UNE PLATEFORME QUI SEDUIT MOINS SES EMETTEURS QUE SON CONCURRENT PRINCIPAL : FACEBOOKLIVE 

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YouTube Live, nouveau réceptacle de diffusion vierge, prêt à la création et un foisonnement de possibilités saisissables pour le monde journalistique :

Outre ses avantages et les facilités que la plateforme présente, YouTube Live est aussi un outil qui a un potentiel de renouvellement de la pratique journalistique, d’innovation journalistique. Ce, aussi bien pour les émetteurs journalistes que pour les récepteurs journalistes.
En effet, dans un premier temps, YouTube Live est une mine de vidéos, avec des angles différents –à condition que plusieurs médias passent en live sur le même événement-, qui permettent d’avoir une vue d’ensemble d’un événement pour un journaliste qui n’a pas les capacités de se déplacer ou plutôt qui a alors la capacité de se démultiplier en suivant par exemple une conférence sur le sujet traité tout en participant à un autre événement, distancé de l’emplacement géographique où il se trouve. Tout journaliste, à condition qu’il/elle soit abonné.e à la chaîne des diffuseurs peut recevoir une notification d’un live des médias suivis sur la plateforme. YouTube Live peut alors être perçu comme un outil de veille (pour des manifestations ou des conférences sur un sujet donné) dans l’activité journalistique, en plus d’être également une banque d’images pour tout journaliste en recherche d’illustrations visuelles pour un sujet10.
Il m’est déjà personnellement arrivé de devoir rechercher des idées d’images de sujets réalisés pour France 2 – New Delhi en Inde sur YouTube. D’ailleurs, pour la préparation d’un Envoyé Spécial intitulé « Trains de Vie » en Inde, nous avions même trouvé des idées de séquences via YouTube : en recherchant des scènes de vie ou des évènements ayant lien avec le réseau ferroviaire indien, nous avions par exemple découvert un bidonville installé sur un train local ou encore de jeunes cascadeurs sur les trains locaux de Mumbai. Youtube devenait alors un réel « moteur de recherche vidéos » dans mon travail journalistique, par rapport à des faits précis. Cependant, il faut noter ici que le fait que YouTube soit une formidable mine d’images pour les médias, sa fonctionnalité live ne vient pas renforcer cette utilisation de la plateforme dans le journalisme.
En revanche, là où le monde journalistique se réapproprie YouTube Live de façon réellement innovante, c’est plutôt dans les partenariats qui se créent avec les utilisateurs de Youtube, les Youtubers.
Le média « pure player » Mediapart par exemple est allé jusqu’à inviter des Youtubers (comme Usul ou l’équipe d’Osons Causer) à venir décrypter la campagne présidentielle de 2017. Après la campagne, le YouTuber Usul continue à produire pour Mediapart dans une nouvelle chronique intitulée « Ouvrez les guillemets »11, diffusée en live sur Mediapart.
Renaud Creus revient sur ce partenariat ; grâce à lui, Mediapart a pu toucher une nouvelle audience, plus jeune, déjà habituée à consommer des vidéos YouTube: « (…) En tout cas pour toucher de nouvelles audiences je pense qu’on a réussi. Peut être pas forcément en direct mais pendant la période [où nous faisions des vidéos] hebdo, on a fait des chroniques – qui n’étaient pas forcément du live mais qu’on passait pendant notre live – avec des Youtubers comme Usul et Osons Causer qui avaient des petites pastilles. En live, elles n’étaient pas forcément vues par leur public à eux mais on les mettait après en replay dans notre habillage live et ça marchait bien ; on a eu pas mal de nouveaux abonnés sur Youtube. Elles faisaient énormément de bruit ces vidéos, ça nous permettait de toucher déjà leur public à eux et comme ils étaient déjà présents sur Youtube. »
En créant des partenariats avec des YouTubers, habitués de la plateforme, qui ont déjà rassemblé une communauté de visionneurs, d’abonnés, les médias français s’assurent un nouveau public, d’ailleurs souvent ciblé, car plus jeune. Ainsi, Hugo Travers (et ses 150 000 abonnés environ) par exemple, a vu ses chroniques politiques postées sur YouTube (#HugoDécrypte) être diffusées sur LCI à partir de février 2017 et ce, pendant toute la campagne présidentielle.
