Un photographe de la génération de l’oubli : Ramón Masats 

Analyses photographiques

Je vais tout d’abord analyser (simplement) quelques photographies de Ramón Masats qui ont comme sujet des enfants, Peñaranda de Bracamonte 1960, et Gijón 1961 Puis Madrid 1959 et Portonovo, Pontevedra 1965. Toutes ces photos que j’ai choisies de présenter dans ce corpus sont des extérieurs. Je n’ai pas trouvé beaucoup de clichés en intérieur avec des enfants. Mes recherches se sont concentrées sur les documents dont je disposais, principalement ceux trouvés à la MEP, puisque je pouvais y consulter des livres de photos mais également ceux disponibles sur internet et en particulier sur le site web de la galerie Blanca Berlin de Madrid.

Première photographie : Peñaranda de Bracamonte 1961

Ce qui a d‘abord attiré mon attention c’est le sourire de ces enfants, surtout le petit au premier plan, puis les vestes trop grandes de certains d’entre eux. J’ai eu envie de sourire, de rendre le sourire à ces enfants sur l’image puis de les regarder dans leur ensemble et leur individualité. Je ne connais pas cette ville de la province de Salamanque, mais je retiens la date et le lieu, cela me renvoie vers une enfance juste antérieure à la mienne. Peut-être celle de mes cousins ? Je fais le lien avec la famille, peut- être aussi à cause du noir et blanc et du rappel de nos photos de famille disparues. Elle évoque ainsi pour moi les années du franquisme en Espagne. C’est un portrait de groupe sur une place, la photo de format vertical en noir et blanc, présente une belle qualité de contraste bien que ce soit une reproduction sur internet, le tirage original est argentique. Le cadrage est frontal, avec une prise de vue d’un adulte sur le groupe d’enfants. C’est un point de vue unique le spectateur voit ce que voit le photographe. Une place avec des enfants à la lumière naturelle de jour sans déformation de l’image comme le permet un appareil de 35mn. A-t-il utilisé une caméra Leica ? C’est probable car il a beaucoup aimé ces appareils. Le temps d’exposition était probablement très rapide car il n’y a pas de flou, à peine un peu sur les enfants lorsque l’on agrandit l’image ; les détails se voient, jusqu’à la terre qui recouvre le sol . Ce sont des techniques propres à l’instantané que pratiquent les reporters. Ce sont également des pratiques des photographes de l’époque qui montrent ainsi une manière de se décomplexer face à la peinture. Cette photographie n’est pas hyper contrastée, les noirs et les blancs ne sont pas très profonds si on les compare aux tirages de Giacomelli par exemple. La gamme des gris observables va du très foncés au gris clair, même le blanc semble grisé . Il n’y a pas d’ombre dans cette photographie, mais, mais on voit l’obscurité des arcades. La lumière et les ombres montrent qu’il n’y avait pas de soleil, il ne devait pas faire très chaud, peut -être une journée hivernale ou une matinée de printemps ou d’automne. Le tirage n’a pas subi d’intervention postérieure à la prise de vue et la composition plastique est très simple. Le cliché se divise en deux par le centre à l’horizontal, la verticalité est apportée par le groupe d’enfants ainsi que par les piliers derrière eux et les fenêtres en second plan qui sont des lignes naturelles. Le bas des roues des chariots délimite le second plan. Cependant on remarque que la bâtisse est très présente, l’image est très nette par rapport au léger flou du groupe d’enfants.
Ainsi le regard est attiré par le bâtiment et après il descend et découvre le groupe d’enfants. Tout d’abord je vois le groupe d’enfants dans son ensemble, puis mon regard se porte du premier à gauche, Je devine la diagonale qui part du haut droit au bas gauche de la composition. Le visage de cet enfant est proche de l’ un des points d’intersection de la règle des tierss. Et sur cette diagonale apparait le visage du petit à lunette au fond du groupe. Les lunettes rappellent les roues, et ainsi le photographe nous fait passer du devant au fond de l’image. Ainsi le regard se porte sur la masse du bâtiment, bien qu’elle soit constamment collée sur la rétine.
