Une organisation de l’informel adaptée au contexte autoritaire algérien 

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Disqualification de la population et dépolitisation : les premières entraves à l’engagement

L’autoritarisme algérien fonde l’exclusion politique de la majorité de la population d’une part sur sa supposée incapacité à faire des choix éclairés concernant le devenir du pays, d’autre part sur un fonctionnement de l’appareil d’Etat déconnecté des processus démocratiques sous-tendu par un discours de promotion des dirigeants du Parti-Etat. Ces derniers, le président Bouteflika en tête, constituent une image censée conforter la population dans sa croyance dans le récit officiel d’un exercice optimisé du pouvoir au regard des circonstances.
Dans l’Algérie de Bouteflika, cette idéologie dominante s’appuie sur un registre sécuritaire teinté de paternalisme, de populisme et de conservatisme qui fait écho aux prétentions tutélaires et immunitaires des principales autorités politiques. […] Les portes paroles se mettent en scène comme les défenseurs de la communauté nationale en opposant un unanimisme de façade à une pluralité inquiétante.4
Cette opposition binaire justifie la relation entre les algériens et leurs gouvernants, tout en instrumentalisant la crainte d’une rechute dans la guerre civile et d’un retour des violences. Comme l’explique T. Serres, la « crise » des années 1990 est présentée et considérée comme non résolue, en suspens. Le retour à une situation de conflit armé, dont les conséquences sur les populations sont encore présentes dans la mémoire des Algériens, est une crainte qui pèse sur ces derniers. S’en suit alors la rhétorique du Régime : la « tragédie nationale » menacerait de se reproduire, et le gouvernement qui est parvenu à y mettre fin serait là pour éviter que le pays ne sombre de nouveau. Ce discours est d’autant plus crédible que l’Algérie n’a pas été l’objet d’une politique de sortie de crise, d’une politique transitionnelle, contrairement aux pays d’Amérique latine par exemple. Au contraire, c’est par l’amnistie que les questions laissées en suspens par les événements de la Décennie Noire sont enterrées. Tout d’abord en 1999, avec le référendum pour la « concorde civile », puis en 2006 avec celui de « réconciliation nationale ». L’existence de deux lois d’amnistie met officiellement fin à toutes les revendications de la population, et notamment des associations de victimes et familles de victimes. Les procédures judiciaires à l’encontre des bourreaux sont interrompues. Il est impossible d’intenter de nouveaux procès relatifs à ce qui est pudiquement appelé des ‘’événements’’. Une autre conséquence de cette interruption du processus de sortie de violence est la cohabitation de groupes qui se sont affrontés, ou dont les uns ont subi les exactions des autres, ce qui participe au maintien de la suspension de la « tragédie nationale » et à la division de la société civile algérienne. Une fois encore, l’orientation choisie par le régime s’appuie sur la disqualification préalable de la population, tout en entretenant l’impuissance politique de cette dernière.
La violence symbolique dont fait usage le Régime s’accompagne également d’un recours à la violence physique. Cette dernière a été progressivement officiellement condamnée, la constitution de 1989 mettant fin à la répression très active menée par le FLN, alors parti unique engagé dans une logique de lutte postindépendance contre des ennemis de l’intérieur. Après la décennie noire, c’est l’idée d’un Etat sévère, mais juste qui est promue et justifie de nouvelles mécaniques de contrôle et de répression. La relation entre appareil système légal et appareil coercitif évolue alors.
L’Etat algérien est signataire de la déclaration universelle des droits de l’Homme et surtout du pacte international relatif aux droits civils et politiques. Seul le second, ratifié par l’Algérie en 1989, est porteur d’obligations juridiques. Au niveau du droit national, la constitution de 1996 garantit les libertés de conscience, d’opinion et d’expression (articles 36 et 41). Dans l’Algérie de Bouteflika, la répression de l’expression critique n’est donc plus une pratique acceptée officiellement. Cela ne veut pas dire que celle-ci a complètement disparu, y compris sous des formes violentes. Certains potentats locaux peuvent ainsi avoir recours à des pratiques violentes mafieuses (enlèvements, passages à tabac, assassinats) à l’encontre des activistes et des journalistes qui dénoncent leurs agissements. C’est ainsi que le journaliste Abelhaï Beliardouh, correspondant à El Watan à Tébessa, fut enlevé et torturé par le président de la chambre de commerce locale en 2002, avant de se suicider. Dix ans plus tard, ce dernier et ses complices furent acquittés malgré les nombreux témoins oculaires.5
La répression systématique fait partie du passé, et surtout elle n’appartient plus au domaine du légal. L’Algérie se présente comme un état de droit garantissant des libertés individuelles, notamment des libertés politiques. Les citoyens sont déclarés libres de s’exprimer politiquement, de se regrouper en associations conformément à la loi du 4 décembre 1990, de participer politiquement et donc de critiquer le régime. Cet ensemble d’affirmations rentre cependant en confrontation avec la logique de fonctionnement du « cartel », tout comme avec le récit autoritaire de disqualification politique des Algériens. Cette situation justifie donc un usage de la répression plus diffus que pendant la période 1962-1989. Toutefois cet usage ne répond pas moins à une logique arbitraire et répressive qui entrave les mobilisations des individus. Les citoyens sont donc maintenus dans un état d’impuissance politique relative, tant sur le plan symbolique que pratique. L’autoritarisme tel qu’il est exercé en Algérie est un puissant obstacle à l’affirmation d’une société civile en mesure de se structurer et de s’affirmer, ce qui participe de son atomisation et des difficultés que rencontre les associations. Dans cette situation, l’informalité peut apparaître comme un moyen sinon de s’émanciper, au moins de choisir de composer avec une autre situation : un autre ensemble de modalités, d’avantages et de difficultés. Le discours de légitimation du Régime influe fortement sur la société civile, d’autant plus qu’il entend la soumettre à son contrôle. L’usage de la loi comme discours ainsi que son application dans les faits façonnent le milieu associatif et, en creux, le milieu informel.

