Une méthode MultiMaillages MultiPhysiques parallèle pour accélérer les calculs des procédés incrémentaux

Les procédés incrémentaux

Dans le domaine de la mise en forme des matériaux, le forgeage est un des procédés les plus utilisés, tout particulièrement lorsque l’on recherche des pièces particulièrement résistantes. En effet, la qualité des pièces obtenues par ce procédé est meilleure que celle obtenue par la plupart des autres procédés de mise en forme. Le forgeage couvre une large gamme de procédés différents tels que le laminage circulaire, l’extrusion, le matriçage…Parmi ceux-ci, nous nous intéressons ici particulièrement à ceux qui ont un caractère incrémental. On définit les procédés incrémentaux [Groche et al.07] comme ceux où les différentes zones de la pièce à forger subissent plusieurs coups de déformation par le même outillage durant une étape de production. Citons par exemple, le martelage, le laminage circulaire et le forgeage orbital…La caractéristique principale de ce type de procédés est que la zone de déformation est petite relativement au volume total de la pièce, comme on peut le voir sur la Figure 1-1, qui montre le martelage d’une barre. La zone qui se déforme est uniquement la zone de contact avec les outils qui ont une longueur clairement inférieure à celle de la pièce.

Plusieurs facteurs rendent les procédés incrémentaux plus attirants pour les fabricants que les autres procédés de forgeage : leurs outillages sont simples par rapports à d’autres procédés tels que le matriçage où les outils sont complexes et spécifiques, c’est-à-dire ils sont utilisables pour un produit particulier contrairement aux procédés incrémentaux où les mêmes outils peuvent être utilisés pour fabriquer une large gamme de produits, allant des pièces de petites dimensions jusqu’à des grosses pièces qui peuvent atteindre une masse de 100 tonnes. Ces pièces de grandes dimensions sont généralement utilisées dans les domaines nucléaire et aéronautique, ce qui impose une haute qualité de fabrication, surtout aux niveaux de la structure et de la microstructure. Pour satisfaire à ces exigences, des études, mécanique, thermique et microstructurale sont nécessaires, afin de minimiser le nombre de prototypes qui précèdent la fabrication effective de la pièce finale. Différents matériaux modèles tels que le plomb ou la plasticine ont été utilisés pour simuler le procédé avant la fabrication effective jusqu’à l’apparition de la simulation numérique qui est progressivement devenue incontournable.

Simulation numérique des procédés incrémentaux 

L’utilisation de la simulation numérique pour le calcul de structure remonte aux années 70 et depuis elle s’est déployée progressivement jusqu’à ce devenir un outil indispensable dans l’industrie mécanique en général et dans la mise en forme des matériaux en particulier. L’attraction à la simulation numérique est motivée par les avantages qu’elle offre :
1- Elle réduit le coût et le temps de fabrication en remplaçant les essais expérimentaux, tout particulièrement lorsque le matériau est un alliage au prix très élevé, ou que la pièce est de très grandes dimensions.
2- Elle fournit une large gamme qualitative et quantitative d’informations que l’on ne peut pas obtenir par d’autres outils, surtout au niveau de l’histoire de certaines variables comme la déformation généralisée ε , qui sont indispensables pour l’étude microstructurale de la pièce fabriquée.
3- Elle permet de prendre en considération l’aspect multiphysiques des procédés simulés ce qui n’est pas faisable par des matériaux modèles ou des approches simplifiées.

La conservation de l’histoire du calcul et la prise en compte de l’aspect mutliphysiques sont deux points primordiaux pour la simulation des procédés incrémentaux et particulièrement pour le procédé de martelage. Ce dernier constitue en effet l’application principale de notre thèse. Cependant, la simulation numérique a un inconvénient qui est le temps de calcul élevé dans le cas des procédés incrémentaux.

Problématique du temps de calcul 

Du point de vue de l’analyse numérique, la simulation des procédés incrémentaux ne pose pas de difficultés particulières : à chaque incrément de temps, les déformations sont relativement simples et faciles à simuler avec tout logiciel adapté aux grandes transformations. La difficulté vient des temps de calcul qui résultent du très grand nombre d’opérations à simuler. Le temps de calcul d’une simulation de martelage ou d’un autre procédé incrémental similaire peut prendre des semaines voire des mois. Un exemple de ce type de procédé est l’étirage sur la machine à forger, un procédé incrémental où la pièce est déformée en utilisant 4 outils. Il est représenté sur la Figure 1-2. Il nécessite la simulation de quelques 250 opérations de martelage qui requièrent presque deux semaines de calcul avec le logiciel Forge3® [Chenot89] sur un cluster à 9 processeurs.