Je suppose que Ramón Masats photographiait la bâtisse pour un reportage, on remarque le bâtiment ancien, imposant, délabré et fissuré comme sorti d’une époque très ancien ne. Ce groupe d’enfants devait se trouver sur la place. Je pense que les enfants se sont approchés en voyant l’appareil photographique et le photographe, mus par la curiosité propre à l’enfance à leur âge. Il était rare de voir des photographes. Sortaient -ils de l’école comme le laisse supposer le cahier du petit à gauche ? Ou allaient-ils vers l’école ? Ont-ils fait l’écolebuissonnière et suivi le photographe ? Celui du milieu, les mains dans les poches semble plus grand, plus sûr de lui peut-être, est-il le chef du groupe ? Le photographe a dû prendre une série de photos de cette petite troupe curieuse, il a probablement blagué et rit avec eux ce qui explique ces visages gais et souriants, heureux de participer à cette expérience. Ils ne sont pas dans leurs jeux ils posent pour le photographe. Puis le spectateur voit les enfants au -delà des sourires, il prend conscience que les enfants sont vêtus de manière disparate de vêtements usés, parfois trop grand pour eux, déchirés. Je remarque la superposition des couches, comme des pelures d’oignon pour les protéger du froid. D’autres ne semblent pas assez couverts, il doit faire froid comme le laisse supposer les mains dans les poches. Ils portent parfois des pantalons courts malgré la température. Par métonymie je complète la partie des corps desenfants, je devine au travers de la pauvreté de leur tenue, le dénuement des familles.
Je remarque leur coupe de cheveux ou on devine les coups de ciseaux, les cheveux sont courts et emmêlés, l’un à gauche a la tête pelée, peut-être pour éviter les poux. On ne voit pas les pieds de tous les enfants, on aperçoit que quelques chaussures et chaussettes qui glissent sur les chevilles de deux d’entre eux, des chaussures usées et éculées. Le photographe semble un peu en hauteur par rapport au groupe d’enfants, il est grand. Le regard franc du petit et son visage sont un peu levés vers lui, les autres portent un regard droit à la caméra et sourient au photographe.
Il n’y a pas de déplacement sur ce cliché, il semble qu’il n’y ait pas d’autres personnes.
L’enfant à gauche est partiellement hors champ, son bras droit et une partie de son buste sont coupés, mais on voit ses yeux et son sourire. Dans le second plan, pas de mouvement, il y a comme un léger décentrement vers la droite, comme pour montrer une partie du porche dont une partie est en hors champ. On ne sait pas si cette espace est une place, on peut le supposer du fait de sa profondeur. Aussi rien de cette composition ne semble être laissé dans l’ombre, seul le contraste empêche de voir sous les porches.
Le spectateur peut ainsi imaginer une histoire à partir de ce cliché, ce petit moment de la vie quotidienne de ces enfants transformée par la présence inhabituelle du photographe. Cette rencontre qui devient un instant spécial pour eux. Vont-ils continuer à leur occupation, rentrer chez eux, aller à l’école ? Ou vont-ils suivre le photographe en se promenant dans la ville. La venue de ce photographe étant quelque chose d’extraordinaire dans leur quotidien. J’aime àcroire qu’ils vont l’accompagner dans ses déambulations.
Je n’ai pas vu la planche-contact, mais une page web présente presque la même photographie, avec un enfant un peu plus grand sur la droite et sur le site on précise que le tirage avait été publié dans la re vue AFAL. Niños en Peñaranda, obra de Ramón Masats, publicada en la revista AFAL, n.º 28. Je peux penser que Ramón Masats a fait plusieurs clichés de ce moment, avec quelques différences dans la pose des enfants. Dans la revueAFAL il a choisi (ou ils ont choisi) de publier celle avec le jeune garçon presque un adolescent au second plan à gauche. Sur ce tirage, les enfants semblent plus spontanés, plus en mouvement également. Les enfants dans le second tirage posent peut-être un peu, ils semblent moins remuants que dans la première photographie.
Cette photo nous projette ainsi en 1961, comme une représentation du temps historique pour nous aujourd’hui. Mais au moment de la publication de l’un des clichés dansla revue AFAL que pouvait elle évoquer ? Est-elle le témoignage que la reconstruction de l’Espagne n’allait pas la même vitesse dans tous les territoires ? Et que les régions plus rurales étaient plus abandonnées des plans de transformation, les programmes de constructions se développant surtout autours des grandes villes ? Ou rappelle-t-elle des évènements plus anciens sans les évoquer directement ? Ainsi je découvre que le dimanche 9 juillet 1939, trois mois après la fin de la guerre civile, une usine de poudre explose à Peñaranda de Bracamonte, faisant des centaines de morts, des personnes travaillant dans l’usine mais égaleme nt alentour.
Des quartiers de la ville sont détruits et des familles à la rue parfois sans leurs maigres affaires. Malgré les promesses de reconstruction de l’époque, cette photo montre que vingt ans après la ville portait toujours les stigmates de l’expl osion et par analepsie de la guerre.
Ainsi les enfants du cliché qui n’ont pas connu la guerre, ni la catastrophe qui a marqué la mémoire des habitants de Peñaranda de Bracamonte se trouvent au centre de ce souvenir et par leur présence renforce la réalité de ce que le spectateur voit. La photographie de ces enfants se pose comme un témoignage de l’Espagne pour les personnes en 1961 ainsi quepour nous. Le photographe s’adressait probablement à un cercle relativement restreint de photographes et de connaisseurs si cette photographie a été publiée dans le numéro 28 de larevue AFAL. C‘est probablement un cliché pris pendant la préparation d’un reportage puisqu’il travaillait souvent sur commande pour des magazines et le hasard lui a permis de créer cet instant. Les travaux de réparation des places de la ville de Peñaranda de Bracamonte ont commencé en 1973. Ce n’est pas une photo nostalgique, je n’éprouve de nostalgie face à cette photo en ce qui me concerne. Peut-être induirait-elle de la nostalgie pour les personnes qui y sont représentées ? Cette photo rappelle aussi que l’enfance est un thème universel do nt nous retrouvons des représentations par des photographes de toutes origines et à toutes les époques.

Deuxième photographie : Gijón 1961

Sur le site de la Galerie Blanca Berlin de Madrid, j’ai découvert de nouveaux clichésqui n’étaient pas référencés. Plusieurs de ces clichés sont sans titres, ce sont des photos quin’ont pas été publiées, parce que peut-être il ne les trouvait pas dignes de l’être ou peut-êtren’auraient-elles pas passé la censure, elles montrent une autre facette du travail de Ramón Masats. Elles sont regroupées sous la référence inedito Masats, avec une introduction deChema Conesa inedito y consagrado Ramón Masats. Deux photographies représentant des enfants m’interpellent. Lapremière Gijón 1961 qui présente un groupe d’enfants sur la plage de Gijón et qui rappelle étrangement notre groupe de Peñaranda de Bracamonte quant à la composition et la seconde est une photographie d’intérieur avec un jeune enfant en premier plan.
Sure la page web on peut lire en dessous du titre gélatine de chlorobromure d’argent avec traitement d’archive au sélénium. Ce qui m’a attiré est la ressemblance avec le tirage précédent, la représentation d’un groupe d’enfant en frontal. Cependant ce tirage au second plan montre des adultes. Je fais encore un lien avec la famille, les vacances l’été. Le point de vue est également unique car le spectateur voit comme le photographe. La photo a été prise à la lumière naturelle, de plein jour au soleil comme le montre les ombres sur le visage des enfants. Il a probablement utilisé un autre format, un 6 X 6 format carré de style Rolleiflex, si le format de la galerie n’a pas été changé. Il n’y a pas non plus de déformation de l’image et le temps d’exposition a certainement été très court. De la même façon, cette photogra phie n’est pas très contrastée, mais la gamme des noirs et des gris tire plutôt vers des gr is clairs ainsi que vers le blanc de certains personnages au second plan.
Nous pouvons distinguer deux axes, compositions fortes dans ce cliché tout d’abord une composition pyramidale, la tête de l’homme adulte se trouvant au sommet de la pyramide et une seconde composition qui divise la photographie en deux à l’horizon tale, un peu en dessous du tiers supérieur. Dans ce second axe le groupe de garçons est séparé du se cond groupe de personnages, cependant il n’y a pas de barrière, la ligne de fond du tirage étant l’océan et l’horizon.
Le regard est attiré par l’homme debout au second plan, les bras croisés qui regarde le photographe. Il est habillé et plisse les yeux gênés par la réverbération du soleil. Puis le regard est attiré par le groupe derrière l’homme et revient aux enfants au premier plan. Une diagonale de droite à gauche divise également cette composition : le visage d’un enfant qui se penche et porte la main à son front comme une visière pour se protéger du soleil et voir le photographe fait naitre cette diagonale. Les enfants se sont arrêtés dans leur jeux po ur s’approcher du photographe, d’autres sont photographiés poursuivant leurs activités. ils ne sourient pas comme les enfants du cliché précédent, nous sentons d’avantage la curiosité dans leur regard que la joie. L’un à gauche est retourné et semble héler ou parler avec d’autres camarades. Ils sont aussi plus nombreux sur ce tirage. En short de bain et l e torse nu, ils jouaient sur le sable avant la venue du photographe.
On devine les déplacements sur le cliché en particulier sur les pieds de l’enfant à dr oite qui joue avec le sable, mais également au déplacement d’une jeune fille à l’arrière -plan et des personnages du fond. Rien n’est laissé dans l’ombre dans la composition et par métonymie on peut imaginer l’espace hors champ à droite et à gauche, il y a probablement d’autrespersonnes qui se promènent sur la plage et des enfants qui jouent.
La scène au second plan attire le regard et apporte des informations différentes aux spectateurs. Un groupement de personnes se trouve au tiers supérieur de la composition,derrière cet homme qui regarde le photographe. Nous voyons des chaises en bois et despersonnages assis sur ces chaises, ou assis sur le sable, d’autres restent debout. Les personnages sont plus calmes, moins remuants que les enfants sur le devant qui sont libres etqui jouent. En accommodant, nous voyons que ce sont des jeunes filles vêtues de ro bes blanches ou d’une couleur que le tirage rend gris. Elles ont des cheveux parfois courts o uattachés. Huit parmi elles regardent vers la caméra, trois c ontinuent de vaquer à leur occupation. Deux personnages, l’un de dos et l’autre de trois quart assis sur des chaises portent des tenues longues et blanches, je comprends que ce sont des sœurs. L es jeunes filles semblent plus encadrées par l’adulte et les r eligieuses que ne le sont les garçons. Nous pouvons alors imaginer une histoire à partir de ces éléme nts, les enfants sont peut-être en colonie de vacances, ou ce sont peut-être des orphelins qui profitent d’une sortie scolaire à la mer.
Je trouve sur le site de la galerie une nouvelle photographie de Gijón, cette fois -ci le photographe est tourné vers la ville et nous voyons les immeubles en construction depuis la plage, mais cette photographie date de 1962. Tout comme le document précédent, ce tirage permet de voir une réalité de l’Espagne des années 60, celle des constructions des cités balnéaires pour accueillir le tourisme européen. Dans le cliché qui nous intéresse, l’espace ouvert de la photographie, montre un lieu de liberté, le bord de mer où les e nfants jouent et profitent du grand air. Cependant dans cet espace la présence des adultes en charge des enfants renvoie à une autre réalité de la dictature, le lien entre l’éducation des enfant s et la religion, ainsi que le contrôle de cette éducation à t ravers des organisations comme educación y descanso ou la sección femenina pour ce qui concerne le temps des vacances et des activités périscolaires. Cependant les conventions sociales sont également exposées, les jeunes filles encadrées par l’adulte et les religieuses tandis que les garçons jouissent d’une plus grande liberté.

Troisième photographie : Madrid 1959

Dans cette photo de groupe d’enfants, ce qui m’a tout d’abord attiré est son titre Madrid, un lieu, un espace que je pense pouvoir reconnaitre. L’année 1959 renvoie à l’époque où les membres de ma famille avaient quitté leur village de la province de Tolède pour venir s’installer et travailler à Madrid. Mon regard est attiré tout d’abord vers le fond de la composition un immeuble blanc de six étages qui se trouve au centre, c’est un endroit qui peut être n’importe où dans la ville. La photo est également une scène de groupe, mais le cadrage est cette fois-ci horizontal. Le groupe se trouve sur une place carrée, entourée de chaque côté par des bâtiments. Cette photo présente aussi une belle qualité de contraste bien que ce soit une reproduction sur internet. Le tirage est argentique, l’image n’est pas déformée, je suppose que c’est un appareil de 35mn et le temps d’exposition semble également très rapide car il n’y a pas de zone de flou sur les personnages en mouvement. Cependant les visages des en fants ne se distinguent pas toujours très bien, car la photo est prise de plus loin. L’espace montré bien qu’ouvert avec une grande profondeur de champ est un espace fermé par les murs des immeubles autour de la place où se trouve le groupe. La hauteur de la ligne d’horizon semble s’arrêter au mur du fond des immeubles qui ferment la place et où s e trouvent les personnages minuscules qui semblent être en train de jouer (peut-être au football ?). Le cadrage que nous propose Ramón Masats est frontal, le spectateur est à la place du photographe, c’est ainsi un point de vue unique. Les détails sont bien visibles, jusqu’aux herbes et cailloux du terrain vague qui sert de place centrale. Le côté droit de la photographie a perdu une partie de sa couleur, le tirage est un peu abimé. Les gammes de gris dans cette photographie ne sont pas très contrastées, cependant nous remarquons une différence de couleur entre le côté gauche de la photographie qui présente des immeubles aux teintes gris foncé et qui s’opposent ainsi à la partie à droite de la photographie ou les tons sont plus clairs. Le côté gauche du tira ge est ainsi plus sombre, comme si la lumière naturelle venait par la gauche de la composition et était cachée par les immeubles qui restent à l’ombre. L’œil constate alors que les bâtiments datent d’époques différentes et certains sont même en construction. Les plus anciens et plus bas se situent à droite de l’image, les immeubles dans le fond de la photographie sont récents et semble-t-il, déjà habités, tandis que les bâtiments sur la gauche sont en cours ded’édification.
Puis notre regard descend sur les deux farandoles d’enfants en arc de cercle au premier plan. Ils sont nombreux, on peut en compter dix-huit dans la ronde la plus éloignée. Un enfant est caché par le corps du curé, qui lui est à la tête de la seconde farandole. Celle -ci se compose de onze enfants et on devine le bras d’un douzième sur la droite. Les enfants se déplacent, ils paraissent marcher en sautillant dans ces rondes, comme nous le montre leurs jambes en mouvement. Ceux à droite paraissent tirer un peu plus sur la chaine, et se tournent vers le hors champ où se trouve la suite des farandoles. Ils sont tout à leur jeu et ne voient pas le photographe qui les immortalise ainsi. Ils ont leur regard tourné qui vers l’avant pour suivre la ronde, qui vers les pieds pour ne pas tomber ou qu i vers l’arrière et paraissent communiquer entre eux. Les enfants sont tous habillés différemment, Ils ne sont pas très chaudement vêtus mais portent soit un manteau, une veste ou un gilet. Ils n’ont pas d’uniforme, quelque uns ont gardé une blouse d’écolier. C’est un groupe d’enfants jeunes de moins de dix ans, on devine plus que l’on ne voit qu’ils semblent s’amuser, rire ou chanter.
Puis en scrutant l’image, je remarque que la farandole de derrière est composée de petites filles et celle de devant de petits garçons, cela se remarque aux vêtements. Les fillettes por tent jupes ou robes avec parfois des collants épais ou des pantalons, leurs cheveux sont coiffés avec des tresses (souvent) ou une queue de cheval, l’une à gauche porte un bandeau. Dans celle de devant les petits garçons jouent également, ils ont la même t ranche d’âge et leurs cheveux courts, pantalons vestes ou manteaux les identifient. Un adulte est avec eux, il est situé à l’angle gauche des lignes de la composition selon la règle des tiers, à un point fort ou les lignes se croisent. Il ressort du grou pe et est mis en avant dans la composition. L’homme, droit dans sa soutane a quelque chose de comique, est-ce son embonpoint et sa tête ronde et chauve ou plutôt la forme en corole de sa soutane qui prête à sourire ? Il tient dans sa main droite un microphone et dans la gauche un mégaphone tout en donnant la main à un enfant. Il semble prendre très au sérieux son activité d’éducateur.
Je peux imaginer que le photographe se promenait dans Madrid, il y résidait depuis peu.
Il devait probablement être fasciné par la ville qu’il découvrait et par ses transformations en cours. A-t-il traversé ce quartier par hasard ou était-il en train de chercher des sujets à photographier ? Il s’est surement arrêté pour prendre sur le vif cette scène cocasse. Des enfants et un curé en soutane jouant à la farandole. Il devait entendre la voix déformée par le mégaphone donnant des instructions. On peut trouver sur le net un autre cliché un peu différent de cette scène. Il est pris un peu avant, avec la même composition. Le prêtre est un peu plus à gauche dans la composition et moins d’enfants sont photographiés. Ainsi nous pouvons imaginer la prise en chaine sur le vif de plusieurs photographies qui doivent se retrouver sur la planche-contact. La scène est drôle et pittoresque, il devait beaucoup s’amuser en la photographiant.

Synthèse du corpus

Le travail photographique de Ramón Masats en noir et blanc commence au milieu des années 1950 et se termine au milieu des années 1960. Il a photographié principalement enEspagne. Il a également travaillé dans d’autres pays comme l’Angola ou la France, mais je me suis intéressée uniquement à ses réalisations sur l’enfance en Espagne. Sa production photographique en noir et blanc est très vaste, car il a travaillé en freelance pour de nombreux magazines espagnols de l’époque. Dans son travail photographique en noir et blanc Ramón Masats a parfois photographié des enfants. Je dis parfois car je n’ai pas trouvé de nombreuses photographies représentant des enfants. La plupart d’entre elles présentent de s enfants à l’extérieur, ils apparaissent souvent entourés d’adultes et la plupart de temps en groupe. Il y apeu de photographies d’enfant seul et très peu de tirages d’enfant dans des intérieurs. Je précise avoir eu accès pour ma recherche aux livres monographiques que j’ai pu consulter à la MEP de Paris, ainsi qu’à des tirages trouvés sur internet. Je n’ai pas pu consulter de revue du groupe AFAL ou d’autres publications, car je ne les ai pas trouvées en accès libre sur le net. Je peux toutefois constater par rapport à mes recherches que les enfants n’ont pas été le sujet central de sa production photographique. Ils sont photographiés, car il les a rencontrés dans la rue de façon fortuite lors de ses pérégrinations de reporter dans toute l’Espagne, c’est ce que je peux déduire du nombre de tirages que j’ai pu obtenir lors de mon étude. J’ai ainsi fait la liste des photographies avec des enfants pour pouvoir établir une hiérarchie de documents. Je n’ai répertorié que trente-sept photographies en tout. J’en présente la liste par date de création. Certaines d’entre elles qui apparaissent dans le si te de la galerie Blanca Berlin, n’ont pas de date, je les note à la fin de la liste. Je note le titre, ainsi qu’entre parenthèse un petit descriptif du sujet.
Sur ces trente-sept photographies, cinq ont pour sujet des enfants seuls, quatorze en groupes, huit avec un adulte et dix avec plusieurs adultes. Neuf de ces tirages sont dans des intérieurs : quatre dans des écoles, trois dans l’Ermitage de el Rocío, une dans un musée et une dernière dans l’entrée d’une maison ou le porche d’une église. Aucune de ces photographies n’a été prise à l’intérieur des logements. Je peux tout d’abord émettre l’hypothèse que compte tenu du nombre restreint de photographies avec des enfants, ceux-ci n’ont pas été au centre du travail de Ramón Masats.
Ils ne semblent pas avoir fait l’objet d’un reportage ou être un sujet photographique particulier. Il ne s’est pas proposé de les photographier à l’i ntérieur des espaces de vie.
Cependant son travail avec des adultes est également un travail photographique en extérieur généralement pour des reportages de commande ou des photos qu’il a eu l’opportunité de réaliser à l’occasion de ses déplacements professionnels principalement. Les enfants ont ainsi fait partie du décor des photographies d’extérieur qu’il a réalisées. Ces dernières étaient plus simples à exécuter, car les pellicules étaient moins sensibles et celles prises en intérieur, dansdes décors souvent sombres, nécessitaient un matériel complémentaire à l’appareil photo dontle jeune reporter ne disposait peut -être pas.
Tout d’abord, je constate qu’il y a le même nombre de photographie avec des enfants que de photographies avec des enfants et des adultes. Cela confirme que les enfants n’étaient pas le sujet principal des reportages du photographe. Cela montre également qu’il ne tenait pas particulièrement à les photographier seul dans leur statut d’enfant.
Comme indiqué précédemment, je dénombre cinq photos d’enfants seuls et quatorze montrent plusieurs enfants. Intéressons-nous au sujet des photographies avec un seul enfant.
Les prises de vue ont été réalisées entre 1956 et 1965. La première représente un enfant singulier et original par sa tenue vestimentaire. La seconde est une image graphique avec un jeu entre les lunettes et le cerceau de l’enfant. La troisième joue sur les diagonales et la perspective, la quatrième est un jeu de réflexion dans un musée et la dernière révèle la curiosité du regard d’une petite fille. Toutes ces photographies présentent des sujets qui sont singuliers par eux-mêmes et qui ont donc attiré le regard du photographe. Ce n’est pas l’enfance qui est le sujet, mais l’enfant en tant qu’humain singulier. Ce ne sont pas des clichés qui disent ou informent sur l’enfance en Espagne. Peut-être la photographie de l’enfant avec la fronde présente-t-elle une forme de résistance par rapport à l’église mais je trouve qu’elle montre plutôt l’esprit ironique et moqueur du photographe. Quant à la dernière, celle de la petite fille au livre, elle a été contextualisée sur la couverture d’une publication monographique de la Galerie Kowasa en 2008, avec le titre la nueva mirada, pour une exposition monographique qui présente des photographies prises entre 1953 et 1957. C’est la contextualisation qui prête un regard différent au tirage et non le tirage en lui -même.
Pour ce qui concerne les photographies de groupe d’enfants, je retiens tout d’abord les photographies des écoles, elles offrent la possibilité de voir l’intérieur de salles de classe en milieu rural pour trois d’entre elle. Elles présentent ainsi un intérêt historique et sociologique, ce sont des photographies de reportage, comme le suggère le cadrage. Ce que je trouve particulièrement intéressant c’est que trois d’entre elles ne présentent pas de titre, seule une photographie de 1965 précise Nieva, Segovia. Le premier cliché, non titré, date de 1960 et montre des enfants assis à leur pupitre, partageant à deux un manuel scolaire et au premier plan le poêle à bois qui chauffe la classe. Sur le mur de gauche le drapeau espagnol et une statue. Les enfants sont courbés sur leur manuel et ne regardent pas le photographe. Ce tirage informe et témoigne de l’espace et des conditions mat érielles d’une salle de classe.
La photographie Nieva est différente, le photographe est posté dans un angle au fond de la salle, la composition horizontale présente dans le fond la ligne des tableaux noir s et devant, les élèves. Le cadrage est frontal, Ramón Masats englobe dans ce cliché un espace triangulaire de la salle de classe, cette forme est accentuée par l’angle du mur qui se trouve au centre de la composition. Les enfants sont assis à leur pupitre, tournent la tête vers le photographe et regardent la caméra, quatre d’entre eux sont debout, le dernier dans le premier tiers droit de la composition est tourné vers le mur et regarde devant lui en levant le bras droit qui semble tenir un objet long en bois. Est-il puni ? Le maître d’école sur l’estrade est placé derrière le bras de l’enfant et tourne le dos à la classe. Il écrit sur un tableau noir sur lequel il a dessiné une carte d’Espagne. Sur le mur adjacent se trouve un autre tableau noir sur lequelnous pouvons lire consigna pensamiento moral FLOR espiritual Silencio. Au-dessus des tableaux noirs sur le mur de gauche se trouve un grand crucifix ainsi qu’une carte d’Amérique et au-dessus de celui sur lequel écrit l’instituteur, en son centre nous voyons un autre crucifix avec à sa gauche une lithographie de Jésus-Christ et à sa droite une autre de Marie et enfin, en dessous un portrait du Caudillo. Sur le même mur de l’autre côté de la fenêtre et au centre de la composition flotte le drapeau espagnol. Ce tirage synthétise ainsi les trois piliers du pouvoir de la dictature de Francisco Franco et renseigne sur l’éducation prodiguée aux enfants dans le mitan des années soixante.
Il est remarquable que l’auteur n’ait pas photographié plus souvent ces scènes, en sachant qu’il a par la suite réalisé un documentaire sur un maitre d’école dans la banlieue de Madrid en 1964 et que le sujet l’avait beaucoup intéressé. Je remarque également que ces photographies pour la plupart ont fait l’objet d’une publication tardive et n’ont pas été publiées au moment de leur création. Peut-on y voir une précaution par rapport à la censure de la part de l’auteur ? Ou ne les a -t-il pas considérées suffisamment remarquables pour lespublier avant ?
Une autre photo sans titre a attiré mon attention, elle serait datée de 1962 selon l’information disponible sur le site de la galerie Blanca Berlin. Celle-ci montre un très jeune enfant, les bras levés, cachant son visage au photographe, peut -être pleure-t-il ? Le photographe a fait la mise au point sur cet enfant au premier plan. La diagonale partant de la gauche vers la droite sépare l’espace occupé par des petites filles de celui occupé par des petits garçons. Les fillettes assisent sagement et en rang croisent les bras haut sur la poitrine et semblent regarder vers le photographe sans sourire, bien que la mise au point ne se fasse pas sur elles et qu’elles restent dans le flou. Est -ce un orphelinat ? Les tenues des jeunes enfants, la blancheur et la froideur qui se dégage de cette composition m’y fait penser. Les enfants semblent trop jeunes pour être scolarisés. N’a-t-il pas souhaité publier cette photographie ou n’a-t-il pas été autorisé à le faire ? Dans son intervention de 2011 au sujet de la pauvreté dans la photographie en Espagne, Mar Alberruche indique que des articles po uvaient être écrits sur le sujet, mais les photos n’étaient pas publiées, car elles montraient une réalité que le régime ne souhaitait pas exposer.
Quant aux autres photographies de groupes d’enfants, soit elles présentent des similitudes avec les photographies analysées dans le chapitre antérieur, soit elles montrent des scènes de rues, de la vie quotidienne, dans laquelle apparaissent des enfants parmi les personnes qui circulent dans l’espace public, comme par exemple la photographie Cádiz de1960.
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Table des matières
Introduction 
1. Le contexte historique 
1.1. L’Espagne franquiste
1.2. L’économie
1.3. La société
1.4. La censure
2. La photographie 
2.1. La photographie
2.2. Le concept de génération rapporté à la photographie
3. Un photographe de la génération de l’oubli : Ramón Masats 
3.1. Approche biographique
3.2. Les témoignages d’autres artistes de la génération de l’oubli
4. Analyses photographiques 
4.1. Première photographie : Peñaranda de Bracamonte 1961
4.2. Deuxième photographie : Gijón 1961
4.3. Troisième photographie : Madrid 1959
4.4. Quatrième photographie : Portonovo, Pontevedra 1964
4.5. Synthèse du corpus
Conclusion 
5. Références 
5.1. Article de revue
5.2. Livre
5.3. Page sur internet
5.4. Site internet
5.5. Logiciel
6.6. Document audiovisuel
6. Corpus

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