Un phénomène qui a du mal à définir ses liens avec la ville et où l’élevage semble oublié

Un élevage urbain principalement destiné à la gestion des espaces verts

L’élevage urbain, dans les pays du Nord, bénéficie de très peu de couverture scientifique comparée à l’élevage des pays du Sud. Cela s’explique notamment par une disparition progressivement de cette activité dans les villes. En effet, dans les pays du Nord dit « industrialisés » les infrastructures sont bien développées, le revenu moyen des habitants est assez élevé pour que l’élevage ne soit pas lié aux zones urbaines, mais déterminé avant tout, par l’accès aux aliments, au foncier et une main d’oeuvre peu couteuse.
En effet, le foncier est un bien rare en ville et très disputé, donc sujet à spéculation (in Emmanuel Torres, 1998). Les abords de la ville ainsi que les franges et friches urbaines sont l’objet d’une concurrence acharnée en matière d’occupation des sols, ce qui fait grimper les prix du foncier (in Emmanuel Torres, 1998). L’agriculture n’est pas admise comme une utilisation prioritaire des terres, en comparaison d’infrastructures ou de projets immobiliers (in Emmanuel Torres, 1998). Cela explique ainsi la difficulté d’installation agricole, tel l’élevage urbain. De plus, les rapports homme-animal, notamment en ville, ne facilitent pas les initiatives de réintroduction d’élevage en milieu urbain. L’intérêt autour des animaux en ville est relativement récent (in Nathalie Blanc 2003). En effet, « [Il] dépare et empuantit [la ville] », l’animal cause des désagréments de type sonore et olfactif (in Nathalie Blanc 2003) qui rendent sa cohabitation avec l’homme difficile. De plus les aménageurs font en sorte de « dessaisonner » la ville, mais aussi de la « désanimaliser » (in, Nathalie Blanc 2003). Ainsi, peu de projet font une place à l’animal. Cela remet, d’ailleurs, en cause l’urbanisme pratiqué aujourd’hui qui ne semble pas permettre son insertion dans la cité (in Nathalie Blanc, 2003). En effet, il semble difficile de lui assigner une place puisque l’animal est par définition mobile. Cependant, en s’il tend à devenir une composante urbaine, c’est tout un aménagement de la ville qui serait à repenser (in Nathalie Blanc, 2003). Une ville dont il est difficile définir les limites. Des termes comme « rurbain » ou « périurbain » nous questionnent sur l’élaboration d’une distinction entre ce qui n’est pas urbain et ce qu’il est. Sans cesse en train d’évoluer, la ville semble difficile à définir tant elle est plastique et ses liens avec le territoire multiples et complexes.
Cependant, l’agriculture est aujourd’hui entrée dans une logique industrielle qui ne semble pas pouvoir s’intégrer dans la ville dense. Ainsi, comme le souligne Ségolène Darly, les initiatives d’élevage urbain ne sont pas destinées à l’embouche (in, Darly, 2013), mais introduites en ville pour leurs externalités environnementales (in Darly, 2013). Ce terme désigne l’ensemble des effets ou impacts d’une activité sur l’environnement. Dans le cas de l’élevage urbain, les externalités sont plutôt positives puisqu’elles permettent une gestion écologique des espaces verts qui favorise la biodiversité. Cette gestion prend la forme d’éco-pâturage, les animaux vont paitre dans des espaces verts sécurisés et ainsi permettre le transfert de matières organiques mais aussi de biodiversité en essaimant graines et pollens.
La présence d’animaux en ville crée aussi une rupture culturelle au milieu du tissu urbain. Ils permettent la rencontre de deux univers et constituent donc un formidable outil pédagogique et de reconnexion avec la nature.
Ainsi, s’il existe de l’élevage urbain dans les villes du nord il n’est pas reconnu comme une initiative de production alimentaire, mais comme un instrument pour la gestion écologique des espaces verts.