Et même à France 24, Sylvain Mornet n’exclue pas d’embaucher des YouTubers: « J’y ai pensé : je me suis dit que ça pourrait être cool, quelqu’un qui véhicule ou a une visibilité qui se rapproche de FR24, qui maîtrise ce qu’il se passe ailleurs dans le monde. C’est dans un coin de ma tête. Pourquoi pas à terme avoir un programme dans cette forme là, plus léger, avec une personnalité du web pour l’incarner : il aurait déjà sa communauté et ne tomberait pas de nulle part. Il aurait une
légitimité à utiliser cette plateforme, un langage associé et une thématique. »
Plus loin encore, France 24 a même créé du contenu spécialement pour sa plateforme Youtube : « On a des produits spéciaux comme ‘’90 SECONDES POLITIQUE’’ qui n’est pas diffusé à l’antenne. Ce sont des produits entièrement en motion design, qui n’ont pas vocation à être sur l’antenne. » YouTube et le web en général permettent donc aussi à France 24 de s’adresser différemment à son audience, autrement qu’avec la forme traditionnelle télévisuelle (un présentateur face caméra, des sujets de reportages et du débat en plateau). Place ici au sujet ultra court et sans commentaire, remplacé par l’animation numérique. Ce qui permet aussi de donner un nouveau visage à la chaîne, tout réaffirmant son identité, sa ligne éditoriale, sa « patte » : « ‘‘90 secondes Politique’’, on l’a créée, c’est sorti de nulle part et c’est plus fun que ce qu’on fait d’habitude. Une autre va arriver : « 60secondes avec … » où on aura un invité, un peu à la Konbini. Ce sont de vrais nouveaux produits, conçus pour le digital. Mais on reste dans un univers où on sait qu’on est chez nous, on sait qu’on est chez France 24. On va rester dans le même ton. On n’est pas dans du LOL. Dans tous les caas, il y a la chartre d’habillages des vidéos de France 24 qui est aussi garante de tout ça. » Cependant, ces « pastilles » ne sont jamais diffusées en live sur le compte YouTube de France 24 qui, lui, tend à rester une réelle chaîne TV, miroir de son antenne réelle.

Une plateforme qui séduit moins ses émetteurs que son concurrent principal : FacebookLive

Quel est l’avantage réel qu’apporte le live sur YouTube ? A l’heure où de plus en plus de réseaux sociaux développent leur live, en quoi YouTube se démarque-t-il de ses concurrents ?
Il est intéressant ici de souligner aussi que YouTubeLive, dans son fonctionnement même, privilégie et encourage les vidéos de très bonne qualité, à une période où les capteurs de bonne qualité sont plutôt accessibles en terme de prix à tous ceux qui voudraient se lancer dans la vidéo.
Cependant, là où l’auteur de cette comparaison, Paul Richards, finit finalement par pencher pour FacebookLive, c’est surtout face à la puissance d’interactivité que propose le réseau social de Zuckerberg, qui compte, depuis mai 2017, plus de 2 milliards d’utilisateurs (avec, certes, un nombre important de ‘faux comptes’ 14 ).
Le référencement du live pour Facebook est, de façon tout à fait surprenante lorsqu’on sait que YouTube = Google, le maître des moteurs de recherches du monde et donc, par extension, le chef du référencement web, plus efficace pour être « vu » que celui de YouTubeLive, selon cet auteur. D’ailleurs, Sylvain Mornet confie que la première tâche pour laquelle il a été embauché en 2014 par France 24 consistait à « harmoniser », ce qui passait également par une harmonisation du référencement des vidéos de la chaîne sur YouTube. « Au début, quand je suis arrivé en 2014, la tâche majeure était d’harmoniser : par exemple sur YouTube, un Titre + une description et des tags. Pour avoir un référencement. Par exemple, dans toutes les vidéos, on a mis en place une baseline (« abonnez vous, suivez nous, etc. , les URL du site et du twitter etc ») : ca, on a réussi techniquement à l’automatiser, c’est à dire que ce n’est pas nous techniquement à la main qui a chaque mise en ligne réécrivons tout. Et ça se fait automatiquement dans toutes nos langues ». Cela signifie donc que YouTube ne permet pas un référencement automatique : un travail est demandé derrière, pour venir « booster » les live ou même tout contenu posté sur YouTube. D’ailleurs, Mediapart (au travers de Renaud Creus) nous confie ne pas avoir l’équipe ni le temps d’améliorer son référencement. Une tare pour la plateforme qui se veut « leader » de la vidéo ?
