Un regard sur le passé des violences faites aux femmes et enfants 

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Un regard sur le passé des violences faites aux femmes et enfants

Dans un premier temps, trois lois récentes de la lutte contre les violences familiales se succèdent et illustrent un changement des représentations sociales de ces violences. Tout d’abord, en 2006, il s’agit de prévenir et réprimer des actes commis au sein du couple ou contre les mineurs, puis en 2010, la spécificité du sexe féminin de la victime est mise en avant, de même que les conséquences des violences conjugales sur les enfants. Enfin, en 2014, la lutte contre la violence est saisie comme un élément essentiel de la recherche d’égalité réelle entre les femmes et les hommes. 1 En réalité, cette violence et les luttes contre celle-ci existent depuis longtemps.

Antiquité

Les violences faites aux femmes sont exposées sans complexes. Les histoires de viols, de rapts, de mariages forcés semblent légitimes voir nécessaires et ne préoccupent pas plus que cela, les hommes.
Avec l’arrivée du Christianisme, notamment sur le continent Européen, l’homme et la femme sont créés à l’image de Dieu ainsi que les enfants et sont rachetés par le sang du Christ. L’égalité ontologique des deux sexes commence à émerger et la reproduction ne devient plus une priorité. En effet, dans les textes bibliques, l’âme vaut bien plus que le corps. Puis, le mariage et l’enfantement ne sont plus imposés aux femmes et le viol et le rapt sont condamnables.
Mais malheureusement, la violence a trouvé d’autres motivations… Les hérétiques réactivent le discours sur l’infériorité de la femme en recourant à la Genèse : Eve a été créée à partir d’un côté d’Adam, elle n’est donc pas son égale mais sa seconde. (Knibiehler, 2001)

Du XIV au XVème siècles

Les femmes et surtout les vieilles femmes détiennent des savoirs empiriques ou magiques, transmis de mère en fille. L’Église, quant à elle, dénonce cette culture féminine traditionnelle pétrie d’empirisme et de magie. Elle cherche à imposer ses idées au peuple et notamment une morale du sexe, le sens du pêché, la discipline des corps.
Les savoirs anciens sont dénoncés comme criminels et la culture masculine savante affronte et supplante une culture féminine traditionnelle pétrie d’empirisme et de magie. (Knibiehler, 2001)

Au XVIIIème siècle

Quelques médecins des lumières, préoccupés par la mortalité infantile dénoncent la brutalité envers les femmes et enfants mais certains restent encore persuadés que le chef de famille a toujours raison puisqu’il est un homme. La violence pénètre si bien la vie quotidienne que les violences sexuelles sur les femmes et enfants ne choquent pas plus que toute autre blessure. (Knibiehler, 2001)
Puis au cours du siècle, de nouveaux concepts de la philosophie des Lumières favorables aux femmes, apparaissent. L’expansion économique améliore les conditions de vie et la mortalité infantile devient alors objet de scandale. Chaque enfant conçu, doit pouvoir naître et vivre dans les meilleures conditions. Le corps de la femme est reconnu comme premier abri de l’être humain et les soins maternels doivent être protégés.
Le viol d’enfant choque de plus en plus, il devient un crime contre la personne. La victime est promue au rang de sujet propriétaire de son corps. (Knibiehler, 2001)

Du XIX au XXIème siècles

Un mouvement féministe mûrit lentement et prend de l’importance sous la IIIème République. Les militantes, suffragettes espèrent que l’accès aux droits politiques va permettre aux femmes d’éliminer toutes les formes d’oppression. Durant les années 1950, S. de Beauvoir puis les féministes revendiquent la dissociation de la femme et de la mère, pour affirmer le sujet-femme comme un être indépendant, et pour obtenir la maîtrise de leur fécondité dans cette seconde partie du XXème siècle.
La notion de droit de la personne progresse : les droits de l’enfant sont proclamés récemment, en 1989. Puis, trois ans plus tard, un nouveau délit apparaît, le harcèlement sexuel, au sein de la société, qui intègre les souffrances physiques mais aussi des blessures morales et des traumatismes psychologiques. (Knibiehler, 2001)
A toutes époques, des femmes et enfants sont maltraités mais les causes et les formes de maltraitance évoluent à travers le temps. Plusieurs formes de violences existent : des violences verbales, physiques, sexuelles, psychiques, sociales qui peuvent se répéter au quotidien ou alors de manière ponctuelle.
Dans cet écrit, je me centre plus particulièrement sur les violences faites dans un contexte familial et l’impact qu’elles ont sur le développement psychomoteur de l’enfant.
Elles regroupent les violences conjugales et parentales, c’est-à-dire l’expression d’un plus fort sur un plus faible soit de l’homme sur la femme et des adultes sur les enfants. La violence conjugale est la plus fréquente avec la maltraitance d’une personne avec laquelle l’abuseur a ou a eu une relation intime. 95% des cas sont des femmes âgées de 18 à 75 ans, et qui viennent de tous groupes socio-économiques et religieux, que le couple soit marié, séparé ou divorcé.
Les violences retentissent sur les relations familiales, les interactions entre la mère et ses enfants ; et sont morbides, voire mortelles pour eux.
En 2019, 148 femmes sont décédées sous les coups de leur compagnon ou ex-conjoint, 29 victimes de plus qu’en 2018.
Les enfants sont témoins mais aussi victimes de ces violences conjugales : 21 enfants ont également perdu la vie et 171 sont restés orphelins. (Lecoq, 2020)

Le corps de l’enfant comme premier témoin

Être témoin de la violence à la maison peut être aussi traumatisant pour l’enfant que d’être une victime de maltraitance physique. Certains parents minimisent l’impact des violences conjugales sur leurs enfants. Ils n’imaginent pas que l’enfant puisse être affecté par la violence qu’ils voient et qu’ils entendent, en partant de l’hypothèse qu’un très jeune enfant ne peut pas intellectualiser et enregistrer ce qu’il voit. Or, la parole affective du parent s’incarne dans le corps de l’enfant. Tant que celui-ci pense « corporel », il reste dans une confusion entre réel et imaginaire. Il ne sait pas faire semblant et il prend la sensation pour la chose, comme il prend le mot pour la chose. Les cris émis par l’adulte sont vécus par l’enfant comme des coups. S. Robert-Ouvray explique que « certains enfants qu’elle a rencontrés disaient être frappés par leur parents, devant ceux-ci stupéfaits, alors qu’en fait, les cris et les mouvements brusques de l’adulte avaient été assimilés par l’enfant comme des coups. » (Robert-Ouvray, 2008, p.88)
De plus, l’enfant peut être témoin de maltraitance physique, souvent corrélée à la violence physique envers la mère et/ou victime de projection d’objets au cours d’un épisode violent entre ses parents.

Enfant victime

Les violences peuvent commencer dès la grossesse, période de fragilité où la femme subit de complexes transformations hormonales, psychiques, corporelles, identitaires, sociales. Elle a besoin pour faire face à tous ces défis, de : sécurité, stabilité, d’affection, de soutien, de compréhension et d’attention.
Angoissé, jaloux, frustré ou ne désirant pas l’enfant, le père peut s’exprimer par des violences physiques souvent faites au niveau de l’abdomen avec des répercussions importantes voire mortelles pour l’enfant et la femme. Ici, la stabilité et la maturité psychiques du père sont questionnées, ainsi que la nature et la qualité du fondement de la relation du couple.
Suite à ces violences, la femme peut sombrer dans une dépression, des troubles alimentaires, des addictions pouvant mettre en jeu leurs vies. (Desurmont, 2001)
A la naissance, les liens d’attachements de la mère à son enfant peuvent être perturbés. Selon D.W. Winnicott, nous sommes, au départ, dans une fusion de l’enfant avec la mère. Puis, un espace « potentiel » va se créer au fur et à mesure dans le détachement entre la mère et l’enfant. C’est dans cet espace physique et psychique que va exister, se développer une aire transitionnelle. Celle-ci va permettre à chacun, en tant qu’individu à part entière, de s’exprimer. (Winnicott, 1971) La théorie de l’attachement développé par J. Bowlby traite des premiers liens d’attachement entre le bébé et les adultes. Cette théorie est une dimension du lien affectif pour laquelle l’enfant cherche de la proximité avec sa figure d’attachement en cas de détresse. (Bowlby, 1958)
Comme le précise D.W. Winnicott « un bébé seul, ça n’existe pas » (Winnicott, 1952, p.126), l’enfant est dépendant d’autrui pour vivre. L’adulte est là pour garantir la satisfaction de ses besoins et lui permettre d’accéder à la liberté et à l’autonomie. L’enfant a besoin de s’attacher pour se détacher. C’est pour cela, que la « fusion » d’attachement entre les parents et l’enfant est fondamentale. Elle crée, vu de l’extérieur, une bulle intra familiale parfois hermétique qui va ensuite permettre un détachement et une ouverture sécure sur ce monde extérieur que découvre l’enfant et redécouvrent les parents.
Au cours des années 1960 et 1970, la psychologue du développement M. Ainsworth étoffera la théorie de l’attachement de J. Bowlby en y ajoutant la notion d’attachement « sécure » ou « insécure ». C’est à partir de ses observations sur le terrain qu’elle identifiera différents types d’attachements : les attachements sécures, les attachements anxieux-évitants (insécure), les attachements anxieux-ambivalents ou résistants (insécure) et les attachements désorganisés (insécure). C’est la qualité des soins reçus par l’enfant dans sa toute petite enfance (réponse aux pleurs) qui déterminera le type d’attachement développé par l’enfant. (Ainsworth, 1978)
Or, la violence nous met face à la perversion du lien d’attachement, le concept d’emprise vient nous questionner alors sur ce lien entre le sujet et l’objet dans la violence.

L’emprise

Avancée par S. Freud en 1905, la notion de pulsion d’emprise est reprise par P. Denis, en 1997 sous le terme d’emprise qu’il définit comme « un des deux formants de la pulsion avec la satisfaction […] amenant à mieux comprendre l’importance respective de ce que l’on désigne l’objet externe et l’objet interne et leurs rapports réciproques. » (Morisseau, 2011, p.274). Le bébé cherche à se saisir de l’objet physiquement, par le corps, l’ouïe, l’olfaction, le regard, le corps de l’autre. L’emprise entre dans ce premier temps pulsionnel : l’objet existe d’emblée pour le bébé et il peut aller le chercher à l’extérieur, par le regard, le toucher.
Cependant, la mère battue peut apparaitre, dans certains cas comme une mère absente n’assurant plus sa fonction de moi auxiliaire. Cet objet primaire, ayant perdu sa fiabilité, amène l’enfant à échouer dans sa création d’une mère « suffisamment bonne » et donc dans la création d’une réalité contenante, sécurisante et dans l’organisation de son propre Moi. En effet, D.W. Winnicott (1970) définit trois fonctions de la mère « suffisamment bonne » afin de créer un environnement propice au bon développement de l’enfant.
Le « holding » défini comme le portage tant psychique, physique, symbolique de la mère à l’enfant. Le « handling » c’est-à-dire l’ensemble des soins physiques et les contacts affectifs qui favorisent chez le bébé l‘intériorisation de sa propre enveloppe corporelle.
Et « l’objet presenting » que l’on peut traduire comme la manière selon laquelle la mère présente à son enfant les objets provenant de l’extérieur et lui fait découvrir le monde qui l’entoure.
Le défaut de l’une des trois fonctions a des répercussions sur le développement de l’enfant, mais aussi, sur la figure d’attachement (possiblement bonne mère, mauvaise mère, mère suffisamment bonne) selon la qualité des trois fonctions prodiguées. Elles favorisent l’intégration du Moi et d’une enveloppe corporelle qui vont ensuite permettre la construction d’un espace psychique propre et la capacité pour l’enfant d’être seul, c’est ce que D.W. Winnicott intitule le « self ».
Or, un enfant exposé aux violences conjugales peut avoir comme répercussion un « sentiment d’effondrement dans l’aire de la confiance, qui retentit sur l’organisation du moi. » (Winnicott, 2011, p.90)
Le terme « effondrement » décrit cet état de l’enfant qui ne se sent plus porté par un environnement facilitant et fait l’expérience d’une angoisse primaire.
Les femmes battues par leur conjoint adoptent davantage de conduites de contrôle vis-à-vis de leur enfant. L’affection maternelle reste intacte mais la disponibilité est affectée, du fait d’un affaiblissement de l’état de santé physique et psychique. Le stress de ne pas avoir la capacité d’assouvir aux besoins de son enfant, augmente le sentiment d’incompétence parentale et peut aggraver la dépression maternelle.
L’enfant se trouve alors dans un amalgame et une confusion d’identité : il ne reçoit aucune réponse et perçoit des projections toniques de son parent qui ne lui laisse aucun espace, écart pour se différencier de l’agresseur et pour faire cohabiter le bon, du mauvais parent.
Il a commencé un début de construction de soi et tout s’effondre : il y a disparition du bon parent, celui-ci a disparu en emportant le bon enfant.
C’est à partir de ce clivage identitaire, que le traumatisme s’installe. L’événement est d’autant plus traumatisant lorsque l’enfant est jeune. Avec la maturation de son développement psychique, l’enfant a plus de stratégies pour surmonter ce choc, mais ses représentations et ses affects restent perturbés et la compréhension de la sexualité est atteinte. (Morisseau, 2011)

Le traumatisme

Du grec ancien traumatikos qui a donné le terme trauma signifiant « blessure », le terme traumatisme renvoie à une blessure corporelle exercée par un agent physique extérieur (Bloch, Von Wartburg,1996).
Freud utilise une métaphore pour comprendre le concept du traumatisme :
Il compare l’appareil psychique à une « vésicule vivante » délimitée par une membrane qu’il appelle « pare excitation ». A l’intérieur de cette vésicule, circule de l’énergie dans un réseau de représentations. La membrane est chargée d’une énergie positive, qui repousse à l’extérieur les excitations excessives qui perturbent le fonctionnement de l’appareil psychique.
L’image menaçante, porteuse d’une grande quantité d’énergie, vient traverser cette membrane et se dépose à l’intérieur de l’appareil psychique créant une perturbation dans son fonctionnement (Freud, 1920).
S. Ferenczi s’intéresse aussi au traumatisme psychique et énonce que « le choc est équivalent à l’anéantissement du sentiment de soi, de la capacité de résister, d’agir et de penser en vue de défendre le Soi propre » (Ferenczi, 1932, p.139).
Ainsi, la douleur du traumatisme va venir impacter le symbolisme et les représentations de l’individu dans son psychisme.
Afin de poursuivre cette réflexion, évoquons la notion de d’enveloppe corporelle et de Moi-peau de D. Anzieu qui introduit le corps comme le support d’étayage des fonctions psychiques. Il reprend en quelques sortes cette notion de membrane, et propose une conceptualisation de l’enveloppe psychique comprenant deux couches différentes dans leur structure et leur fonction.
Le « pare-excitant » freudien, feuillet externe, une fonction biologique de la peau, tourné vers le monde extérieur et qui fait face aux stimulations externes et protège la réalité psychique. Elle maintient la pulsion interne et laisse passer une partie de l’excitation. Puis, le feuillet interne, mince, souple et sensible aux signaux sensoriels, kinesthésiques. Il offre un bain sensoriel au fonctionnement de la psyché mais n’est pas sensible aux affects de plaisir et déplaisir. Cette double enveloppe constitue le fonctionnement psychique de l’enfant qui acquiert alors un moi corporel, c’est le Moi-peau (Anzieu, 1985).
Pour des individus victimes de violences physiques, sexuelles, leurs enveloppes corporelles sont « effritées ». La construction d’un contenant corporel structurant et limitant est perturbée. D. Anzieu qualifie la porosité des enveloppes comme le « moi-peau passoire » (Anzieu, 1985).
Tout traumatisme génère des conséquences sur le soma. D’un point de vue physiologique, des événements stressants, répétés, augmentent la sécrétion de cortisol (hormone du stress), et peut, à terme, avoir des répercussions sur certaines zones du cerveau, notamment le système limbique. C’est une zone du cerveau impliquée dans la régulation des émotions, la mémoire, le contrôle du système endocrinien, l’olfaction, les comportements alimentaires et l’appétit. « L’enfant soumis au stress chronique manifeste des difficultés pour réguler ses affects, nouer des liens réciproques, éprouver de l’empathie. On remarque aussi une fragilité dans la tolérance à la frustration et dans la contenance à l’agressivité » (Muller-Nix, 2009, p.52).
Le traumatisme quel qu’il soit : physique, sexuel, psychique va perturber les limites de l’enveloppe psychocorporelle. Les limites entre réel/imaginaire, dedans/dehors, privé/publique, soi/l’autre etc. En effet, comme l’explique Suzanne Robert-Ouvray, « une petite blessure physique et affective, si elle se répète trop souvent, perfore l’enveloppe et s’installe dans son monde psychique. » (Robert-Ouvray, 2004, p.18).
La notion de temporalité intervient également dans le traumatisme. La sidération psychique et le « médusage » provoqués par le traumatisme récurent, sidèrent aussi le rythme et la temporalité de l’enfant. L’expérience qu’il vit lui parait interminable, hors du temps, immaîtrisable (Roussillon, 2008).
Ainsi, reconstituer du contenant, lui redonner l’occasion d’être acteur, de décider et de maîtriser des situations, des jeux, travailler la différenciation, la notion de limite sont nos points d’action en psychomotricité.

Une sexualité perturbée

Comme nous avons pu l’évoquer auparavant, Louis a été victime de violences sexuelles et plus particulièrement d’inceste soit une « relation à caractère sexuel entre un enfant ou un adolescent et un adulte qui occupe une position d’autorité parentale vis-à-vis de lui, que cet adulte soit son parent biologique ou un substitut parental » (Rey, Bader-Meunier, Epelbaum, 2001, p.56)
Comment l’enfant investit sa sexualité, son corps après un toucher incestueux ? La question de limites corporelles fait écho à ce questionnement. Mais également, comment faire confiance à l’adulte ?
Revenons d’abord sur quelques notions et étapes de la sexualité dans le développement de l’enfant. La sexualité de l’enfant est différente de celle de l’adulte, même si le complexe d’Œdipe de S. Freud soutient l’idée que l’enfant désire avoir des relations sexuelles avec son parent du sexe opposé. La sexualité humaine est un processus psychocorporel continu qui se construit et se développe de la naissance à la mort. L’enfant a des besoins sexuels qui évoluent en fonction de ses maturations corporelle et affective. (Robert-Ouvray, 2008)
La première nature de la sexualité de l’enfant repose sur des réalités sensorielles précoces notamment dans la rencontre par les soins apportés et appropriés de la mère étayés par une relation émotionnelle stable. L’adulte affecte le corps de l’enfant, il l’occupe par sa pensée, ses fantasmes, ses désirs et ses projections. Il est plus dans l’empathie que dans la projection, il se met à sa place et s’ajuste à son bébé dans une suite d’essais, de réussites et d’erreurs. L’enfant utilise ses sens comme des moyens d’appréhender et de connaître le monde externe. Il découvre son corps grâce à ceux qui s’occupent de lui mais il a également un rôle actif. Il apprend à se connaitre et à s’appartenir. Les sensations construisent les pensées : avant de désirer il faut savoir différencier et avoir ressenti ce qui est bon pour continuer à le chercher. (Robert-Ouvray, 2008) Puis, la deuxième étape de la sexualité de l’enfant est l’autonomie motrice. Par la maitrise de son corps et à travers l’opposition, l’enfant va s’affirmer et pouvoir rencontrer autrui. Elle se déroule vers deux ans avec l’apparition du « non » et la possibilité de fuir et de s’opposer aux volontés des parents. Cette dynamique opposition-affirmation permet la construction de la personnalité. (Robert-Ouvray, 2008)
A trois ans, l’enfant découvre qu’il y a du plaisir à maîtriser notamment avec l’acquisition de la propreté sphinctérienne. Il utilise pendant cette troisième étape, sa force musculaire et met en forme motrice toutes les sensations éprouvées pendant sa première année de vie. Puis avec la marche libérée sans l’accompagnement permanent des parents, l’enfant partage ses sensations avec ses congénères du même âge. Sa base narcissique est solide mais il a tout de même besoin de ses parents pour aller chercher des informations auprès d’eux. Ils répondent avec des mots et non pas avec le corps. Un parent abuseur peut profiter des questions de l’enfant pour le happer. Or, lorsque la sexualité de l’adulte vient faire effraction dans le champ psychosexuel de l’enfant, le bouleversement atteint toute l’organisation tant sociale que relationnelle de celui-ci. La découverte sexuelle pour l’enfant est un moment fondamental du développement car l’enfant gère ses sensations par rapport à son corps mais il gère également sa relation aux autres. (Robert-Ouvray, 2008)
Étayé par ses sensations corporelles, l’enfant apprend à gérer ses pensées, ses fantasmes, ses affects. Il se construit psychiquement et sa curiosité intellectuelle accompagne la découverte corporelle.