L’élevage urbain : une activité qui accompagne les villes du Sud dans leur développement et qui constitue une stratégie de lutte contre la pauvreté

L’élevage urbain dans les pays du Sud est, depuis une quarantaine d’années, sujet de nombreuses études aussi bien dans le domaine de l’agronomie que de la géographie.
Cette activité est beaucoup plus développée que dans le Nord et fait même l’objet d’une typologie (in Centrès, 1991)
– L’élevage urbain non commercial : Cet élevage concerne avant tout les petits ruminants, les volailles, les porcs et parfois les bovins. Ces animaux ne sont pas de sources de revenus importantes pour la famille et leur conduite est faite de façon rudimentaire. Leurs vocations sont alimentaires (lait) et culturelles. Cet élevage est souvent pratiqué par les néo urbain qui entretiennent encore des liens très étroits avec le village. Il constitue aussi une forme d’épargne, de capital mobilisable, pour payer des dépenses conséquentes et/ou imprévues.
– L’élevage urbain non commercial « amélioré » : Les animaux constituent un capital mobilisable pour la famille. Tout comme pour l’élevage non commercial il permet de pouvoir se sortir de situations financières délicates en constituant une épargne. Un investissement conséquent est fait dans l’alimentation et traçage sanitaire de l’animal.
L’élevage urbain dans les villes du sud est principalement abordé comme un enjeu alimentaire, mais aussi un danger pour l’environnement.
En effet, dans un rapport de la mission « Des aliments pour les Villes » la FAO met l’accent sur l’élevage urbain comme un moyen de nourrir les citadins. Il est ainsi présenté comme une activité capable de nourrir les habitants des villes dans un contexte où la demande en protéine animale et toujours plus forte. Dans une majeure partie des cas, la localisation en milieu urbain représente une chance à la fois pour le consommateur et le producteur. En effet, cela permet la mise en place de circuits directs. Ils garantissent ainsi aux éleveurs un revenu fixe et permettent à l’acheteur d’obtenir des produits frais. Cela n’est pas négligeable, dans des pays ou les infrastructures de transport ne sont pas toujours bien développées et ne peuvent pas garantir le respect de la chaîne du froid, pour des denrées aussi fragiles que les aliments d’origine animale.
Cependant, l’élevage d’ovin et caprins a aussi des fonctions sociales et culturelles. Au Mali et au Burkina-Faso les bêtes sont élevées en ville pour des fêtes religieuses, mais sont aussi un investissement en cas de problème financier. De manière générale l’élevage urbain est un outil de lutte contre la pauvreté qui permet aux plus précaires de s’assurer un minimum de ressources. Les animaux constituent une des « caisses d’épargne ». (In Centrès, 1999). En outre, il permet de lutter contre le chômage en créant des emplois. En effet, dans les pays du Sud l’élevage urbain est souvent pratiqué comme une activité secondaire. Ainsi les animaux sont achetés par des familles ayant des moyens suffisants pour acquérir des bêtes et employer un berger ou un ouvrier agricole qui s’occupera des animaux à temps plein. Le troupeau se localise en milieu périurbain, ou dans les franges urbaines. Les animaux sont gardés par des bergers, le mode d’élevage et donc extensif et comporte des déplacements. Il permet alors aux nouveaux citadins, issus de l’exode rural, de faire valoir leurs connaissances et de trouver un emploi dans des villes minées par le chômage.
L’élevage va ainsi de pair avec une expansion urbaine effrénée, qui a certes bien des avantages d’un point de vue alimentaire, mais qui mal géré entraine des problèmes sanitaires et environnementaux.
En effet, l’élevage a pour conséquence la propagation de germes pathogènes, notamment dû au stockage de fumier, qui facilite la transmission de maladies et infections respiratoire tels les bronchites chroniques, l’emphysème, le rhume du cerveau, etc. (in Yari Zafianou, 2013). De plus, en hivernage les déjections animales sont propices à la reproduction de moustiques (in Yari Zafianou, 2013)
La concentration d’animaux en milieu urbain dense facilite aussi les risques d’épizootie, il s’agit d’une maladie animale qui touche plus ou moins une espèce ou groupe d’espèces, et qui présente des risques de contagions. Cela peut donc aussi mener à des zoonoses et donc se transmettre à l’homme.
En outre, la divagation des animaux pose aussi des problèmes de sécurité routière ainsi que d’accès aux espaces verts urbains qui ne sont pas destinés à la consommation des troupeaux. Cette activité provoque aussi la destruction des ligneux et des écosystèmes périphériques à la ville afin d’obtenir du fourrage. De plus, la cohabitation entre habitant et animaux d’élevage n’est pas toujours simple notamment dû aux odeurs et aux bruits (in Yari Zafianou, 2013). La gestion de la fumure est aussi source de préoccupations environnementales. Quand les déjections ne sont pas utilisées comme fumier ces dernières produisent, sous l’effet de décomposition, des gaz à effet de serre et notamment du méthane, l’ammoniaque et de l’azote. L’élevage urbain contribue ainsi à la pollution de l’air, du sol, mais représente aussi un danger de contamination bactérienne de l’eau.
Ainsi, l’élevage urbain est une activité très présente dans les villes du Sud et ne ces de se développer. Il accompagne la ville dans son expansion et permet d’absorber les populations issues de l’exode rural. Cependant, le manque d’encadrement des animaux pose des problèmes d’ordre environnemental et sanitaire qui sont autant d’enjeux pour les villes du sud.

