Une petite Europe Balkanisee : représentations d’une montagnepratiquée 

La découverte de Rebmann : naissance d’un autre Kilimandjaro

Avant d’accéder au pied du Kilimandjaro, les aventuriers doivent parcourir la distance qui sépare les cites côtières de la montagne. La longue traversée de la savane peut alors durer plusieurs semaines. C’est une étape redoutée en raison des obstacles varies qui la ponctuent. La représentation du Kilimandjaro en tant que relief précis, est très liée a la perception des chemins qui y mènent. Accéder au pied du Kibo semble une entreprise gigantesque.

Une montagne cernée de périls

Dans leur crainte d’être trop sérieusement concurrencés par ces nouveaux venus, les Arabes et les Swahili des côtes dressèrent aux missionnaires un portrait angoissant de ce qui les attendait. L’intérieur était réputé pour la multitude d’anirnaux sauvages et des bandes de voleurs qui guettaient les caravanes, a l’affiIt dans les plaines. Cela inquiéta d’autant plus Krapf qui savait qu’un mann français du nom de Maizan avait été sauvagement assassiné deux ans plus tôt, en 1845, et a moms de 150 kilomètres de Ia côte. Celle-ci représente a cette époque le dernier espace de civilisation face a un continent dangereuse et imprévisible. Le non donné a cette contrée, hostile et presque inconnue, est le nyika.
Mais avant de s’aventurer sur les pistes parsemées d’embiiches, le premier souci du missionnaire est de constituer une caravane avec des porteurs. On trouve ici un obstacle de taille au succès des périples exploratoires. La description qu’en fait le Père Le Roy est éloquente 13: Pteste maintenant … a nous procurer des porteurs … nous n’avons plus a choisir que parmi la tourbe innommabie des esciaves marrons, voleurs, menteurs, ivrognes, déserteurs, vagabonds, faineants, malandrins, écumeurs de caravanes, dont la profession est de s’engager chez les voyageurs européen.s, les nouveaux-venus, pour recevoir des avances et filer … c’est … parmi cette truandaille qu’il faut faire un choix. . A l’heure du départ, cinq porteurs ont disparu.
Disputes, insultes, bagarres, grèves ralentissent Ia progression des caravanes vers le Kilimandjaro. Au cours des traversées, ii est frequent que des porteurs qui fuyaient un créancier on un maître déserté, soient forces d’abandonner la caravane. Cela rappelle avec quelles difficultés Christophe Colomb fit la traversée de 1’Atlantique a la tête d’équipages de repris de justice.
Cependant, ce que redoutent par dessus tout les explorateurs pendant toute la seconde moitié du XIIXe siècle, ce sont les tribus hostiles et les animaux sauvages. Ces derniers sont très nombreux a parcourir le nyika. Les vastes étendues herbeuses sont peuplées de buffles, d’éléphants, de girafes, de rhinocéros. Zèbres et antilopes complètent la liste des herbivores auxquels ii convient d’ajouter leurs nombreux prédateurs: lions, léopards, hyènes on encore iapaces. Toute cette faune sauvage, qui fait aujourd’hui le succès des pares tanzaniens et kenyans, représente pour les explorateurs des dangers certains. Les caravanes sont des cibles potentielles du fait de Ia presence de proies faciles: hommes, ânes, chevaux (documents 7, p.27 et 8 p.28). Le transport des vivres renforce encore cet attrait. Les voyages sont places sous le signe de l’inquiétude devant les attaques imprévues (documents 9 p.28; 10p.29, et 11 p.30).
Si la faune africaine occasionne des perils, elle est aussi une source d’aliments si le besoin s’en fait sentir. La chasse devient rapidement source de nourriture, et elle apporte son lot de trophées. Ii se peut que ce soit a cette époque qu’est née la chasse sportive sans autre but que de collectionner les animaux insolites du continent africain, qui de prédateurs devinrent proies. Quoi qu’il en soit, on retrouve dans les gravures des différents voyageurs de nombreuses scènes de chasse qui forcent d’ailleurs le trait sur le courage et l’hérfsme des aventuriers (documents 12 p.31. et 13 p.32). Ceux-ci sont inséparables de leur fusil, et ils semblent acquérir, par la chasse, ce qui ressemble a des lellres de noblesse (document 14 p.33).