Un climat de méfiance qui entraîne l’atomisation de la société civile

En conséquence de la législation et de la manière dont la loi est appliquée sur les territoires, le champ associatif algérien de même que tous les acteurs en interaction avec lui, craignent la répression du Régime. Il est parfois difficile d’identifier ce que le Parti-Etat approuve ou non ; il existe une « zone grise » de l’approbation officielle. L’existence de cette zone de flottement rend toute action incertaine aux yeux des individus, quand bien même ils travailleraient dans l’administration municipale ou préfectorale. Il existe un risque de se compromettre à toutes les échelles administratives, ce qui a pour conséquence une très grande réticence à entreprendre toute action jugée risquée, accompagnée une très forte stabilisation des routines de fonctionnement, plus sécurisantes. C’est ce que décrit L. quand il raconte ses démarches auprès d’une université : il tente d’obtenir l’autorisation d’installer provisoirement un stand sur le campus afin inciter les étudiants à participer à la vie associative étudiante, en vain.
L : On sent que l’université, elle a besoin d’un papier : d’un document avec un cachet, qui protège l’administration et le fonctionnaire, mais pas plus que ça.

Une organisation de l’informel adaptée au contexte autoritaire algérien

Caractérisation de l’informel algérien

La définition de l’informalité présentée dans l’introduction correspond à une conception générale de la notion. Au regard des éléments apportés sur les conditions sociologiques d’existence de la société civile algérienne, cette définition pourrait être réévaluée de manière à mieux caractériser les collectifs informels algériens : évaluer les points de ressemblance et de distinction des autres groupes qui agissent en Algérie au nom de préoccupations sociales et/ou politiques. En effet, l’action officieuse y revêt différentes formes, qui s’accompagnent d’objectifs et de moyens d’actions variés. De même, la relation que peuvent entretenir collectifs informels et groupes d’activistes politiques avec le milieu associatif peuvent varier assez fortement.
La définition d’ l’informalité est initialement une définition en creux : une absence de statut, mais une existence effective, une activité. Cette définition est donc dépourvue d’aspect fonctionnaliste, les thèmes d’intervention du collectif importent peu. Nous pourrions évacuer assez aisément l’ensemble des groupes dont les actions n’ont pas de portée publique ou d’aspect revendicatif, s’il était aisé d’évaluer leur impact social. Prenons deux exemples pour mettre en évidence la complexité des critères à évaluer. Tout d’abord, celui d’un groupe d’amis qui s’organisent pour rester en contact et se retrouver régulièrement. Ils mettent place des boites de dialogue via Whatsapp ou Facebook, partagent en ligne un calendrier commun pour s’entendre sur le lieu et la date de retrouvailles plus ou moins régulières… mettent au point une routine de fonctionnement qui leur permet de rester connectés les uns aux autres. Au fil des conversations, ils se mettent à commenter l’actualité, présenter et argumenter leurs points de vue politique, se tenir au courant les uns les autres par l’échange d’articles. Certains sont abonnés à des journaux en ligne payants, d’autres écoutent des émissions de radios et des podcasts dont ils envoient les liens à leurs amis. Ainsi, de manière progressive et sur les temps longs, ce petit groupe d’amis entretiennent leur socialisation réciproque et s’informent sur la vie de leur pays et de ses habitants. Cette socialisation aura des conséquences sur leur manière de voir le monde qui les entoure et sur leur participation à la vie politique.
Le second exemple est celui d’un groupe de jeunes qui se retrouvent sur le terrain de sport de leur quartier. Il s’agit d’une dalle de bitume craquelée mais régulière, marquée par des lignes blanches, avec à chaque extrémité une structure métallique pouvant servir à la fois de cages de buts et de panier de baskets. Les jeunes qui s’y retrouvent se connaissent pas particulièrement, ils ne se voient que sur le terrain, mais chacun est content d’avoir quelqu’un avec qui jouer à chaque fois qu’il s’y rend. Très vite, la pratique de sports collectifs sur le terrain du quartier devient un moyen d’intégrer les nouveaux arrivants, de les socialiser à la vie du quartier25. Le jour où la mairie décide d’organiser des travaux dans ce quartier, des travaux qui incluent le stade, cette dernière envoie une équipe d’employés municipaux, ou d’employés du bâtiment. Cette équipe se rend sur place, et les jeunes voient immédiatement que ces nouveaux venus, par leur tenue, leurs regards, leur manière d’être, ne sont pas du quartiers. Ils constatent également leur intérêt pour le terrain, et leurs demandent en quoi cet endroit les intéressent. Les professionnels les mettent au courant des travaux qui vont transformer leur terrain sans qu’ils aient étés consultés. Ces jeunes vont donc tenter d’entrer en contact avec la mairie, certains prendront peut-être l’initiative de s’y rendre eux-mêmes ou de contacter un élu, et rendront compte de leurs tentatives aux autres. Progressivement, ce groupe de jeune poursuivra ses interactions avec la mairie, devenant un interlocuteur local, ou au contraire rentrera dans une logique d’opposition militante et cherchera à informer et mobiliser les habitants du quartier sur les projets urbains les concernant.
