Une modification des massifs forestiers sous l’effet du changement climatique

Une modification des massifs forestiers sous l’effet du changement climatique

Il n’est pas possible d’ignorer ces constats et prévisions d’évolution climatique lorsque l’on raisonne à l’échelle de la vie d’un arbre. Les peuplements forestiers ont un temps de vie long, et sont particulièrement sensibles à des changements de climat, même prévus sur des pas de temps de plusieurs dizaines d’années. Au cours du XXIe siècle, on pourrait assister dans beaucoup de régions à une hausse du taux de mortalité des arbres et au dépérissement des forêts, ce qui constituent une menace pour le stockage du carbone, la biodiversité, la production de bois, la qualité de l’eau, les aires d’agrément et l’activité économique (GIEC, 2014). De plus, les effets indirects de ce réchauffement sont notamment les risques accrus d’incendies, d’invasion d’animaux nuisibles et d’épidémies.

La notion de dépérissement forestier

Le dépérissement est défini comme un phénomène causé par un ensemble de facteurs interagissant et se succédant d’une façon particulière, qui entraîne une détérioration générale et graduelle de l’arbre et se traduit par des symptômes portant notamment sur l’aspect et la croissance tels que des réductions de la quantité et de la qualité du feuillage, des réductions de croissance voire des mortalités d’organes pérennes (Manion, 1981). La mortalité de l’arbre n’est pas systématique. La mortalité désigne un arbre qui ne présente aucun signe de vie au-dessus de 1,30m, et toujours sur pied, cassé ou non au niveau de sa tige ou de son houppier (IFN, 2010).

Le dépérissement est un phénomène évolutif et progressif qui fait intervenir trois échelons successifs de facteurs : prédisposants, déclenchants et aggravants, interchangeables selon les espèces et les régions (Manion, 1981; Annexe 1). La complexité du phénomène réside dans son caractère multidimensionnel, il se définit ainsi par opposition aux baisses de vitalité provoquées par une seule cause biotique ou abiotique (Landmann, 1994). Pour le Département de Santé des Forêts (DSF), il convient en effet de ne pas considérer comme dépérissants des arbres qui ont uniquement un dommage aux feuilles lié à une cause simple temporaire tel qu’un gel, une canicule, une attaque de chenilles ou de champignons (DGAL, 2010). Ces phénomènes complexes soulèvent de nombreuses interrogations chez les gestionnaires et propriétaires forestiers.

L’impact observé du changement climatique sur les massifs forestiers

La physiologie et la croissance des essences forestières est fortement liée à la température et à la disponibilité en eau du sol (Bontemps et al., 2005; Charru et al., 2010; Nemani et al., 2014). La température influe entre autre sur la durée de la période de végétation par un débourrement précoce ou un retard la chute des feuilles (Menzel, 2003). Les précipitations, combinées aux températures et aux conditions édaphiques locales, déterminent le stock d’eau disponible pour les arbres, ainsi que la vitesse à laquelle ce stock s’épuise et se reconstitue (Bréda et al., 2006).

Les cas de grands dépérissements forestiers dans la littérature scientifique au cours des 15 dernières années ont été multipliés par trois, avec plus de 200 cas répertoriés sur cette période, concernant tous les continents et tous les types de forêts (Allen et al., 2010). Néanmoins, l’observation des forêts a considérablement progressé durant cette période et le nombre de pays disposant de moyens significatifs de gestion forestière et de suivi a aussi augmenté. Bien que les dépérissements puissent se produire en l’absence du changement climatique, les nombreuses études réalisées sur le sujet suggèrent qu’au moins une partie des écosystèmes forestiers y réagissent de façon avérée (Allen et al., 2010; Vennetier, 2012). De plus, le climat détermine fortement la dynamique des agents pathogènes et des ravageurs. Le manque de froid génère une survie généralisée des populations jusque-là décimées par le gel, celles-ci se reproduisent alors de manière exponentielle (Berg, et al; 2006; Vennetier, 2012). La détérioration des conditions hydriques pour les arbres (stress hydrique, voire sécheresse) sous l’effet du réchauffement diminue leur résistance naturelle face aux attaques biotiques. Même les arbres les plus vigoureux peuvent ne pas survivre dans ces conditions (Vennetier, 2012). Les forêts du bassin méditerranéen sont particulièrement affectées. Le déficit en eau est le principal facteur limitant de la croissance de la végétation dans la région, augmentant les risques de dépérissements forestiers et la mortalité des arbres. Et si certaines essences adaptées au climat de la zone s’y trouve encore accommodé (Pin d’Alep, Pin noir), d’autres, déjà en marge de leur aire de répartition comme le Pin sylvestre, arrivent en limite de leur capacité d’implantation face à l’évolution du climat. (Vennetier et al., 2008). Les constats inquiétants de dépérissements faits sur le Pin sylvestre en région PACA font l’objet d’une description plus bas dans le rapport (Cf §1.5).

Impacts attendus du réchauffement climatique sur les massifs forestiers au cours du prochain siècle 

Etant donné que l’échelle d’accélération du réchauffement attestée dans le rapport 2014 du GIEC va se produire dans un délai inférieur à la durée de vie de la plupart des espèces d’arbres, les massifs forestiers vont connaître des dépérissements importants en limite basse et sud de l’aire de répartition des espèces, le renouvellement naturel n’ayant pas le temps de s’effectuer (Vennetier, 2012). Ainsi on assisterait à une redistribution en latitude et altitude des aires de distribution des essences de plusieurs centaines de kilomètres vers le nord et de plusieurs centaines de mètres en altitude ( Keller et al., 2000; Badeau et al., 2005; Lenoir et al., 2008; Nogués Bravo et al., 2008). Le Pin sylvestre se trouve en limite méridionale de son aire de répartition au niveau du bassin méditerranéen et se présente donc comme une espèce particulièrement concernée par cette problématique. Les variations de la répartition sur le gradient altitudinal seraient plus rapides pour les espèces dont l’aire de répartition est restreinte aux habitats montagneux (Lenoir et al., 2008; Nogués Bravo et al., 2008), ce qui est le cas pour le Pin sylvestre, et donc d’autant plus rapides en région chaudes et montagneuses comme dans l’arrière-pays méditerranéen et les Alpes-du-Sud, où environ 60% des essences disparaitraient d’ici 2085 (Thuiller, 2005) .

Contexte environnemental et socio-économique de la région PACA

Le relief et le climat de la région

La région Provence-Alpes-Côte-D’azur possède un relief très marqué. Elle est délimitée par le littoral méditerranéen au sud et une partie de l’arc Alpin à l’Est. Entre ces deux zones, de nombreux reliefs montagneux se dressent : le massif de la Sainte-Baume (1148 m), la montagne SainteVictoire (1011 m), la montagne de Lure (1826 m), le massif du Lubéron (1125 m), le massif des Alpilles (498 m) et le Mont Ventoux (1911 m). Les fortes pentes sont donc assez fréquentes et les effets de versant associés au relief sont importants. L’arrière-pays méditerranéen est caractérisé par une période estivale sèche marquée, des hivers doux et la grande irrégularité des précipitations annuelles comme mensuelles. La zone présente généralement des pics de précipitations en automne et de forts déficits en été. Le régime des pluies se répartit selon deux gradients :
– un gradient nord-sud avec de faibles précipitations près de la mer Méditerranée et des pluies de plus en plus importantes au fur et à mesure que l’on s’en éloigne.
– un gradient ouest-est combinant les effets du vent dominant (mistral) asséchant l’atmosphère et la configuration du relief alpin par effet de foehn (Panini & Amandier, 2005).

De 1998 à 2008, la région PACA a connu un gain de 1,4°C des températures moyennes annuelles et une réduction des pluies printanières et estivales de respectivement 18% et 32% (Vennetier & Ripert, 2010). L’année de canicule de 2003 a été marquée par des températures très élevées de Mai à Août dans la région (+2 à 6°C par rapport aux normales saisonnières), combinées à une absence totale de précipitation sur la même période (Vennetier et al., 2008). La répétition du déficit des pluies cumulées sur 5 ans est venue prolonger les effets de la canicule.

Les principales formations forestières de la région (d’après IFN, 2010)

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) s’étend sur 31 399 km2 . Le taux de boisement du territoire (48 %), soit environ 1 517 000 ha de forêt, est largement supérieur à la moyenne nationale (29 %). C’est la seconde région française la plus boisée après la Corse. Ce taux masque cependant une forte hétérogénéité entre les départements. Trois essences dominent la région : le Pin sylvestre (250 000 ha), le Chêne pubescent (220 000 ha) et le Pin d’Alep (200 000 ha). Le Chêne vert (100000 ha) et le Mélèze (77 000 ha) sont aussi des essences bien représentées. Le Chêne pubescent et le Pin sylvestre forment à eux deux près de la moitié des peuplements monospécifiques de la région. Le mélèze d’Europe est l’essence pour laquelle la part de peuplement pur est la plus importante en région PACA (71 %). Le mélange de Pin sylvestre et de feuillus représente la plus grande part (23 %) des peuplements mélangés de la région. La part occupée par le Pin sylvestre dans la région souligne l’importance de s’intéresser à cette essence.