Encore plus, si l’on pense aux journalistes vidéos indépendants désirants se lancer sur YouTube en utilisant la tendance du moment, le live, leur assurant de générer des vues ; puisque ces jeunes journalistes n’auront pas forcément systématiquement la capacité technique ou bien même la main d’œuvre pour gérer au mieux le référencement de leurs vidéos en direct, et donc, pas non plus la capacité de faire décoller leurs nombres de vues. Le serpent s’est mordu la queue.
Sylvain Mornet souligne donc que le travail de présentation sur YouTubeLive compte énormément : « Sur YouTube, si on clique, c’est qu’il y a un intérêt à le faire. Donc votre titre, votre miniature visuelle, votre vignette sont extrêmement importantes. Il faut attirer la personne et pouvoir lui donner envie de ne pas s’en aller. »
Pourtant, ce travail de présentation, lorsqu’on fait un live depuis son mobile, est rapidement évacué et même, doit être rapidement évacué puisque l’urgence a plutôt tendance à être dans le fait de rapporter l’événement principal du live.
Lors de mes essais de live depuis mon mobile, l’étape de présentation et de référencement de ma vidéo a duré moins d’une minute :
Source : capture d’écran de mon mobile.
Le temps d’entrer un titre et de prendre une photo qui servira de vignette pendant le live. Elle peut être modifiée et des « keywords » peuvent ensuite être rajoutés dans le descriptif du live, mais seulement en « postprod », une fois que celui-ci est terminé.
Ce qui participe de l’utilisation de YouTube en visionnage de vidéos a posteriori de l’événement, puisque ce n’est qu’à ce moment là qu’un effort de meilleur référencement peut être fait par l’émetteur de vidéo.
Sur Facebook, on retrouve les mêmes possibilités de référencement que celles accessibles depuis YouTube : les tags en fin de vidéos et la possibilité d’inscrire des hashtags dans le titre ou encore d’encourager ses visionneurs à aimer sa page et sa vidéo en live, par le journaliste.
Mais FacebookLive a surtout un autre grand avantage : son caractère de réel réseau social. La visibilité des émetteurs est bien plus nette sur Facebook. Leur page fait le tour de la toile en quelques cliques de partage, ce que ne permet pas YouTube. Acquérir une communauté sur Facebook va beaucoup plus vite que sur YouTube.
Bien que YouTube se revendique également comme tel, il n’agit qu’au rabais comparé à Facebook où les internautes sont sans cesse mis en relation dans leurs activités. C’est ce que souligne Pierre-Benoit Lagoeyte, chef numérique de Rue89 MOOC : « Pendant des années, YouTube n’a pas été considéré comme un réseau social. Il n’a pas de fil d’actualité pour écouter du contenu, etc. Depuis l’année dernière, Google cherche à intégrer bien plus de fonctions sociales pour le rapprocher de réseau social. Mais GOOGLE n’est pas non plus la boîte la plus adaptée pour faire du social media : on l’a vu avec l’échec de Google+ ».
Par exemple, le fait d’aimer un live sur Facebook permet aux amis de l’utilisateurs « pouçant » le live de voir cette vidéo tomber dans leur fil d’actualité. Plus le live dure longtemps, plus la vidéo a de chances d’être « poucée » et donc d’être encore plus visionnée.
