Une entente grandissante entre traditions et modernité, une évolution positive mais expérimentale

UN MODELE TRADITIONNEL ADAPTE AU MILIEU

Le Vanuatu, un territoire fortement exposé aux aléas naturels

Contexte géodynamique et risques associés, les pressions d’un environnement très actif

Sur la Ceinture de Feu de l’Océan Pacifique, l’existence de l’arc insulaire du Vanuatu dépend de la subduction : la plaque australienne s’enfonce dans la lithosphère au contact de la plaque pacifique, induisant sa propre fusion. Les édifices volcaniques issus des remontées magmatiques s’organisentsur la plaque recouvrante selon un axe parallèle à la “Fosse des Nouvelles-Hébrides“, qui correspond à la ligne de convergence des plaques en surface. Les îles composant l’archipel sont directement issues de ce volcanisme, toujours intense aujourd’hui.
On compte actuellement au Vanuatu 14 volcans actifs ou endormis. À travers le programme PreventionWeb, la United Nations Office for Disaster Risk Reduction (UNISDR) évalue la population du Vanuatu vivant à moins de 30 km d’un volcan à près de 120 000 personnes, soit 53% de la population totale (UNISDR, 2014). La répartition des volcans ne se fait pas de manière uniforme sur les îles de l’archipel. On peut considérer que le Vanuatu se divise en trois branches volcaniques : la branche occidentale composée d’Espiritu Santo et de Malekula est la plus ancienne ; la branche orientale, suivant l’axe de Maewo et Pentecôte, témoigne d’une activité volcanique plus récente ; enfin, la branche centrale, encore active aujourd’hui, qui comporte la majorité des autres îles.
Les éruptions volcaniques sont des phénomènes récurrents sur l’archipel et portent des conséquences très variables. La plus dramatique reste sans aucun doute l’éruption du cataclysme de Kuwae en 1452, que l’on considère comme l’une des plus violentes éruptions de l’histoire récente de l’humanité. Elle eut pour conséquence la destruction d’une grande partie de l’île et la disparition de la quasi totalité de ses habitants.
L’immense caldeira séparant les deux îles de Tongoa et Epi se présente en témoin direct de l’éruption cataclysmique. À Tanna, le Yasur est un petit volcan strombolien en constante activité et à l’accessibilité remarquable. Les éruptions de ce petit strato-13 volcan peuvent provoquer d’importantes retombées de cendres, impactant directement les jardins des habitants de l’île, ainsi que la végétation.
Présentant une toute autre réalité, le volcan Manaro Voui d’Ambae est l’un des édifices les plus imposants – 1496m d’altitude – et dangereux de l’archipel. Son activité irrégulière a plusieurs fois impliqué des coulées de lave et des lahars dévastateurs (1870, 1914), pour lesquels le nombre de victimes reste imprécis. Les lacs de cratère ont déjà su faire redouter par le passé une activité explosive de grande ampleur (Wiart, 1995), dont la crainte se réitère aujourd’hui, au vu de l’activité récente du Volcan.
Le risque sismique est également à considérer sur l’archipel : la marge active du Vanuatu s’étend sur 1 400 km du nord au sud et se trouve être particulièrement sismogénique. Avec une vitesse de convergence moyennant les 100 mm par an, 11000 évènements sismiques de magnitude supérieure à 5 ont été recensés entre 1973 et 2005 (Siméoni, 2009). On peut noter une convergence particulièrement rapide des plaques au niveau des îles Torres au nord, qui approche les 120 mm par an, alors que la ride d’Entrecasteaux de la plaque australienne limite fortement le processus de subduction près d’Espiritu Santo et de Malicolo, avec une vitesse d’avancement de 35mm par an (Calmant et al., 2003). Si la sismicité engendrée par les phénomènes de friction est présente sur tout l’archipel du Vanuatu, elle s’exprime de différentes manières selon le contexte géodynamique local.
Ainsi, le nombre d’événements sismiques liés au géo-dynamisme associé à la ride d’Entrecasteaux est faible en comparaison au reste de la zone de subduction, mais la région a pu connaître de grandes crises sismiques les 11 et 13 août 1965, ou en décembre 1973. Cette zone est susceptible de subir un séisme VIII sur l’échelle de Mercali tous les 60 ans, alors que le reste du Vanuatu est susceptible tous les 30 ans de subir un séisme VII (Louat et Baladassari, 1989).
Dans ce contexte géodynamique intensément actif, le risque tsunami représente une menace réelle. L’exposition est grandissante : sur les 272 459 habitants du pays en 2016, 67 743 sont concentrés dans les deux seules aires urbaines de Luganville et Port-Villa (VNSO, 2016), directement exposées à l’aléa tsunami (Louat et Baladassari, 1989). Au Vanuatu, les événements tsunamigéniques peuvent prendre différentes formes : le séisme est l’origine la plus courante mais les éruptions volcaniques ont des conséquences parfois particulièrement importantes. Le cataclysme de 1452 a ainsi logiquement provoqué localement un puissant tsunami dont la hauteur n’a pas pu être déterminée, compte tenu de l’ancienneté de l’événement et de la même manière une éruption du Yasur en 1878 provoque le déferlement atteignant les 12m de hauteur sur les côtes de Tanna (NOAA, N.D).
Les mouvements de terrains très fréquents dans le pays, peuvent aussi être l’une des conséquences des aléas sismique et volcanique. Les îles de l’archipel sont constituées de nombreux reliefs parfois abrupts, qui augmentent considérablement ce risque.
Autours des volcans, les retombées de cendres volcaniques constituent des sols instables : le volcanisme pouvant être sismogénique, ces terrains sont d’autant plus concernés par l’aléa.

