Un risque de déplacer la stigmatisation des amazighophones ?

Un risque de déplacer la stigmatisation des amazighophones ?

Comme le précise Miller, « la mise en écrit [qui a été l’une des principales actions autour de la reconnaissance de l’amazighe] apparait souvent comme un renforcement des catégorisations et des frontières linguistiques » 2011, p.57), s’il n’existait pas déjà implicitement ou explicitement une hiérarchisation intralinguistique entre les multiples parlers amazighes. L’auteure parle d’ « effet de ricochet », (puis qu’en voulant la reconnaissance d’une minorité culturelle sont discriminés à nouveau un ensemble de personnes qui l’étaient déjà auparavant) qui s’accompagne d’un effacement volontaire des emprunts et néologismes (2011, p.62-63). Créer un amazighe de référence pourrait entrainer les mêmes difficultés que connaissent déjà la majorité des locuteurs marocains avec l’arabe et le français notamment.
Le passage qui suit résume bien cette contradiction : «En voulant en faire une langue nationale, présente dans le domaine public, enseignée, standardisée, les militants ou linguistes qui participent d’une façon ou d’une autre à sa codification, la rapprochent du pouvoir politique et relèguent, consciemment ou inconsciemment, les locuteurs ruraux à la périphérie » (2011, p.63). De plus, ce processus crée des tensions au sein même de la communauté amazighophone : « De plus en plus de voix s’élèvent pour demander la reconnaissance des principales variétés régionales » (Miller, 2011, p.67), alors que la volonté de départ était de rassembler et d’agir pour la dignité des locuteurs.

L’arabe

Son introduction au Maroc et plus largement au Maghreb remonte au VII e siècle de notre ère et correspond d’abord à l’expansion musulmane le long du littoral méditerranéen. Cette date correspond à la première période que Boukous (1998, p.7) appelle « intromission ». S’en suivront d’autres vagues d’arabisation, dont les pratiques actuelles résultent : au IXe siècle, avec la création de noyaux arabophones (1998, p.7) et particulièrement au Maroc avec la fondation de la ville de Fès ; au XIIe siècle, renforcement du processus par un flux de tribus somaliennes (Béni Hilal et Béni Maâqil notamment) qui arabisèrent à nouveau le Maghreb, et enfin au XVe siècle s’opère un processus de consolidation de cette arabisation déjà en marche, par l’arrivée massive, suite à la Reconquista espagnole, d’andalous arabophones : au Maroc notamment à Rabat, Salé, Fès, Tétouan…qui eut pour effet de mettre un terme à l’existence de certaines communautés amazighes qui jusque-là avaient échappé aux processus d’arabisation antérieurs (Quitout, 2007, p.78).

L’arabe classique/littéraire

Il correspond à la forme écrite de l’arabe, (Quitout, 2007, p.78) et constitue une référence, un symbole du patrimoine culturel arabo-musulman. Provenant du Coran, il est ainsi érigé comme langue de prestige, sacralisation qui lui garantit « prééminence et sauvegarde contre tout risque de le voir supplanté par les langues maternelles [l’auteur entend par là l’arabe dialectal et l’amazighe] reléguées aux rangs des dialectes et des patois » (Ait Lemkadem, 1999, p.26). La référence pour fixer ses normes n’est autre que le texte coranique lui-même (Benzakour, Gaadi, Queffélec, 2000, p.67). L’arabe classique a été utilisé pendant très longtemps pour des prédications et de l’enseignement religieux, par les établissements religieux, les agents du pouvoir central, et les cadres des administrations. Dans cette lignée, son utilisation actuelle est dédiée le plus souvent aux situations formelles à caractère religieux ou politique.
C’est une langue qui a des règles, des schèmes bien précis (Messaoudi, 2009, vidéo 1) renforcé par toute une tradition écrite, (Benzakour, Gaadi, Queffélec, 2000, p.67), comme la poésie préislamique (Majdi, 2009, p.151). Il a ainsi peu évolué depuis plus de quatorze siècles. Il agit comme un moyen unificateur « d’un peuple linguistiquement (et culturellement) hétérogène », en même temps qu’il garantit « l’appartenance au monde arabo-musulman du Maghreb et d’Orient » (Ait Lemkadem, 1999, p.26). Actuellement, il représente la langue officielle du Maroc, même s’il n’est précisé dans aucun texte que c’est précisément cette variété d’arabe qui est instituée (Miller, 2011, p. 61), statut qu’il partage depuis 2011 avec l’amazighe. Pour autant, il n’est jamais utilisé « comme mode de communication spontané » (Quitout, 2007,78 ; Benzakour, Gaadi, Queffélec, 2000, p.67), et n’est la langue maternelle de personne, au Maroc comme dans tout le monde arabe. Il est appris seulement à l’école (Quitout, 2007, p.80).
C’est là que se joue tout le paradoxe autour de cette langue : à la fois elle est perçue par certains comme ce qui devrait être parlé effectivement, comme ce quidevrait être la norme spontanée de communication, alors qu’elle ne l’a jamais été : «Les défenseurs de l’arabité s’attendent (…) à ce que les masses sociales marocaines s’approprient définitivement et par défaut l’arabe classique comme moyen de communication orale et écrite partagée » (Ait
Lemkadem, 1999, p.27). L’arabe classique est donc dans une certaine mesure, une langue artificielle, puisque non maintenue spontanément dans la société, mais dans des sphères bien particulières et notamment la sphère religieuse, domaine qui au Maroc est primordial puisque comme on l’a vu, cet Etat est une monarchie de droit divin, et que la religion y tient un rôle prépondérant.

L’arabe moderne ou littéral

Cette variété tient son origine au XIXe siècle et a s’est déployée d’abord chez l’élite moderniste proche-orientale, et les intellectuels arabes (Benzakour, Gaadi, Queffélec, 2000, p.67), dans un contexte social de modernisation pour laquelle l’arabe classique ne pouvait être adéquat (Quitout, 2007, p.81), notamment pour assurer la communication technique et culturelle. Au lendemain de l’indépendance, l’arabe moderne s’est donc développé, avec des structures grammaticales assouplies, un vocabulaire plus adapté par rapport à l’arabe classique, pour mieux faire passer et comprendre les idées nouvelles à la masse. Il correspond à la variété utilisée actuellement dans de nombreux médias, dans les communications formelles, et par les administrations (Quitout, 2007, p.81), dans les domaines économiques, politiques, où le français lui fait d’ailleurs une forte concurrence (De Ruiter, 2006, p.29).
L’avantage de cette variété d’arabe est qu’il permet une communication très aisées à l’écrit entre au moins vingt-deux pays (Messaoudi, 2013, p.7) du monde arabophone, mais aussi lacirculation des biens (via les chaines satellitaires et Internet) etdes personnes au sein de ce même espace. Il occupe par ailleurs la sixième place à l’ONU.
Il n’est pas morphosyntaxiquement et phonologiquement très différent de l’arabe classique, (Benzakour, Gaadi, Queffélec, 2000, p.67-68) et outre les processus d’adaptation et de simplification, cette variété s’est empreinte de langues étrangères, qui correspondent aux terminologies des «inventions et découvertes » de cette période, et aussi aux expressions et structures propres au français, à l’espagnol (Quitout, 2007, p.81) et à l’anglais (Messaoudi, 2009, vidéo 1), liées aux contacts de plus en plus fréquents avec l’extérieur exigés par le processus de modernisation ( Benzakour, Gaadi, Queffélec, 2000, p.68).

L’arabe médian/intermédiaire

Quitout (2007, p.81) et de Ruiter (2006, p.28) parlent d’ un « arabe médian », que Messaoudi appelle « arabe intermédiaire », qui correspond, en deuxième réponse (en plus de l’arabe littéral) à la situation de diglossie formelle entre arabe classique et arabe dialectal, à une variété basée lexicalement sur l’arabe moderne et morphologiquement et syntaxiquement sur l’arabe dialectal. Elle est utilisée essentiellement dans des communications orales formelles entre locuteurs alphabétisés (Quitout, 2007, p.82). Comme le souligne Messaoudi (2009, vidéo 1) : «Il y a une tellegradation entre tel niveau standard et tel niveau du dialectal, qu’on ne sait pas si l’Arabeintermédiaire est au milieu, en haut ou en bas de l’échelle ». En d’autres termes, il est difficile de voir à quoi elle renvoie. On pourrait créer des catégories à l’infini, ce qui n’est pas forcément utile, ni pour autant représentatif dela réalité complexe et incommensurable des variétés et des variations.

L’arabe dialectal ou darija

Définition et variétés

Cet ensemble linguistique que l’on appelle arabe dialectal est la variété qui « assure toujours les besoins de communication quotidienne, à la maison, dans la rue, dans les situations non-officielles…aussi bien pour les lettrés que pour la masse » (Quitout, 2007, p.78). En d’autres termes, c’est l’ensemble des pratiques orales arabes en situations ordinaires des marocains. C’est ce que confirme de Ruiter (2006, p.12): « l’arabe marocain joue, dans la vie quotidienne, un rôle de langue de communication orale, utilisée presque partout dans le royaume ». Il est très souvent appelé « darija », pour le différencier de l’arabe classique « fusha » (Miller, 2011, p.63).
Il constitue la langue première, (je préfère parler de langue première et non de langue maternelle, car ce terme renvoie justement à la première langue que l’on apprend, qui n’est pas forcément transmise que par la mère, expression qui revient trop souvent, même chez les spécialistes) des maghrébins non amazighophones. Elle sert de moyen de communication entre locuteurs arabophones et amazighophones d’une part (les amazighophones étant très souvent arabophones mais pas forcément l’inverse) ; et entre amazighophones parlant des variétés éloignées d’autre part, (Quitout, 2007, p.78) les variétés d’amazighe étant « pratiquement inintelligibles » entre elles (2006, p.12).
L’arabe dialectal est la variété la plus utilisée au Maghreb, mobilisée par presque tous les Maghrébins, exceptés les quelques minorités amazighes  »unilingues » (je mets des guillemets à ce terme puisque même ce qui est désigné comme du uni ou monolinguisme l’est rarement puisqu’il renferme toujours des variations) qui demeurent au Maroc et en Algérie, (Quitout, 2007, p.79), et parmi ceux-ci notamment les personnes âgées (Messaoudi, 2009, vidéo 1). J’ai parlé d’ensemble linguistique car l’arabe dialectal comprend aussi un grand nombre de variétés : il existe des différences au niveau du lexique, des prononciations et de la variation phonétique (Ait Lemkadem, 1999, p.28), entre parlers ruraux et citadins, et aussi des spécificités pour chaque ville (Quitout, 2007, p.79).
Miller expose la présence d’au moins quatre grands parlers au Maroc en arabe dialectal, qui correspondent aux « catégories autochtones » (Miller, 2011, p.63), ce qui n’est pas exactement le cas de celles construites par certains linguistes et dialectologues. J’ai donc préféré reprendre la classification reposant sur les représentations des marocains, partant du principe que c’est celle des locuteurs eux-mêmes qui est la plus légitime, les enjeux de ces partitions de langues les concernant directement, et plus encore que ce sont eux qui sont à l’origine-même de ces pratiques:
– Le parler citadin « mdini » : on le retrouve dans les grandes villes anciennes, telles que Rabat, Tétouan, Salé, Fès, etc.
– -Le parler bédouin « aroubi » : il a évolué dans les plaines atlantiques : Gharb, Chaouia, Doukkala, etc, et on le retrouve aussi dans les plaines intérieures comme le Haouz de Marrakech, le Tadla et le Souss.
– Le parler montagnard « jebli » : celui-ci est usité dans la région du Nord-ouest et puise ses origines entre autres dans l’amazighe.
– Le parler hassania « ribi »: il est pratiqué dans les provinces du sud (Messaoudi, 1996, p.108).
Je mentionne aussi d’après l’étude de Levy (2013) l’existence de parlers spécifiques dits parlers juifs, bien que presque éteints au Maroc actuel : quelques milliersde locuteurs sont recensés en 2013 (2013, p.51), alors qu’ils étaient au nombre de 270 000 en 1945 (2013, p.41).
Ces parles sont influencés d’espagnol, de berbère, et bien sûr d’hébraïsmes qui font leur spécificité, et peuvent être situés entre parlers jeblis et mdinis (2013, p.46). J’ajoute qu’entre ces différents parlers, il existe une certaine stratification sociale : «Ces catégories renvoyant elles-mêmes à une hiérarchie implicite, avec des parlers « prestigieux » et des parlers « dévalorisés » » (Miller, 2011, p.63), le mdini se situant traditionnellement en haut de l’échelle du raffinement. Cela étant, il existe depuis peu des transformationsimportantes et des mélanges perpétuels de ces différents parlers au Maroc, et du même coupde leurs statuts, comme le montre par exemple Messaoudi (2001, p.89) dans la ville de Rabat.
A partir des années 1950/1960, via des exodes ruraux et/ou administratifs prononcés, se produit « un brassage extraordinaire à tel point qu’un habitant sur deux est non originaire de la ville ».

La darija dans marché linguistique marocain

Selon Quitout (2007, p.79), ces contrastes entre ces types de parlers peuvent être gênants dans une certaine mesure, mais ils n’empêchent jamais la communication, la « compréhension mutuelle » (de Ruiter, 2006, p.27). L’arabe dialectal est « socialement marqué » (2000, p.69), étant l’unique outil de communication entre les catégories ayant un pouvoir économique faible et moyen. (Benzakour et al., 2000, p.69). En même temps, cet arabe dit dialectal est généralement stigmatisé, déprécié par les Maghrébins (Quitout, p.79) « qui ne reconnaissent en lui qu’une forme abâtardie de l’arabe classique », alors qu’il demeure la langue majoritairement employée dans tout le Maghreb. Il n’est pas reconnu comme une vraie langue, «le dialectal ne serait qu’une langue triviale sans grammaire » (de Ruiter, 2006, 30) aussi bien officiellement que dans les discours ordinaires, bien qu’ayant un statut de fait. Ce n’est que récemment que des débats émergent quant à son intégration dans l’éducation, comme le confirme de Ruiter (2006, p.30) : «ce n’est qu’avec la présentation de la Charte d’Education en 1999 qu’un pas prudent vers l’usage du dialectal en primaire est accompli ».
Cependant, nous ne pouvons négliger l’utilisation de la darija dans des domaines jadis accaparés par l’arabe classique ou le français : des médias, en premier lieu de la radio, Hit Radio par exemple, où « parler (…) n’est plus le stigmate du locuteur peu éduqué mais est le signe du citoyen moderne, décomplexé, en harmonie avec son époque et fier de sa« marocanité » » (2011, p.65) ; des publicités, dans la création artistique (bien que le Zajal et le Malhoun sont des « expressions artistiques qui se sont toujours faites en darija » (Messaoudi, 2013, p.7), etcetera.
L’arabe dialectal de façon générale jouit d’un statut nouveau, qui tend à être valorisant, lié à son association à la jeunesse comme on l’a vu, et à une certaine revendication : «Dans tous les cas, la présence de l’arabe dialectal (sous des formes et des niveaux très variés) s’est considérablement accrue en quelques années dans les médias, ce qui est un signe indubitablede sa démarginalisation et d’un début de reconnaissance » (Miller, 2011, p.65). Les pratiquessont tellement variées et mouvantes qu’il n’existe pas de norme du darija, sans que cela soit gênant pour les locuteurs concernés : «il n’y a pas de consensus sur ce que serait un parler de Casablanca « ordinaire » ni un arabe marocain représentatif de l’ensemble de la population » (Miller, 2011, p. 64), ce qui est un aspect important puisque cela prouve qu’il n’est pas toujours nécessaire d’instituer une norme explicite pour qu’un ensemble de personnes puissent communiquer dans une langue donnée et s’y identifier.

Modes d’expressions de la darija

Au niveau de ses formes, l’arabe dialectal (Quitout, 2007, p.79) est teinté de vocables amazighes, de français, d’espagnol, d’anglais….Il n’y a pas une écriture normalisée spécifique pour cette variété linguistique, elle est « exclusivement orale » (Benzakour, Gaadi, Queffélec, 2000, p.68). J’ajoute à ce constat que ceci est en cours d’évolution avec, d’une part l’introduction timide de darija dans les journaux, avec une alternance darija/fusha en grande partie, et d’autre part et surtout via les usages des TIC : les réseaux sociaux (Facebook, Twitter pour ne citer qu’eux), les chats, forums, les SMS (Miller, 2011, p.66), ce quiparait relativement évident puisqu’il s’agit dans bien des cas de communications spontanées, et informelles. Ainsi, se développe « ce que certains appellent du e-darija, à savoir du darija écrit en caractères latins avec quelques chiffres pour transcrire les phonèmes spécifiques de l’arabe comme 3 pour le ayn et le 7 pour le « H » ». Il s’écrit également en caractères arabes, et est très souvent mélangé avec du français et/ou de l’arabe classique, cocktail de langues et d’écriture apparaissant comme « moderne et branché ». Donc l’arabe marocain s’écrit désormais, je le rappelle sans un code unanime et sans que cela perturbe pour autant les usagers.

Le français

Aperçu sociohistorique de l’élaboration d’un certain français

La langue française est le résultat de politiques d’ « unification du pays par une seule langue » (Chevalier, 2009, p.79). En effet, si elle est actuellement reconnue comme unique langue officielle en France, et que ses normes font relativement pression dans les autres pays où elle s’est imposée par la suite, celles-ci ne sont que le résultat artificiel d’un long processus de normalisation et d’expansion en même temps que de marginalisation des langues régionales françaises (Perret, 2008 , p.53), et plus récemment des influences d’autres langues en présence dans l’espace francophone. Avant d’exposer son intromission et son état actuel au Maroc, il me semble important de voir dans les grandes lignes comment elle a été élaborée, pour être exportée de la sorte en dehors de France.
Au Moyen-Age, bien qu’il n’y avait pas de véritable norme du français, l’idée debien ou mal parler le « françois » existait déjà (Perret, 2008 , p.59), dans un contexte où étaient présents le latin (ou les latins), langue officielle et du sacré, et de nombreuses langues régionales (Chevalier, 2009, p.79), qui peuvent se regrouper en deux grands parlers : la langue d’oc au Sud et la langue d’oïl au Nord (Perret, 2008 , p.53 ; Chaurand, 1999, p.35), même si la langue d’oc est déjà énormément diversifiée. Puis, peu à peu, au XVIe et au XVIIe siècle, les réformes valorisant les usages des classes sociales dominantes parisiennes (composante des parlers d’oïl) se multiplient en ne laissant pas beaucoup d’espace aux dialectes provinciaux, ni même à la langue littéraire alors fortement teintée de divers régionalismes.
Parmi les évènements qui ont joué un rôle clé dans le développement d’une norme linguistique spécifique et homogène, je retiens les suivants : l’Académie Française qui est officialisée par Richelieu en 1635, où sont en même temps créés « un dictionnaire, une grammaire, des règles rhétoriques et stylistiques » (2008 , p.60) ; la propagation du culte protestant en pays occitan (actuelles Cévennes) en français qui évince la langue d’oc (et tous les parlers la constituant) comme langue officielle dans tout le Sud du pays (qui était pourtant « sérieusement implantée »); la suppression du latin et des patois parlés en majorité dans la France rurale (c’est-à-dire la plus grande partie du pays) dans le domaine administratif par François Ier en 1539.
Cependant, ces mesures furent plutôt appliquées dans l’optique d’un encouragement du français que d’abattement direct et cru des autres langues. L’idéologie ayant émergé de la Révolution Française, que la nation, unie, devait partager une seule langue (Ludi, 2008, p.23 ;Perret, 2008, p.62), est bien celle qui initiera des actions drastiques allant à l’encontre délibérée du gascon, du champenois, du picard, etc. En 1794 par exemple, l’abbé Grégoire rédigea un rapport suite à une enquête, exprimant la nécessité d’anéantir les patois etd’universaliser la langue française (Chevalier, 2009, p.80), qui aboutit une loi prévoyant la peine de mort pour quiconque utiliserait « dans les actes officiels de laRépublique ou sur des monuments », autre chose que le français (Marcellesi, 2003, p.181), loi qui ne sera jamais appliquée fort heureusement.
Néanmoins, la plupart de ces glottopolitiques visant cette fois à homogénéiser les pratiques linguistiques ont été misessurtout en œuvre sous la IIIe République. Si elles ont mis autant de temps à être instaurées par rapport au projet unilingue issu de la Révolution, (environ cent ans d’écart !), c’est faute de moyens, institutionnels et économiques notamment. L’instauration de l’enseignement secondaire laïque pour les jeunes filles par la loi Camille Sée en 1881, l’école gratuite et obligatoire par Jules Ferry (Filhon, 2009, p.97) en 1882, de même que l’apparition de la radio (1921) et de la télévision (à partir de 1935, Perret, p.63) vont jouer un rôle prépondérant dans l’unification des parlers à cette période. L’urbanisation de la France, la révolution des transports (Filhon, 2009, p.97) qui requièrent de la normalisation (spatiale et temporelle notamment), les deux guerres mondiales où le français était « la langue constante de communication » (Marcellesi, 2003, p.185) sont aussi des évènements sociohistoriques qui vont renforcer ce processus.
Finalement, si on compare les dates, la  »francisation » effectivede la France s’est établie à peu de choses près dans le même temps que l’empire colonial français (mettant à part le Canada et la Louisiane, anciennes colonies constituant finalement des terres de peuplement, Marcellesi, 2003, p.182), puisqu’auparavant, le paysage linguistique y était extrêmement hétéroclite et subsistait malgré l’essor postiche et progressif du français. L’idée de l’ancienneté de la languefrançaise est donc un mythe qui devrait d’avantages être battu en brèche, puisqu’encore trèsactif.
Malgré cette successions de vagues uniformisantes, il existe toujours des spécificités ou langues régionales (Marcellesi, 2003, p.102), et bien sûr, de multiples parlers à différentes échelles, en net décalage avec le français officiel. Une certaine prise de conscience et derevendication par des locuteurs est d’ailleurs à l’œuvre : les écoles associatives telles que les écoles Diwan en sont un exemple, même si le gouvernement français est globalement plutôt peu actif voire réticent face à cette diversité (Leclerc, 2001, ) : «Malgré ces premières lois [loi Deixonne puis loi Haby] en faveur des langues régionales, les discours politiques attestent un fort ancrage de la langue française et une situation encore précaire des autres langues » (Filhon, 2009, p.98).
Aussi, le paysage linguistique français s’est enrichi grâce aux mouvements migratoires en France (européens, maghrébins et africains), du XXe siècle, qui ont de même considérablement contribué à faire évoluer les pratiques de la langue française (Chevalier, 2009, p.82), tout comme les pratiques des français issus des DOM-TOM et des nombreux autres pays francophones dont les locuteurs interagissent souvent avec la France : « Les régionalismes français n’existent pas seulement au Québec, en Belgique ou en Suisse. Ils sont nombreux non seulement en France, mais aussi aux Antilles, en Afrique, dans larégion de l’océan Indien (La Réunion, Ile Maurice, Ile Rodrigues) et dans le Pacifique (NouvelleCalédonie, Polynésie et Wallis-et-Futuna) » (Leclerc, 2001, ), territoires qui correspondent le plus souvent à d’anciens espaces colonisés.

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Table des matières

Introduction 
CHAPITRE I : L´ÉLABORATION D´UN PROJET ET D´UN SUJET DE RECHERCHE : L´ACTION CULTURELLE ET LINGUISTIQUE FRANCOPHONE, AU MAROC
Partie 1. L’action culturelle et linguistique francophone
1. Choix du sujet : intérêt personnel et manques théoriques, de l’action culturelle française à l’action culturelle et linguistique francophone
2. Tentative de définition de l’action culturelle et linguistique francophone
3. Présentation des institutions choisies
3.1 L’Institut Français
3.1.1. Etat des lieux
3.1.2. Contextualisation sociohistorique : l’IF en tant qu »héritage de l’ambition impérialiste de la France
3.1.3. Création et développement du réseau culturel
3.2 L’institut Français du Maroc
3.3 L’Agence Universitaire de la Francophonie
3.3.1 Aux origines de l’AUF: la Francophonie
3.3.2 L’AUF: généralités
3.3.3 Le bureau AUF Maghreb (BM)
4 Conclusion
Partie 2. Le Maroc et ses langues
1. Le Maroc : Quelques points géo-socio-économiques
2 Le contexte sociolinguistique : panorama des langues du Maroc d’aujourd’hui
2.1 L’amazighe
2.1.1 Les origines
2.1.2 Une langue historiquement stigmatisée nouvellement revitalisée
2.1.3 Un risque de déplacer la stigmatisation des amazighophones ?
2.2 L’arabe
2.2.2 L’arabe classique/littéraire
2.2.3 L’arabe moderne ou littéral
2.2.4 L’arabe médian/intermédiaire
2.2.5 L’arabe dialectal ou darija
2.2.5.1 Définition et variétés
2.2.5.2 Mélanges des parlers et renouveau dans la hiérarchie de leurs représentations
2.2.5.3 La darija dans marché linguistique marocain
2.2.5.4 Modes d’expressions de la darija
2.3 Le français
2.3.1 Aperçu sociohistorique de l’élaboration d’un certain français
2.3.2 Le français au Maroc
2.3.3 Le français dans l’enseignement marocain
2.3.4 Français et monde professionnel marocain
2.3.5 De multiples compétences de français au Maroc
2.4 L’espagnol
2.5 L’anglais
2.6 Le plurilinguisme à l’œuvre au Maroc
2.6.1 Quelques aspects descriptifs de la pluralité linguistique au Maroc
2.6.2 La dimension visuelle du plurilinguisme
2.7 Conclusion
2.8 Questionnements et finalités
CHAPITRE II : OUTILS THEORIQUES DE LA RECHERCHE 
1. Langue et plurilinguisme
1.1 Plurilinguisme
1.2 Compétence plurilingue
1.3 Critique de l’usage du plurilinguisme
2 Représentations sociales et sociolinguistiques/sociolangagières
2.1 Origines du concept : les représentations sociales
2.2 Définition des représentations sociolinguistiques
3 Discours, discours épilinguistiques, discours métalinguistiques
4 Glottopolitique
5 Culture, Interculturation
5.1 Culture
5.1.1 La culture anthropologique
5.1.2 La culture cultivée
5.2 De l’interculturalité à l’Interculturation
5.3 Utilité des concepts de culture dans mon travail
6 Identité
7 Alternance codique, diglossie, insécurité linguistique
7.1 Diglossie
7.2 Alternance codique
7.3 Insécurité linguistique
8 Conclusion, vers une approche interdisciplinaire
CHAPITRE III : L’ENQUETE 
Partie 1 : Réflexions en amont de l’enquête
1. Cadre épistémologique
2. Type d’enquête
2.1. Démarche empirico-inductive
2.2. Pour une définition du terrain
2.3. L’entretien semi-directif
2.4. L’observation directe
2.5. Difficultés envisagées .
3. Trame d’entretien et grille d’observation
4 Méthode d’analyse des entretiens
5. Méthode de transcription adoptée pour l’analyse de contenu
6. Restitution aux acteurs
Partie 2 : Stage et entretiens au bureau de l’AUF Maghreb et à l’Institut Français du Maroc
1. Généralités, aspects pratiques
1.1. Mon terrain
1.2. Le stage
1.3. Mes entretiens à l’IF
2. L´analyse
2.1. Les observations
2.2. Les entretiens
2.2.1. Le consentement des enquêtés
2.2.2. La confidentialité
2.2.3. Ma place dans l’entretien
2.2.4. Présentation des enquêtés et conditions des entretiens
Partie 3 : Analyse des entretiens
1. Une connaissance approfondie du paysage linguistique marocain et de ses enjeux sociaux
1.1. Une connaissance et reconnaissance des langues du Maroc
1.2. Mises en lien avec des aspects problématiques de la société marocaine
1.3. La complexité de la francophonie marocaine
1.4. Le français, la langue hiérarchisante de l’élite
2. Des signes d’ouverture et de souplesse sur la perception les langues
2.1. La langue comme un outil de communication
2.2. Une reconnaissance des liens complexes entre langues, cultures et identités
2.3. Une certaine acception voire revendication de la pluralité linguistique
2.4. Les langues comme dynamiques variables et mouvantes
2.5. Le français marocain, une langue appropriée
2.6. Les langues sont un outil politique
3. Mais une idéologie conservatrice des langues toujours bien ancrée
3.1. La langue comme système pur et homogène
3.2. Une langue une nationalité
3.3. La langue de la littérature la plus légitime
3.4. Le français, langue dotée de valeurs supérieures
3.5. Une représentation du plurilinguisme comme un plurimonolinguisme
4. Qui ne sont pas sans conséquences dans l’appréhension des problèmes du français au Maroc
4.1. Une vision monolithique des compétences linguistiques des locuteurs marocains
4.2. L’attribution de responsabilité de l’échec du français aux politiques et aux enseignants
4.3. Une auto-dévaluation qui peut retentir sur les pratiques professionnelles
5. Synthèse et conclusions des analyses
CONCLUSION GENERALE 
BIBLIOGRAPHIE 
Sitographie
Videographie 
Annexes 

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