Une méthodologie élaborée pour examiner le monde invisible

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Des arrollismo et dépendance en Amérique Latine

Mais la conception linéaire et confiné du développement à la recherche de la croissance économique, ne tarda pas à essuyer des critiques. Dans les années 1950 et 1960, se développa en Amérique latine le Desarrollismo, une théorie économique sur le développement et les causes du « sous-développement » mise en place pour la première fois par le Président argentin Arturo Frondizi, entre les années 1958 et 1962 (cf. Frondizi 1963). Selon le Desarrollismo, le modèle économique prédominant basé sur le commerce international « centre – périphérie » reproduisait et aggravait les différences entre pays développés et sous-développés. L’activation et l’industrialisation des États étaient nécessaires pour créer un modèle de substitution des importations et impulser un développement autonome. Dans ce sens, différents organismes promoteurs du développement régional furent créés, comme la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPALC) – commission régionale de l’ONU–, la Banque Interaméricaine de Développement (BID) ou la Alianza para el Progreso(Alliance pour le progrès). De même, au niveau des pays furent créés des institutions de planification, de promotion de la production et de l’industrialisation (cf. Max-Neef 1993).
Malgré tout, les intellectuels du desarrollismo reformulèrent le postulat originel de cette théorie au cours des années 1960 et 1970, en donnant naissance à la Théorie de la dépendance. Pour l’école de la dépendance, le modèle de substitution des importations n’était pas suffisant pour industrialiser les États, qui avaient besoin d´importer des industries. Cet investissement exigeait l’exportation de matières premières, ainsi que la présence des capitaux étrangers, dans un modèle de dépendance des pays développés, notamment face aux États-Unis. Ce paradigme dénonçait l’existence d’une dépendance économique des pays périphériques par rapport au capitalisme central, et réclamait une alternative socialiste basée sur le principe de la révolution (Faletto et Cardoso 1967).
À ces paradigmes s’ajoutèrent les études de la CEPALC, un des partenaires du desarrollismoet de l’École de la dépendance, dirigée par RaúlPrebisch entre 1950 et 1963. La CEPALC des années 1960 chercha à démontrer que les principes du développement (transferts massifs de capitaux, exploitation des matières premières et libre jeu du marché) favorisaient les pays industrialisés plutôt que les pays non industrialisés. Ces études remettaient plus particulièrement en question le principe du libre échange, parce que les structures économiques des pays industrialisés étaient différentes de celles des pays non industrialisés, ce qui conduisait à un échange inégal. Aussi ces études proposaient-elles de développer une forme d’industrialisation qui se substituerait aux importations, dans la recherche d’un regroupement économique régional, où l’État serait chargé de prévenir les inégalités. De même, elles proposaient que l’État soutienne une réforme agraire –qui fut mise en place des années plus tard, comme on le verradans la deuxième partie, en transformant profondément le monde rural– et en répartissant mieux les investissements (Franco et Besa 2003).
Le desarrollismo et l’École de la dépendance introduisirent une nouvelle façon de penser le développement et le « sous-développement », avec une vision historique des transformations par rapport au système capitaliste mondial, sans passer par des étapes de croissance économique. Selon cette conception, développement et « sous-développement » n’étaient pas des étapes différentes, bien au contraire, elles coexistaient et le « sous-développement » était « nécessaire » pour élargir la richesse des pays du Nord. Le modèle capitaliste expliquait le « sous-développement » des pays du Sud (Frank 1969). Pour cette raison, les théoriciens de la dépendance proposèrent que l’économie soit analysée comme une variable dépendante, et soit par conséquent placée dans l’ordre sociopolitique et non pas seulement au niveau économique. Ce projet,qui allait au-delà de la sphère économique, « devait être une stratégie dedéveloppement à long terme, très fortement marquée par la convictionque la solution aux problèmes économiques latino-américains se trouvaitnon pas dans l’insertion dans le système mondial des échangesmais au contraire dans un recentrage et même une certaine autarcie dela région » (Sberro 2001 : 53).