Cyclones et dépressions tropicales, des menaces périodiques

Le cyclone est la plus dangereuse des perturbations tropicales, suivie de la tempête et de la dépression tropicale. Selon la vitesse des vents, les cyclones sont classifiés en 5 catégories sur l’échelle de Saffir-Simpson, la catégorie 5 étant la plus catastrophique. Le Vanuatu s’imbrique dans un contexte climatique bien particulier comptant l’occurrence de 20 à 30 cyclones impactant le territoire par décennie, avec 3 à 5 événements causant de sévères dommages (VMGD, N.D).
Chaque année, deux grandes périodes sont distinctes : la saison sèche de mai à octobre et la saison humide de novembre à avril. C’est durant la saison humide que les cyclones ont la plus grande probabilité d’occurrence.
Il y a des conditions précises à la création de perturbations tropicales : la température de la mer doit être supérieure à 26 °C sur au moins 60 mètres de profondeur, l’étendue concernée doit être suffisamment large pour une évaporation à grande échelle et la zone doit être assez écartée de l’équateur pour pouvoir subir la force de Coriolis. Dans l’hémisphère Sud, les cyclones décrivent une trajectoire Nord-Sud. En croisant ces paramètres avec l’expérience, il est possible d’identifier des bassins de création des perturbations tropicales et de leur attribuer des trajectoires types. Situé dans la zone de convergence du Pacifique Sud, l’archipel est concerné par plusieurs couloirs cycloniques majeurs. Certaines zones de cyclogenèse peuvent se trouver très rapprochées de l’archipel, le laps de temps entre la création du cyclone et son impact peut donc être très court ce qui rend son anticipation particulièrement difficile.
Depuis 1959, on compte en moyenne plus d’un cyclone impactant le pays par année (Simeoni, 2009). On ne peut cependant pas élaborer de schéma type de l’activité cyclonique : on assiste parfois sur l’archipel à des années sans cyclone et des années cumulant plusieurs événements. El Niño et La Niña sont deux facteurs influençant grandement les perturbations tropicales dont on n’observe pas de régularité particulière en termes de chronologie ou d’intensité (Météo France, N.D).
L’archipel a connu plusieurs crises cycloniques majeures. Le cyclone Pam fut le plus dévastateur de ces dernières années : de catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson, la catastrophe impacta le pays le 12 mars 2015. La capitale a été atteinte, où 6 des 11 décès sont à déplorer, et les rafales ont parfois largement dépassé les 350km/h. On compte 75 000 personnes retrouvées sans abri et 15 000 habitations intégralement ravagées (VRCS, 2015).
C’est le nouvel aléa cyclonique de référence, dépassant son prédécesseur Uma de février 1987 par sa violence. Cependant, le nombre de victimes d’Uma est estimé à 45 morts, soit bien plus que pour le cyclone Pam.

La conjugaison d’aléas, phénomène récurent et menace redoutée

La diversité, la magnitude et la fréquence des événements catastrophiques au Vanuatu impliquent régulièrement la superposition de phénomènes. Leurs conjugaisons sont parfois à l’origine de crises importantes, à des échelles très variables.
Après un cyclone, les sécheresses potentielles induites par le phénomène El Niño sont particulièrement redoutées sur l’archipel : la défoliation et les inondations provoquent la disparition de ressources végétales – dont les principales sources de nourriture, produites dans les jardins vivriers – et peuvent induire de longs épisodes de disette ou de famine. L’échelle de ce phénomène explique aussi la crainte qu’il engendre : les cyclones impactent souvent plusieurs îles et la totalité de leurs superficies peut subir une destruction végétale. De plus, si le phénomène se prolonge dans le temps, il peut être très difficile de se défendre contre la sécheresse, même avec une solide préparation.
De manière beaucoup plus locale, les glissements de terrains peuvent être consécutifs à une érosion hydrique brutale des sols. En saison humide, les séismes ont des conséquences plus importantes qu’en saison sèche. Les pluies diluviennes que subit de manière cyclique le Vanuatu modifient régulièrement le paysage : les glissements de terrain y sont très communs, notamment lors des épisodes La Niña.
Près des volcans, l’érosion hydrique peut avoir des conséquences bien plus importantes. Le 2 mai 2000 à Tanna, le lac Isiwi – alors retenu par les dépôts volcaniques – s’est intégralement déversé vers la côte, emportant avec lui du bétail, une dizaine de maisons et un Nakamal. 4 000 000 m3 d’eau ont déferlé pour 100000m3 de matériaux transportés (Vanuatu Ministry of Lands, 2014). Bien heureusement, aucune victime n’est à déplorer grâce au judicieux réflexe des habitants qui ont évacué la zone, mais on observe ici un exemple de l’ampleur potentielle d’un aléa unique qu’une conjugaison d’événements peut entraîner. Les lacs volcaniques nécessitent ainsi une attention toute particulière : dans une région subissant de fortes précipitations, des risques éruptifs importants et une activité sismique régulière, ils peuvent être à l’origine de catastrophes désastreuses. Les éruptions phréatiques font partie des plus redoutées et ont une réelle probabilité d’occurrence au Vanuatu.
Le volcanisme connaît aussi des interactions certaines avec l’atmosphère. Des liens directs peuvent être établis : de nombreuses observations affirment par exemple que l’activité volcanique du Yasur s’intensifie en saison humide (Buisson, 1994). Les impacts principaux de ce volcan résultent des pluies acides, fortement liées à la quantité de matériaux dégazés et à l’humidité ambiante. Autour des volcans stromboliens, il est logique d’observer une recrudescence des pluies acides en période cyclonique. Des témoignages recueillis parlent même d’un épisode grêleux aux alentours de l’édifice en 2006 : la méconnaissance du phénomène a pu provoquer des mouvements de panique. Compte tenu du caractère insolite de l’événement dans les conditions climatiques locales, le lien avec l’activité volcanique est très probable.
Une autre conjugaison d’aléas implique les vents, qui dégagent et transportent les dégazages volcaniques au delà des édifices. Selon la direction des vents dominants, certaines régions peuvent être impactées plus ou moins intensément par les émanations, faisant affronter aux populations des conséquences climatiques inhabituelles, pour lesquelles elles peuvent ne pas être préparées.
En plus des aléas classiques, la combinaison d’événements peut amener à une grande variété de conséquences parfois destructrices, difficilement prévisibles compte tenu de leur caractère singulier.

