Une démarche sensible en REP : La fin de la lutte des classes ?

Enseigner la musique dans un collège de REP : plus qu’un métier, un défi ! Arrivant d’horizons variés, face à des publics eux aussi variés de par leurs origines sociales et culturelles – bien que souvent mis dans un « même sac » – nous, les nouveaux enseignants sommes d’emblée mis face à une nécessité : enseigner, c’est s’adapter, créer des ponts, compenser l’énorme distance qui existe entre deux mondes, le nôtre et celui des élèves. Erasme et les humanistes du début de la Renaissance avaient cru que le savoir et la culture seuls suffiraient à sortir de la pauvreté, de l’ignorance, voire du mal les hommes et les femmes qui souffraient. Ils étaient persuadés que la richesse des contenus et la pureté des intentions étaient la clé d’une pédagogie idéale qui aboutirait à une société exemplaire. En REP, nous sommes les témoins que cette vision, si elle a fait avancer la pédagogie et permis à l’être humain de progresser à une certaine époque, n’aboutit, seule, à aucun résultat durable.

L’élève, centre de nos attentions et de notre pédagogie, “matériel” humain imprévisible, sera également au centre de ce mémoire. Mon expérience en REP m’a permis de découvrir combien il nous apprend sur nous-même, sur notre pédagogie, nos peurs, nos hésitations et combien de ressources sommeillent en lui qui ne demandent qu’à être éveillées et exploitées. Mais ces ressources, nous ne pouvons les exploiter sans son aval. Pour cela, il faut donc éveiller son intérêt.

Un chanteur d’opéra en REP

De Vienne à Villeneuve-la-Garenne : une trajectoire improbable ?

Impossible d’expliquer l’expérience professionnelle en elle-même sans en raconter les à côté s qui la rendent si vivante, si spéciale. Ma vocation de professeur d’éducation musicale ne s’est pas faite en un jour, loin s’en faut. Elle est le résultat d’un long processus, cette fameuse “recherche” inhérente à tout artiste doublé d’un intellectuel dans le sens le plus humble du terme – qui plus est de ma génération en quête de repères – qui m’a permis de découvrir à la fois des disciplines et des cultures différentes, de côtoyer les plus grands et les plus humbles – ce qui souvent, va de pair. Fort de tout ce bagage, on peut s’étonner que je me sois donné la peine de concourir pour obtenir un poste de professeur d’éducation musicale – position sociale suscitant peu l’estime d’autrui car elle cumule deux clichés bien français de la fainéantise : l’enseignement et la musique – alors que la dénomination de chanteur d’opéra, qui plus est à Vienne dans les choeurs les plus renommés, tend à susciter l’intérêt, voire l’admiration.

Ce changement s’est dessiné lors de mes dernières années viennoises. Mon activité était alors partagée entre opéras pour enfants – où je chantais La Flûte enchantée, Fidelio, Freischütz et Le Vaisseau fantôme -, chœurs d’opéra à Vienne et à Salzbourg assortis de quelques projets solo notamment dans la musique liturgique. Beaucoup de mes collègues chanteurs exerçaient une activité comparable et s’en satisfaisaient, ce qui avait également été mon cas jusque là. Mais il y avait en moi un sentiment que je ne pouvais ignorer : je ne me sentais plus vraiment à ma place là où j’étais. Dans ce milieu où j’évoluais, il me semblait que je sous-utilisais certaines de mes qualités tout en manquant à ma vocation – sans vraiment pouvoir nommer celle-ci. Ce sentiment grandissant me poussa à remettre à plat ma vie, mes envies et mes compétences, à reconsidérer mon avenir d’une manières différente. Empli d’une soif à la fois de contact humain et de transmission de ma passion, j’envisageais alors l’enseignement. Pour moi, il s’agissait de changer de décor sans changer de voie, garder la musique tout en lui donnant une autre place que celle qui, jusque là, avait été la sienne.

J’étais bien conscient dès le départ que débuter l’enseignement signifierait affronter des situations nerveusement et psychologiquement difficiles face à des jeunes dont je n’aurais pas à envier le quotidien . Je savais ce que REP signifiait et que ce terme conditionnerait mon destin pour les années à venir si je faisais ce choix de carrière. Mais j’étais armé. D’une part, j’avais déjà de l’expérience avec les “jeunes des banlieues” de tous âges au poste d’animateur ; d’autre part, j’avais déjà côtoyé des établissements scolaires en tant qu’enseignant, je connaissais donc cette réalité – certes en Autriche mais la différence n’est pas criante. Il semblerait donc que j’aie tous les éléments en main pour commencer la grande aventure.

A ma manière de rédiger le paragraphe précédent, chacun aura d’ores et déjà compris qu’un “mais” viendrait entacher ce tableau, que tout ne pourrait pas se dérouler comme prévu, situation normale pour un début et dont j’étais bien conscient. Le plus troublant pour le néostagiaire que j’étais, est que le premier défi s’offrait à moi encore avant l’entrée dans la salle de classe, avant les premières photocopies, avant la préparation du plan de ma séquence, l’élaboration des activités. Mon premier défi, c’était de vaincre cette feuille blanche – réelle ou virtuelle – de préparation de ma séquence. Didactique, pédagogie, j’avais tout à apprendre… ou à réapprendre.

Pour seule arme, j’avais les programmes à ma disposition. Ceux de 2008, comme ceux de 2016 donnent clairement la direction : l’élève au centre des apprentissages. Or pour ma génération nourrie aux cours frontaux et à la restitution d’un savoir appris de manière encyclopédique – ce qui ne l’a pas empêchée d’avoir des professeurs d’exception et des cours passionnants – cela ne va pas de soi. Je devais me convertir à cette nouvelle forme d’enseignement. Certes, je savais qu’elle serait un enrichissement à la fois professionnel et personnel mais elle me demanderait aussi un travail constant.