Le « sous-développement » au-delà de la croissance et de l’économie de marché

Entre les années 1950 et 1970, de nouvelles idées et paradigmes provenant de différentes régions du monde ont ainsi émergé en ouvrant la conception de la notion de développement au-delà de l’économie de marché et de la recherche de la croissance, et en nourrissant la théorie de la dépendance. Les apports de François Perroux, dans la différentiation de la croissance et du développement sont essentiels dans ce sens. En allant au-delà des propositions qui plaidaient pour une industrialisation des pays du tiers monde avec pour objectif d´atteindre le stade de développement des pays industrialisés, Perroux a proposé une « réflexion plus globale, tous pays confondus, sur les finalités ultimes de la vie et de la pensée économiques » (Maréchal 2003 : 60). Alors que la croissance est conçue comme l’augmentation continue d’une dimension quantitative d’une population, le développement se réfère à « la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement, son produit réel global » (Perroux 1961 : 191). En plus d’introduire l’idée du durable, la notion de développement proposée par Perroux sort du domaine de l’économique pour impliquer aussi le social, nécessaire pour améliorer les conditions de vie d’une population.
Dans cette période, les travaux de l’économiste Samir Amin se sont aussi distingués en introduisant une nouvelle proposition plus critique pour comprendre le développement et le « sous-développement ». En reprenant,entre autres, les postulats de la théorie de la dépendance, Amin adopte les notions de « centre » pour se référer aux pays développés, de « périphérie » pour parler des pays « sous-développés », et de « dépendance » pour envisager les échanges inégaux qui ont lieu entre des pays développés et des pays « sous- développés » (Amin 1973). La dépendance tant financière que commerciale et technologique des périphéries du centre capitaliste, soutenue par les coopérations et les investissements centre-périphérie, condamne les périphéries à ne jamais rejoindre le modèle capitaliste, c’est-à-dire le développement. Le sous-développement est ainsi au service du développement, en l’aidant à la concentration et l’accumulation du capital. Samir Amin préconise actuellement son postulat depuis la direction du Forum du Tiers Monde12, au sein duquel il anime des discussions sur le développement et ses multiples expressions possibles.
Également inspirées par la théorie de la dépendance, les contributions d’ImmanuelWallerstein érigées dans les années 1970 (The Modern World System et The Capitalist World-Economy) ont été importantes et particulièrement inspiratrices pour les mouvements altermondialistes jusqu’à nos jours. Il propose le concept de système-monde pour analyser l’économie mondiale, le phénomène de la globalisation et la situation des pays sous-développés à l’égard des pays développés depuis une approche historique globale. Pour lui, la globalisation est « a process that is coterminous with the development of the capitalist world-economy over the past 500 years » (Wallerstein 2012 : 525). Et dans ce système-monde, plus que des développés et des sous-développés, Wallerstein soutient qu’il existe un seul monde où les échanges économiques permanents connectent de différentes manières les états13. Les différences et les inégalités économiques, sociales et culturelles des nations-états trouvent selon lui leur origine dans l’accumulation dissemblable du capital et du pouvoir. De ce fait, dans une économie mondiale, deux positions structurelles coexistant peuvent se distinguer : le « centre » et la « périphérie », auxquelles s’ajoute la« semi-périphérie » en tant que caractéristique de certains états ayant des activités mixtes, tant du centre comme de la périphérie.
Bien que reconnue, cette approche du système-monde a reçu des critiques, par exemple par rapport à la relation de ce paradigme avec son concept de globalisation et de commerce. Alors que pour le système-monde, la globalisation – comprise comme l’ascension d’une économie mondiale capitaliste dans les 500 dernières années – est adjacente à cette théorie, la situation mondiale actuelle correspondant à une crise structurelle du système monde, d’autres auteurs proposent une conception différente (cf. Denemark et Thomas 1988, Garst 1985, Robinson 2010), comme il est présenté postérieurement.

