par conséquenta lsalinité) en fonction de la pression sur un profil vertical, de la surface jusqu’à une profondeur pré-établie. Le pas d’échantillonnage vertical est de l’ordre de 1 dbar (1 m environ), la précision de 0.005 pour la salinité et 0.001°C pour la température. Une station CTD peut durer 3 à 5h. La fréquence d’acquisition des CTD est, en général, de 24 Hz, les mesures sontensuite le plus souvent moyennées sur 1 ou 2 dbar. Les CTD permettent donc une description de la colonne d’eau avec une très haute résolution verticale.
Une fois la station terminée, les échantillons prélevés à partir de la rosette sont analysés, souvent à bord, en vue d’obtenir des paramètres physique, chimique ou biologique. Les mesures de salinité issues des échantillons sont utilisées pour étalonner les mesures CTD et, si nécessaire, corriger la dérive instrumentaledes capteurs de la sonde. Les données CTD collectées sont ensuite validées sous la responsabil té du chef de mission. Les mesures effectuées lors de campagnes océanographiques françaises sont archivées par le SISMER (http://www.ifremer.fr/sismer/index_FR.htm). Elles sont également archivées de manière globale et mises à disposition des scientifiques (e .g., à la NOAA via l’adresse : http://www.nodc.noaa.gov/OC5/WOD05/pr_wod05.html).
Dans cette thèse, nous utiliserons les données de empérature et salinité des CTD collectées dans le Pacifique tropical entre 2000 et2007 afin d’observer et de comprendre la variabilité des structures thermohalines de la warmpool (cf. Chapitre V).

Thermosalinographes (TSG)

Les thermosalinographes (TSG) mesurent la température et la salinité de l’eau uniquement en « surface ». Ces instruments sont installés sur des navires marchands ou océanographiques. Leur installation sur des navires marchands permet d’échantillonner des lignes commerciales avec une grande régularité spatiale et temporelle, d’environ 1 à 3 sections par saison (Hénin et Grelet, 1996). La mesure se base sur l’analyse de l’eau de mer qui circule dans le système de refroidissement des navires où l’on introduit une dérivation vers le TSG (cf. Figure 24). Cela explique que les mesures de température sont difficilement exploitables car elles présentent un biais chaud de l’ordre de 0.5 à 1°C, variable selon le navire et le lieu où il se trouve. A noter également que cette eau est donc prélevée plus ou moins profond (entre 4m et 8m) selon le type et la charge du bateau.
Figure 24 : Distribution spatiale des observations TSG réalisées par l’ORE-SSS à partir de navires marchands entre janvier 2005 et août 2008 (à gauche ), photo d’un TSG équipé d’un débulleur (à droite).
La plupart des données TSG (que nous utiliserons) ont été collectées toutes les 15 secondes et un filtre médian de 5 minutes est appliqué afin de réduire le bruit et/ou les signaux physiques de petites échelles. Ces données sont transmises en temps réel, par satellite (Immarsat C), vers des centres de collectes, dont l’Observatoire de Recherche en Environnement dédié la salinité de surface (ORE-SSS) du LEGOS (http://www.legos.obs-mip.fr/observations/sss/). L’ensemble des données est ensuite rassemblé et archivé au niveau international dans des Global Data Acquisition Center (GDAC), dont Coriolis.
Nous utiliserons les données de salinité de surface(SSS) dérivées des mesures TSG pour ce travail de thèse. Ces données TSG, avec unerésolution temporelle de 5 minutes, ont?été téléchargées sur le site précédemment citén. Afid’obtenir un produit journalier, nous avons calculé la valeur médiane des SSS sur 24h. Outres les tests déjà réalisés, nous avons effectué un contrôle de qualité supplémentaire (cf5..) avant de les analyser.