L’élevage en ville, parent pauvre de l’agriculture urbaine

Un phénomène qui a du mal à définir ses liens avec la ville et où l’élevage semble oublié

L’agriculture urbaine se définit comme une activité de production et une maitrise du cycle végétal et/ou animal dans une région urbaine. L’élevage est donc compris dans cette définition. Cependant les relations entre cette activité avec la ville sont pour le moins mal définies c’est pourquoi l’agriculture urbaine est un concept dont la définition n’est pas encore formellement fixée. Pour Fleury et Donadieu, l’agriculture devient urbaine à partir du moment où cette dernière entretient des rapports fonctionnels réciproques avec la ville (in Fleury et Donadieu, 1997). Mbaye et Moustier la définissent comme « l’agriculture localisée dans la ville ou à sa périphérie dont les produits sont majoritairement destinés à la ville ou à sa périphérie et pour laquelle il existe une alternative entre usage agricole et non agricole des ressources (sol, main d’oeuvre, eau.), alternatives qui ouvrent sur des concurrences, mais aussi des complémentarités entre agriculture et ville. » (In Mbay et Moustier, 1999). Enfin pour Mougeot : « l’agriculture urbaine est une activité localisée à l’intérieur (agriculture intra-urbaine) ou sur les bords (agriculture périurbaine) d’une ville, cité ou métropole. Elle produit ou élève, transporte ou distribue une diversité de produits (aliments ou non-aliments), et fait un large appel aux ressources humaines et matérielles (parfois les réutilise), produits et services trouvés dans et autour de la ville. A son tour elle offre des ressources humaines et matérielles, des produits et services, principalement à l’espace urbain » (in Mougeot, 2000).
Les trois synthèses de ces chercheur-es sont assez représentatives de l’ensemble des définitions données à l’agriculture urbaine. Elle est définie selon sa localisation, son marché de consommation et ses acteurs. Cela permet la mise en place de typologies complexes ou les possibilités sont multiples.
Cependant ces définitions ne s’interrogent pas sur l’expression même « d’agriculture urbaine » qui apparait comme un oxymore. L’agriculture se définit comme une activité de production à grande échelle afin de nourrir la population au niveau local, national ou international alors que le terme urbain est associé au développement des villes soit un regroupement d’individus dans une entité aménagée ayant pour but de leur offrir des services (in Duchemin, 2012). De plus, l’agriculture a pris un virage productiviste et industriel au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle s’est mécanisée dans le cadre d’un système de transformation, mais aussi de distribution à grande échelle et de manière très hiérarchisée (in Duchemin, 2012). Elle s’est aussi totalement dissociée spatialement du milieu urbain dans le cas des pays du Nord.
Quant à l’urbanisation, elle apparaît comme l’un des facteurs responsables de cette dissociation entre production alimentaire et habitat humain.
Ainsi l’assemblage de ces deux termes apparait inadéquat. L’agriculture urbaine telle qu’elle est observée aujourd’hui, se développe sur de petites surfaces, des espaces en friche ou sous-utilisées qui ne permettent pas, ou de façon marginale ou secondaire, en ce qui concerne les pays du nord, une activité de production alimentaire à même d’approvisionner la ville. Ce premier élément pose ainsi la question de l’intégration de l’agriculture urbaine dans la ville. En effet, elle n’apparait pas comme une activité intégrée, mais tolérée dans le tissu urbain à condition qu’elle s’implante dans des zones qui demandent « à être aménagées » et qui sont donc délaissées par la ville.
Ainsi, certains préfèrent utiliser le terme horticulture urbaine ou maraichage urbain, plus en accord avec la visée de ce type d’initiative en ville destinée au jardinage plus qu’à la production alimentaire à grande échelle (in Duchemin, 2012). Cependant, ce que mettent en évidence ces termes c’est la prédominance du végétal sur l’animal. En effet, au maraichage est associé du petit élevage de type volaille ou lapin, mais cela est une activité secondaire en complément de la production végétale. Ainsi, l’élevage est bien considéré dans la définition de l’agriculture urbaine, mais n’est pas envisagé comme une activité à part entière tout au plus comme une activité de soutien au végétal Ainsi, le débat autour de la légitimité du terme « agriculture urbaine » nous éclaire sur la place de l’élevage, mais aussi de l’animal en ville et de sa difficile intégration dans les initiatives de réintroduction la nature en milieu urbain.