Une culture vernaculaire centrée autour de la gestion des risques

La prévention des risques, composante à part entière de l’environnement quotidien

Comme ont pu le démontrerplusieurs recherches, la prévention des risques est l’un des fondements de la viabilité des sociétés insulaires semblables à celles du Vanuatu (David, 2004). On la retrouve de manière tangible dans le quotidien des communautés, aussi bien dans l’aménagement du territoire que dans l’architecture ou l’agriculture. Ne suivant pas une rationalité scientifique précise, un certain nombre d’adaptations des cultures traditionnelles peuvent paraître adopter des logiques floues destinées à se protéger d’aléas mal connus, mais pourtant souvent véritablement efficaces.
Lorsque c’est possible, les sources potentielles d’aléas sont évitées par les villages : ils se trouvent généralement éloignés de lacôte directe (Bonnemaison, 1985), des zones inondables ou encore des flancs de montagne vulnérables aux glissements de terrain.
La connaissance du territoire est primordiale au Vanuatu et l’extension des villages sur des zones inhabitées peut parfois conduire à des drames. Certains autochtones de Tanna témoignent de la disparition d’une famille de 7 personnes, réfugiées dans un nouvel aménagement à proximité d’un cours d’eau ayant subi une crue éclair lors du Cyclone Uma.
S’il est difficile d’en vérifier l’origine, l’organisation des habitations au sein des villages semble ne pas se faire au hasard : souvent observable, l’alignement des structures permet de réguler la vitesse des vents violents engendrés par les cyclones.
Les formes traditionnelles de l’habitat du Vanuatu sont réputées pour leur propriétés anticycloniques. Les Nimalten et les Nimatikiskis désignentdeux types de structures de Tanna particulièrement résistantes. On retrouve des constructions traditionnelles similaires sur tout l’archipel et même au delà dans le Pacifique (Campbell, 2006), désignées par un grand nombre d’appellations différentes compte tenu de la diversité linguistique très importante de la région. Elles respectent les mêmes principes fondamentaux : des matériaux de construction sélectionnés pour leur solidité, des techniques de fixation particulièrement efficaces, un centre de gravité de structure très bas, une absence presque totale d’ouvertures sous l’extérieur, une prise au vent limitée, etc.. À l’origine, ces habitations ne sont pas des espaces de vie et n’ont qu’une fonction dortoir, l’essentiel du temps étant passé dans d’autres espaces comme la cuisine ou les lieux communs du village. Mais en cas de cyclone, ces huttes sont considérées comme les abris les plus sûrs.
Au regard des séismes, ces habitations sont idéales : le bois est un matériau flexible résistant aux secousses et le centre de gravité des structures est bas, limitant leur oscillation.