La problématique donc est de réduire le temps de calcul des procédés incrémentaux tout en prenant en considération les deux paramètres que sont leur caractère multiphysiques et le cumul des transformations au cours du procédé.

Comment réduire le temps de calcul 

Pour trouver une méthode qui réduise le temps de calcul et qui soit optimale pour notre cas, on va commencer par regarder les travaux existants dans la littérature. Dans la partie suivante du chapitre, on présentera une partie de ces travaux, que l’on classe suivant 4 catégories :
1- Les méthodes du problème local
2- Les méthodes avec maillage de stockage
3- La méthode Multigrilles
4- Les méthodes MultiMaillages

Les méthodes du problème local 

Les méthodes du problème local sont les méthodes qui se basent sur l’idée d’adapter localement le maillage ou le solveur pour réduire le temps de calcul. Autrement dit ces méthodes profitent que la déformation soit localisée. Dans ce qui suit on présente trois de ces méthodes : la méthode de Sous-structuration élastique plastique, la méthode RD (Raffinement-Déraffinement) et la méthode Multigrilles localisée.

La méthode de Sous-structuration élastique plastique

La méthode de sous-structuration élastique plastique [Hadoush et al.09] est basée sur l’idée de diviser le maillage en des sous-structures (Figure 1-3) qui sont de types élastique ou plastique. Les sous-structures plastiques sont celles qui entourent l’outil représenté par un cercle, et les élastiques sont constituées par le reste du maillage. Le fait de ne pas faire le calcul plastique dans les « sous-structures » élastiques réduit le temps de calcul. Cette réduction est obtenue par la diminution du temps de l’assemblage des matrices du système, alors que le temps de résolution reste pratiquement le même, ce qui réduit l’efficacité de la méthode lorsque le nombre de degrés de liberté augmente étant donné que le temps d’assemblage devient négligeable. Les auteurs appliquent la méthode sur le procédé de formage incrémental (Figure 1-4) [Hadoush et al.09]. L’accélération obtenue est égale à 2,4.

La méthode RD (Raffinement-Déraffinement) 

La méthode de Raffinement-Déraffinement [Hadoush et al.08] consiste à adapter le maillage par rapport à la déformation imposée. Le maillage est raffiné dans la zone déformée et déraffiné dans la zone qui demande moins de précision, comme le montrent les Figures 1-5 et 1-6. Un inconvénient de cette méthode est qu’elle ne conserve pas avec précision l’histoire des variables cumulées en fonction du temps. Lorsque le raffinement de maillage se déplace, les gradients de déformation calculés ne peuvent être stockés avec la même précision sur une partie déraffinée du maillage. Les auteurs appliquent la méthode au même procédé de formage incrémental (Figure 1-4). Ils obtiennent une accélération égale à 2.

La méthode Multigrilles localisée

La méthode Multigrilles localisée dérive de la méthode Multigrilles. Elle est utilisée pour les calculs des phénomènes localisés tels que la propagation des fissures [Rannou et al.07], [Rannou et al.10]. Le maillage de base étant grossier, on définit des grilles de plus en plus fines dans la zone où la déformation est localisée (Figure 1-7). On résout le problème sur les différents niveaux de grilles (Figure 1-8) et on passe d’un niveau à un autre en définissant des opérateurs de transport semblables à ceux d’une méthode Multigrilles normale. La limitation principale d’une telle approche est la difficulté de l’appliquer à des problèmes de plasticité où on utilise généralement des maillages non structurés et des formulations éléments finis devant satisfaire des conditions de compatibilité de sorte que la procédure de raffinement des grilles est beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. Une autre limitation est que le maillage principal est un maillage déraffiné, ce qui pose un problème dans les applications couplées dont l’une des physiques n’est pas localisée ; par exemple la thermique, dans le cas de martelage, évolue sur tout le maillage et n’est pas spécialement localisée dans la zone de déformation. Dans ce cas, la résolution thermique serait faite sur le maillage déraffiné ce qui réduirait la précision du calcul.