Un retour de la nature en ville marqué par le végétal et le rejet de l’animal en ville

En effet, ce désintérêt pour l’élevage serait le résultat des politiques de la ville menée au XIXe siècle qui, dans une logique hygiéniste, ont favorisé le végétal au détriment de l’animal (in Nathalie Blanc, 2003). Ainsi, depuis le début XIXe siècle, parcs, jardins et végétaux ont été grandement favorisés dans l’aménagement de villes alors que l’animal s’est vu, peu à peu, retiré le droit de cité.
Comme le souligne la géographe Nathalie Blanc (in Nathalie Blanc 2003) le végétal incarne l’amélioration du cadre de vie urbain. Au contraire la présence d’animaux et d’élevage en ville inquiètent les médecins hygiénistes qui voient dans ces activités des risques d’épidémie. L’animal va alors être considéré comme impropre à la ville.
Le végétal est jugé comme un élément structurant du tissu urbain il à la fois esthétique tout en purifiant « l’air corrompu » de la cité. Les politiques haussmanniennes mises en oeuvre à Paris en constituent un très bon exemple. La ville devient un objet technique où la nature est contrôlée et le végétal considéré comme un matériau. Il est en fait abordé comme un élément du décorum urbain, avant tout utilisé comme un agent de liaison entre des espaces à vocation distincts, afin de créer de la cohérence et ainsi contribuer au bien-être du citadin. L’animal est, quant à lui, considéré comme un être vivant. De ce fait il est exclu de la ville, puisqu’il ne répond pas aux critères de nature docile et passive, seule admise par l’homme.
Ainsi Bamako a interdit l’élevage dans son enceinte (in Centrès 1991) pour des raisons, tout d’abord sanitaires, mais aussi de sécurité puisqu’une grande partie des animaux sont en divagations en ville. C’est aussi pour des raisons d’hygiène que les grandes villes des Etats-Unis ont peu à peu banni l’élevage urbain, ainsi que pour des raisons de cadre de vie (in William H.Butler, 2011). L’animal, contrairement au végétal, implique plus de contraintes. Il n’est pas passif et s’impose comme une composante urbaine qui exige que la ville s’adapte à sa présence (in Nathalie Blanc, 2003).

Quel état des connaissances sur les initiatives d’élevage urbain dans le nord-est parisien ?