Les enjeux du Pin sylvestre 

1ère essence forestière en région PACA en termes de superficie avec 250 000 ha, le Pin sylvestre constitue une quantité de bois conséquente à valoriser, équivalente à 27 Mm3 répertoriés en forêt de production (IFN, 2010). La croissance de l’essence et la qualité du bois étant moins bonnes que dans d’autres régions non soumises à la chaleur et la sécheresse, la part destinée au bois d’œuvre (qualité supérieure) est moindre. Il ne fait donc pas l’objet de pratiques de sylvicultures approfondies. Mais il présente des enjeux économiques pour la valorisation de bois de qualité inférieure : le Pin sylvestre possède un débouché dans le bois de trituration, pour la papeterie notamment. Il est aussi exploité en bois énergie pour le bois de chauffage. En 2011, 175 petites et moyennes chaudières étaient en activité en région PACA pour une consommation d’environ de bois de 40 000 t/an, dont la moitié issue de coupes forestières. Mais l’apparition récente de centrales à biomasse dans la région a conduit à augmenter la demande en bois de chauffage, accrue d’au moins un facteur 15 (DREAL, 2015), contribuant à l’augmentation du prix du bois. L’unité biomasse de la centrale thermique de Gardanne, datant de 2012, est calibrée pour brûler 850.000 t/an de bois. Parallèlement, la centrale de Brignole (Var, 83), inaugurée en 2016, représente une consommation de 180 000 tonnes annuelles, dont 140 000 prélevées sur la forêt provençale dans un rayon d’une centaine de kilomètres.

D’autre part, le Pin sylvestre présente des enjeux environnementaux pour la biodiversité et la protection des forêts. Cette espèce de lumière offre notamment une protection pour le développement d’espèces ombrophiles, elle contribue à la protection contre l’érosion des sols, là où d’autres essences ne pourraient pas se développer. Cette quantité de biomasse constitue aussi un puits de carbone pour aider à lutter contre le réchauffement climatique. Enfin, un dépérissement massif de l’essence contribuerait à augmenter le volume de biomasse hautement combustible, intensifiant les incendies. Il est donc important de se poser la question du devenir de ces pinèdes sylvestres qui couvrent de larges étendues en PACA.

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Table des matières

Introduction
1. Contexte de l’étude
1.1 Le réchauffement climatique
1.2 Une modification des massifs forestiers sous l’effet du changement climatique
La notion de dépérissement forestier
L’impact observé du changement climatique sur les massifs forestiers
Impacts attendus du réchauffement climatique sur les massifs forestiers au cours du prochain siècle
1.3 Contexte environnemental et socio-économique de la région PACA
Le relief et le climat de la région
Les étages bioclimatiques
Les principales formations forestières de la région (d’après IFN, 2010)
Les enjeux du Pin sylvestre
1.4 L’autoécologie du pin sylvestre
Distribution
Altitude – Exposition
Topographie et sol
Ravageurs et pathogènes
Génétique et adaptation
1.5 Le dépérissement spécifique du Pin sylvestre en région PACA
Les constats récents de dépérissements dans la région
Les facteurs de dépérissement identifiés dans la littérature
1.6 Problématique et démarche
Objectif général
Les hypothèses de travail
La démarche adoptée
2. Matériel et Méthodes
2.1 Zone d’étude, échantillonnage et relevés de terrain
Plan d’échantillonnage
Relevés de terrain
2.2 Les données climatiques
Données climatiques disponibles et choix des données
Choix de la formule d’ETP
2.3 Traitement des données
Caractérisation du dépérissement dans l’étude
Traitement SIG et correction d’échelle
Analyses statistiques
3. Résultats
3.1 Réponse de la défoliation aux variables utilisées dans l’échantillonnage
3.2 Carctérisation de l’état sanitaire des placettes et relations simples de la défoliation et de la mortalité avec différents facteurs
Caractérisation de l’état sanitaire des placettes
Relations simples de la défoliation et de la mortalité avec différents facteurs
3.3 Détermination d’un modèle explicatif multifactoriel du dépérissement
Comparaison des modèles « défoliation » et « taux de mortalité »
Les variables significatives retenues dans le modèle « défoliation »
Le modèle « gui »
Classification des variables explicatives du dépérissement
3.1 Cartographie du modèle retenu
4. Discussion
Importance de la défoliation mesurée en PACA
La part des variables climatiques dans la défoliation
Les variables prépondérantes dans le modèle de défoliation
Le gui
Les chenilles processionnaires
La topographie
Validation des hypothèses
Limites de l’étude
Conclusion et perpectives
Bibliographie
Annexes

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