L’anticipation primordiale de l’aléa

Les sociétés traditionnelles du Vanuatu ont une véritable capacité d’anticipation de la crise. Le patrimoine culturel intangible témoigne d’une surprenante connaissance du territoire et de ses dynamiques : malgré l’absence de matériel scientifique permettant une analyse empirique des phénomènes, les sociétés traditionnelles ont prouvé des réelles capacités de prédiction et de prévision.
La transmission orale de la culture permet une certaine conservation des savoirs. Les légendes imagent de nombreux phénomènes réels : par exemple, alors que les seuls vestiges immergés du cataclysme de Kuwae illustrent physiquement la présence ancienne d’un volcan, les légendes ont transmis jusqu’à aujourd’hui et de manière très claire l’existence du cataclysme. Elles peuvent témoigner d’une certaine chronologie dans les événements : des tremblements de terre de plus en plus importants se sont faits ressentir, puis l’éruption arriva.
Compte tenu de l’ancienneté du phénomène, l’exemple des légendes de Tongoa à propos de Kuwae témoigne que les mythes et légendes permettent une transmission efficace de savoir concrets à travers le temps. Une conscience du risque est ainsi maintenue dans la culture vanuatuane.
Malgré le caractère très polyvalent des membres des communautés du Vanuatu, il existe une forme d’expert en prévision, que l’on retrouve à travers tout l’archipel. Dans les communautés d’Imafen, les Nambadanasin – littéralement  » femmes saintes » – sont les personnes éminemment respectées qui endossent ce rôle : leurs savoirs sont secrets et leur parole sacrée. Les connaissances environnementales de ces personnes sont très fines, et ils sont capables d’interpréter certaines dynamiques naturelles générales grâces aux simples réactions de l’environnement.
Il est ressorti des interactions avec les habitants que même aux alentours de Port-Vila, les ni-vanuatu ont une confiance très marquée en ces personnes. Les entretiens menés avec certains membres du gouvernement permettent d’analyser la position nationale sur la question : ils considèrent la confiance liée aux prévisions attribuée à ces personnes comme légitime, en reconnaissant la véracité des marqueurs utilisés.
La population des communautés bénéficie aussi de connaissances directement liées à la prévision : le nombre de fruits par arbre comme le papayer est par exemple considéré comme un indicateur fiable annonçant une saison cyclonique particulièrement intense. Lire le ciel permet aussi d’anticiper les phénomènes.
L’expérience est au cœur de ces méthodes d’anticipation : les stratégies innovantes adoptées, fonctionnant ou semblant fonctionner, sont transmises de génération en génération, s’ancrant progressivement dans une culture qui ne sera plus remise en question. Cela peut donc induire l’inclusion de certaines actions inefficaces en terme de gestion des risques dans la culture – certains rituels des Nambadanasin ont par exemple la réputation de pouvoir dévier le cours des cyclones – car les effets de ce qui semble fonctionner ne sont pas toujours concrètement vérifiables. Cependant, grâce à ce système de confiance en la culture, les communautés bénéficient d’une incroyable diversité de techniques véritablement efficaces pour se protéger d’aléas très variés.

Des réflexes bien précis pour affronter la crise

Lorsqu’un événement approche, des mesures sont prises afin de limiter les dégâts encourus et ainsi réduire au maximum la vulnérabilité. Le cyclone est l’aléa pour lequel la préparation est la plus significative : ses impacts potentiels sont très importants, sa probabilité d’occurrence est forte et sa prévision est possible suffisamment en avance pour laisser le temps aux populations de s’investir dans leur protection et celle de leurs biens.
À Tanna, de nombreuses stratégies ont été observables. La plupart ne sont pas exclusives à l’île et des formes plus ou moins similaires sont retrouvables à travers l’archipel.
Les Nimalten et les Nimatikiskis sont conçus pour être considérablement renforçables en cas de besoin : les matériaux de ces structures peuvent être facilement changés s’ils sont usés, les liens encordant les poutres entre elles sont renforcés, et on assiste à la pose de plusieurs autres couches végétales aux dessus des toits. La prise au vent, déjà faible sur les structures classiques, est encore réduite au maximum, en prolongeant les toits jusqu’au sol, et en préparant de quoi protéger la petite entrée.