Les méthodes avec maillage de stockage 

À l’origine, ce type de méthode est proposé pour surmonter le problème de la perte de l’histoire qui se produit lorsqu’on applique les méthodes de déraffinement de maillage pour les procédés incrémentaux. L’idée est d’ajouter un maillage de stockage pour conserver avec précision les variables cumulées en fonction du temps, telles que la déformation généralisée ε , lorsque la configuration évolue après déplacement des outils ou du domaine. La première publication rencontrée utilisant cette idée est [Kim et al.90], pour le procédé de laminage circulaire. Elle consiste à définir deux maillages (Figure 1-9) :

– AMS (Actualy Rotating Mesh System) ou système de maillage effectivement en rotation :

Ce maillage est lié à la pièce. Il est entièrement raffiné et sert à stocker les résultats obtenus par le maillage SMS, tels que les coordonnées des nœuds, l’histoire des variables cumulées…Ce maillage est actualisé (en rotation et en déformation) à partir du champ de vitesses calculé sur le maillage SMS.

– SMS (Spatialy Fixed Mesh System) ou système de maillage spatialement fixe :

Ce maillage est fixe en rotation dans l’espace. Il est adapté à la résolution, c’est à dire qu’il est raffiné dans la zone de contact avec les outils et déraffiné ailleurs. Il est utilisé pour faire le calcul des champs mécaniques dont les résultats seront interpolés sur le maillage AMS. Le fait d’effectuer le calcul sur le maillage déraffiné (qui a moins de degrés de liberté) produit une accélération des calculs. L’algorithme de la méthode est donné sur la Figure 1-10. Cette approche est aussi utilisée dans [Yea et al.03] pour le même type de procédé. Bien que cette méthode soit meilleure que les méthodes qui utilisent un seul maillage, on peut remarquer que :
– Le maillage de stockage n’est pas remaillé
– Les variables qui nécessitent d’être calculées avec un maillage uniforme (par exemple la température) ne sont pas obtenues avec précision puisque le calcul est fait sur un maillage déraffiné.
– La zone de déformation (= zone de contact avec les outils) n’est pas la même dans les deux maillages, ce qui produit des erreurs d’interpolation des résultats du maillage fin vers le maillage déraffiné. Notons que c’est cependant la zone qui demande le maximum de précision.

Dans [Hu et al.94], on utilise cette méthode [Kim et al.90], en introduisant une amélioration qui est que le maillage déraffiné (SMS) est entièrement inclus dans le maillage fin (AMS). C’est-à-dire que tous les nœuds du maillage déraffiné sont aussi des nœuds du maillage fin. Cette amélioration augmente la précision du calcul, car la zone de déformation est la même pour les deux maillages (Figure 1-11) ce qui élimine les erreurs d’interpolation dans cette zone. Les auteurs appliquent la méthode au laminage circulaire. Cette nouvelle « version » de la méthode est aussi utilisée dans [Lim et al.98] pour le même procédé. Dans [Keun Moon et al.08], les auteurs proposent de faire un calcul élément fini élastique à l’extérieur de la zone de déformation du maillage fin plutôt qu’une interpolation à partir du maillage déraffiné. Dans [Barton et al.07] et [Hirt et al.07], les auteurs proposent de transporter les variations des variables entre les deux maillages plutôt que les variables elles mêmes, pour diminuer l’erreur causée par le transport direct des variables.