Alors que nous aurions pu voir dans l’émergence du live sur réseau social numérique un moyen pour renouveler la relation émetteur/récepteur et booster leurs interactions dans la « fabrique » même de l’information, qu’en est-il dans la pratique ? Les commentaires des utilisateurs sont-ils vraiment pris en compte ? Les plateformes Facebook et YouTube permettent-elles une réelle mise en valeur de la « réaction » de l’audience ?

CAPACITE D’INTERACTION PERCUE DU COTE DE L’EMETTEUR

L’intérêt et l’innovation du live sur les réseaux sociaux, nous l’avons dit, est qu’il permet de rapprocher l’émetteur de son récepteur et de créer une réelle interactivité entre lui et son audience. Le journaliste pourrait alors directement répondre à des réelles demandes d’informations de son audience (plutôt que de spéculer sur ce que « les gens aimeraient voir, ce que les gens veulent voir, ce que les gens ont envie de savoir »), et ce, en direct.
Pourtant, dans la pratique, sur YouTube Live, peu de médias utilisent les commentaires comme inspiration pour construire leur live. En interrogeant nos deux interlocuteurs principaux, Renaud Creus et Sylvain Mornet, les deux confirment d’ailleurs avoir désactivé les commentaires pendant leurs live.
Pour France 24, Sylvain Mornet y voit d’abord un problème de capacité à traiter ces commentaires  « Je pense qu’en terme d’interaction, ça fait 3 ans que je fais ça et la seule chose qu’on m’ait dite c’est de « fermer les commentaires » : on m’a dit sur cette vidéo faut fermer ça. Sur le live, les comm’ sont fermés. Sinon, de base c’est ouvert .
On pourrait se dire qu’il faut porter un intérêt aux commentaires puisque de base, YOUTUBE est un média social ! Si on était le double du staff je dirais peut-être mais là … Non. »
Il ajoute également qu’il n’y voit finalement pas d’intérêt constructif dans le travail journalistique : « Les commentaires sont quand même : beaucoup de troll, beaucoup de commentaires racistes, beaucoup de haine, très peu de choses constructives.
Extrêmement peu. Il y a donc ces deux facteurs qui font qu’on n’a jamais intégré de dimensions sociales à YOUTUBE. Mais nous n’avons pas de programme diffusé à l’antenne ou de broadcast interactif, je pense que c’est un manque. »
De même, c’est ce que relève Renaud Creus chez Mediapart : « On a arrêté les commentaires parce qu’on ne s’en servait pas. Les gens parlaient entre eux en fait.
(…) Pour une question de moyens, de ressources humaines, on les live-tweet ces émissions, donc il faut gérer déjà ça. Comme on n’est pas assez, on a supprimé les commentaires. » Pour optimiser cette interaction, il faudrait donc une équipe dédiée. Si l’équipe est réduite, il semble que le choix de la plateforme pour interagir soit vite fait : pas sur YouTube.
Notons ici que France 24 a tout de même trouvé, une fois, une utilité surprenante aux commentaires : la chaîne s’en est servi pour légitimer la création d’une nouvelle émission, « Pas2Quartier » (une émission lancée à l’été 2015, qui propose de filmer les quartiers populaires aux travers de collaborations avec leurs résidents) : « Après l’épisode 1 et l’épisode 2 de Pas2Quartier, on se disait qu’on pourrait présenter les commentaires positifs sur YouTube à la direction en les mettant en avant pour qu’ils servent à notre argumentaire pour que l’émission entre régulièrement dans notre programmation. »
Les commentaires, loin de créer une nouvelle relation entre émetteur et récepteur de live, peuvent alors servir de ‘thermomètre’ dans l’appréciation des programmes par l’audience, a posteriori du live.
Cependant, ce manque de prise en compte des commentaires et de l’interactivité diffère selon les plateformes. Il est intéressant de noter ici que France 24 opère une distinction dans son usage de Facebook et de YouTube :
« On utilise par contre bien plus les commentaires lors de LIVE évènementiels sur Facebook, avec des appels à questions, etc. Là, il y a une vraie interactivité. On annonce à l’avance nos ‘’live’’ en disant : demain à telle heure, il y aura un Facebook Live, etc. Mais pas sur YOUTUBE. Ça n’veut pas dire qu’on le fera jamais. Si on faisait live évènementiel sur YOUTUBE, on pourrait jouer sur l’interactivité. »
Mais, dans les faits, pour le moment, France 24 préconise l’événement sur Facebook plus que sur YouTube, bien qu’elle choisisse de rediffuser ou de diffuser parfois simultanément certaines vidéos sur plusieurs plateformes.