Le développement durable et la préoccupation pour l’environnement

L’image de succès de la croissance économique, intronisée dans les années de l’après-guerre, a suscitéà son tourd’autres types de remarques relatives à l’environnement et à la durabilité de la croissance, dont Perroux avait déjà parlé plusieurs années auparavant. Le Club de Rome, qui s’est fait connaître dans les années 1970 et qui existe toujours, a mis en lumière le défi de la durabilité du développement, lequel doit faire face aux problèmes environnementaux. Dans le rapport Halte à la croissance, aussi connu comme le Rapport Meadows, la croissance économique illimitée a été mise en cause sur différents aspects, et notamment les inégalités dans la distribution des richesses, l’approvisionnement alimentaire pour une population mondiale croissante, la politique énergétique basée sur des ressources hautement polluantes et non-renouvelables, et le problème de la pollution et de la dégradation sans limites de la planète. Une des solutions proposées pour affronter cette crise est la modification des taux de croissance, ce qui a été postérieurement appelé « croissance zéro », qui pourrait permettre une stabilité plus durable et soutenable à long terme (Meadows, Meadows, Randers et Behrens 1972).
Depuis les années 1970, la notion de développement durable s’est installée dans les agendas de différents pays, et plus particulièrement dans celui de l’ONU, grâce à la création de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement. Le Sommet Planète Terre qui s´est tenu à Rio de Janeiro en 1992, a exposéla préoccupation quant à la dégradation de la planète, tout en soulignant le besoin de protéger l’environnement. Ce Sommet proclame 27 principes, parmi lesquels : Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. […] Pour parvenir à un développement durable, la protection de l’environnement doit faire partie intégrante du processus de développement et ne peut être considérée isolément. […] Tous les États et tous les peuples doivent coopérer à la tâche essentielle de l’élimination de la pauvreté, qui constitue une condition indispensable du développement durable, afin de réduire les différences de niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde (ONU 1992).
Cependant, si la notion de développement durable a trouvé une place importante dans les actions de développement dans le monde jusqu’à nos jours, elle est devenue en même temps une formule (Dufour 2011, Krieg-Planque 2010) permettant d’avaliser différents autres types d’actions. Le cadre d’analyse d’une formule, comprise comme les énonciations et les discours utilisés dans différents espaces qui dévoilent des enjeux sociaux et politiques, permet de « saisir les discours politiques, médiatiques et institutionnels à travers les différentes formes de figements [dans le sens de stagnation] que ces discours modèlent et font circuler » (Krieg-Planque 2010 : 6). Ainsi, cette analyse montre comment la notion de développement durable se trouve à la base non seulement des approches de développement avec une préoccupation pour l’environnement, mais aussi comment elle soutient des discours politiques, des pratiques et des actions managériales d’entreprises, de communications et d’images des firmes. Dans ce sens, la question que pose Sylvie Brunel (2008) -A qui profite le développement durable ?- devient très pertinente.
Sans vouloir critiquer ici la notion et le désir de développement durable, il est intéressant de souligner qu’au-delà de la sphère du développement tout court, le compromis avec le développement « durable » et l’environnement est présent aujourd’hui dans de nombreux discours et formulations, parmi lesquels on peut citer les déclarations des entreprises sur leurs missions, et qu’on peut lire dans les programmes et les projets de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). Ainsi, « durable » est devenu un adjectif du développement parfaitement reconnu et valorisant une image positive de différents acteurs sociaux.

La crise internationale et la mise en question des indicateurs classiques du développement