Le cas du nord-est parisien est assez représentatif de ce qui se passe dans les pays industrialisés. Les initiatives d’élevage sont peu nombreuses par rapport aux multiples projets d’agriculture urbaine végétale. Il existe peu de publications scientifiques s’intéressant à l’élevage urbain en région francilienne. Seul l’article de Ségolène Darly : Des moutons dans la ville : Quelles externalités environnementales des pratiques d’élevage ovin en milieu urbain ? Publié en 2014, aborde directement l’élevage ovin et caprin en région Seine Saint-Denis. Cependant, de nombreux articles de journaux et blogs spécialisés dans l’écologie s’intéressent à cette activité. Trois textes issus des presses écrites ont été retenus ainsi qu’un article issu de la presse numérique. Ils constituent un exemple du traitement médiatique dont bénéficie l’élevage caprin et ovin en ville.
L’élevage est ainsi souvent abordé sous un angle environnemental et présenté comme un outil de gestion de l’écosystème urbain. Cependant, le manque d’article scientifique, et donc de recherches, sur l’impact de la présence d’animaux en ville ne permet pas de telles affirmations. Il faut alors souligner qu’en aucun cas la question de la fonction alimentaire n’est traitée. Ainsi, il apparaît que l’élevage urbain a surtout des fonctions sociales et culturelles et répond au besoin de nature grandissant des citadins.

L’environnement et le souci de gestion douce des parcs et espaces verts parisiens : des externalités environnementales multiples

Dans les différents textes étudiés, la réintroduction de troupeau en ville est motivée par le souci d’une meilleure gestion de l’environnement urbain, mais aussi de son amélioration. Dans l’article d’Audrey Garric (in, Le Monde, 12/04/2013), Des moutons pour tondre en ville, vrai gain pour l’environnement ? (cf. annexes) mais aussi de Sylvie Luneau (in, https://reporterre.net/L-eco-paturage-a-la-conquete-des, 08/05/2014) L’éco-pâturage à la conquête des coeurs d’agglomérations (cf. annexes) l’objectif de ces initiatives est tout d’abord de limiter l’usage de phytosanitaires mais aussi d’engins motorisés pour l’entretien des espaces verts. Ces restrictions ont pour but de maintenir ou de favoriser la biodiversité urbaine tout en sensibilisant les usagers à la préservation de la nature « Cela consomme moins d’essence, les moutons préservent la faune et la flore et ça évite les nuisances sonores » (in Garric, 2014 ), « il y avait une certaine valorisation à faire quant à la biodiversité qu’il y a ici » , (in Garric 2014) « On ramène du poumon vert ici » (in Garric, 2014.) mais aussi d’améliorer le cadre de vie urbain. . Ainsi, l’élevage trouve sa place en ville grâce à ses externalités environnementales et plus particulièrement l’éco-pâturage « l’éco-pâturage consiste à utiliser des animaux plutôt que des engins mécaniques pour l’entretien d’espaces verts » (in Gauthier-Faure, 2013).

Une pratique d’éco-pâturage méconnu en ville

Les races utilisées pour l’éco-pâturage sont bien souvent rustiques et qualifiées comme étant « en danger » ou « endémique ». Elles ne sont plus sollicitées par l’agriculture productiviste parce qu’elles produisent peu de viande ou pas assez de lait. Ainsi la question de la commercialisation de la viande, de la laine ou du lait produits par ces bêtes n’est jamais abordée dans les textes journalistiques ou scientifiques.

Des initiatives qui s’insèrent dans des politiques urbaines de reconnexion avec la nature