La question de la cannibalisation de l’audience pourrait alors se poser : les émetteurs de live font-ils un choix dans la plateforme de diffusion, décident-ils d’éliminer une plateforme pour se concentrer sur une autre au risque de voir leur audience s’émietter ?
Comme le rappelle Pierre-Benoît Lagoeyte de Rue89 MOOC : « Globalement, le live sur YouTube et sur Facebook n’a pas les mêmes cibles ; quand on met sur internet, quelque soit la plateforme, il n’y a pas les mêmes cibles. Et il faut toujours réfléchir en terme de cibles. Sur YouTube, on consomme un certain contenu, différent de celui de Facebook. Le principe de live est différent : sur Facebook ce sera souvent très court, avec du texte. »
Selon les dires de Sylvain Mornet, de France 24, il semble plutôt que la plateforme de diffusion importe peu. Et même que le choix de diffuser au maximum, donc sur tous les réseaux, prime : « Dans cette configuration, celle de l’évènement live, nous avons une stratégie de visibilité maximale. Peu importe le canal, on branche tous les flux : YouTube, Facebook, Périscope. Et on balance. En tant normal, ce n’est pas le cas, on est simplement diffusé en live sur YouTube. »
Finalement, YouTube Live ne semble pas être utilisé dans l’événementiel mais plus pour re-streamer. Les possibilités d’innovation pour le journaliste, offertes par le live, comme la communication avec son audience, ne sont pas réappropriées sur YouTube mais sont plutôt expérimentées sur Facebook Live par les quelques journalistes indépendants (les « mojo » – mobile journalism) qui utilisent le live sur les réseaux sociaux numériques en France.
YouTube ne souffrirait-il pas de ses habitudes d’usage, coriaces, qui ne laissent pas d’espace à sa jeune fonctionnalité live ?

Une plateforme trop jeune ou déjà trop vieille pour le live

Le live de YouTube, qui n’a pas encore fêté son premier anniversaire, est en pleine construction : ses usages ne sont pas encore définis et même, n’ont même pas encore réellement émergé en France où Facebook Live est plus utilisé par les journalistes indépendants. Preuve en est que depuis sa création début 2017, la plateforme n’a même pas de réel nom : on l’appelle tantôt YouTube Direct (car la chaîne YouTube recensant tous les live de la plateforme s’appelle « Direct ») ou YouTube Live, en résonnance avec Facebook Live. De plus, comme dit supra, la plateforme ne peut pas s’appuyer sur un réseau social ancré comme Facebook où on se passe le mot, où les live font vite le tour de la toile bleue.
DEJA TROP VIEILLE : En France, il est rare de trouver des journalistes qui utilisent cette plateforme de manière systématique et en ayant une réelle stratégie derrière. La plupart passe sur Facebook ou postent simplement leurs vidéos sur leur chaîne YouTube, en l’utilisant comme « archivage ».
Même France 24, qui a pourtant un partenariat avec la plateforme, n’utilise finalement Youtube Live plus pour « restreamer » son antenne ou poster des vidéos PAD (prêtes à diffuser) que pour faire de réel live. Ici YouTubeLive fait finalement encore fonction de pur outil de diffusion, sans rien apporter de nouveau, d’innovant, que la capacité de faire un live. C’est d’ailleurs ce que souligne Pierre-Benoît Lagoeyte, manager socio-numérique de Rue 89 et chef de projet numérique de Rue 89 MOOC : « En fait, YouTube c’est plus une TV alternative que Facebook. Facebook est beaucoup plus adapté à l’interaction, aux ‘’like’’, aux commentaires et propose la capacité de partager des vidéos. » Ce qui n’est pas possible sur YouTube (le like ou dislike, mis à part).