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Table des matières

Chapitre I : Introduction
1.1. Les procédés incrémentaux
1.1.1. Simulation numérique des procédés incrémentaux
1.1.1.1. Problématique du temps de calcul
1.2. Comment réduire le temps de calcul
1.2.1. Les méthodes du problème local
1.2.1.1.La méthode de Sous-structuration élastique plastique
1.2.1.2. La méthode RD (Raffinement-Déraffinement)
1.2.1.3.La méthode Multigrilles localisée
1.2.2. Les méthodes avec maillage de stockage
1.2.3. La méthode Multigrilles
1.2.3.1. Quelle accélération peut-on obtenir avec la méthode Multigrilles
1.2.3.1.1. Algorithme Bigrilles
1.2.3.1.2. Applications numériques
1.2.4. Les méthodes MultiMaillages
1.3. Notre choix
1.4. Organisation de la thèse
Chapitre II : La modélisation du problème thermomécanique
2.1. Présentation du cas étudié
2.2. Modélisation du problème mécanique
2.2.1. Equations de base
2.2.2. Conditions aux limites
2.2.3. Loi de comportement
2.2.4. Frottement
2.2.5. Bilan des équations mécaniques
2.2.6. Formulation faible du problème
2.2.7. Discrétisation spatiale
2.2.8. Le contact
2.2.9. Discrétisation temporelle
2.2.10. Le système
2.2.11. Résolution par la méthode de Newton-Raphson
2.2.12. Elimination du terme bulle
2.3. La modélisation du problème thermique
2.3.1. Equations de base
2.3.2. Conditions aux limites
2.3.3. Formulation Faible du problème thermique
2.3.4. Discrétisation spatiale
2.3.5. Discrétisation temporelle
2.3.5.1.Schémas à un seul pas de temps
2.3.6. Le couplage thermomécanique
Chapitre III : La méthode MultiMaillages MultiPhysiques
3.1. La Méthode MultiMaillages MultiPhysiques
3.1.1. Algorithme MultiMaillages MultiPhysiques
3.1.1.1.Le problème continu
3.1.1.2.Le problème discret
3.1.1.3.Algorithme de la méthode MMMP adapté au problème étudié
3.1.2. Paramètres de la méthode MMMP
3.1.2.1.Zones de déformation
3.1.2.2.Adaptation du Maillage Mécanique
3.1.2.2.1. Conservation des nœuds dans la zone ZD
3.1.2.2.2. Emboîtement des nœuds dans la zone ZFD
3.1.2.3.La taille de déraffinement
3.2.Génération du Maillage Mécanique
3.2.1. Le Mailleur topologique MTC
3.2.1.1.Topologie de maillage
3.2.1.2.Critère de volume minimal
3.2.1.3.Algorithme du Mailleur topologique
3.2.1.4.Remaillage de surface et couplage avec le volume
3.2.2. Déraffinement emboîté par nœuds
3.3. Le transport
3.3.1. La méthode d’interpolation inverse
3.3.2. Transport sans relocalisation
3.3.3. Les variables transportées
3.3.4. Résultats
3.4. Aspect parallèle
3.4.1. Génération parallèle du Maillage Mécanique
3.4.2. Le transport parallèle
3.4.3. Equilibre des charges
3.5. Synthèse
3.6. Perspectives
Chapitre IV : Résultats
4.1. Etude de la précision
4.1.1. Calcul d’erreur
4.1.1.1. Evaluation de l’erreur en des nœuds déterminés
4.1.1.1.1. Nœuds de la zone de déformation
4.1.1.1.2. Nœuds de la zone de faible déformation
4.1.1.1.3. Nœuds extrêmes
4.1.1.2. Evaluation de l’erreur suivant la norme Max
4.1.1.3. Evaluation de l’erreur suivant la norme Euclidienne
4.1.1.3.1. La vitesse
4.1.1.3.2. La vitesse de déformation généralisée
4.1.1.3.3. Les coordonnées
4.1.1.3.4. La température
4.1.1.3.5. La déformation généralisée
4.1.1.4. Comparaison avec l’erreur éléments finis
4.2. Etude de l’accélération MultiMaillages MultiPhysiques
4.2.1. Etude de l’accélération en fonction du nombre d’incréments
4.2.2. Etude de l’accélération en fonction du nombre de nœuds
4.2.3. Etude de l’accélération en fonction de la configuration
4.2.3.1. Application
4.3. Résultats de calculs Parallèle
4.3.1. Application 1 (maillage de 23 500 nœuds)
4.3.1.1. Accélération MultiMaillages en parallèle
4.3.1.2. Accélération parallèle en MultiMaillages
4.3.2. Application 2 (maillage de 53 500 nœuds)
4.3.2.1. Accélération MultiMaillages en parallèle
4.3.2.2. Accélération parallèle en MultiMaillages
4.4. Synthèse
Conclusion Générale
Perspectives
Bibliographie

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