Si l’élevage n’a que peu d’impact sur l’environnement urbain, selon l’association Nature et territoire « l’évolution de [ces] pratiques est exceptionnelle : 20 villes en 2000 à 150 en 2013 » (in Luneau, 2014). Leur bureau d’études, situé en Mayenne accompagne les entreprises dans leur projet d’éco-pâturage et a d’ailleurs lancé une plateforme de mise en relation entre professionnels et gestionnaire des espaces verts.
Pour Alain Divo, patron d’Eco-Terra, une entreprise d’éco-pâturage urbain, cet engouement est surtout dû aux politiques urbaines qui tentent de mettre en place des pratiques de gestion durable de la ville. Il souligne que c’est aussi la mise en vigueur de l’agenda 21 qui a accéléré le développement de telles initiatives. De plus, depuis 2007 Paris a déclenché sont plan climat exigeant une réduction des émissions des gaz à effet de serre, mais aussi l’arrêt de l’utilisation de phytosanitaire. Ces mesures se veulent ainsi la vitrine d’une politique municipale qui se veut soucieuse de l’environnement. Ce retour de l’élevage en ville semble donc, avant tout, servir des desseins politiques tout en répondant aux besoins de de Nature des parisien. En effet, dans les articles sélectionnés les politiques insistent sur le rôle social des troupeaux : « On est aussi dans un projet de quartier, pour créer du lien social et pédagogique » (Halima Jemni in Gauthier-Faure, 2013), « […] c’est ainsi essentiellement la dimension sociale du troupeau et le rôle de médiateur et de facilitation du mouton qui sont commercialisés, et non les services écologiques qui y sont associés » (in Darly, 2013).
L’animal trouve ainsi sa place en ville pour ces qualités de gestion de l’environnement, mais aussi parce qu’il crée une rupture culturelle et cognitive (François Léger, in Audrey Garric 2014). Il ouvre une brèche dans le tissu urbain et permet ainsi de sensibiliser, mais aussi d’éduquer, les plus jeunes au respect de la biodiversité et de l’environnement.
Si l’animal est très sollicité par les politiques urbaines, pour son rôle pédagogique, social, environnemental, l’élevage, en tant qu’activité de production, n’est pas du tout présent dans les articles journalistiques et n’est pas jugé pertinent dans le domaine de la recherche. Cependant, la présence d’animaux à l’intérieur du tissu urbain parisien implique l’implantation de structures agricoles dans la ville et donc de l’élevage. Il semble donc que cette activité soit toujours définie comme rurale et peu adaptée à la ville.
A l’aube de ces éléments, l’étude de l’élevage urbain, et plus particulièrement de l’élevage d’ovin et de caprin en région parisienne, s’avérait être un sujet à la fois inédit et original. La région parisienne constitue la plus grande agglomération de France et un tissu urbain dense ne facilitant pas le développement d’activités agricoles.
En effet, comme nous avons pu le développer précédemment il n’existe que très peu de recherches ou de littératures sur l’élevage dans les villes des pays industrialisés. Ce présent mémoire tente ainsi d’apporter un élément de réflexion dans ce champ de la recherche peu exploré. Le choix de l’étude des ovins et caprins s’est imposé d’elle-même, ces petits ruminants étant les animaux les plus récurrents dans la bibliographie, mais aussi qualifiés comme les plus adaptés à l’environnement de la ville. En effet, ovins et caprins, sont présentés comme robustes et capables de favoriser des fourrages « grossiers » qui ne seraient pas consommés par des animaux d’élevage industriel (in Divo, 2014). Leur intégration au tissu urbain est très différente des initiatives d’apiculture ou d’élevage de volaille. Les ruches, situées sur les toits des immeubles, sont bien souvent invisibles et inconnues des habitants. Les volailles ont aussi, quant à elles, qu’un impact paysagé très limité. L’élevage s’il est intensif et productif nécessitera des infrastructures qui marqueront le paysage. S’il est extensif, ou pastoral, les animaux seront visibles en ville demanderont pâturage et donc l’occupation de terrain.
De plus, la présence de moutons ou de chèvres à des conséquences environnementales, mais aussi sociales. L’homme et l’animal doivent cohabiter dans le même espace. C’est tout un mode de développement urbain qui est questionné, mais aussi les relations entre les sociétés humaines et les animaux.
Ainsi, comment les pratiques de l’élevage ovin et caprin ont-elles réussi à s’installer en milieu urbain, alors que la ville se veut par définition peu propice aux activités agricoles et encore plus à l’animal ? Existe-t-il des pratiques d’élevage spécifiques à la ville ?
Nous poserons alors plusieurs hypothèses pour tenter de répondre à cette question. L’élevage trouverait sa place en ville d’abord pour les services de gestion des espaces verts qu’il offre et pour ses qualités environnementales. Ainsi, la présence de troupeau serait uniquement tolérée sur certaines parcelles choisies par les politiques urbaines de type friche, et jardin public, toujours de petites surfaces. Cela limitant les possibilités d’élevage extensif.
La présence des animaux ne serait que partielle au cours de l’année et ne nécessiterait pas la construction d’infrastructures solides et donc aucune concurrence sur le plan foncier avec l’urbain. Enfin, la présence de l’animal d’élevage permettrait la reconstruction d’un lien social en milieu urbain tout en constituant une réponse au besoin de nature des citadins. Ils auraient un rôle pédagogique de sensibilisation à l’environnement avec les plus jeunes. Enfin, l’élevage urbain serait dépouillé de toutes ses fonctions de production alimentaire et non alimentaire.
Nous avons tenté de répondre à notre problématique et vérifiant ou invérifiant les hypothèses ici développées. Pour cela nous nous appuierons sur de multiples terrains effectués dans le nord-est parisien après l’élaboration en amont une méthodologie intelligente afin de pouvoir obtenir des informations pertinentes et utilisables.