Autre peril: les attaques de la part des indigènes. La conquête du Kilimandjaro passe invariablement par l’entrée en territoire massal, et ceiix-ci sont désignes comme les terroristes de 1’Afrique orientale. Ii n’existe pas un ouvrage traitant de l’exploration de cette partie du continent qui fasse l’impasse sur les pasteurs massal. L’accent est mis sur leur cruauté, leur habileté au combat et surtout sur la crainte qu’ils inspirent. <En amont de Mkararno les lies A. fleuve (Pangani) sont inhahitées: la population s’est réfugiée sur les montagnes. Les Oua-Paré, agriculteurs et bergers, craignent teliernent les incursious des Masai, qu’ils ne mènent même pas leur bétail au pâturage, us l’engraissent a l’étable, ce qui n’empêche qu’on vienne souvent le leur ravir.
Plus bas: <<Le petit peupie Oua-Taveta se cache au sud-est du Kilimandjaro … ce sont les grand.s arbres qui out sauvegarde son indépendance. La yule s’est entourée d’estacades derrière lesquelles les indigènes bravent les Masal … Leur race est actuellement très mélangée, par le fait du croisement avec les familles de Oua- Kouafi, qui sont venues ieur demander un asile et des terres … Reclus utilise tout un vocabulaire de la terreur, de l’agression : <<se cache >>, <<demander un asile >, <<incursions >>, << population … réfugiée >. Les alentours du Kilirnandjaro sont décrits comme des zones de grande insécurité. Selon lui, le pays chagga lui-même n’est pas épargné:
<<Le royaume le plus important, celui de Matcharné, n’est pas assez puissant pour se garantir des attaques des Masal qui le pressent au sud et a l’ouest; de vastes régions des plus fertiles, qui pourraient nourrir des centaines d.c niille habitants, sont complètement désertes.
La réputation des Massal est si noire que certains explorateurs ont toutes les peines du monde a organiser leur expédition. C’est le cas du docteur Fischer << qui vient tie partir tie Zanzibar, se proposant tie visiter la redoutahie tribu des Massal, dont la réputation tie ferocité est telle que l’explorateur n’a Pu trouver tie porteurs stir la côte …
On imagine aisément l’état émotionnel des voyageurs occidentaux en partance pour l’intérieur du continent avec, en tête, de telles représentations de ce qui les attend. Rappelons-nous Ia description excentrique de Malte-Brun en 1837 au sujet des Jagas dont le portrait semble faire echo a celui des Massal. Mgr Le Roy n’échappe pas a la regle: <<Prenez garde, les Massals sont stir votre chemin, descendant chez les Digos pour y porter la guerre et y voler des bceufs … en campagne, les Massals attaquent tons ceux qu’ils rencontrent … us sont les terribles guerriers qu’on sait. >>18 Joseph Chanel attribue tout de même une faiblesse a ce peuple guerrier puisqu’il prétend que les Massal craignent la forêt du pays Taveta Ii confirme en cela ce qu’avait évoqué Reclus. Pour étayer le discours sur les Massal, et renforcer par là même la frayeur qu’ils inspirent, on les représentent par des gravures dans lesquelles ils ne quittent jamais leurs attributs guerriers. Les documents 15 a 19 révèlent des hommes athlétiques, an regard féroce, portant constamment une lance d’acier, un bouclier et des parures de plumes. Un poignard et un casse-tête complètent parfois la panoplie massal (documents 17 p.35. 18-19 p.36). Pour parfaire le tableau, on les représente aussi en pleine action, lors de l’assassinat d’un porteur, en prenant bien soin de souligner quel divertissement constitue cet acte pour eux – noter le sourire du Massal de gauche dans le document 18 – ou lors de danses et de chants virils (document 20 p.37).
La vulnérabilité des caravanes face aim tribus guerrières de l’intérieur est donc fondée sur la surreprésentation des Massal a cet époque. Nous verrons dans la seconde partie de cette étude que ce cliché change avec le temps. Au danger du conflit, il convient d’associer d’autre part la rudesse du climat qui met a l’épreuve les organismes des explorateurs. Reclus décrit le nyika comme une vaste étendue aride. C’est un pays d’arbres rabougris, d’arbustes épineux et d’herbes basses <oà l’eau n’est pas suffisante pour entretenir uiie végétation active >20• De son côté, J. Thomson souligne la souffrance infligée par la chaleur dans cette plaine sans ombre 21 , tout comme un missionnaire de la côte qui s’exclame <<La chaleur de Zanzibar m’étouffe et me tue >> 22. 