Il n’est pas nécessaire que ces deux exemples appartiennent au contexte algérien pour comprendre la complexité que représente la tentative de caractériser et surtout différencier les différentes formes et degrés de l’informalité. Dans le premier exemple, une système organisé de socialisation politique est mis en place et maintenu dans la durée. Ils dispose d’outils que ses membres ont appris à maîtriser, développant ainsi une culture collective fondée sur la veille, le partage et la vérification d’informations à caractère politique, économique et/ou social. Le second exemple est celui d’un groupe directement actif auprès des acteurs politiques, sans organisation ni socialisation militantes préalables. Mais ses membres partagent un ensemble d’affects, un vécu, et une opinion claire concernant un aspect central de la vie politique t de l’action publique en milieu urbain : l’aménagement. Dans ces deux cas, les groupes décrits correspondent à la définition du groupe informel tout en restant différents de la plupart des collectifs rencontré au cours du projet de recherche ou dans la production de ce mémoire. Dans ce cas, comment déterminer l’appartenance d’un collectif informel à la société civile ? S’agit-il d’une appartenance par défaut ? Dans ce cas, certains groupes à l’action très limitée et peu portée sur une dimension collective rentreront quand même dans l’acception ‘’d’acteur de la société civile’’. S’agit-il de l’utilité social du groupe ? Dans ce cas, comment l’évaluer. Ce genre de casse-têtes définitoires rend difficile l’appréhension des collectifs informels en tant que phénomènes sociaux observables à diverses échelles individuelles, à l’échelle du groupe, au-delà du groupe, etc. Mais ces interrogations ne sont pas un phénomène récent de l’Etude des mouvements associatifs et sociaux. Ce flou qui demeure quant à la définition des acteurs et au choix des critères de définition est assez connu des chercheurs qui étudient la société civile.
Sous l’appellation de relais ou de dispositif de transmission (de la « société civile »), on retrouverait des « corps constitués » : fondations (religieuses, caritatives, culturelles), associations, corporations, professions, rassemblements sur des objectifs circonscrits, mouvements propres à un ensemble revendicatif…Autant de « corps » qui côtoient des groupes occasionnels, unions plus ou moins provisoires, conjugaisons à éclipses, conjonctions d’individus à finalité ponctuelle et limitée, agrégations d’intérêts locaux, collectifs s’exprimant au nom de personnes regroupées de façon circonstancielle, parce que lésées dans leurs droits, blessées dans leurs intérêts, victimes de lèse-humanité, de catastrophes naturelles, d’accidents, d’événements malheureux, d’injustices, etc. Au total, on a ici des associations et des organisations répertoriées et là un assemblage hétéroclite d’événements plus juxtaposés qu’à même de se combiner ; une mosaïque de médiations (et un corps disparate d’interprètes) capables de défendre un nombre étendu de causes de valeurs inégales, mobilisant des forces aléatoires et disposant de moyens incertains.26
La profusion et la grande variété des acteurs rend difficile toute appréhension globale du temp de société civile. D’ailleurs, J.-C. Vatin rejette l’hypothèse d’un signification uniforme de ce concept à travers les territoires car ce dernier repose trop sur des prénotions propres aux mouvements citoyens et associatifs d’Europe de l’Ouest.
La solution que nous proposons n’est donc pas exempte de toute faiblesse, loin s’en faut, mais s’est avérée efficace dans notre étude et dans l’analyse de la relation des collectifs informels aux autres organisations ayant une action sociale. Ce que nous retenons comme caractéristique principale, c’est la conscience de soi : les groupes observés dans le cadre du projet de rechercher comme les enquêtés de ce mémoire ont pour point commun d’avoir conscientisé leur action ; les membres des associations comme des collectifs produisent un discours incluant une description de leur environnement sociopolitique, un ensemble d’objectifs pour améliorer cet environnement et les moyens – les actions – pour améliorer cet environnement. Cette conscience de l’action sociale s’accompagne souvent d’un ensemble de savoir-faire et de pratiques, d’une culture associative – ou collective dans le cas des groupes informels – produite par une socialisation au sein du groupe et par l’entrée en interaction avec d’autres groupes partageant des caractéristiques et des objectifs similaires. Finalement, ce qui définit au mieux l’espace social étudié dans ce mémoire, c’est une sorte d’interculturalité qui permet de situer les acteurs les uns par rapport aux autres, de les caractériser et de les comparer.