Depuis 2008, c’est la crise financière internationale qui a attiré l’attention des organismes internationaux et des États du monde. Le trouble des marchés financiers des pays du Nord a provoqué des effets dans les pays du Sud, comme l’a signalé la Présidente de l’Argentine Cristina Fernández, en produisant un Effet Jazz28 spécialement dans les économies émergentes. Les économies dépendantes des exportations ont été spécialement touchées. En plus de contracter et même de faire régresser la croissance économique, remettant en question le modèle économique mondial, la crise financière a eu d´importants effets au niveau socioéconomique (cf. Schuerkens 2012). Parmi les conséquences documentées, on relève une augmentation de la pauvreté, une élévation du taux de chômage, un accroissement de l’absentéisme scolaire, une aggravation de la crise alimentaire et une hausse de la mortalité infantile (cf. Arguello 2010, Cohen 2010, Elson 2010, Montaño and Milosavljevic 2010). Les populations les plus affectées par la crise ont été paradoxalement la cible, depuis plusieurs dizaines d’années, de nombreux programmes de développement. En effet, la récente crise a signifié un retour aux situations de précarité et de vulnérabilité pour ceux qui avaient réussi à améliorer leur condition.
Pour faire face à une éventuelle crise humaine lors de cette crise financière, des organismes internationaux tels que la Banque Mondiale et le FMI ont réaliséun important renforcement de leurs financements, principalement en matière de santé, d’éducation, d´alimentation, de travail et de protection sociale (Cf. Banque Mondiale 2009 ; FMI 2009). Il s’agit d’un nouveau motif qui permet de justifier des interventions dans les pays du monde, à la recherche de la restitution de la stabilité, la confiance et le renforcement de l’économie « pour retrouver le chemin de la croissance » (OCDE 2009).
Cependant, la récente crise économique a été aussi une opportunité pour repenser le modèle économique et pour évaluer la notion de développement prédominante. Au début de l’année 2008, la Commission pour la Mesure des Performances Économiques et du Progrès Social (CMPEPS) a été créée, suite à la demande du Président de la République française de l’époque, Nicolas Sarkozy. Cette Commission, connue aussi comme la Commission Stiglitzdu nom de son président, a été conduite par trois économistes, dont deux prix Nobel –Joseph Stiglitz en tant que président et Amartya Sen en tant que conseiller– et le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) –Jean-Paul Fitoussi, en tant que coordinateur de la Commission. La mission principale de cette Commission a été l’analyse des indicateurs statistiques disponibles sur l’économie et la société, particulièrement du PIB, pour mesurer les performances économiques et le progrès social. De même, elle a été orientée vers l´identification des informations complémentaires concernant le progrès social, pour construire des indicateurs plus pertinents. La crise financière mondiale, de même que la crise environnementale (le réchauffement global) ont été à la base de cette demande.
La raison de cette mission n’est pas nouvelle pour ces économistes : la prévalence du PNB ou du PIB comme indicateurs suprêmes pour mesurer la croissance et le développement est erronée. En particulier pour mesurer le progrès du bien-être dans ces différentes sphères (économique, sociale, environnementale) et pour assurer une soutenabilité29 : « il est temps que notre système statistique mette davantage l’accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique, et qu’il convient de surcroît que ces mesures du bien-être soient resituées dans un contexte de soutenabilité » (Stiglitz, Sen et Fitoussi 2009 : 13)30. Dans ce sens, un des résultats de la Commission est la proposition de nouveaux outils de mesure des performances dans une économie complexe, en considérant le bien-être présent et futur à partir de variables économiques et non-économiques.

Le laboratoire chilien : un modèle de développement (é)prouvé

Dans ce contexte de développement de portée mondiale, les expériences de transformation locales diffèrent les unes des autres. Le cas du Chili particulièrement, a été caractérisé par une mise en place abrupte d’un modèle économique néolibéral, alors que les désirs nationaux précédents désignaient le renforcement de l’État et la promotion de l’industrialisation comme voie de développement autonome, en suivant les tendances régionales du desarrollismo et de la théorie de la dépendance. Le résultat actuel est la construction d’une société marquée par d´importantes inégalités sociales, une protection sociale gérée pratiquement par les seules sociétés privées, des valeurs de confrontation entre les différents secteurs de la société, et un modèle économique obsédé par la croissance économique, le commerce international et l’exportation, principalement de matières premières. Mais une telle définition du projet de développement chilien serait trop caricaturale, c’est pourquoi la configuration du modèle de développement actuel est examinée, en évoquant son histoire récente.

Développement et insertion du Chili dans le commerce mondial

En suivant cette approche, le modèle de développement chilien s’est rendu dépendant des exportations, en grande mesure pour réussir son positionnement dans le commerce international et pour collaborer avec la croissance économique, qui apportera le progrès social souhaité en suivant un « effet de ruissellement ». De fait, depuis les années 1970, la croissance économique a été dirigée par les exportations. Mais, quelles exportations exactement ? L’objectif s’est placé vers les avantages comparatifs qui, étant donné les caractéristiques naturelles du pays, se sont centrées en première instance sur les ressources naturelles, plus particulièrement sur celles provenant de la Cordillère des Andes.

