Une nouvelle vision de l’autostop, communautaire et quotidien

Une nouvelle vision de l’autostop, communautaire et quotidien 

Rezo Pouce cherche donc, selon notre première hypothèse, à faire de l’autostop quotidien un moyen de transport démocratisé, reconnu et considéré sur le territoire français, afin de résoudre un problème concret de mobilité dans les zones rurales et périurbaines, portant ainsi les valeurs de l’ESS. Nous cherchons dans cette partie à analyser comment ce projet de démocratisation de l’autostop se donne à lire dans les discours et les pratiques de Rezo Pouce, en nous concentrant sur deux imaginairespiliers fortement mobilisés : celui de la quotidienneté et celui de la communauté. Ces deux imaginaires sont fortement liés au statut d’acteur de l’Economie Sociale et Solidaire de Rezo Pouce, au travers des valeurs d’ancrage local de cette économie dans le quotidien des individus, et de mise à contribution de tous, de co-construction, de participation. Or, le projet de l’autostop quotidien se heurte entre autres à la préexistence d’un imaginaire collectif de l’autostop, solidement ancré dans les esprits : l’autostop est associé au long voyage, aux petits moyens, à la jeunesse. Pour démocratiser l’autostop selon Rezo Pouce, il faut  parvenir à élargir l’univers de l’autostop, en adjoignant à la conception d’un autostop du voyage celle d’un autostop du quotidien, simple et accessible à tous. Au-delà de la conceptualisation d’un nouvel autostop, Rezo Pouce fait appel à un autre imaginaire : celui de la communauté et du partage. Il semble que Rezo Pouce mise sur cet autre imaginaire pour faire de l’autostop un dispositif efficace au quotidien, avec le concours d’une communauté d’autostoppeurs. Dans quelle mesure les imaginaires du quotidien et de la communauté convergent-ils pour faire exister, conceptuellement et concrètement, un nouvel autostop du quotidien, démocratisé car accessible à tous ? Nous détaillerons dans un premier temps ce nouvel imaginaire d’un autostop quotidien, en opposition avec l’imaginaire consensuel de l’autostop, en analysant la manière dont est né le projet Rezo Pouce. Puis, nous verrons que le projet de démocratisation de l’autostop se donne à lire dans les discours de Rezo Pouce au travers d’un autre imaginaire agissant comme un fil rouge : celui de la communauté et du partage, en lien avec les valeurs portées par l’ESS. Enfin, nous verrons que ce même imaginaire se décline jusque dans les méthodes de travail et d’élaboration d’une stratégie de communication, attestant de la cohérence du projet de Rezo Pouce.

Bascule d’un imaginaire du voyage à un imaginaire du quotidien 

Dans cette première sous-partie, nous reviendrons sur l’autostop et les imaginaires qu’il véhicule, en observant le glissement d’un imaginaire du voyage à un imaginaire du quotidien, simple, concret, facile d’accès, et, en cela, démocratique. Un historique de l’autostop nous permettra de comprendre d’où viennent les représentations actuelles de l’autostop. Puis, en analysant la mise en place du projet Rezo Pouce, nous verrons que celui-ci s’est vraiment érigé par rapport à des besoins de terrain, concrets et quotidiens. Enfin, nous observerons que les outils mis en place se veulent extrêmement simples d’utilisation, confortant leur portée démocratique.

L’imaginaire de l’autostop : un héritage social et historique
Aujourd’hui, l’autostop s’inscrit dans un imaginaire spécifique, fruit – entre autres – de l’histoire de la pratique. On l’associe notamment au voyage, à la jeunesse et aux petits moyens, voir à la précarité. Pourtant, selon le TLFi, l’autostop n’est rien de plus qu’un « procédé consistant, pour un piéton, à arrêter une automobile par signes au bord de la route, afin de se faire transporter à titre gratuit ». Il s’agit donc, pour un individu, de profiter du flot de voitures existant pour se déplacer, contribuant ainsi notamment à la décongestion des axes routiers. L’autostop a, au vu de la définition   précédemment, un caractère informel et spontané : le conducteur ne prémédite pas de prendre un passager à son bord, mais prend la décision au moment où l’autostoppeur est identifié. La gratuité est également un facteur clé du concept, différenciant l’autostop du covoiturage.

D’où viennent donc les représentations liées à ce mode de transport ? L’autostop, en tant que « utilisation détournée et collective des modes de déplacements motorisés » trouve sa source dans les pratiques des hitch-hikers (« autostoppeur » en anglais), les « hobos américains qui circulaient gratuitement sur des trains de marchandises », dès la fin du 19e siècle13. La pratique, transposée à l’automobile, ne prend le nom d’ « autostop » que plus tard. Les périodes où ce mode de transport prend de l’importance sont souvent marquées par des pénuries, dues par exemple aux conflits mondiaux au 20e siècle, le manque de moyens encourageant les individus à avoir recours à l’autostop pour se déplacer. Ceci étant dit, c’est au cours des années 70 que la pratique connaît son âge d’or : la jeunesse issue du Baby-Boom, en forte demande de mobilité, profite du début de démocratisation de la voiture individuelle pour faire de l’autostop. C’est aussi à cette époque-là que l’autostop se trouve presque érigé « au rang de mode de vie, car il est étroitement associé à la contre culture qui émerge pendant ces “années de contestation” »14. C’est à cette période que se cristallisent dans l’autostop des mouvements de rejet de la société de consommation, de quête de soi et de contestation politique. L’autostop est délaissé au fur et à mesure que la possession de véhicules individuels se généralise, réservant la pratique à une petite frange de la société. Ce regard historique de l’autostop nous permet de mieux comprendre pourquoi ce mode de transport est aujourd’hui associé à un imaginaire de la jeunesse, de la précarité et du voyage. C’est en partie de cet imaginaire que Rezo Pouce entend se détacher en réhabilitant l’autostop comme un moyen de transport quotidien, dans les deux sens du terme : un moyen de transport à la fois banal et utilisé de manière régulière et habituelle.

Pour atteindre cet objectif, Rezo Pouce se doit de mettre en place une communication efficace. En effet, l’autostop n’est aujourd’hui que très peu considéré comme un moyen de transport régulier, destiné à tous, et convenant à de petits trajets. Font exception certains territoires où règne une forte “culture stop”. C’est le cas de BelleÎle-en-Mer par exemple, souvent qualifiée de “paradis des autostoppeurs”. Sur l’île, la mise en place d’un réseau sécurisé (comme les quatre “Points Stop” recensés par l’Office de Tourisme) ne semble même pas nécessaire, ainsi qu’en témoigne un article de 2016 du journal d’information Le Télégramme15 : « À Belle-Ile, en raison d’un fort sentiment de sécurité et de l’ « esprit vacances » qui règne une bonne partie de l’année, les usagers n’ont pour l’instant pas manifesté le besoin d’un encadrement si poussé. » Ce témoignage nous permet cependant de comprendre que, si l’autostop est pratiqué à Belle-Île de manière quotidienne et sur des trajets courts, il n’en reste pas moins qu’il semble réservé aux vacanciers, et que son efficacité doit beaucoup à « l’esprit vacances ». Ce constat souligne le fait qu’aujourd’hui, ce mode de transport s’ancre dans un imaginaire de l’exceptionnel plutôt que du quotidien, et reste réservé aux jeunes vacanciers. Ainsi, on ne recense pas aujourd’hui de territoire où l’autostop soit reconnu comme un moyen de transport quotidien dans les deux sens du terme : régulier et banalisé. L’autostop quotidien n’est donc pas considéré comme une véritable alternative aux autres modes de transport, car il est perçu comme réservé à une certaine frange de la population et à un contexte bien particulier. Il n’en apparaît pour autant pas moins pertinent au vu des problématiques liées à la mobilité identifiées précédemment. En revenant aux origines du projet Rezo Pouce, de la conception du projet jusqu’à sa mise en place, nous verrons que celui-ci a réellement vocation à s’ancrer dans le quotidien des gens, en partant de leurs problématiques quotidiennes de mobilité.

A l’origine du projet Rezo Pouce : les besoins du quotidien 

Le concept de Rezo Pouce est né sur la commune de Moissac, dans le Tarn etGaronne. Il s’agissait, au départ, de résoudre un problème de mobilité dans cette commune. Nous avons, lors d’une interview, interrogé Alain Jean, le fondateur de Rezo Pouce, sur les origines du projet. Ainsi nous explique-t-il : « J’étais élu à Moissac, adjoint au développement durable. Pendant mon premier mandat, […] on a beaucoup travaillé sur la mobilité. […] on a travaillé sur la possibilité de réhabiliter l’autostop. »16 La position d’élu d’Alain Jean nous renseigne sur la vocation première du dispositif. C’est en tant qu’élu, et non en tant qu’entrepreneur, qu’Alain Jean a porté le projet à ses débuts, préfigurant le statut actuel de SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) de Rezo Pouce. Loin de toute visée lucrative, il s’agissait en premier lieu de trouver des solutions de mobilité durable sur le territoire majoritairement rural de Moissac, dans un souci de l’intérêt général. En cela, Rezo Pouce s’inscrit réellement dans la dynamique de l’ESS : ainsi que le précise la définition du Labo de l’ESS, « Leurs activités ne visent pas l’enrichissement personnel mais le partage et la solidarité pour une économie respectueuse de l’homme et de son environnement. » En effet, l’inscription à Rezo Pouce pour les individus est gratuite. C’est au travers de l’abonnement au dispositif des collectivités souhaitant en bénéficier et au travers de subventions que Rezo Pouce est viable.

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Table des matières

INTRODUCTION
I – Une nouvelle vision de l’autostop, communautaire et quotidien
1. Bascule d’un imaginaire du voyage à un imaginaire du quotidien
• L’imaginaire de l’autostop : un héritage social et historique
• A l’origine du projet Rezo Pouce : les besoins du quotidien
• La simplicité des outils de Rezo Pouce, garante de leur visée communautaire
2. La communauté Rezo Pouce, promesse d’efficacité
• Une cible complexe à fédérer du fait de sa diversité
• Fédérer une communauté : une nécessité pour la SCIC
• Une nécessité érigée en promesse
• Une promesse qui fonctionne sur un mode coopératif
3. Une stratégie de communication inclusive et collaborative
• ICOM et Rezo Pouce : une confiance stratégique en la communauté
• Créer une communauté de travail efficace : le modèle des Fabs Labs
• L’identification par la concertation d’un système de freins à l’autostop
• La cible secondaire, une passerelle stratégique vers la cible primaire
II – L’application Rezo Pouce : une convergence de mythologies
1. Le recours au numérique justifié par une mythologie collective
• Une mythologie collective portée par une injonction sociétale et politique
• L’avènement d’une mobilité connectée, ou les TIC rendus incontournables
• Le rôle attribué aux TIC dans la mobilité : reflet de croyances
• La mythologie exemplifiée : la mise en place de l’application Rezo Pouce
2. Mythologie et usages : entrelacement des faits et des possibles
• L’application : un outil véhiculant une promesse de modernité
• L’application : un outil « système » efficace contre les freins émotionnels
• L’application, développée grâce à un design des usages
3. L’application Rezo Pouce : un outil lié à une mythologie efficiente
• Le consensus communautaire : condition de « l’effet magique » de l’application
• L’application : un outil marketing créateur de valeur
• L’application, indissociable d’un accompagnement pédagogique des utilisateurs
• L’application : un outil à activer et non une panacée
III – Le libre choix : condition de la démocratisation de l’autostop
1. Le digital : l’aspect démocratique en questions
• L’accès à l’application en question
• L’usage de l’application en question
• Choisir de refuser le numérique
• Illustrations de refus du numérique
2. La véritable démocratisation : un accès au choix
• L’enjeu social de la mobilité et l’importance du choix
• Offrir un choix : la condition d’une démocratisation véritable
• Le discours de Rezo Pouce sur le choix
3. Le Guide de l’autostop : un imaginaire puissant de la modernité
• Le papier : pendant symbolique de l’application numérique
• Le Guide Rezo-Pouce : un objet au carrefour des tendances
CONCLUSION

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