Modalités de l’engagement informel : une forte dimension spatiale et démographique

Il est difficile de dégager des données fiables et surtout générales sur la composition démographique des collectifs informels. Notre étude n’ayant ni les moyens, ni l’ambition de faire un recensement exhaustif de l’informalité en Algérie, il ne nous est pas possible de faire une sociologie complète de l’engagement informel, ni une étude démographique sur l’ensemble du territoire. Nous avons cependant pu observer des caractéristiques régulières au fil du projet de recherche, de la lecture de littérature sur le sujet et de l’étude des acteurs locaux. Une fois ce travail accompli, il semble que plusieurs caractéristiques présentent une certaine régularité à travers les groupes et les territoires.
A l’inverse des associations autorisées, qui ont plutôt des cadres soit vieillissants, soit jeunes27, avec un fossé générationnel entre ancienne et nouvelle générations engagées, les collectifs informels sont plutôt constitués d’une population assez jeune, et urbaine.
L : La société civile en Algérie, je la vois très différente selon les régions. Je pense qu’elle est très différente à Oran de ce qu’elle est à Alger, de ce qu’elle est en Kabylie, de ce qu’elle est à l’est, etc. Elle est très polarisée dans certaines villes, très urbaine aussi. Je fréquente un peu le milieu rural dans la région, et elle est complètement absente dans le milieu rural.28
Les entretiens menés auprès des acteurs de la coopération internationale vont également dans ce sens. D’après les enquêtés, la société civile est majoritairement localisée dans les zones urbaines les plus denses, le long du littoral par exemple. A l’exception de la Kabylie, les zones rurales sont moins dynamiques. Cette observation est également faite par la Fondation Friedrich Ebert, lors de son étude sur le mouvement associatif algérien29 en 2007. Ce phénomène peut s’expliquer par les plus faibles densités de population, l’enclavement, de plus faibles niveaux d’études et d’alphabétisation. A l’inverses, les grandes villes concentrent les fonctions économiques, politiques et administratives. Elles polarisent également les flux de populations, et les flux économiques. L’Algérie a connu, ces dernières décennies, un processus d’urbanisation qui a bouleversé ses structures sociales, la question urbaine étant au coeur des mutations de la société. 30% de la population vivait en milieu urbain en 1966. 62% en 1998 et, selon les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat, plus de 70% en 2008. Alors qu’en 1962 trois villes concentrent plus de 200 000 habitants. Les aires urbaines résultant des conurbations et de la densification du réseau deviennent de plus en plus nombreuses. Alors que la population générale de l’Algérie a triplé, la population urbaine a été multipliée par 10 durant cette même période. 30 Le rôle social, politique et économique des villes s’est considérablement affirmé depuis l’indépendance, faisant des zones urbaines les grands pôles de toutes les échelles territoriales algériennes. Entre l’exode rural et l’accroissement naturel, les villes se sont considérablement développées. Elles ont gagné en densité, mais se sont également étendues, ce qui constitue un défi en matière d’aménagement. Les nouveaux quartiers, villages périphériques intégrés au tissus urbain ou extensions sur les surfaces disponibles, localisent des populations précaires, jeunes, en quête d’intégration sociale. L’Etat s’est donc retrouvé avec la nécessité de conduire une politique de la ville à même de rattraper une croissance qui lui échappe et qui influe autant sur la structuration territoriale du pays que sur son économie et sa politique. Cependant les politiques d’aménagement ne sont pas à la hauteur des besoins, comme l’explique Saïd Belguidoum.
Depuis l’indépendance, les pouvoirs publics n’ont eu de cesse de promouvoir des réponses rapides, partielles et ponctuelles à la forte demande sociale [des villes]. Les grands programmes de logements, d’équipements, d’infrastructures et, depuis peu, de « villes nouvelles » sont des illustrations de ces interventions étatiques. Ces politiques publiques de développement urbain reposent sur des logiques technicistes et génèrent de nouvelles contradictions. Car cette question prioritaire de l’urgence (la demande de logements et les principaux équipements d’accompagnement) s’appuie sur une vision restrictive de la ville. Seuls les programmes de construction ont prévalu alors que les questions liées à la gouvernance urbaine ont été occultées. Les tensions sociales engendrées par ces bouleversements tendent à s’exacerber et les émeutes dans les cités dont la presse fait régulièrement état en sont l’expression.31
Cette situation fait des villes des endroits propices à la mobilisation sous toutes ses formes. Ces espaces en tensions, fortement peuplés et localisant des lieus qui favorisent la socialisation à l’engagement (universités, associations officielles, centres culturels, etc.) sont les viviers de la société civile algérienne.
Comme expliqué dans la première partie de ce mémoire, il est aujourd’hui très difficile de créer une association en Algérie. Il y a donc une situation de sur-demande en organisations de la société civile, qu’il est impossible de satisfaire par la voie légale. Les jeunes32, surtout ceux qui ont atteint la majorité après 2012, sont donc souvent dans l’incapacité de se mobiliser dans le cadre d’associations légales. Ils vont donc s’orienter vers l’informel. Ainsi, c’est une population assez jeune et largement urbaine qui a investi la mobilisation informelle en Algérie. Il semblerait également que les membres – et plus encore les membres fondateurs – des collectifs informels des grandes villes telles que Alger, Oran ou 32 ncore Tizi Ouzou ont eu accès aux études supérieures ou sont engagés dans un cursus universitaire. Cette information pourrait résulter d’un biais d’échantillonnage lors de notre étude, mais d’autres observations vont dans le sens d’une fréquentation des membres de collectifs d’institutions telles que les universités. Ces dernières poussent les individus vers de nouvelles formes de socialisation, et leur apportent un bagage propice à l’engagement, et peut-être même plus spécifiquement à l’engagement informel.