Un an. C’est le temps qu’il me restait pour comprendre, appréhender, apprivoiser ce phénomène. Du moins sur le papier. En réalité, l’aventure commençait dès le lendemain. Dans une REP. Il faudrait être prêt car les élèves, eux ne seraient pas au courant de tous ces détails.

Une année au collège Édouard Manet 

Le REP : derrière l’acronyme, une réalité complexe

Ce mémoire perdrait sensiblement de sa saveur si j’essayais de généraliser mon expérience à tous les types de collèges, d’élèves et de milieux. Ce serait à la fois d’une grande prétention ainsi qu’un véritable raccourci que de vouloir balayer en quelques pages et avec ma courte expérience le large champ des nombreux profils existants. J’ai donc choisi d’axer ma réflexion sur les élèves de REP (réseau d’éducation prioritaire). En effet, le collège Édouard Manet de Villeneuve-la-Garenne, où je suis affecté pour cette année scolaire est un collège de l’éducation prioritaire (anciennement ZEP puis RAR, enfin REP). Quant à mon tuteur, il travaille lui aussi dans le réseau (collège Guy Môquet en REP+).

Mais qu’est-ce que le REP exactement ? Il est la continuité d’un système « provisoire» mis en place en 1987 d’après un projet d’Alain Savary, ministre de l’éducation nationale de 1981 à 1984. Constatant combien les différences sociales influaient sur les résultats scolaires, il conçut un projet de zones appelées ZEP, où des moyens financiers et humains plus importants devaient être mis en œuvre partant du principe que « l’inégalité de traitement doit rétablir l’égalité ». Ce système sera par la suite soumis à de nombreuses relances et redéfinitions des zones. La dernière en date, en 2014, entraînera un changement de dénomination, de ZEP, zone d’éducation prioritaire, à REP, réseau d’éducation prioritaire, l’accent étant mis sur le travail commun des établissements, notamment les articulations entre primaire et secondaire. La qualification d’un collège en REP est liée à quatre critères : la part des élèves dont les parents appartiennent à des catégories socioprofessionnelles «défavorisées », la part des élèves boursiers, la part des élèves résidant en quartiers prioritaires de la politique de la ville, la part des élèves de 6e ayant au moins un an de retard. Nous, professeurs de REP, enseignons donc à des élèves qui, pour la plupart, sont confrontés à la pauvreté, à l’échec scolaire et à un cadre de vie peu épanouissant. Sans compter ce que ces critères véhiculent avec eux sans le dire : une écrasante majorité de familles d’origines culturelles variées à la fois mélangées et regroupées en communautés, des situations familiales complexes et des quartiers qui ressemblent pour beaucoup à des ghettos, fermés et à l’écart du reste de la cité. Alors oui, nos élèves sont des élèves « difficiles ». On le serait à moins. Beaucoup d’entre eux sont bavards, voire agités, certains sont violents – parfois sans pouvoir vraiment s’en empêcher. Ils sont plus nombreux à avoir des difficultés scolaires – le taux de réussite au diplôme nationale du brevet en 2016 dans mon établissement est de 74,62 %, sur l’ensemble des établissements REP de 75,5 % contre 87,3 % au niveau national. Bien sûr, il y a aussi les élèves modèles dans leur travail comme dans leur comportement. Mais cela ne fait qu’atténuer le « choc » humain, culturel et générationnel qu’est l’enseignement en REP. Si, dans le présent mémoire, je me concentre sur l’éducation prioritaire, c’est aussi par choix et par intérêt personnel. Au vu de ma trajectoire – chanteur à l’opéra de Vienne, au festival de Salzbourg où les places se vendent entre 100 et 300 € -, ce choix pourrait sembler incompréhensible. Ajoutons à cela que mon nouveau milieu de travail est aux antipodes de celui où j’ai grandi. En effet, j’ai effectué mes années de collège dans un petit établissement tranquille (360 élèves) situé à Saint-Cyr-sur-Loire, ville moyenne (15.000 habitants) de la « banlieue » huppée de Tours (Indre-et-Loire). Là-bas, la plupart des enfants parlaient de leurs voyages exotiques et de la nouvelle jaguar de leurs parents. Les enfants de familles issues de l’immigration n’étaient, pour ainsi dire, pas représentés.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
I. Un chanteur d’opéra en REP
I-1. De Vienne à Villeneuve-la-Garenne : une trajectoire improbable ?
I.2. Une année au collège Edouard Manet
I-2-1. La REP, derrière l’acronyme, une réalité complexe
I-2-2. La motivation, moteur des apprentissages en REP
II La démarche sensible et ses multiples facettes
II-1. Une expérience vécue : la séquence sur « le thème en musique »
II-2. La clarté, une condition fondamentale
II-3. Le meilleur chemin vers l’abstrait ? Le concret
II-4. La forme plus importante que le fond ?
II-4-1. La présentation d’une séance, plus qu’un « emballage »
II-4-2. Une situation de cours (enfin) en mutation
II-5. Du cours pour l’élève au cours par l’élève
II-5-1. Accepter l’imprévu
II-5-2. Laisser les rênes aux élèves
II-5-3. PREMIS, un formidable terrain d’expérimentation
II-6 La bienveillance, condition sine qua non d’une démarche réussie
II-6-1. Au-delà des caricatures
II-6-2. Notre meilleur élève ? Nous-même
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *