L’impression de réalité (la perception)

 » Tout ce que l’on cherche à redécouvrir/Fleurit chaque jour au coin de nos vies. » Jacques BREL.

J’ai grandi entourée de personnes créatives, gravant dans ma mémoire un souvenir impérissable de leur imagination et de leur débrouillardise. Mon père avait cette ingéniosité pour créer des instruments parfois insolites servant à travailler sur la terre familiale. Il transformait des objets qui semblaient désuets pour leur trouver une autre utilité. C’est seulement après avoir examiné toutes les possibilités qu’il se résignait à jeter. Entre diverses créations manuelles, ma mère, avec ses doigts de fée, a longtemps garni la garderobe de ses cinq filles en cousant la majeure partie de leurs vêtements. Plus jeune, avec mes sœurs, une portion de nos temps libres se consacrait à la réalisation de jeux, d’histoires, de séances d’essayage de costumes et d’interprétation à la hauteur de nos imaginations fertiles. Sans oublier le contenu du bac de recyclage et ce qu’abrite l’environnement rural qui se transformaient en véritable mine d’or pour fabriquer nos précieuses petites créations. Avec du recul, il me semble que nous avions cette faculté de donner vie à un rien, de voir le potentiel recelé par une simple chaudière, un morceau de tissu ou un vieux balai.

Aujourd’hui encore, je me sens toujours habitée par cette capacité à voir au-delà de l’objet. J’observe attentivement ce qui m’entoure afin de saisir de nouvelles sources d’inspiration pour créer. Nous sommes entourés par une abondance de nouveaux produits à consommer. Malgré cela, ce sont les objets devenus intrinsèques à notre environnement quotidien qui m’intéressent : ceux qui, à force de partager notre existence, sont devenus ordinaires et banals. Dans mon travail, je fabrique mes œuvres à partir d’objets détournés de leur fonction ou parfois utilisés presque tels quels. Je les mets en relation entre eux ou avec d’autres éléments. Je m’approprie ces objets grâce à des interventions minutieuses et calculées. En concevant essentiellement des sculptures et des installations, je désire faire image dans l’esprit du regardeur. Je souhaite fabriquer des images tridimensionnelles. À travers mon travail, j’aspire à ce que l’on redécouvre ces gestes, ces acquis et ces objets qui nous semblaient auparavant insignifiants. Je cherche à ce qu’ils deviennent révélateurs de sens et qu’ils amènent le regardeur à prendre conscience de sujets profondément significatifs. Observer et donner une nouvelle valeur à ces banalités qui m’entourent est devenu une réelle préoccupation.

Durant mon parcours à la maîtrise, je me suis appliquée à découvrir les fondements de ma pratique, à mieux comprendre comment ils s’articulent et à les expliquer. Ainsi, le contenu de ce mémoire révèle un travail de recherche personnel et propre à ma démarche artistique. Je m’interroge sur les moyens par lesquels j’arrive à fabriquer des images à partir d’objets industriels. Est-ce l’objet, le regardeur ou l’artiste qui fabrique l’image? Pourquoi en suis-je arrivée à parler d’images alors que ma pratique en art visuel est majoritairement tridimensionnelle? Comment des œuvres réalisées avec des objets auxquels on ne porte normalement aucun intérêt peuvent-elles s’avérer marquantes et révélatrices de sens? Est-ce que les objets utilitaires formant une œuvre renvoient nécessairement à des connotations ou des significations particulières?