Des similitudes avec le mouvement associatif : une culture commune de l’engagement ?

Si l’absence de cadre juridique ou de structuration administrative est ce qui caractérise l’informel, cela ne signifie pas pour qu’ils ne se développent pas dans un cadre qui les précède. L’image de l’informalité, surtout dans les pays gouvernés par un régime autoritaire, tend à décrire des collectifs insaisissables, réunis par un intérêt commun mais liés par leur seule appartenance au groupe. Mais le culte du secret et la dissimulation ne sont pas les seuls moyens d’échapper à la surveillance d’Etat, d’autant plus que l’Algérie n’est pas un Etat policier omniscient, déployant un dispositif optimisé de surveillance à l’échelle nationale. Comme expliqué précédemment, l’appareil répressif repose plus sur l’entretien d’une tension qui limite l’expression publique et les regroupements collectifs hors des cadres donnés par le Parti-Etat. Ce contrôle est donc loin d’être total, et de nombreux espaces de socialisation – et donc de socialisation à l’engagement – existent. Pour en revenir à la question de l’existence de cadres de développement à l’informel, il semble que les membres des collectifs observés ne se sont par regroupés du seul fait de leur intérêt commun pour la participation citoyenne, l’action culturelle ou encore la promotion des Droits Humains. Leurs relations dépassent l’action sociale. La société civile étant personnalisée, polarisée et atomisée sur les territoires, c’est dans l’échelle locale et les interconnaissances qu’il faut chercher les premiers facteurs de regroupement.
La personnalisation des associations algériennes est un phénomène mis en lumière par le projet « Sociétés Civiles et Innovations Sociales au Maghreb », et bien connu des acteurs de la coopération internationale. Rares sont les associations à survivre à leur fondateur, à développer des routines de fonctionnement rationnalisées, à parvenir à s’étendre sur plusieurs échelles territoriales. Une partie importante de la culture de l’engagement en Algérie est dominée par la figure du leader charismatique33 à la longue expérience, incarnée par les militants politiques de gauche dont l’engagement précède la Décennie Noire. Cette génération de cadres associatif est en vieillissement, mais le mode de direction des organisations de la société civile qui leur est associé demeure bien implanté dans les pratiques des nouveaux arrivants. Les collectifs informels, s’ils conservent cette dimension personnelle, ne sont quant à eux pas nécessairement autant hiérarchisés et polarisés par les figures individuelles, du moins pas selon les mêmes modalités. Ce sont donc les connaissances interpersonnelles qui assurent en premier lieu la rencontre entre personnes sensibilisées à une même thématique sociale. Ces ‘’rencontres’’, qui prennent plutôt la forme d’une sensibilisation progressive à l’engagement militant, ont lieu dans des places notables de la vie sociale locale : université, lieux de réunion des jeunes, les environs des écoles (pour les parents d’élèves), associations déjà existantes, etc. En ces lieux, des personnes aux caractéristiques socioprofessionnelles se rencontrent, et surtout elles ont de fortes chances de partager des préoccupations et des intérêts communs. Les personnes interrogées déclarent avoir constitué ou intégré des collectifs à partir de réseaux de connaissances fréquentant des endroits communs. Ces endroits ne sont d’ailleurs souvent pas sans lien avec l’activité principale des groupes formés. Les collectifs constitués d’étudiants agissent sur les campus et s’adressent aux autres étudiants, les parents d’élèves se mobilisent auprès de l’école de leurs enfants et des autres parents, etc. Ce qui apparaît comme une évidence permet toutefois de constater que les regroupements informels ne sont pas des organisations collectives spontanément constituées, et qu’ils sont plutôt les prolongements d’une préoccupation thématique personnelle, d’une socialisation concordante, voire d’un ou plusieurs engagements préalables des individus.

Gérer le collectif dans un cadre informel : faire de l’instabilité un mode de fonctionnement

Les collectifs informels et les associations enregistrées présentent un ensemble de différences qui en font des organisations intrinsèquement bien distinctes, mais qui conservent une certaine proximité dans les objectifs qui les animent. Il est d’ailleurs fréquent qu’elles collaborent et partagent une vision commune de la société civile algérienne. Au regard des caractéristiques définitoires de l’informalité, nous pourrions nous demander si l’action des collectifs, aussi bien dans leur fonctionnement interne que dans leurs réalisations, présentent des particularités que l’on ne retrouve pas dans l’action sociale formelle.
Tout d’abord, un collectif informel n’est pas une personne morale : il ne dispose pas d’une identité juridique, ou plutôt il dispose d’une non-identité. Cette situation en creux lui permet donc de s’affranchir des obligations que le droit français, puis le droit algérien font peser sur les associations. Toute association issue de la loi française du premier juillet 1901 est constituée d’un bureau, dont les réunions sont publiques et font l’objet d’un compte-rendu accessible à tous les membres de l’association. Les législations successives qui régissent le droit associatif algérien depuis l’indépendance ont repris ce principe, et la constitution d’un bureau ainsi que la tenue d’une assemblée générale sont nécessaires à l’obtention d’une accréditation ministérielle. Dans les faits, le suivi ‘’bureaucratique’’ de l’action des associations n’est pas toujours bien assuré par leurs membres, et la Fondation Friedrich Ebert fait état d’un certain nombre de manquements à la production de ces documents officiels relatifs à la direction des associations37. Dans tous les cas, les cadres et membres des collectifs informels n’ont pas à se préoccuper de ce genre de formalités. Le mode de fonctionnement des groupes informels n’est pas soumis à des obligations d’ordre légal, ce qui donne lieu à des logiques de formation et d’appartenance des groupes très variables.