Présentation du travail de recherches bibliographiques

Deux types recherches bibliographiques ont été effectués. Tout d’abord, une visant à obtenir des articles et informations scientifiques, puis une autre collectant des renseignements dans des journaux quotidiens ou de presse spécialisée

Recherches dans des banques de données scientifiques

Les différentes recherches bibliographiques ont été effectuées sur science direct, Jstore, google scholar, Cairn, Persée mais aussi dans les catalogues de la bibliothèque du Muséum National d’histoire naturelle. Peu de résultats sont apparus, sinon aucun, en rapport avec le sujet traité. Les quelques articles trouvés abordent essentiellement l’élevage urbain dans les pays du Sud en voie de développement et plus particulièrement de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Seulement deux articles sur l’élevage urbain dans les pays du Nord industrialisés ont été répertoriés. Il s’agit tout d’abords, du texte de William H.Butler, Welcoming animals back to the city: Navigating the tension of urban livestock throught municipal ordinance, publié en 2012. L’auteur s’intéresse plus à la législation autour de l’animal d’élevage en ville qu’à la pratique de cette activité. Le second texte, de langue française, et celui de Ségolène Darly, Des moutons dans la ville : Quelles externalités environnementales des pratiques d’élevage ovin en milieu urbain ? Publié en 2014.
Face au manque de littérature concernant ce sujet nous nous sommes donc intéressés à des thèmes connexes comme : « l’agriculture en ville » ou « l’animal en ville » qui nous ont permis d’accéder à un nombre plus important de références ainsi qu’à des informations théoriques supplémentaires.
Cette recherche bibliographique a été révélatrice du manque d’études scientifique sur notre sujet, ainsi que de son caractère exploratoire et a constitué une des difficultés à surmonter pour ce travail de recherche.

Recherches d’articles journalistiques et toutes autres sources d’informations

Ainsi, la maigre bibliographie scientifique récoltée nous a poussés à nous tourner vers des publications plus générales de type articles de journaux, papier, ou numérique, de blogs ou même de vidéos évoquant l’élevage en ville. Quelques articles et vidéos sont apparus évoquant « l’éco-pâturage urbain » traités par la presse à l’échelle nationale, régionale et locale. L’élevage en tant qu’activité de production n’était pas directement abordé. C’était surtout le rôle de « tondeuse écologique des animaux » qui était mis en avant. Une grande partie des informations ont été récoltées au sein de journaux quotidiens nationaux tels Le Monde ou Libération. Les articles de blog, mais aussi de presse numérique étaient quant à eux plus nombreux notamment sur le site ReporTerre ou Efficycle, sites engagés dans l’information sur l’environnement et le développement durable. Cependant ce sont notamment des rapports d’organismes comme la FAO et le CIRAD qui ont fourni le plus de données sur l’élevage urbain.
L’ensemble de ces références a ainsi permis l’élaboration de l’état et à définir les hypothèses à étudier pour ce travail de recherche.

Elaboration et choix des terrains : Pourquoi le Nord-est parisien ?