La résilience, un concept primordial du système traditionnel

La résilience est ici définie selon la définition de l’UNISDR (2016) comme « la capacité d’un système, d’une communauté ou d’une société exposée à des aléas de résister à leurs effets, de les résorber, de s’y adapter, de se transformer en conséquence et de s’en relever rapidement et efficacement, notamment en préservant et en rétablissant les structures et fonctions essentielles au moyen de la gestion des risques ».
Compte tenu des formes d’adaptation citées précédemment, la résilience des sociétés traditionnelles du Vanuatu est très forte. Malgré qu’il soit le pays le plus vulnérable aux catastrophes naturelles au monde, qui font régulièrement connaître au pays des phases de crise majeures, le Vanuatu reste aujourd’hui l’un des 5 pays les plus heureux au monde selon le Happy Planet Index.
Une multiplicité de stratégies sont employées pour limiter un maximum les impacts d’un événement sur la société et pour rebondir dans la phase post-catastrophe. Le système communautaire implique une forme de protection sociale traditionnelle (Ratuva, 2010), où toute personne subissant des dommages ou se trouvant en difficulté pourra le faire savoir et se verra aidée. Au Nakamal, les rassemblements réguliers des communautés permettent d’identifier les besoins et ainsi gérer les problèmes principaux le plus rapidement possible. Ces rassemblements sont primordiaux avant et après la catastrophe et permettent une approche systématiquement adaptée. Le système traditionnel se caractérise donc par sa flexibilité et se trouve apte à affronter toutes sortes d’événements, même mal connus.
Les temporalités dans la gestion des risques sont très diverses : certaines adaptations sont visibles durablement sur le territoire, d’autres vont voir le jour à l’approche de la saison cyclonique, à la venue directe d’un événement, ou bien pendant et après la crise. Ainsi, associé à la multiplicité des stratégies, s’il n’est pas possible d’organiser l’une des adaptations, la sécurité de l’ensemble du système n’est pas pour autant compromise.
Les matériaux utilisés pour les structures sont directement issus de la nature. C’est un grand avantage pour affronter des aléas mineurs, car la matière brute est facilement transformable et facile d’accès, mais cela peut être handicapant face à des aléas majeurs : la défoliation et la destruction de la végétation empêchent la reconstruction de nouveaux abris et la résilience des sociétés dépend alors de celle de l’écosystème.
Même dans ce cas précis, les savoirs de la population permettent d’optimiser le développement des espèces utiles pour une résilience plus forte.

Réflexion méthodologique et questionnements : croisement d’approches spécifiques pour un système ne répondant pas aux règles occidentales

L’entretien : une approche classique très efficace

Le manque de données référencées ou leur imprécision constitue l’une des difficultés principale à mener de la recherche au Vanuatu. L’intérêt de l’entretien se trouve dans le court temps nécessaire à la collecte d’un grand nombre d’informations qualitatives. Interroger les décideurs permet également de déterminer leur approche face à des problèmes donnés.
Dans un pays où le nombre d’intermédiaires est limité entre le décideur et l’acteur de terrain, il est aisé de s’entretenir avec les responsables. Les barrières hiérarchiques sont discrètes et ne sont un réel rempart que dans quelques rares situations.
Une série d’entretiens a donc été menée auprès d’acteurs du gouvernement, des principales organisations non-gouvernementales et d’acteurs locaux afin de comprendre les différentes approches de développement en lien avec la gestion des risques.
Au delà des entretiens formels, un grand nombre de discussions informelles ont été menées avec les habitants de l’archipel. Si les données issues de ces interactions ne sont pas quantifiables, elles rendent tout de même compte d’un certain nombre de vérités et de ressentis généraux. En encourageant les personnes à parler de leur vécu en lançant des discussions très générales autour des problématiques touchant aux catastrophes naturelles on arrive à une compréhension plus fine du ressenti des populations, ou de l’analyse autochtone des situations courantes et de leurs évolutions.
En dépit de son caractère informel, cette méthode de travail s’est trouvée particulièrement riche et indispensable au soulèvement de certains points de recherche, ou pour arriver à des conclusions dont la logique pouvait être masquée par une incompréhension partielle du système. Largement plus d’une centaine d’interactions de ce type ont été engagées avec la population vanuatuane, dont la plupart sur l’île de Tanna, où il était difficile de passer par d’autres méthodes compte tenu de certaines contraintes de temps, de légitimité, etc….

L’enquête : une stratégie originale pour contourner les obstacles culturels

Une méthode d’enquête a été utilisée pour répondre à plusieurs objectifs spécifiques. Avec la prise en compte du contexte culturel, l’approche classique du questionnaire semblait incohérente : aux vues du National Population and Housing Census (VNSO, 2009), de grandes disparités sont discernables quant au niveau d’alphabétisation, entre la ville et la campagne, les hommes et les femmes, les moins de 25 ans et les plus de 25 ans, etc… En pratique, il n’est pas difficile de trouver des personnes aptes à communiquer en Anglais ou en Français, que ce soit en ville ou dans les communautés, mais la langue reste le principal rempart à l’étude si l’objectif est d’avoir une approche sans distinction de classe sociale. De plus, le temps nécessaire à l’enquête par questionnaire est trop important pour bénéficier de l’aide volontaire d’un interprète.
Il était donc nécessaire de développer une méthode simple permettant de mener l’enquête auprès d’un groupe de personnes dans une période de temps limitée afin de favoriser la compréhension et encourager l’implication d’un interprète. L’efficacité des approches participatives de Loic Le Dé dans la gestion des risques ont inspiré la méthode d’enquête utilisée dans ce mémoire.
Des activités ont été organisées à la suite d’événements divers, regroupant un minimum de participants potentiels. L’appui d’un contact a toujours été employé pour impliquer des personnes dans l’activité. 64 personnes ont été interrogées, pour 5 activités organisées, moyennant 10 à 15 personnes par activité. Le temps consacré à chaque activité approchait les 30 minutes, mais se trouvait variable selon les temps d’interaction avec les participants.

LE SYSTEME TRADITIONNEL MIS EN PERIL PAR LA « MODERNITE » OCCIDENTALE

La transmission des savoirs vernaculaires, une tradition de plus en plus difficile à faire perdurer

Le déclin des traditions, une évidence pour beaucoup

Toutes les personnes interrogées à travers l’enquête et les entretiens s’accordent pour dire que les savoirs traditionnels sont utiles pour éviter les dégâts encourus par les catastrophes naturelles mais sont bien conscientes de leur disparition progressive. 72% des personnes interrogées se considèrent d’ailleurs aujourd’hui plus vulnérables que les générations précédentes.
Le chef de la communauté d’Imafen parle de la perte des savoirs traditionnels comme d’une inévitable échéance : ils ont d’ailleurs déjà vu par le passé disparaître certaines composantes de la culture, notamment concernant l’utilisation de certaines plantes médicinales à cause des médicaments chimiques importés. D’autres constats sont fait : les jeunes ne connaissent plus les techniques de construction traditionnelles, et la transmission des connaissances ne se fait pas correctement.
Après Pam, une prise de conscience semble s’être opérée. Les îles deTanna et Efaté ont été particulièrement touchées par cette catastrophe, elle a donc considérablement marqué les esprits et les consciences sur ces îles. D’un côté, elle a particulièrement mis en évidences les lacunes nouvelles du système traditionnel, surtout sur Tanna où les sociétés rurales en sont encore plus dépendantes de par leur isolement, mais d’un autre, elle a prouvé son efficacité par rapport au système occidental. À Tanna, un grand nombre de personnes reprend désormais l’initiative de reconstruire traditionnellement. Alors que les populations avaient tendance à se tourner vers les formes de structures occidentales qui pouvaient sembler plus solides, le cyclone a prouvé qu’elles étaient moins aptes à protéger que l’habitat traditionnel. Plus de 60% des personnes enquêtées observent une volonté de reconstruire traditionnellement après Pam. À Tanna, on observe clairement sur le territoire de nouvelles structures traditionnelles prendre pied.
La viabilité du système traditionnel est en grande partie basée sur la solidarité.
Pourtant, l’individualisme est un facteur qui, peu à peu, érode le système traditionnel.
L’argent est la pièce maîtresse des sociétés occidentales qui sont basées sur un système individualiste s’opposant au système communautaire traditionnel. Plus de la moitié de la population considère que l’individualisme est plus important aujourd’hui que pour les générations précédentes. Si cette réponse ne fait pas l’unanimité, c’est que l’aide communautaire est encore malgré tout prédominante, et représente même pour les membres la source principale d’aides.
Le changement des modes de vie se fait parfois discrètement. Au contact des sociétés occidentales l’importance de l’espace personnel grandit, et avec elle mute les formes d’habitation.
« La nouvelle architecture des maisons quadrangulaires et aux murs hauts, construites à l’image du « cottage » britannique que conseillèrent les missions chrétiennes et qui sont aujourd’hui devenues le modèle le plus courant, crée un habitat plus spacieux, mais qui en revanche n’offre que peu de résistance aux coups de vents » (Bonnemaison, 1985)
Certains ni-vanuatu placent tous leurs espoirs dans le système occidental, et sont pour une mutation de la société. Ils considèrent que les matériaux occidentaux peuvent être bien plus efficaces que les matériaux traditionnels s’ils sont bien utilisés.

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Table des matières
Remerciements
Introduction
PARTIE 1 :UN MODELE TRADITIONNEL ADAPTE AU MILIEU
1.1 Le Vanuatu, un territoire fortement exposé aux aléas naturels
1.1.1 Contexte géodynamique et risques associés, les pressions d’un environnement très actif
1.1.2 Cyclones et dépressions tropicales, des menaces périodiques
1.1.3 La conjugaison d’aléas, phénomène récurent et menace redoutée
1.2 Une culture vernaculaire centrée autour de la gestion des risques
1.2.1 La prévention des risques, composante à part entière de l’environnement quotidien
1.2.2 L’anticipation primordiale de l’aléa
1.2.3 Des réflexes bien précis pour affronter la crise
1.2.4 La résilience, un concept primordial du système traditionnel
1.3 Réflexion méthodologique et questionnements : croisement d’approches spécifiques pour un système ne répondant pas aux règles occidentales
1.3.1 L’entretien : une approche classique très efficace
1.3.2 L’enquête : une stratégie originale pour contourner les obstacles culturels
1.3.3 L’approche de terrain : une méthodologie particulière en réponse à des objectifs particuliers
PARTIE 2 :LE SYSTEME TRADITIONNEL MIS EN PERIL PAR LA « MODERNITE » OCCIDENTALE
2.1 La transmission des savoirs vernaculaires, une tradition de plus en plus difficile à faire perdurer
2.1.1 Le déclin des traditions, une évidence pour beaucoup
2.1.2 Le nakamal, du haut lieu de la transmission des traditions au simple lieu de consommation du kava
2.1.3 Les migrations, nouveau rempart à la transmission des traditions
2.2 L’apparition de nouveaux matériaux en réponse à un besoin fondamental : se loger
2.2.1 La tôle et le béton : des éléments de plus en plus utilisés, au détriment des matériaux traditionnels
2.2.2 Un nouveau type d’habitat plus dangereux, une vérité bien présente dans les consciences
2.2.3 Le coût des matériaux et le manque de connaissances, deux facteurs aggravants
2.2.4 La disparition des matériaux traditionnels, un phénomène réel aux causes multiples, facteur limitant pour la volonté de retour aux sources
2.3 Création de vulnérabilités nouvelles
2.3.1 La nouvelle quête du secteur agricole : la rentabilité
2.3.2 Le tourisme, un nouveau secteur particulièrement exposé aux aléas
2.3.3 Migrations, concentration des populations et exposition grandissante aux aléas
2.3.4 L’apparition d’une vulnérabilité d’un nouveau genre, le pillage post-catastrophe
2.4 Le diagnostic de « vulnérabilité induite », synthèse spatiale des éléments rapportés
2.4.1 Le choix des critères de vulnérabilité
2.4.2 Des communautés aux caractéristiques de vulnérabilité différentes
PARTIE 3 :UNE ENTENTE GRANDISSANTE ENTRE TRADITIONS ET MODERNITE, UNE EVOLUTION POSITIVE MAIS EXPERIMENTALE
3.1 Un état économiquement pauvre et inexpérimenté, mais conscient de la richesse culturelle de son pays
3.1.1 Un budget national limité pour la gestion des risques
3.1.2 Un système éducatif en pleine réforme
3.1.3 La coordination des travaux, pour des projets cohérents
3.2 Aider, une tâche difficile pour une société ne comprenant pas toujours le système communautaire
3.2.1 Pam, moteur des actions nationales et internationales
3.2.2 Des aides parfois inadaptées
3.2.3 De nouvelles approches expérimentales s’appliquant à compléter le fonctionnement communautaire, des résultats mitigés
3.3 Lorsque le système traditionnel devient l’école de l’occident
3.3.1 L’architecture traditionnelle comme inspiration pour des structures modernes, un modèle à encourager
3.3.2 La résilience, la grande qualité du système traditionnel progressivement assimilée par l’état
Conclusion
Références bibliographiques

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