11 évoque par ailleurs la rareté de l’eau qui est, dit-il <<la grande épreuve du voyage >> u L’eau est finalement constant puisque son absence dérange autant que sa présence. En effet, dans le pays Taveta, la presence de l’eau est synonyme de fièvres et d’autres maladies . Cette cuvette,2 Une montagne-Ile Le Kilimandjaro est la première montagne d’Afrique enneigée observée a la latitude de l’équateur (30 sud). Des sa découverte par Rebmann en 1848 et l’annonce de la présence de neige au sommet dans le Church Missionary Intelligencer d’avril 1849, la communauté scientifique européenne réagit vivement. L’étonnement et le doute sont grands. William D. Cooley, géographe anglais passant pour être un spécialiste de l’Afrique, s’oppose avec virulence a la these de Rebmann. La présence de neige sous Equateur est pour iui impensable, et ii attribue les déclarations du missionnaire au jeu de I’imagination et d’une vue affaiblie . Pour Cooley, cette montagne s ‘appelle oKirirnanjara>> et est recouverte de corail rouge . Ii est par ailleurs fort probable que la virulence de Cooley s’explique par sa repugnance a modifier ies cartes d’Afrique qu’il venait d’achever.
La controverse qui suivit placa l’Afrique orientale an centre des intérêts géographiques de l’epoque et provoqua le lancement de plusieurs expeditions 26• Il fallut attendre 1861 pour que Thornton et von der Decken observent la neige an sommet depuis l’altitude de 2500 mètres, pour que soit reconnue l'<< invention>> de 1848. Le résuitat immédiat de ces années de joute scientifique, c’est que le Mont Kilimandjaro a rapidement pris sa place sur toutes les cartes de l’Afrique. Des lors, la montagne legendaire est devenue un point précis de l’espace, un repère, un centre d’intérêt majeur. Le Kilimandjaro est, a cette époque (entre 1848 et 1900 environ), considéré dans son ensemble, comme un objet observe de l’extérieur. Le narrateur se place en témoin situé an pied du Kilirnandjaro, le contemplant dans son entier sans trop s’attarder sur les détails. Cela a pour effet de replacer la montagne dans son environnement régional: I’étendue du nyika. Par ailleurs, les auteurs parlent de <<la montagne >>, ce qui souligne bien l’unité, la ponctualité de ce relief. On retrouve cela dans les très nombreuses gravures d’époque qui représentent la montague (documents pp.38-39).De cette façon, et sans que le terme apparaisse, le Kilimandjaro est peu a peu représenté comme une lie.
En effet, du point de vue topographique, les explorateurs soulignent aussitôt le contraste entre la platitude du nyika et les reliefs : Usambara, Talta, Pare: <<Les montagnes de l’intérieur, ou viennent s’enrouler les nuages, interrompent l’étendue du Nyika par la verdure de leur pentes.La périlleuse savane apparaît ponctuée d’oasis de verdure en forme d’Iles hautes. L’image de fertilité est probablernent rehaussée par l’aridité de Ia savane et la difficulté que représente sa traversée. A son arrivée au pied du Kilimandjaro, Rebrnann souligne cette impression:
<<I gazed on the lovely country which seemed to be bursting with plenteousness … on the foot of the mountains, the richest vegetation of a peifect dark green of perpetual summer .
Au sud-ouest du Kilimandjaro, une forêt dense occupe une petite cuvette: c’est le pays Taveta, dont l’abondante végétation est directement dépendante de l’eau provenant du relief voisin. Quand Thomson y parvient, il retranscrit sa vision avec le même enthousiasme que le missionnaire: <<(From) the burning heat and barren wastes of the nyika to the leafy labyrinths and bosky bowers of the little African Arcadia of Taveta … it was as if we had passed from purgatory to a paradise.
Pour les explorateurs dont le but est d’accéder au Kilimandjaro, l’arrivée an pied du relief représente une assurance de repos, une contrée accueilante après les contraintes subies dans la  savane. Pour ceux qui se rendent ailleurs – Thomson, par exemple – la montage constitue une étape paisible, une halte de repos avant de reprendre l’exploration. Pourtant, a ma connaissance, aucun auteur de la seconde moitié du XIXe siècle ne parla d'<< lie >>, mis a part Johnston Il faut attendre 1938, pour que Fernand Maurette alt a nouveau recours a ce terme: <<Au milieu de cette mer d’herbes brIilées (le Nyika), les grands massifs surgissent comme des lies d.e verdure, d’humidité et defraIcheur … .>’ (documents p.40) Un autre caractère insulaire du Kilimandjaro, lie aussi aux formations végétales, réside dans les allusions a l’étagement de la végétation —le terme lui-même n’est pas employé – ainsi qu’à son originalité. Johnston intègre la montagne a l’ensemble des hauts reliefs de la zone tropicale, qui offrent parfois des formations résiduelles scientifiquement intéressantes.

Une montagne-refuge

La conjonction des deux précédentes représentations, a savoir I’hostilité des plaines du nyika d’une part, et la nature insulaire du Kilimandjaro d’autre part, ont d’une certaine facon induit une troisième image de la montagne: celle d’un refuge face aux agressions diverses de l’espace regional.
En premier lieu, c’est le climat qui constitue un adoucissement des conditions de vie. Après la canicule des vastes plaines, les missionnaires trouvèrent sur les pentes de la montagne le confort clirnatique qui leur faisait tant défaut depuis leur arrivée en Afrique. A ce sujet, il faut se rappeler que si Rebmann découvrit seul le Kilimandjaro, c’est en raison de la trop grande fatigue de Krapf qui ne put l’accompagner, harassé par les fièvres qu’il était . A son arrivée, Rebmann s’exclame.

Les representations des Africains et Ia question de l’échelle d’analyse

Si l’on peut aisément se faire une idée des representations du Kilimandjaro élaborées par les générations successives d’explorateurs, il est beaucoup plus délicat de connaltre l’image que les Africains qui vivent a son contact se font de la montagne. L’étude des representations ne constituait pas l’élément de recherche principal des ethnologues qui s’intéressèrent a cette region a partir des années 1910-1920. Ii faut donc lire entre les lignes. D’autre part, je n’ai trouvé aucune référence bibliographique sur ce theme dont l’auteur appartiendrait a l’un des deu.x groupes concemés: Massal ou Chagga. A ma connaissance, trois auteurs majeurs ont étudié la société chagga: Dundas et Gutmann dans les années 1920, et Stahl au milieu des années 1960. An cours de mes recherches, je n’ai Pu consulter ces ouvrages. Ii est donc inutile de préciser que l’allalyse des representations du Kiimandjaro chez les indigenes reste un champ de recherche a explorer. Nous allons d’ailleurs constater que d’intéressantes questions se posent.
Cette partie s’appuie sur les travaux de deux universitaires français qui ont, parfois, évoqué le thème de la représentation de la montagne. J’ai aussi puise dans les récits d’explorateurs quelques indices suffisamment solides pour y fonder ma réflexion.