Fabriquer

Je suis naturellement portée à toucher, à réaliser et à sentir avec mes mains. En ayant ce réel besoin d’être en contact avec la matière, mon travail en art s’est instinctivement orienté vers la sculpture et l’installation. Cela explique d’ailleurs pour quelle raison, lorsque je décris ma pratique, j’emploie le mot fabriquer plutôt que créer des images. Créer peut rester dans l’intellect et l’intangible, tandis que le terme fabriquer se rapporte davantage à l’idée du geste et d’une relation avec la matière. Aussi, l’usage du mot fabriquer est plus juste pour décrire mon travail, car il évoque un processus de manipulation de la matière, un élément fondamental dans la réalisation de chacune de mes œuvres. Il m’apparaît essentiel dans ma démarche en art visuel de le souligner. Bien que je crée souvent avec des objets manufacturés, soit préalablement fabriqués, il n’en demeure pas moins qu’en les trafiquant, les modifiant ou les assemblant, je fabrique mon œuvre. Par ailleurs, au départ ce ne sont pas les objets industriels qui sont venus m’interpeller, mais plutôt les matériaux bruts, usés et réutilisés. Avec du plâtre, du béton, du bois récupéré ou du papier, je transformais toujours la matière première de façon à ce qu’elle complète ou représente un objet. Je pense à 1940 , Le piano , Décousu  ou encore 8,95 $ . Tous ces projets sont la représentation d’un objet : un ordinateur, un piano, une carte du monde et une roche dans un panier d’épicerie. Pourquoi, même à partir d’un matériau quasi brut, en arrivais-je à créer une œuvre qui intègre ou représente un objet utilitaire?

L’objet

L’objet et son contexte

Depuis maintenant plus d’un siècle, l’objet industriel s’est infiltré dans les œuvres d’art, en commençant par les ready-mades de Marcel Duchamp. Ecore aujourd’hui, certains de ses travaux, notamment le détournement des fonctions et des significations des objets, ont eu des répercussions dans plusieurs pratiques artistiques. En effet, suite à l’industrialisation, la profusion des objets manufacturés a grandement influencé et modifié notre mode de vie et, par conséquent, la démarche de nombreux artistes. Par exemple, dans les années soixante, la culture créée autour de l’objet fut un facteur qui a encouragé son utilisation dans le domaine artistique. La symbolique des objets découlant du contexte économique et social inspira, entre autres, les Nouveaux Réalistes. Pierre Restany, fondateur de ce mouvement, explique dans son ouvrage Les objets-plus (1989), ce qui a encouragé l’intégration de l’objet industriel dans leur pratique : Mécaniciens de l’objet et ingénieurs du décor postmoderne ont fait, les uns et les autres, au début de leur carrière entre 1968 et 1975, l’expérience de la fragilité et de la pauvreté du monde riche, à travers la triple crise qui a affecté tous les pays de l’Occident industrialisé : crise de la jeunesse étudiante et de la culture, crise de l’énergie et du pétrole, crise de l’argent et du dollar. Aujourd’hui, ils voient s’amorcer la reprise et se profiler le deuxième stade de la société de consommation. Le paramètre de la relativité généralisée, fruit de leur expérience vécue, affecte profondément leur sens de la nature moderne ou postmoderne. C’est sur la fondamentale ambiguïté de l’objet que se fonde leur langage. (Restany, 1989, p. 57).

Effectivement, les Nouveaux Réalistes utilisaient les objets du quotidien à des fins sémiotiques. Les matériaux nobles, la maîtrise des médiums et des techniques artistiques classiques étaient délaissés au profit du message. Arman par exemple basait sa démarche sur cette nouvelle abondance de produits manufacturés. Cela est visible dans sa succession d’œuvres Poubelle dans laquelle il expose des déchets de différentes provenances dans des boîtes de plexiglas. Cette méthode est également observable à travers ses accumulations comme Haches vertes où il superpose une série de haches pour en faire une sculpture. À l’aide des objets de tous les jours, il remettait en question certains enjeux sociaux, dont la surconsommation et la légitimité de la production de masse d’objets éphémères.

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Table des matières

INTRODUCTION 
CHAPITRE 1 : ANCRAGES THÉORIQUES
1.1 Fabriquer
1.2 L’objet
1.2.1 L’objet et son contexte
1.2.2 Les significations de l’objet
1.2.3 Offrir du sens?
1.3 Faire image
1.3.1 Entre réalité et imaginaire
1.3.2 La poésie
1.4 L’impression de réalité : la perception
CHAPITRE 2 : ANCRAGES ARTISTIQUES 
2.1 La matière sensible
2.2 Le non-visuel
2.3 Le merveilleux
2.4 Méthode et méthodologie
CHAPITRE 3 : FONCTIONS INÉDITES 
3.1 Faire bon usage
3.2 4 Degrés
3.3 Résistance
3.4 Les tableaux
3.5 Cascade
3.6 Au fond du bain
3.7 L’ensemble de l’exposition
CONCLUSION

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