Entre sept et douze ans, la quatrième étape suit cette période de découverte et introduit la pulsion de savoir au service du cognitif. L’enfant intériorise et synthétise les informations pendant cette phase de latence. Les manifestations externes de la sexualité de l’enfant sont adoucies et socialisées. Si ce n’est pas le cas pour un enfant, on peut se demander si ce n’est pas un moyen pour lui de maîtriser le traumatisme et par conséquent, un signe de détresse pour son entourage. (Robert-Ouvray, 2008)
Cinquième période pendant l’adolescence, l’enfant rêve de pouvoir mettre à l’épreuve de la réalité ce qu’il a emmagasiné comme sensations tout au long de son enfance.
L’enfant violenté est avant tout un enfant victime de perversion de la communication entre deux humains, deux corps, deux tonicités. (Robert-Ouvray, 2008)
Le tonus, défini par « l’état de contraction légère et permanente des muscles striés, assurant l’équilibre du corps au repos et le maintien des attitudes, contrôlé par des centres cérébraux et cérébelleux » (Lafon, 1963), est une fonction vitale qui se transforme avec la maturation du système nerveux central et les expériences. Comme l’explique H. Wallon, le tonus est le support des émotions, c’est-à-dire, lorsque l’émotion du sujet est mise en jeu, sa tonicité s’adapte. Par exemple, sa tonicité est importante quand il est effrayé ou quand il a peur et au contraire elle se relâche quand il se sent en sécurité, calme et serein.
Or, le prédateur a une tonicité sexualisée d’adulte. L’enfant n’a donc pas les références internes pour traiter les informations qu’il reçoit et n’a pas le bagage sexuel de l’adulte avec toutes les composantes toniques, sensorielles et représentatives du sexe de l’homme et de la femme. Lorsque l’enfant découvre sa sexualité avec d’autres enfants, il est dans un état de curiosité et d’excitation liés aux sensations qu’il se procure. Excitation qui vise à échanger, à regarder l’autre pour mieux se posséder soi-même, pour mieux s’appartenir. Or, le regard et la tonicité de l’abuseur sont les éléments les plus traumatisants chez l’enfant devenu adulte. Les affects vont alors se mélanger, la peur, le dégoût, la honte, le rejet, les images se superposent et s’annulent pouvant créer une tétanie musculaire chez l’enfant.
Lorsque l’enfant subit un toucher brutal, intrusif, chargé de curiosité sexuelle malsaine, il est privé de liberté, il est sous emprise. Terme que nous avons évoqué auparavant et qui se retrouve largement dans l’acte sexuel. Le sujet violent cache souvent une fragilité nourrie de blessures secrètes, de faille qui le conduisent à une surcompensation dans le rapport à l’autre avec une absence de prise en compte de son désir, de sa liberté et donc un véritable déni d’altérité.
Puis, S. Freud parle de « prédisposition perverse polymorphe ». L’enfant sous l’influence de la séduction, peut devenir à son tour pervers et être amené à toutes sortes de transgressions. C’est de loin une raison qui justifie leurs actes mais, il est important de savoir que l’enfant peut passer du statut de victime à celui d’agresseur, perpétuant ainsi les systèmes violents à travers les générations. Plusieurs travaux issus de disciplines distinctes, convergent pour montrer qu’un ensemble de mécanismes perceptifs, identificatoires et empathiques est au cœur de cette répétition. Il répète parce qu’il perçoit les actes et les encodes automatiquement, il répète parce qu’il cherche à comprendre ce qu’il perçoit et qu’il se l’approprie pour sa propre construction identitaire. Enfin, il répète parce que dans un jeu identificatoire et d’attachement empathique, il s’aliène à ses figures d’attachement et finit par ne faire qu’un avec elles.

Autres symptômes

Il existe, comme le souligne P. Janet (2015) « un temps d’incubation » ou « temps de latence » entre l’événement traumatique et l’apparition des premiers symptômes.
Ils sont variés, pouvant aller de manifestations d’ordres psychique et/ou physique.
Certains d’entre eux peuvent être travaillés en séance de psychomotricité :
– Hallucinations, sursauts, troubles du sommeil, cauchemars, angoisses.
– Troubles du comportement : dépression, irritabilité, anxiété, comportements collants, régression, hyperactivité.
– Somatisation : maux de tête, de l’estomac.
A l’adolescence, il peut y avoir des conduites à risques (fugue, délinquance, décrochage scolaire). Quelques différences sont observées entre le garçon et la fille témoins de violences conjugales. Les garçons sont plus agressifs, plus colériques vis-à-vis des objets et des gens. Les filles ont davantage de plaintes somatiques et de comportements soumis, dépendants. Garçons et filles auront tendance à reproduire un comportement « appris » dans l’enfance d’homme violent et de femme victime. (Morisseau, 2011) En effet, une situation traumatique ou du moins source d’angoisse a besoin de s’écouler, de sortir d’une manière ou d’une autre. Les symptômes évoqués en sont des moyens, mais le jeu en est aussi un, d’autant plus s’il peut être partagé. (Robert- Ouvray, 2008)
Je me questionne alors sur la place et l’importance du jeu et de l’imaginaire pour l’enfant violenté. En quoi le vécu douloureux de l’enfant impacte-t-il son jeu et son imaginaire ? Que provoquent le jeu et l’imaginaire chez l’enfant violenté ? Qu’apporte le jeu chez l’enfant victime de violences ? Pour essayer d’approfondir ces questionnements, je vais prendre appui principalement sur le cas de Louis et d’autres enfants rencontrés, observer leur jeu et essayer de comprendre l’influence de celui-ci sur ces enfants.

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Table des matières

Introduction
I. Un lieu pas comme les autres
1) Un cadre
2) Une rencontre
3) Une histoire
II. Un regard sur le passé des violences faites aux femmes et enfants 
1) Antiquité
2) Du XIV au XVème siècles
3) Au XVIIIème siècle
4) Du XIX au XXIème siècles
III. Un enfant mis de côté et trop oublié
1) Le corps de l’enfant comme premier témoin
2) Enfant victime
3) L’emprise
4) Le traumatisme
5) Une sexualité perturbée
6) Autres symptômes
IV. Il s’en passe des choses par le jeu
1) Du premier contact au premier jeu
2) Se détacher pour mieux explorer
3) Un espace-enfant bien exploité
4) Déposer sa trace
5) Affirmer son Moi
V. Une thérapie par le jeu
1) Élaborer un projet
a) Psychomoteur
b) Un espace
c) Un temps
d) Une pensée
2) Appliquer un projet
a) Pour des enfants dont le jeu est perturbé
b) Dans un cadre à trois temps
c) Une première séance
3) Adapter
a) Tomber, peser, repousser
b) Changer quelques repères : du matériel au symbolique
4) Les résultats
a) Un projet déjà pensé dans les années 1990
b) Nous, futures thérapeutes
c) Les enfants et mères rencontrés
VI. Devenir résilient par le jeu
1) La résilience
2) L’impact du jeu sur la résilience
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE

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