Les profileurs Argo

Le projet Argo est une initiative commune des programmes CLIVAR et GODAE qui date de la fin des années 1990. C’est un projet international récent, d’observation in situ de l’océan, qui regroupe aujourd’hui 23 nations (12 nouveaux pays devraient se greffer au projet dans les années à venir). L’objectif est de créer un réseau global de flotteurs autonomes programmés pour fournir des profils verticaux de température et de salinité tous les 10 jours sur les 2000 premiers mètres de l’océan (Roemmich et Owens, 2000).
Figure 25 : Répartition des 3111 flotteurs Argo présents sur tous les océans en mai 2008. Les différentes couleurs correspondent aux différents pays ayant participé aux déploiements à travers leur propre programme de recherche.
Plus de 5000 flotteurs ont été déployés depuis leancementl du projet en 2000, pour atteindre l’objectif des 3000 flotteurs en novembre 2007. Les 3000 flotteurs Argo en opération dans tous les océans collectent plus de 001 000 profils de température et salinitéchaque année. A titre de comparaison, c’est 20 fois plus que ce qui était disponible jusqu’à présent à partir de navires de recherche. Ces données disponibles en temps réel (24h) couvrent l’ensemble du globe (cf. Figure 25) et en particulier toutes les saisons ce qui n’était pas le cas pour les mesures réalisées par des navires de recherche, notamment en hiver.
Il existe plusieurs versions de profileur Argo. Les 3 principaux utilisés dans ce programme sont les APEX (65%), les SOLO (USA) et les Provor (ou Arvor pour la nouvelle version) développés par l’Ifremer en collaborationavec l’entreprise Kannad en France.
Le principe de fonctionnement des flotteurs est le suivant. Une fois mis à l’eau, le flotteur Argo commence librement ses cycles de 10 jours. Pour chaque cycle (cf. Figure 27): le flotteur Argo descend jusqu’à sa profondeur de p arking (1000 ou 2000m) où il dérive librement pendant 9-10 jours. Ces déplacements libres permettent également d’estimer la vitesse des courants en profondeur, en supposant que la dérive du flotteur est faible pendant les phases de montée et de descente. Après avoir dérivé, le flotteur remonte vers la surface et mesure température et salinité tous les 5 ou 10m selon sa programmation initiale. Une fois arrivé à la surface, les données sont transmises par satellites via le système Argos à un centre de réception. Ce dernier les pré-valide et les metà disposition quasiment en temps réel (24h) soit par internet, soit via le GTS (Global Telecomunications System) de l’OMM (Organisation Météorologique Mondiale). Le traitement en temps réel des données du programme Argo est effectué principalement dans 2 centres spécialisés, l’un situé en France (le centre Coriolis à Brest), l’autre aux Etats Uni s (la NOAA AOML). Ces données sont également validées en temps différé (« Delayed mode») avec plus de précision, par les PI (Principal Investigators). L’ensemble des données (temps réel et différé)stearchivé dans les centres nommés ci dessus.
Nous utiliserons les données issues de tous les flotteurs Argo présents sur la région 5°N-5°S-120°E-120°W sur la période 2000-2007.

Traitement des données in situ de température et salinité

Afin d’étudier la variabilité de la structure thermohaline du Pacifique équatorial, en particulier de la warm pool (cf. Chapitres II et V), nous avons réalisé un produit grillé de température et de salinité de surface à l’aide de outes les données in situ (Argo, TSG, CTD) collectées dans le Pacifique équatorial depuis 2000.En ce qui concerne la subsurface, nous avons également réalisé des produits grillés de profondeur de couche isotherme, de couche de mélange et épaisseur de couche barrière de sel, à ’aidel des données in situ de subsurface (Argo et CTD). Avant de réaliser ces produits grillés, nous avons effectué des tests de validation des données collectées, adaptés à notreétude.

Validation des données, adaptée à l’étude de la structure thermohaline du Pacifique ouest

Validation des données Argo
Les données Argo collectées dans la région 120°E-120°W, 5°N-5°S depuis 2000 ont été téléchargées à partir du site Coriolis (http://www.coriolis.eu.org/cdc/Argo.htm) en sélectionnant uniquement les « bonnes valeurs » (option « Good data only » sur ce site, c’est-à-dire les mesures pour lesquelles au moins un des paramètres mesurés est « valable »). Nous avons ainsi rassemblé 12 031 profiles (ce qui représente 391 752 mesures de température et/ou salinité sur les 200 premiers mètres de l’océan).
Bien que ces profils aient déjà subi des tests de qualité en temps réel ou différé, nous avons effectué des tests complémentaires de validation des données. Nous avons d’abord examiné le contenu de chaque fichier (qui correspond à un profileur) sans se limiter en profondeur. L’examen des fichiers a porté sur les éléments suivants:
– colonne manquante : nous avons éliminé 196 couples (température, salinité) incomplets en raison de l’absence de mesure de salinité.
– date, longitude, et/ou profondeur aberrantes : nous avons vérifié le réalisme des dates, longitudes, profondeurs. Aucune valeur aberrante n’a été détectée.
– température et/ou salinité aberrantes : nous avonséliminé les couples pour lesquels la température et/ou la salinité dépassai(en)t 90 unités. Ce sont généralement des données considérées comme « mauvaises » par les validationsen temps réel ou différé. Nous en avons rencontrées 1304.
A partir de ces données, nous avons calculé la température et la densité potentielles selon les formules de McDougall et al. (2003). Nous avons ensuite affiné nos tests de validation en considérant le réalisme physique des données de température potentielle, salinité et densité potentielle sur la couche 0-200 m. L’examen des données a porté sur les éléments suivants :
– Gamme de variation de température et salinité en fonction de la profondeur. Nous avons éliminé tous les couples pour lesquels, la température ou la salinité n’était pas comprise entre 5°C et 35°C pour la température, et entre 33 et 37 pour la salinité. Nous avons également éliminé les profils pour lesquels les gradients verticaux de température étaient supérieurs à 0.7°C/m en dehorsde la thermocline (définie entre 14°C et 27°C). Enfin les profils où la densité potentielle n’était pas comprise entre 1020 et 1028 kg/m3 ont été éliminés. Ces tests nous ont permis d’éliminer 36 profils douteux dans les 200 premiers mètres.
– Test de stabilité : nous avons vérifié la stabilitéde la colonne d’eau en calculant le gradient vertical de densité (/z). Nous avons recensé 12 profils contenant des données avec/z < -0.02 kg.m-4, valeur seuil donnée par de Boyer Montégut et al. (2004). Tous les profils pour lesquels/z < -0.02 kg.m-4 ont été éliminés.
Enfin, nous avons effectué des tests de validité adaptés à notre étude de structure thermohaline en surface (front de salinité) et en ubsurface (couche barrière de sel). Dans ce cas précis, l’examen a porté sur :
– L’absence de données dans certaines parties du profil. Afin de calculer précisément les profondeurs de couche de mélange et couche barrière(cf. ci-dessous), nous n’avons pas pris en compte les profils ayant des données manquantes sur une certaine épaisseur dans les 150 premiers mètres. Nous avons ainsi détecté 170 profils avec des trous de 15 m ou plus, 64 pour des trous de 25 m ou plus, et 38 pour des trous de 40 m ou plus. Notre choix s’est porté sur le seuil de 25 mètres après de nombreuses visualisations du réalisme qualitatif des résultats d’interpolation verticale par fonction spline tous les 5 m (voir discussion page 52).
– Absence de données en « surface ». Afin de ne pas prendre en compte les effets diurnes ou de pluies fortes et de courtes durées sur le calcul de l’épaisseur de la couche de mélange, les valeurs de SST et SSS ont ét prises à 15 m. Ainsi nous avons rejeté tous les profils (264) n’ayant pas de valeur entre 0 m et 15 m de profondeur. A noter que les estimations de profondeur de couche de mélange (MLD) faites avec des valeurs en « surface » prises à 10 m ne changent pa s nos résultats de manière notable (voir discussion page 58).

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Table des matières

Principaux acronymes français ou anglais
Table des matières
Chapitre I. Introduction
Chapitre II. Le Pacifique tropical : quelques rappels importants
I. Présentation de l’état moyen
1. Températures moyennes
2. Salinité de surface
3. Les courants de surface
4. Vents de surface et précipitations
II. Rappel des théories oscillatoires d’ENSO
1. Les principales théories oscillatoires
2. Synthèse et questions scientifiques
a. Spécificités de la Recharge-Décharge
b. Questions scientifiques
III. La warm pool : ses spécificités
1. Présentation
2. Questions scientifiques
Chapitre III. Les données in situ et satellitaires
I. Les observations in situ
1. Les bouées TAO/TRITON
2. Les mesures CTD
3. Thermosalinographes (TSG)
4. Les profileurs Argo
5. Traitement des données in situ de température et salinité
a. Validation des données, adaptée à l’étude de la structure thermohaline du Pacifique ouest
b. Réalisation des produits grillés des données thermohalines de surface
c. Réalisation des produits grillés des données thermohalines de subsurface
II. Les mesures satellites
1. Les mesures altimétriques de niveau de la mer
a. Principe de base de l’altimétrie et corrections associées
b. Quelques missions altimétriques
c. Les produits : construction de notre produit grillé
d. Estimation des courants et des transports géostrophiques à partir de l’altimétrie
2. Les mesures de vent
a. Produits de vent
b. Calcul et validation des transports d’Ekman
Chapitre IV. Les variations de volume d’eau chaude du Pacifique équatorial
I. Les ondes équatoriales : aspects théoriques
1. Rappel sur la théorie des ondes équatoriales
2. Contribution des ondes équatoriales à un signal donné
a. Contribution des ondes de Rossby et Kelvin en courant zonal et niveau de la mer
b. Estimation de la contribution des ondes de Rossby au courant géostrophique méridien
II. Etude des variations de volume d’eau chaude
1. Résumé de l’article Bosc et Delcroix (2008)
2. Article : Observation des ondes de Rossby équatoriales et variations de volume d’eau chaude dans le Pacifique équatorial en liaison avec le phénomène ENSO
Chapitre V. Variabilité des structures thermohalines de la warm pool
I. Etude préliminaire
II. Etude des structures thermohalines de la warm pool
1. Résumé de l’article Bosc et al. (2009)
2. Article: Barrier layer variability in the western Pacific warm pool from 2000 to 2007
Conclusion et Perspectives
Bibliographie

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