Les échelles locales : les villes et les wilayas prises dans l’ambiguïté

A l’échelle locale, pour les administrations préfectorales et municipales, les collectifs informels sont peut-être encore plus important pour la vie des habitants, et leur relation à l’administration en serait d’autant plus ambigüe. Le collectifs informels sont les acteurs de la société civile les plus adaptés à l’échelle locale, aux particularités d’un quartier ou d’une thématique locale très spécifique. De plus, les collectifs se confondent avec l’ensemble du tissus sociale, et ce encore plus que ne le font les associations. Les relations de voisinages, de connaissance interpersonnelles, les lieux publics de socialisations, etc. sont autant d’instances de socialisation qui relèvent de l’informalité et sont donc ouvertes aux groupes informels. Les lieux publics sont d’ailleurs sous la responsabilité de la municipalité concernant les aspects de gestion courante : ramassage des ordures, assainissement, voirie et accessibilité, tenue des marchés et événements locaux, etc. La sécurité est quant à elle confiée à la wilaya. Ces institutions sont donc les premiers organes de l’Etat à observer les collectifs informels. Pendant notre entretien, L. commente cette absence de relation entre administration locales et collectifs informels, quand bien même ces derniers seraient connus par leur action et leur présence – dissimulée mais pas invisible – sur l’espace public.

Collectifs informels et associations : intérêts communs, actions coordonnées et avantages réciproques

Un langage commun, une proximité

La survie des collectifs informels à travers le temps repose en grande partie sur leur capacité à s’inclure dans des réseaux d’acteurs au sein de la société civile. S’ils sont distincts des associations du fait de leur absence de statuts qui influe fortement sur leurs modes d’action, les collectifs conservent une proximité avec le mouvement associatif dans leurs modes de fonctionnement et leur composition.
Collectifs comme associations sont inclus dans des logiques de socialisations analogues. Leur ancrage social est fondamental dans la rencontre des futurs militants avec le groupe. Dans les deux cas, l’organisation s’appuie sur sa visibilité locale pour se faire connaître des populations. De plus, les rapports d’interconnaissance sont primordiaux pour les deux types d’organisations : la socialisation militante commence au sein du groupe de pairs, pour ensuite amener à l’éventuelle intégration à un groupe militant. Les membres de la société civile développent leur volonté d’agir et leurs savoir-faire au fil de leurs interactions sociales et à leurs tours font connaître les organisations de la société civile au reste de la population, et aux éventuels futurs nouveaux membres. C’est la socialisation à l’engagement qui permet à toutes les structures qui composent la société civile algérienne de trouver des membres ainsi que les ressources nécessaires à leur action.
La présence d’une conscience de l’engagement et la volonté de servir tout ou partie de la population sont également des caractéristiques que partagent les organisations formelles et informelles. Les membres des deux ensembles, du moins ceux rencontrés dans le cadre du projet de recherche et au cours du travail de préparation de ce mémoire sont en mesure d’expliquer les raisons de leur engagement mais aussi de situer cet engagement dans une perspective plus globale sur la société algérienne. Ainsi, on trouve une terminologie commune de l’engagement individuel mobilisée par les individus. Ces derniers font souvent le constat de manques (d’infrastructures, de solidarité, de libertés, etc.) qui peuvent être au – moins partiellement – compensés par l’engagement. Ce constat s’accompagne également d’une croyance commune dans l’engagement malgré les difficultés qui lui sont inhérentes en Algérie. Même au sein du mouvement associatif, le Régime n’est pas perçu comme un allié : le Parti-Etat finance, équipe et pilote tout un ensemble d’associations de masses qui lui sont rattachées : UGTA, UNFA, UNPA, etc. De ce point de vue, le monde de l’action sociale peut être séparé entre les associations rattachées au pouvoir d’un côté et les organisations autonomes, associations et collectifs, de l’autre. En effet, leurs membres ont en commun de préférer une action au sein d’une structure indépendante du pouvoir afin de pouvoir agir plus librement, ou du moins selon la volonté d’un collectif choisi. D’ailleurs, le choix d’une structure formelle ou informelle ne résulte pas nécessairement d’une divergence d’opinion entre les individus qui s’orientent vers l’un ou l’autre mode d’organisation : puisqu’il n’est tout simplement pas possible de fonder une association autour de certaines thématiques, c’est pas défaut que vont s’orienter vers l’informel les défenseurs des personnes LGBT par exemple.
Enfin, les effectifs militants des associations et des collectifs peuvent se confondre. Du fait du point commun entre les deux modes d’actions, la culture et les savoir-faire des militants sont très facilement transférables d’un type d’organisation à l’autre. Un individu peut commencer par s’engager dans une association, puis rejoindre un collectif plus adapté à leurs préoccupation, ou plusieurs collectifs, etc. La précarité relative dans laquelle se trouve le mouvement associatif algérien, et l’impermanence qui caractérise nombre de collectifs informels constituent un environnement propice à des trajectoires militantes fluides entre les deux ensembles. Cette possibilité est par ailleurs facilitée par l’ensemble des relations et interactions qui existent – du moins à l’échelle locale – entre associations et collectifs informels ; les organisations ont appris à collaborer pour faciliter leur action dans un environnement contraignant auxquelles elles peuvent ainsi mieux s’adapter.

Des associations officielles qui fournissent protection et ressources logistiques

L’image d’une société civile ou même d’un tissu associatif national constitués d’ensembles unis, aisément identifiables, peuplés de groupes pouvant être rapprochés, est une conception simplifiée qui ne rend pas compte des spécificités du cas algérien. Dire que la société algérienne est complexe est certes un truisme assez peu utile, mais cette complexité permet de caractériser la société civile.
Les témoignages récoltés tendent à mettre en évidence l’hétérogénéité de la société civile algérienne ainsi que sa tendance à la division plus qu’à l’union. Une des difficultés que rencontrent les ONG étrangères, lorsqu’elles cherchent à travailler avec des partenaires algériens, est de parvenir à faire collaborer des acteurs algériens. En effet, il semblerait que la rareté des ressources et le climat de méfiance instauré par la surveillance du régime aient encouragé un développement autonome des groupes associatifs : vis-à-vis du pouvoir, et les uns vis-à-vis des autres. Cette tendance semble s’être prolongée à l’ère de la « coopération bilatérale », et les ONG de capacity building interrogées insistent sur le climat de méfiance qui peut régner entre les cadres associatifs, accentué par la personnalisation des associations : les relations entre associations sont déterminées par celles qu’entretiennent leurs cadres, ce qui favorise la défiance et les tensions. Cette observation est corroborée par les entretiens menés auprès des acteurs associatifs algériens. Les tensions et craintes maintenues par la législation de fait entretenue par le Régime pèsent sur l’ensemble des acteurs associatifs, qui se concentrent sur la survie de leur structure de manière atomisée, et n’ont que peu de moyens pour s’organiser ensemble. En résulte un ensemble de savoir-faire, de micro-cultures associatives parallèles qui peinent à se rencontrer. Cette disparité dans les pratiques vient alors s’ajouter au climat de méfiance, éloignant encore un peu les acteurs les uns des autres.
Cependant, des collaborations existent bel et bien. L’isolement des représentants de la société civile est un phénomène structuré, organisé par le régime, c’est donc une situation de base à partir de laquelle le mouvement associatif s’organise à son tour, établissant des connexions avec l’extérieur mais aussi au sein de la société algérienne. Cette coordination peut prendre la forme d’interaction très régulières qui rentrent dans les pratiques militantes de nombreuses organisations. L’action coordonnée entre acteurs de la société civile prend deux formes principales : la collaboration, d’égal à égal, et le système de « l’association parapluie »47 : la protection/parrainage d’une petite organisation par une autre, plus grande. La première forme est assez simple à expliquer. Deux associations, intervenant sur des thématiques proches et en capacité d’agir ensemble, développent conjointement des initiatives, de manière régulière ou ponctuelle. Cela suppose donc que les membres des associations en question entrent en contact, mais surtout entretiennent des relations qui dépassent le cadre de l’interconnaissance personnelle, pour être intégrées au fonctionnement associatif. Il faut également que cette collaboration n’expose pas l’une des deux associations vis-à-vis de de la wilaya ou du Régime en général. Ce genre d’opération a donc plutôt lieu entre des associations de taille similaire, ayant des relations assez stables avec l’autorité publique, et disposant des ressources organisationnelles et logistiques pour intégrer la collaboration dans leur logique de fonctionnement. La seconde forme quant à elle lie deux organisations différentes par leurs tailles, leurs moyens et leurs relations à l’administration. C’est celle-ci qui nous intéresse le plus car elle fait partie des dispositifs inhérents au fonctionnement des organisations informelles algériennes.
G. Vincent : Ce qu’il se passe avec le climat de surveillance, c’est qu’il y a une compensation par l’informel : il existe tout un ensemble de petits collectifs indépendants, des jeunes… qui organisent leurs propres actions. Ils n’ont pas d’existence légale, mais ils se rattachent officiellement à une plus grosse association, qui couvre toute une nébuleuse de petits groupes informels. C’est le cas pour l’Etoile d’Akbou, par exemple.48
Les organisations informelles n’agissent pas toujours dans la clandestinité : la forte tendance à la répression dont font preuve les autorités algériennes rendent parfois impossible l’organisation de certains événements sans un aval officiel. Il est techniquement impossible d’organiser un événement impliquant un regroupement sur un espace publique, puisqu’il ne peut pas être dissimulé à l’administration. Les « associations de fait » ont donc besoin d’une autorisation officielle, autorisation à laquelle elles ne peuvent pas prétendre du fait de leur non-statut juridique. Elles ont alors besoin du concours d’une association approuvée par le gouvernement et la wilaya, qui obtiendra l’autorisation en son nom et accueillera le collectif.
Cet asile administratif est un moyen assez simple et pratique de compenser un manque de ressources et une relation plus incertaine à l’administration, tout en conservant l’impermanence et la légèreté du mode d’organisation des collectifs informels. Ce mode d’action présente néanmoins deux impératifs incontournables qui limitent les possibilités qu’il est censé offrir. Tout d’abord, il est nécessaire que le collectif informel soit en – bonne – relation avec l’association qui le couvre. Cette relation peut être due à une longue histoire de collaboration et d’entraide, à une double appartenance des militants au collectif et à l’association, ou encore à une bonne entente entre les membres du collectif et les cadres de l’association. Dans tous les cas, la personnalisation demeure un ressort important du fonctionnement de la société civile algérienne, officielle comme clandestine. Ensuite, l’événement public ainsi organisé ne doit pas compromettre l’association officielle auprès des autorités. Il n’est donc pas question de troubler l’ordre public ou politique ou de conduire une action pouvant être considérée comme une provocation par le Régime ou les forces de l’ordre. La ‘’couverture’’ du collectif informel doit également être protégée, de sorte qu’il n’apparaîtra pas trop clairement que c’est ce dernier qui est à l’initiative de l’action collective et publique : l’affichage public, la communication dans la presse locale et le signalement auprès de la mairie et de la wilaya doivent alors être faits au nom de l’association d’accueil. Cela implique donc que les membres du collectif n’aspirent pas à être trop connus des populations, ou alors qu’ils soient déjà connus et n’aient pas besoin de se faire connaître par ces biais, ou encore qu’ils disposent de leurs propres canaux d’informations49. Enfin, l’événement organisé doit correspondre à la vocation officielle de l’organisation qui l’accueille. Ce dernier point peut susciter certains bricolages : les cadres d’une association peuvent choisir de lui donner des thématiques relativement floues pour faciliter l’accueil de groupes informels. Néanmoins, cet impératif demeure une limite non négligeable qui impose aux groupes informels de se conformer à des contraintes administratives auxquelles les associations officielles sont confrontées. Ainsi, exister en dehors du droit associatif n’est pas synonyme d’émancipation complète vis-à-vis de ce dernier. Pour pouvoir conduire des actions sur l’espace public, les collectifs doivent pouvoir l’infiltrer, et doivent donc pour ce faire respecter certains codes établis par l’Etat autoritaire algérien. Ainsi, le droit associatif – comme d’ailleurs l’ensemble des lois du pays – demeure un cadre, une influence forte sur la vie et le fonctionnement de groupes sociaux qui entendent le contourner, le contester ou encore exister dans son ombre.
La collaboration entre associations officiellement enregistrées et collectifs informels, ou plutôt la couverture que les premières accordent au second, constitue un moyen de faire exister la société algérienne malgré certaines limitations imposées par le régime.