Représentations massal et chagga du Kilunandjaro dans les récits des Européens

Selon les auteurs du XIXe siècle, les Massal sont représentés comme des guerriers avant d’être qualifies de pasteurs. Les portraits que You dresse d’eux sont invariablement terrifiants. Ii est dit que pour ces nomades, le Kilimandjaro, an même titre que les autres reliefs de la région (Pare, Mérou, etc), constitue une cible on l’on peut se procurer du bétail. Reclus employait alors , comme nous l’avons constaté dans la première partie, un vocabulaire exprimant la terreur et l’agression: <<se cache >>, <<demander un asile >>, incursions >, <<population … réfugiée >, etc.
Dans les représentations de la région du Kilimandjaro, les Massal jouent le rôle exclusif des prédateurs, les populations sédentaires étant leurs proies.
Reclus n’aborde pas ici le Kilimandjaro. Par contre, ii souligne le fait que les montagnes représentent pour les Massal des lieux de culte, a forte religiosité. Reclus prétend mêrme (p.791) que les legendes massals racontent que les pasteurs descendent d’un dieu siegeant au-dessus des nuages, sur le Mont Kenya. Miley 68 quant a lui, affirme (p.104) que c’est << love clans les rougeoiernents d’un cratère, celui du Lengai, volcan actfde la région > qu’il faut chercher la derneure divine.
Entre Kilimandjaro, Kenya et Lengai, ii est bien difficile de trouver ce que l’on cherche. On peut simplement constater un consensus sur le fait que les Massal ont un dieu unique, et que celui-ci demeure sur une montague. On peut toutefois émettre une hypothèse: le peuple massaI est grand, et il est constitué de tribus nomades étendues sur un très vaste territoire qui va du Kenya a la Tanzanie, bien au-delà du Mont Kenya et du Kilimandjaro. On peut supposer que les auteurs ont rencontré lors de leurs voyages respectifs, des branches différentes du peuple massal et que, pour l’une des branches, le dieu massal est peut-être situé an Kenya, tandis que pour une autre c’est au Lengai. Ii faut alors comprendre que pour les Massal proches du Kilimandjaro, c’est a son sommet que réside leur divinité.
Autour d’un noyau commun qui veut que Dieu soit an sommet de la montagne – répandu de façon universelle et intemporelle dans le monde, lire Davy, 1996 -, s’organisent sans doute des particularismes beaux qui << regionalisent >>, en quelque sorte, la divinité reconnue de tous, celle-ci étant localisée dans un lieu connu, frequente, familier. Une montagne a une place importante dans l’imaginaire massal, le fait semble établi. Mais quelle place le Kilimandjaro occupe-t-il exactement ? En quoi se différencie-tii des autres montagnes de la region ? On serait tenté de dire que, finalement, il y a pen de differences fondamentales. Reclus nous apprend, en effet, que le Mont Mérou a reçu des Massai le nom de Dounyé Erok la-Sigirari, ce qui signifie <<Mont noir de Sigirari >>. Le géographe precise que d’autres Dounyé Erok s’élèvent au nord-ouest du Kilimandjaro. Par ailleurs, le nom massal du Mont Kenya est aussi << Mont Blanc >>, comme pour le Kibo, mais le sommet kenyan serait aussi baptisé <<Mont Gris >. On le voit, ii existe de nombreuses versions et a chaque fois, les nuances s’établissent sur le thème des couleurs, ou d’un signe particulier (< Mont des Vapeurs >>). Ii n’est jamais question, dans cette liste de norns massals, de populations locales, de souvenirs guerriers on d’une ressource typique qui donneraient a un lieu précis un sens particulier. Tout se passe comme si les pasteurs n’avaient avec les sommets qu’ils avoiSinent qu’une relation visuelle. Rien ne permet vraiment de dire que le Kilimandjaro a une valeur particulière a leurs yeux. La montagne est perçue corne un éléments du paysage, probablement aussi du paysage cultuel, mais ce n’est pas un espace vécu ou pratiqué. Les Massal semblent se livrer a une contemplation périphérique.
Ce témoignage confirme la crainte des Chagga a l’égard des espaces situés au dessus de la grande forêt. Leur méconnaissance de ces contrées est associée a la peur de la mort. Par ailleurs, il n’est pas dit ici que le sommet est la demeure d’un dieu. On sait aussi que, bien que ne parcourant pas les hauteurs du Kilimandjaro, les Chagga ont donné des noms aux deux sommets de la montagne: K.ibo et Kimawenzi. En 1914, le missionnaire allemand Bruno Gutmann eut connaissance d’une legende chagga liée aux deux sommets.
Elle raconte qu’un jour, le feu du Kimawenzi s’éteignit. Alors le Kirnawenzi rendit visite a son voisin Kibo pour lui demander un ou deux charbons ardents. Kibo lui rendit ce service, un peu oblige. Ii lui donna aussi quelques bananes. Sur le chemin du retour, Kimawenzi laissa le feu s’éteindre, et retourna vers Kibo qui lui offrit de nouveau des charbons ardents et des bananes. Le feu mourut une seconde fois, et Kimawenzi fit derni-tour vers Kibo.
Mais cette fois, agacé, Kibo prit un baton, et frappa violemment son voisin sur la tête. C’est ce qui donna au Kimawenzi son apparence déchiquetée.
Reader voit dans cette légende une preuve que les Chagga connaissalent la nature volcanique de leur montagne, et la différence d’activité entre les deux sommets, bien identifies et baptisés de facon distincte. C’est Thomson, qui signale l’existence des noms chagga en 1886 (p.306). mais a ce moment-là, il ne precise pas la signification de ces mots.
Le Roy souligne, pour sa part, que le nom Kilimandjaro ne signifie rien pour les montagnards.

La perception chagga du Kiliinandjaro : étude contemporaine

An cours de leurs travaux, deux universitaires francais, Gerard Philippson et François Devenne, se sont pose la question de la representation de leur espace par les Chagga. Je retranscris ici les infonTnations qu’ils ont trouvées.
Devenne nous rappelle que les Chagga vivent au sud et an sud-est du Kilimandjaro, espace de 112 kilomètres de long et de 8 a 13 kilomètres de large. La limite supérieure se sitne entre 1700 et 1900 mètres d’altitude, oil commence la réserve forestière. Entre 900 et 1800 metres d’altitude, c’est la ceinture café-bananes, le lieu d’habitat traditionnel des Chagga.
Les basses pentes, en-dessous de 900 mètres d’altitude sont complantées (mals et haricots). Get espace, anciennement sous-peuplé est aujourd’hui de plus en plus occupé; c’est un front colonisé sous la pression démographique.
Phiippson (p.134) précise que les Chagga distinguaient traditionnellement trois zones ecologiques fondamentales:
– au pied de la montague, Ia steppe aride et inalsaine (fièvres);
– au-dessus de la zone habitée, la forêt de montagne appelée nturulmsutu;
– entre les deux, la zone cultivée, nommée <<dans la bananeraie/les pays des bananes >>.
A ce découpage horizontal de la montagne, les Chagga superposent des territoires communantaires. L’unité territoriale minimale correspond a une croupe rocheuse, délimitée par deux cours d’eau. C’est l’espace d’un clan. Un ensemble de croupes, terminé par d’énormes ravines, parfois infranchissables, constitue alors une chefferie, aussi appelée district. On vu que les chefferies se livraient de terribles combats an moment de l’arrivée du Père Le Roy an Kilimandjaro.
Le district de Lyamungo (document 60 p.88) fut integre a la fin du XIXe siècle a la chefferie Machamé. Ii est compose de trois villages, dont celui de Lyamungu Kilanya, situé au-dessus des deux autres, et dans lequel Devenne a effectué un sondage sur la perception de leur espace auprès des Chagga. Ii en ressort que la montagne est aujourd’hui désignée par le mot kiswahili et idwoso: nilirna. Ii ne s’agit donc pas d’un mot chagga, la correspondance directe avec <<montagne> n’existant pas dans cette langue. D’autre part,les vieilards designent par nturu/msutu << la montagne recouverte de forêt et localisée sur les hauteurs du massif >>. Une autre définition donne : <<la forêt de montagne au-dessus de la zone habitée >>. L’usage de ce terme semble se perdre, le vocable mlima le remplace avec le développement des activités touristiques d’ascension.
On constate que les mots niontagne et foret apparaissent ensemble dans la définition de nturu. Devenne precise que les autochtones de Lyamungu Kilanya situent souvent la montagne aux abords de la forêt. En tout cas, la montagne est toujours a l’extérieur de l’espace habité. A aucun moment, les Chagga interrogés n’ont prétendu être sur Ia montagne, ce qui, de leur point de vue, est logique étant donné qu’ils résident dans la zone des cultures et non pas dans la foret -montague. Enfin, <<froidx’ et <<forêt>> sont constamment associés.
Les autochtones de ce district (on peut supposer que cette conception de la montagne s’étend a tout le pays chagga) font très peu référence au concept de montagne (<< mlima >>) dans leurs discussions. Les références geographiques sont celles de la maison, du village, du champ ou de la plaine. Ce sont tous des élérnents visibles du paysage. La montagne, elle, n’est pas visible depuis les champs, en raison, d’une part des feuilages des bananiers, et d’autre part de la configuration du Kilimandjaro, qui ne fait face a aucune montagne. Sa situation d’Ile dans la plaine évite l’opposition de deux versants séparés par une vallée. Sur le Kilimandjaro, adret et ubac sont inconnus. Les Chagga vivent sur une pente face a la plaine, et us n’ont pas de versant face a eux pour leur renvoyer leur propre paysage (documents p.89).
De plus, les brumes, très fréquentes, jouent le même role que les bananiers, et empêchent souvent d’apercevoir les sommets. Pour les Chagga, la montagne c’est donc la forêt, c’est-à dire ce qui n’est pas cultivé, et qui est situé au-delà de la zone cultivée. Leur représentation de l’espace oppose l’espace sauvage des hauteurs a la zone des cultures; et non pas la plaine extérieure a leur montagne comme un observateur extérieur ayant une vision globale dii Kilimandjaro serait porte a le penser.