Le secteur informel en Amérique latine et dans les Caraïbes

En Amérique latine et dans les Caraïbes, le travail de caractère informel se présente avec plusieurs concepts : travail au noir, travail clandestin, travail souterrain, travail invisible. Il existe, malgré les difficultés pour le décrire et les efforts pour rendre légales des activités de travail hors normes. De manière générale, il s’agit de travaux précaires : manuels et peu qualifiés, de salaires proches du minimum, des mauvaises conditions d’hygiène et de santé, d’heures de travail supérieures aux heures légales, de salaires à la tâche et de contrats de travail de forme verbale.
Dans cette région, entre 1990 et 2000, 7 nouveaux occupés sur 10 correspondaient à des occupations du secteur informel. Et plus récemment, les activités de ce secteur atteindraient 47% de la main-d’œuvre de la région (Ottone 2007). Dans ce cadre, un des traits saillants des changements dans le marché du travail de la région « est le contraste grandissant entre les rares branches et secteurs affichant des gains spectaculaires de productivité et les autres branches et secteurs, qui sont majoritaires, où les gains de productivité ont été insignifiants ou nuls. En d’autres termes, la modernisation d’une partie des emplois a coexisté avec un développement du travail informel de plus en plus évident de la main-d’œuvre » (Ocampo 2004 : 136). Ainsi, dans la région, le secteur informel regroupe les parties les plus vulnérables de la population latino-américaine, en particulier les jeunes et les femmes, de sorte que le taux d’occupation dans le secteur informel dans la région s’élève à 50% pour les femmes et à presque 44% pour les hommes (Tokman 2001). En effet, cette émergence et cet accroissement du secteur informel dans les années 1990 apparaissent comme une alternative au chômage. Si le secteur informel peut être considéré comme une figure de transition entre deux régimes productifs ou styles de développement consécutifs, dans le contexte latino-américain le secteur informel « a tendu à être consolidé, en ayant chaque fois une plus grande importance pour les plus pauvres comme source d’emploi et de recettes » (Machinea et Hopenhayn 2005 : 25). Et ceci, dans un contexte où la protection contre le chômage est très faible, et où la plupart des personnes s’orientent vers des emplois de faible productivité au lieu de tomber dans le chômage (Ocampo 2004).
C’est-à-dire, plus qu’un phénomène de transition propre des pays en développement, les activités informelles sont devenues une opportunité de subsistance pour des populations en situation de vulnérabilité. Ainsi, les activités informelles se sont installées et continuent de se développer à côté des activités formelles. Alors, quelles sont les limites des secteurs formel et informel ?

Les évidences des années 1980 et 1990 sur le travail agricole saisonnier

Des études locales menées durant les années 1980 et début de 1990 ont montré que le travail agricole saisonnier de cette industrie au Chili se caractérisait par différentes problématiques, telles qu’une importante flexibilité, précarité et informalité des conditions et des relations de ce travail ; une féminisation de la main d’œuvre agricole saisonnière, avec une importante incorporation des femmes aux activités salariées ; et des migrations de travailleurs et de travailleuses à travers différentes régions du pays.
En ce qui concerne la flexibilité et la précarité de ce travail, les études ont montré qu’il s’agit de travaux temporaires et instables, manuels et peu qualifiés avec des salaires proches du minimum, payés principalement à la tâche, avec des accords de travail verbaux et pourtant sans protection sociale et sans assurance chômage. De plus, ce travail était caractérisé par de mauvaises conditions d’hygiène et de santé, et des heures de travail supérieures aux heures légales (Cf. Riquelme 2000, Rodríguez y Venegas 1991, Valdés 1992, Venegas 1995).
Par rapport à la féminisation de la main d’œuvre, ce modèle a déclenché une organisation sexuée des tâches du marché du travail agricole saisonnier : certaines activités étaient réalisées par des hommes (travail lourd des plantations et de charge) et d’autres par des femmes (nettoyage, emballage et arrangement des fruits) (Cf. Valdés 1995 ; Venegas 1995). Et le nombre de femmes saisonnières dépassait largement le taux de participation des femmes à la population active, c’est pourquoi ces études parlaient d’une féminisation du marché du travail agricole saisonnier (Cf. Valdés 1988 et 1995, Riquelme 2000) et d’une prolétarisation féminine (Valdés 1992).
Sur les migrations, ces études montraient que ce modèle suscitait des migrations internes des saisonniers agricoles, qui suivaient, sur une extension d’environ 1.800 km de longueur, les plantations de fruits de légumes et de fleurs. Il s’agissait d’un phénomène surtout visible dans les régions du nord du Chili, où la main d’œuvre était moins nombreuse (cf. Riquelme 2000, Venegas 1995).
Bref, le développement de l’agro-industrie d’exportation et du travail agricole lié à celle-ci a déclenché la formation d’un monde invisible complexe touchant non seulement l’économie et le secteur industriel, mais aussi le travail et les vies des personnes, en transformant profondément les sociétés locales.