Finalement, YouTube souffre de ses précédents usages tant de consommation que d’émission : c’est ce que souligne aussi Pierre-Benoît Lagoeyte ; « Sur YouTube on va aller regarder les live en post-live. La consommation sur YouTube c’est vraiment d’avoir du temps disponible et d’aller chercher une thématique particulière, voire une vidéo ciblée, et être disponible sur le temps long. » Cette analyse est d’ailleurs reprise par un article du site web d’information numérique fondé en 2013, The Information16 : « … Put in astronomical terms, a Facebook video is a brief supernova, peaking early and then quickly fading out; a YouTube video is more like a cooling star that emits a small flash of light then slowly decays… »17
D’ailleurs, dans un article d’octobre 2016, publié sur Les Echos18, Thomas Owadenko, fondateur de la start-up française Octoly, qui permet de mettre en lien marques et influenceurs pour réaliser des tests de produits, prédit : « Je ne vois pas Instagram, Facebook ou Snapchat concurrencer directement YouTube, Chacun adopte une grammaire et un langage différents : Facebook sera très fort sur le direct, Snapchat sur les vidéos courtes, tandis que YouTube conservera la main sur les formats plus longs. »
En premier lieu, concernant la publicité, elle peut apparaître comme problématique, notamment pour un média: si un journaliste réalise un reportage en live depuis la Syrie par exemple, et que pour la référencer, il inscrit « Syrie, violence, affrontements », la plateforme, selon ce nouveau système de contrôle de la rémunération, risque de désactiver la pub. En même temps, comment faire passer une publicité pour un parfum, une voiture ou un jouet, avant des images de guerre ?
Pour les chaînes audiovisuelles qui voudraient faire du live, l’avantage de ne pas passer sur YouTube et de privilégier un player-maison serait justement de retrouver la main sur ce genre de décision mais aussi de pouvoir « puber » chaque vidéo, sans qu’un pourcentage soit raflé par la plateforme.
Sylvain Mornet, de France 24, pointe également du doigt un aspect négatif purement technique du système de publicité « par défaut » de YouTube : « On peut mettre de la publicité qui n’est pas désactivable. Heureusement, si on ne l’active pas ça va. Mais parfois, par défaut, avec toutes les vidéos envoyées automatiquement, la publicité était impossible à désactiver. Donc si une personne voulait regarder une vidéo, elle devait se taper 45 secondes de préroll impossible à désactiver. Donc nous on a changé ce paramètre par défaut, sauf lorsqu’on sait que les gens veulent vraiment voir ce contenu. Là tant pis, on leur met du préroll. Mais que pour des vidéos ciblées. »
Donc pour un média qui souhaiterait, en revendiquant son indépendance, éviter d’avoir recours à la publicité, YouTube n’est pas du tout le bon écosystème vers lequel se diriger.
D’autant plus que la deuxième solution de monétarisation proposée par la plateforme consiste en du placement de produit. Un pas de plus en arrière pour l’indépendance.
Cette indépendance est le dernier et plus fort point négatif soulevé, notamment soulevé par Mediapart comme par France 24 : Renaud Creus l’évoque tout d’abord au travers de la publicité, « Malgré tous les aspects positifs ça reste gênant que ca soit GOOGLE, surtout pour un média comme nous ; pour le moment c’est possible de désactiver les pubs sur chaque vidéo. Par exemple, DAILYMOTION, quand on a cessé le partenariat avec eux, ils ont remis des pubs en plein milieu des vidéos : comme on met ces vidéos sur notre site ensuite et qu’on promet un site sans pub, c’est gênant. Donc c’est bien de pouvoir choisir. »
Mais plus largement, il souligne l’inconvénient de dépendre de Google : « Le fait de donner ses contenus à un GAFA25 c’est toujours gênant : si on fait une enquête sur un truc qui les dérange, ils peuvent te dégager assez rapidement. Tu restes propriétaire de ton contenu mais c’est eux qui l’hébergent donc on reste un peu dépendants quand même ! »
Sylvain Mornet, de France 24, fait part de la même gêne en parlant de ‘dépendance relative’ puisque France 24 jouissait déjà d’une solide audience avant son arrivée sur YouTube mais aussi parce que France24 a les moyens techniques de déployer un plan B : « On peut avoir peur que notre contenu ne soit plus hébergé chez nous, que ça soit aux US. Ou que YOUTUBE ferme ou change de ‘ligne éditoriale’ et décide de filtrer ses vidéos, de ne faire que dans l’humour ou autre. Donc c’est une dépendance relative. (….) En terme de regard porté, on peut se dire que tous les contenus appartiennent à une plateforme qui n’est pas la nôtre. Si demain, YOUTUBE dit « on ne met que du LOL et de la musique, plus d’infos », ce serait problématique parce qu’on perdrait une communauté.