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Table des matières

PROBLEMATIQUE GENERALE 
REMERCIEMENTS
BILAN DES SOURCES D’INFORMATION
INTRODUCTION 
It DE LA MONTAGNE D’OR A L’ILE ACCUEILLAI\TTE : LES PREMIERES
HFPRFcFNTATIONS DIJ KILIMANDIARO
Al UNE MONTAGNE FANTASMEE : FLEUVE SACRE, TRESORS ET ESPR1TS MALEFIQUES
B/LA DECOUVERTE DE REBMANN NAISSANCE D’UN AUTRE KILIMANDJARO
UNE MONTAGNE CERNEE DE PERILS
UNE MONTACNE-ILE
UNE MONTAGNE-REFUGE
DOCUMENTS
Ill UNE PETITE EUROPE BALKANISEE : REPRESENTATIONS D’UNE MONTAGNEPRATIQUEE 
A/ UN ENVIRONNEMENT MOINS HOSTILE
LA FEROCITE DU NYIKA S’ESTOMPE
LE KILIMANDJARO: UN VOLCAN, UNE MOSAIQUE VEGETALE
B! LES CORRESPONDANCES BOCAGERES DU PAYS CHACGA
LES PETITS ETATS DU CHACCA
DES PAYSAGES RAPPELANT L’EUROPE
C/LA FIN D’UNE UTOPIE
DOCUMENTS 
ifi! LES REPRESENTATIONS DES AFRICAJS ET LA QUESTION DE L’ECHELLE DANALYSE
Al REPRESENTATIONS MASSAI ET CHACCA DU KILIMANDJAJIO DANS LES RECITSDES EUROPEENS
B/LA PERCEPTION CHACCA DU KILIMANDJABO: ETUDE CONTEMPORAINE Cl DES REPRESENTATIONS VARIABLES SELON L’ECHELLE D’ANALYSE LA PRESBYTIECHACCA
DOCUMENTS
WI L’ERE CONTEMPORA1NE : UTILISATION POLITIQUE ET CULTE NOSTALGIOUE
Al LA REPRESENTATION DE LA MONTAGNE DANS LE SECTEUR TOURISTIQUE : LE CULTE FLOU DES PIONNIERS
B/LE KILIMANDJARO APPROPRIE CONSTITUTION D’UN MONUMENT NATIONAL
DOCUMENTS
CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTiVES DE RECHERCHE 
INDEX
BIBLIOGRAPIJIE 
ANNEXE
BIOGRAPHIES 
CHRONOLOGIE AUTOUR DE QUELQUES AUTEURS
CHRONOLOGIE DE L’EXPLORATION

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