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Table des matières

PARTIE I : L’ALGERIE : UNE SITUATION PARADOXALE QUI CONTRAINT LA SOCIETE CIVILE ET REND L’INFORMEL INDISPENSABLE 
Chapitre 1 : L’Algérie : un régime politique autoritaire 
A. Caractérisation du Régime algérien : un autoritarisme de « cartel »
B. Disqualification de la population et dépolitisation : les premières entraves à l’engagement
Chapitre 2 : En droit et en fait : Un cadre légal contraignant qui réduit l’espace des possibles et en appelle à l’informel 
A. De la législation en vigueu
B. …À la législation de fait
C. Un climat de méfiance qui entraîne l’atomisation de la société civile
Chapitre 3 : Une organisation de l’informel adaptée au contexte autoritaire algérien 
A. Caractérisation de l’informel algérien
B. Modalités de l’engagement informel : une forte dimension spatiale et démographique
C. Des similitudes avec le mouvement associatif : une culture commune de l’engagement ?
D. Gérer le collectif dans un cadre informel : faire de l’instabilité un mode de fonctionnement
PARTIE II : DES INTERACTIONS AVEC LES COLLECTIFS INFORMELS QUI ENTRAINENT UNE EVOLUTION DE LA SOCIETE CIVILE ET DES ACTEURS QUI L’INVESTISSENT 
Chapitre 4 : L’ambiguïté de la relation entre l’Etat et les collectifs informels 
A. Une posture de l’Etat entre répression et nécessités
B. Les échelles locales : les villes et les wilayas prises dans l’ambiguïté
Chapitre 5 : Collectifs informels et associations : intérêts communs, actions coordonnées et avantages réciproques
A. Un langage commun, une proximité
B. Des associations officielles qui fournissent protection et ressources logistiques
Chapitre 6 : Des acteurs de la coopération internationale qui s’adaptent aux modes de fonctionnement de l’informel et participent de ses évolutions
A. Inclusion des collectifs informels dans des programmes d’aide et de coopération : les bricolages de la coopération internationale
B. Mobilisation et utilisation des collectifs algériens par des organisations étrangères
C. Influence réciproque des collectifs informels sur les organisations internationales : l’exemple du renforcement de capacités
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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