Mais pas techniquement puisqu’on a plan B : on aurait le retour d’un autre player. Je ne considère pas que techniquement nous soyons dépendants d’eux ; mais en terme de visibilité c’est sûr que si YOUTUBE ferme, nos abonnés ne viendront pas s’abonner à une autre plateforme. »
Cette audience solide et la possibilité d’avoir un plan B ne sont cependant pas données à tous, surtout aux plus petits médias qui resteraient indéniablement dépendants de YouTube, à défaut d’un autre GAFA.
Cette dépendance est largement critiquée, d’autant plus que YouTube rime avec Google, géant du Web. Utiliser cette plateforme pour produire du contenu vidéo journalistique, bien qu’elle présente les avantages de la technicité et de la gratuité, c’est aussi renforcer la domination de Google –ou son « hypercentralité », telle que décrite par Boris BEAUDE, dans son ouvrage Les Fins d’Internet26 – sur le web. Boris BEAUDE revient sur la domination du web par Google, dont il décrit la stratégie active de maîtrise totale d’Internet : « Google a étendu son activité à la quasi-totalité des services présents sur Internet : le courriel, la messagerie instantanée, la visioconférence, l’hébergement photos, les comparaisons des prix, les paiements, le système d’exploitation, le navigateur, le téléphone mobile, l’ordinateur, l’accès internet, les serveurs DNS, l’évaluation participative de lieux, l’agenda, la bureautique, le stockage de données, la traduction, la musique, les livres, l’art, etc… ». Et donc, la vidéo et notamment le live. La ‘‘gratuité’’ de ce service participerait alors de cette stratégie de domination du web. Le système de monétarisation mis en place, loin d’être un « don désintéressé » comme le décrit le chercheur Olivier ERTZSCHEID 27 , n’est finalement qu’un système de financiarisation de YouTube, qui se fait sur les vidéos de ses utilisateurs qui ne gagnent qu’une partie des revenus générés par leurs productions.

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Table des matières

I) YOUTUBELIVE, PORTEUR D’INNOVATIONS JOURNALISTIQUES ? 
A- ÉMETTRE SUR YOUTUBE LIVE : GAGE DE PRESTIGE ET FAÇON DE TOUCHER UNE NOUVELLE AUDIENCE A MOINDRE COUT.
B- YOUTUBELIVE, NOUVEAU RECEPTACLE DE DIFFUSION VIERGE, PRET A LA CREATION ET UN FOISONNEMENT DE POSSIBILITES SAISISSABLES POUR LE MONDE JOURNALISTIQUE :
II) LES LIMITES D’UNE TOUTE JEUNE PLATEFORME DE LIVE , EN PLEIN TATONNEMENTS : 
A- UNE PLATEFORME QUI SEDUIT MOINS SES EMETTEURS QUE SON CONCURRENT PRINCIPAL : FACEBOOKLIVE
CAPACITE D’INTERACTION PERCUE DU COTE DU RECEPTEUR
CAPACITE D’INTERACTION PERCUE DU COTE DE L’EMETTEUR
B- UNE PLATEFORME TROP JEUNE OU DEJA TROP VIEILLE POUR LE LIVE
DEJA TROP VIEILLE
MAIS AUSSI TROP JEUNE
BIBLIOGRAPHIE ET SITIOGRAPHIE

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