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Table des matières

Première partie. Le travail agricole au coeur du développement : Des modèles théoriques aux
pratiques empiriques au Chili
Chapitre 1. Un modèle de développement incité par la mondialisation
A. Des images et des représentations du concept de développement
B. Le laboratoire chilien : un modèle de développement (é)prouvé
C. Développement et insertion du Chili dans le commerce mondial
D. Le monde invisible du développement
Chapitre 2. Développement agricole et transformations sociales. Délimitation de la
recherche
A. Problématique : Modernisation agricole et transformations sociales locales
B. Objectifs de la recherche
C. Hypothèses de la recherche
D. Le choix d’un terrain : La Vallée du Limarí
Chapitre 3. Une stratégie d’enquête incluant différentes approches
A. Une méthodologie élaborée pour examiner le monde invisible
B. Pré-enquête : approche du terrain et ciblage de la recherche
C. Enquête de terrain : Observation participante, entretien non-directif, questionnaire et registre photographique
D. Méthodes de traitement de données : Analyse des matériaux secondaires, analyse qualitative et de contenu, analyse quantitative et analyse de cartes et d’images
E. Les défis d’aborder un terrain problématique
Deuxième partie. Modernisation agricole et nouvelle structure agraire au Chili
Chapitre 4. Des Haciendas aux Complexes Agro-Industriels : repères historiques de la
modernisation agricole au Chili
A. Les vastes exploitations agricoles et l’émergence de la paysannerie
B. Une réforme pour favoriser la redistribution des terres aux paysans
C. Le nouvel ordre du monde agricole à partir des années 1980
Chapitre 5. Le monde invisible du travail agricole à la base du commerce agricole chilien vers l’international
A. Naissance des temporeros, des temporeras et de leur monde invisible (1980-2000)
B. Féminisation du nouveau marché du travail agricole saisonnier
C. La flexibilité du travail au centre de la législation du travail chilienne
Chapitre 6. Les acteurs du travail liés à la nouvelle structure agraire
A. Les saisonniers agricoles : hommes et femmes engagés dans la voie salariale
B. Les entreprises agricoles liées à l’exportation et le défi de la croissance
C. Les sous-traitants de main d’oeuvre agricole et la nouvelle gestion des saisonniers
Troisième partie. Nouvelles dynamiques du travail agricole saisonnier au Chili et de son monde invisible
Chapitre 7. Dynamiques actuelles du travail saisonnier de l’agro exportation
A. La diversification de la production et les nouvelles temporalités du travail saisonnier
B. Faire travailler et retenir un travailleur : Rationalités du marché du travail agricole saisonnier
C. Migrations régionales et transnationales : nouvelles formes de mobilité de travail
Chapitre 8. De la flexibilité à la précarité du travail agricole saisonnier aujourd’hui
A. Des accords de travail souples et invisibles et la possibilité de recevoir des salaires attractifs
B. L’ambiguïté de la protection sociale du travail agricole saisonnier : santé au travail, maladie, vieillesse et chômage des saisonniers agricoles
C. Journées de travail et exigences physiques du travail agricole saisonnier
D. Infrastructure et équipement du travail agricole saisonnier : un progrès malgré la précarité ?
Chapitre 9. Nouveaux rapports de genre au sein du travail agricole saisonnier et de la sphère domestique
A. D’un marché féminisé à un rééquilibrage entre les sexes ? Nouvelles parités du travail saisonnier
B. Transformations des représentations de genre et nouvelles égalités du travail saisonnier agricole
C. Des nouvelles égalités de genre dans le domaine familial. Vers un empowerment des temporeras ?
Conclusion : Le monde invisible et les paradoxes du travail agricole de saison
A. Flexibilité du travail et développement : de l’insertion dans le marché international à la transformation silencieuse d’une société
B. Être temporero et temporera. La consécration d’identités sociales et de travail au-delà des saisons
C. Vers des nouveaux horizons pour le travail agricole de saison
Bibliographie

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