Face au manque d’informations sur l’élevage urbain, effectuer des enquêtes de terrain s’est avéré impératif. Cependant, il a fallu dans un premier temps inventorier l’ensemble des élevages présent en Ile-de-France. Pour cela nous avons dû nous rendre sur le site de tribunal de commerce qui répertorie toutes les activités d’élevage d’Ile-de-France, ce qui a laissé, bien entendu de côté les associations. Il s’est ainsi révélé que très peu de structures agricoles d’élevage d’ovin et caprin se situaient en ville en ou dans l’agglomération parisienne.
Suite à ce constat ma directrice de mémoire m’a fourni plusieurs contacts d’association pratiquant l’élevage urbain : Clinamen localisée à Saint-Denis et Sors de terre à Bagnolet.
Cependant, l’étude de deux initiatives ne semblait pas assez pertinente, au vu des informations récoltées sur les projets d’intégration d’animaux d’élevage en région parisienne. En effet, face à la diversité des initiatives de réintroduction d’ovin et caprin, il était nécessaire de se recentrer sur la notion de troupeau et de voir ce qui pouvait être considéré comme de l’élevage, mais aussi quelles étaient les fonctions de ces animaux en ville. A l’aide de la bibliographie, le champ d’investigations s’est ouvert aux entreprises d’éco-pâturage et aux institutions publiques. Ainsi, nous nous sommes intéressés à la Ferme de Paris et à deux entreprises Eco-Moutons et Eco-Terra. La plupart de ces initiatives se situent dans le nord-est parisien. Les deux entreprises d’éco-pâturage font, quant à elles, exceptions. Si leur ferme centrale se situe hors de l’agglomération parisienne leurs moutons sont installés un peu partout dans Paris et sa proche banlieue.

Elaboration de l’entretien semi-dirigé

Si une partie des terrains consistait en de l’observation participative une large partie était consacrée aux entretiens semi-directifs des fondateurs, gestionnaires ou dirigeants des initiatives d’élevage urbain. En effet, afin d’obtenir le plus d’informations pertinentes possible nous avons dû élaborer un grille d’entretien (cf. Annexes) essayant de dresser le portrait de toutes ces initiatives.
Tous les entretiens ont été enregistrés et retranscris (cf. Annexes), à l’exception de celui du dirigeant de l’entreprise Eco-Moutons qui ne nous a accordé qu’un rapide appel téléphonique. Certains de nos interlocuteurs ont de plus demandé, quand les questions étaient sensibles, l’arrêt de l’enregistrement.
Cependant ces éléments n’ont pas handicapé, outre mesure, le travail de recherche et de récolte d’information.
Six grands thèmes ont été déterminés afin de comprendre quelles formes prenait l’élevage urbain et comment celui-ci s’intégrer à la ville.
– Qui sont ces nouveaux « éleveurs » / Sont-ils ce qu’ils sont forcément néophytes ?
– Comment définir et caractériser l’élevage/ ce troupeau
– A quelles vocations se destinent ces bêtes/ type d’élevage
– Comment l’élevage arrive à se faire une place dans le tissu urbain
– Quel ancrage urbain pour l’élevage ?
– L’éco-pâturage, une activité de valorisation économique de l’élevage urbain ou une activité à part entière ?
Il s’agissait de dresser un portrait de ces initiatives atypiques en ville et comprendre comment elles avaient pu trouver leur place en ville. L’objectif était aussi de déterminer quels liens l’élevage tissait avec le milieu urbain et quelles étaient ses fonctions.

 

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières
Introduction
I- Etat des connaissances autours de l’élevage d’ovin et de caprin en ville
I) L’élevage urbain réappropriation dans les pays du nord et maintien dans le sud
II) L’élevage en ville, parent pauvre de l’agriculture urbaine
III) Quel état des connaissances pour les initiatives d’élevages urbains dans le Nord-Est parisien
II- Méthodologie
I) Présentation du travail de recherches bibliographiques
II) Elaboration et choix des terrains : pourquoi le nord-est parisien ?
III) Elaboration de l’entretien semi-dirigé
III- Des élevages ovins et caprins parisiens aussi nombreux que différents. p. 30 A- Clinamen : l’élevage comme outil de la reconquête de la vie paysanne en ville
B- Sors de Terre : Un élevage utilisé à des fins sociales de réappropriation de la ville pour les habitants
C-La Ferme de Paris : une expérimentation d’élevage urbain et d’éco-pâturage
D- Ecomouton : De la logistique de mouton pour vendre un service d’éco-pâturage
IV-Des initiatives de natures différentes réunis autour de l’élevage d’ovins et de caprins
I) Deux troupeaux aux services de la redynamisation du territoire
II) De l’éco-pâturage à l’éco-pastoralisme urbain
III) Problèmes fonciers et localisation des initiatives : des moutons qui n’ont toujours pas gagnés leur place en vile
IV) L’animal comme outil pédagogique et créateur de lien social
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *