Un modèle trop binaire pour une industrie cinématographique complexe 

Le cas du cinéma sud-coréen : une inscription dans une histoire de la réception des cinémas d’Asie en France

Si par son appartenance géographique à l’Asie de l’Est et son statut économique lié à ces pays le cinéma sud-coréen est aujourd’hui directement rattaché aux cinémas d’Asie de l’Est, il n’a pas bénéficié du même intérêt occidental au siècle précédent.
Observons d’abord que la deuxième partie du XXe siècle peut se découper en quatre temps successifs de découverte des cinémas asiatiques – pas seulement de l’Est donc. Le premier, dans les années 1950 à 1970, est la reconnaissance internationale via les festivals européens des cinémas indiens et japonais, propulsant des réalisateurs indiens comme Ritwik Ghatak, Mrinal Sen et Satyajit Ray – le plus reconnu encore aujourd’hui– et japonais tels qu’Akira Kurosawa, Hiroshi Inagaki ou Kenji Mizoguchi. Une deuxième vague, de cinéma d’arts martiaux, souvent dit « de kung-fu », apparaît en provenance de Hong Kong durant la décennie suivante et connaît un fort succès dans les salles françaises. S’ensuit une affluence du cinéma chinois avec un renouveau des cinéastes dits de la « cinquième génération » durant les années 1980 – avant cela très peu distribué. Enfin depuis la moitié des années 1990 ont été révélés deux autres cinémas nationaux d’Asie, chacun retardé par un contexte politique « contraignant », à savoir le cinéma iranien – présent sur la scène internationale déjà à la fin des années 1980 mais ne faisant face à un réel engouement que dix ans plus tard– et le cinéma sud-coréen. Tous ces cinémas d’Asie sont très peu présentés dans les salles françaises jusque dans les années 1970-1980.
Le cinéma japonais est cependant le plus visible et le plus exporté dès les années 1950 en France. L’année 1951, considérée comme point de départ pour la découverte des cinémas d’Asie, révèle le cinéma japonais à l’Europe avec Rashomôn d’Akira Kurosawa, récompensé du Lion d’or au Festival International du Film de Venise cette année-là. C’est le début de la notoriété de ce cinéma, tour à tour récompensé du Lion d’or (L’Homme au pousse-pousse de Hiroshi Inagaki en 1958), du Lion d’argent (Les Contes de la lune vague après la pluie en 1953 et L’Intendant Sansho en 1954, tous deux de Kenji Mizoguchi, Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa en 1954, ex aequo), ou rencontrant un certain succès (La Vie d’O’Haru femme galante de Kenji Mizoguchi en 1952 et La Harpe de Birmanie de Kon Ichikawa en 1956). Nous pouvons expliquer cette prise de contact avec les cinémas d’Asie à travers le cinéma japonais en partant de l’hypothèse d’une culture ayant été plus rapidement appréhendée et exportée, par des relations diplomatiques entretenues dès le début du XIXe siècle43 – alors que les relations entre la France et la Corée ne commencent à s’établir qu’à la fin du même siècle (1886) – et sa position de « pays colonisateur allié des puissances occidentales, tandis que les autres pays sont des pays colonisés. ». Bien que cette distribution japonaise soit restreinte – environ 115 films japonais sortis en France de 1950 à 1975, soit moins de sept films par an, représentant 0,80% de la production cinématographique japonaise en 25 ans – elle reste la cinématographie majoritaire, voire l’unique cinématographie importée d’Asie jusqu’à la vague hongkongaise. Dès le début des années 1970, la découverte des films de kung-fu popularise le cinéma hongkongais de manière étonnante ; en effet, ce cinéma national est le seul à ne pas devoir sa découverte aux festivals européens mais à son exploitation directement en salles. La production cinématographique hongkongaise, à ce moment redynamisée par la rapide croissance économique de l’île, rencontre principalement le succès dans les salles de cinéma de quartier. De plus grandes exploitations cependant projettent ce nouveau cinéma de genre, notamment lorsqu’on retrouve à l’affiche la star des arts martiaux sino-américaine Bruce Lee. Comme le montre l’illustration suivante (FIGURE 5), l’importation des films hongkongais se fait de manière fulgurante et dépasse très largement celle des films japonais. Nous pouvons également voir qu’à la suite de cette expansion, d’autres cinématographies asiatiques sont visibles – bien que très timidement – dans les salles françaises.Nous pouvons rapprocher ce fait à, d’une part, une certaine curiosité du public français envers les films asiatiques qui commence à se mettre en marche et, d’autre part, la confusion des exploitants et publics quant à la nationalité des films d’arts martiaux asiatiques, objets d’exotisme et de mode. À partir de 1978, Deng Xiaoping, meneur de la République Populaire de Chine de 1978 à 1982, lance l’« économie socialiste de marché », qui ouvre à l’international une Chine auparavant refermée sur elle-même sous le régime maoïste. Ce nouveau statut permet alors au monde de découvrir la « cinquième génération » de réalisateurs renouvelant le cinéma chinois et ayant recours à la reconnaissance internationale afin d’affirmer leur approche au sein de leur pays. Le film Terre Jaune de Chen Kaige de 1984, popularise cette dénomination de « cinquième génération » via le Festival International du Film de Hong Kong en 1985, tandis que Le Sorgho rouge de Zhang Yimou (1987), remportant un an après sa sortie l’Ours d’Or à la Berlinale, initiera un processus de (re)découverte du cinéma chinois par l’Occident.
La thèse sur l’histoire du cinéma asiatique en France de 1950 à 1980 d’où est issu le précédent graphique49 nous révèle un autre fait qui témoigne encore de cette distance, voire insensibilité, à tous les cinémas d’Asie. Il s’agit de la présence (ou inexistence) de ces pays et cinématographies particulières, non plus dans les salles de cinémas, mais dans les écrits reconnus comme fondateurs de l’histoire du cinéma, tels que Histoire du cinéma de Maurice Bardèche et Robert Brasillach, Histoire du cinéma mondial de Georges Sadoul, les Histoire illustrée du cinéma et Histoire encyclopédique du cinéma de René Jeanne et Charles Ford, ou encore, Histoire du cinéma de Jean Mitry. Dans le chapitre intitulé « Les cinémas d’Asie vus par les historiens du cinéma » , Nolwenn le Minez décrit les différentes pensées et références aux cinémas asiatiques, ceux-ci d’ailleurs non pas considérés comme des cinémas différents et pluriels, mais englobés généralement en « un cinéma asiatique » ou « cinéma d’Orient », souvent suivies de confusions entre le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Asie de l’Est, syntagmes non définis et regroupant tantôt l’Inde et le Japon (chez René Jeanne et Charles Ford notamment), tantôt la Chine, l’Indonésie et la Malaisie (chez Sadoul). Outre ces dénominations témoignant d’un potentiel manque de rigueur scientifique, l’autre défaut de ces textes réside dans leur mention de ces cinémas sans grande prise de recul ou recherche poussée, eu égard à l’époque à laquelle ont été rédigés ces ouvrages.
Dans Histoire du cinéma II. Le cinéma parlant de 1954 (réédition de la version de 1948 avec des ajouts de textes), Bardèche et Brasillach mettent en valeur leur addition des cinémas soviétique et américain d’après-guerre dans leur histoire du cinéma mondial, mais il n’y est toujours pas question des productions cinématographiques du continent asiatique, pourtant déjà présentes en salles et même en festivals internationaux (de 1951 à 1954, les festivals de Venise et Cannes ont déjà intégré 13 films du continent asiatique, de l’Asie de l’Est comme de l’Asie du Sud). Bien que Sadoul tente d’évoquer, dans son édition corrigée de 1972, tous les cinémas asiatiques– sous le nom d’« Extrême-Orient » – pour nuancer les propos de Bardèche et Brasillach, on peut à nouveau constater que si le cinéma coréen (nord comme sud) est bien nommé, on lui dédie une place bien moindre que celle du cinéma japonais ou chinois. D’autre part, la mention du cinéma coréen reste très subjective et ethnocentrée – comme pour l’ensemble du chapitre. On peut alors observer que, dans cette partie sur le cinéma coréen, la Corée du Nord bénéficie d’éloges sur sa production uniquement grâce à sa relation à l’Occident – « Le studio de Pyong Yang a été reconstruit avec l’aide de techniciens soviétiques », « Moranbong, émouvante histoire d’amour et de guerre dirigée par le français J.C. Bonnardot » – tandis que le cinéma sud-coréen lui ne dispose que de six lignes, figurant le désintérêt, voire un certain mépris, pour cette cinématographie.
La Corée du Sud et Taïwan semblent donc être, jusqu’aux années 1980, les deux laissés-pour-compte lorsque l’on parle de cinémas de l’Asie de l’Est – rajoutons la Mongolie si nous la considérons de ce territoire. Le cas du cinéma taïwanais est encore plus perceptible que celui du cinéma coréen. En effet, concernant les écrits sur les productions de Taïwan, on ne relève pas ou quasiment pas d’études réfléchissant à l’histoire du cinéma taïwanais d’avant 1980, moment d’un renouveau de son cinéma – souvent dénommé « nouvelle vague taïwanaise » – faisant apparaître un intérêt pour la cinématographie de ce pays. Sa distribution en France est elle aussi très maigre – de 1950 à 1980, moins de dix films distribués60 – dû à son contexte de production, extrêmement dépendant de la situation géopolitique de la République Populaire de Chine et de la rétrocession de Hong-Kong. Il faut attendre la décennie 1990 pour qu’apparaisse une reconnaissance à l’international – notons La Cité des douleurs de Hou Hsiao-hsien, recevant le Lion d’or au Festival de Venise en 1989, Le Maître de marionnettes du même réalisateur et son prix du jury à Cannes en 1993, ou encore Vive l’amour !, de Tsai Ming-Liang en 1994, remportant la même année le Lion d’or au Festival de Venise.

L’éclosion du cinéma sud-coréen

Pour revenir au cinéma sud-coréen, nous devons concéder qu’il serait injuste de placer les critiques de cette période comme seuls fautifs de sa non-reconnaissance en France. En effet, le cinéma coréen en lui-même ne réunissait alors pas les bonnes conditions pour s’exporter. Après un temps de colonisation japonaise et un système cinématographique entièrement contrôlé par l’occupant, la Libération donne à la Corée l’opportunité de faire des films – en dehors de l’encadrement d’un système cinématographique particulier. Hélas, la Guerre de Corée (1950-1953) met non seulement un terme à cette vague de création, mais provoque la destruction de la majorité de ces films. À cette période de grande pauvreté fait suite la première dictature militaire en 1961 imposée par le général Park Chung-hee, durant laquelle – nous y reviendrons – sévit une forte censure et se produit un repli du pays, ne permettant ni l’exportation, ni l’importation de films. Entre crises politiques et crises économiques, la Corée, puis Corée du Sud, a donc longtemps peiné à inscrire dans la durée son cinéma national, nécessaire pour en faire la promotion. Faisant, au contraire, aujourd’hui beaucoup parler de lui – par exemple grâce au succès sans précédent du film Parasite du réalisateur Bong Joon-ho en 201963 – le cinéma sud-coréen semble connaître un certain regain d’intérêt, grâce à une politique d’exportation de la culture menée par son gouvernement.
Depuis le début des années 2000, la Corée du Sud attise une curiosité internationale et peut se vanter de son influence dans le monde. Nous devons tout d’abord mentionner la « nouvelle vague coréenne » ou « Hallyu », que l’on peut définir comme l’accélération recherchée par l’industrie culturelle locale de la diffusion de la culture sud-coréenne à l’étranger, dans le domaine du divertissement principalement (films, séries télévisées, musiques et jeux en ligne). Tandis que l’Occident est de plus en plus perméable à cette culture de masse, l’Asie du Sud-Est et de l’Est sont depuis un certain temps touchées par la vague Hallyu. Concordant avec les mutations culturelles et sociales que vit le pays, la vague coréenne traverse tout d’abord Taïwan et la Chine dès le début des années 1990 par le biais de la télévision et de concerts de groupes coréens , puis dans les pays d’Asie du Sud-Est tels que Hong Kong, Taïwan, le Vietnam ou Singapour. Notons d’ailleurs que cette expansion culturelle s’accompagne d’une (évidente) dimension économique et politique, recherchée par l’organisme de la Korea Trade-Investment Promotion Agency (KOTRA) notamment. Créée en 1962 sous la tutelle du ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Énergie de Corée du Sud, la KOTRA est chargée de l’exportation des produits coréens à l’étranger, mais également de la gestion de l’investissement des petites et moyennes entreprises coréennes via des agences implantées au départ dans les pays environnant peu développés – citons les Philippines, Cambodge, Indonésie, Malaisie ou la Thaïlande. Depuis les années 1980, la Corée du Sud détient dans ces pays une influence et une assise considérable par les investissements de ses grandes entreprises et son réseau de centres culturels coréens, diffusant directement ses modes de culture et de pensée. En suivant l’hypothèse de Kim Hui-yeon, chercheuse à l’Inalco et à l’Ifrae, si cette manoeuvre de développement par l’exportation n’est pas forcément bien vue ou rencontre une certaine résistance dans les pays d’Asie de l’Est comme la Chine, le Japon et Taïwan, en Asie du Sud-Est,la réception de ces produits de la culture sud-coréenne […] nous permet de mieux comprendre comment la Corée y est perçue. Il s’agit d’un pays asiatique qui se serait approprié la modernité, laquelle a été longtemps associée à l’Occident et à un processus d’occidentalisation. Or, pour les admirateurs de la culture populaire coréenne, elle semble incarner une forme de modernité asiatique. Au contraire de ce qu’avait voulu incarner l’impérialisme japonais, cette recherche d’une modernité spécifique n’est pas vue comme une volonté de domination. Elle semble être d’autant plus appréciée dans les pays du Sud-Est asiatique qu’elle est mise en avant par un ancien pays du Sud, comme eux, devenu un pays développé, un pays du Nord.
Après la conquête du reste des marchés de l’Asie de l’Est et du Sud-Est dans les premières années 2000, la Corée du Sud a suffisamment de force pour étendre sa vague aux États-Unis, en Amérique Latine, au Moyen-Orient et à une partie de l’Europe. Ainsi, l’Occident prend davantage conscience de cette grande puissance et s’éveille à cette nouvelle culture. Cette idée de nouveauté, parfois teintée d’une certaine naïveté, est pour nous importante, car elle permet un regard neuf sur la situation, mais aussi d’ancrer cette étude dans une actualité mondiale. Elle nous offrira de plus l’opportunité de nous poser des questions quant au « contrôle » de l’image de la Corée du Sud par cette vague – ou du moins quant à ses enjeux. En revanche, la Hallyu a certaines limites et – pour revenir au domaine filmique – fait face à son statut de cinématographie étrangère qui est certes valorisé d’une part, mais est également très régulé. Pour être en accord avec la Convention sur la diversité des expressions culturelles, la France doit pouvoir proposer dans ses régulations des aides pour rendre visible ce cinéma, tout en maintenant sa propre diversité et sa part de cinéma nationale. Un point intrigant se dégage d’ailleurs de l’intensité que l’on apporte à la notion de diversité. Si pour le cinéma français la pluralité des dimensions de diversité est importante – le genre, les représentations de la société, les productions, etc. – celle des cinémas étrangers a tendance à s’effacer pour une simple valorisation du nombre de cinématographies nationales différentes exploitées en salle. Cette tendance amène d’ailleurs à reconsidérer le principe de diversité : comment paradoxalement la diversité, s’opposant dans sa définition à l’uniformisation culturelle, peut arriver à un certain aspect de standardisation par son inclination à unifier un « cinéma étranger » ? Un des objectifs de notre étude s’attachera donc à évaluer à quel point le cinéma coréen distribué en France est en lui-même porteur de diversité. Pour cela il faudra comprendre comment la France met en application la diversité, mais également comment elle rend compte de celle-ci à l’UNESCO. Ce qui nous importera encore plus est la façon dont ce genre de terme – diversité, culture, art, etc. –, s’épanouissant dans des dimensions davantage théoriques que concrètes, est mis en pratique. Certes, cette ambivalence suit le cinéma depuis ses premiers temps – la grande question étant « le Cinéma est-il un art ou une industrie » – mais à cette dualité inhérente s’ajoute le problème de l’application et de la mesure par une normalisation « forcées » d’une notion aussi difficilement quantifiable que celle de diversité. Une norme, souhaitée aussi impartiale que possible, ne peut l’être totalement, et comportera toujours une part de subjectivité de ses acteurs.
Notre étude ambitionne donc d’éclairer en quoi le cas de la distribution du cinéma sud-coréen en France révèle la façon dont la mise en application dans le domaine cinématographique du principe de diversité des expressions culturelles contredit – sur le plan déontologique – les valeurs d’équité et d’ouverture que son fondement suppose.
Nous nous interrogerons en premier lieu sur les solutions trouvées par la France pour appliquer la diversité, afin d’observer les premières limites de celles-ci, significatives notamment en observant les réglementations de la distribution pour une cinématographie nationale telle que le cinéma sud-coréen. Notre deuxième point cristallisera les problématiques éthiques et terminologiques évoquées plus haut, inhérentes aux notions retenues pour la mesure de l’application de la diversité en France. Les concepts de cinéma « indépendant » ou d’indépendance de la production nous feront revenir sur le contexte de l’industrie cinématographique sud-coréenne, économique et artistique. Nous y verrons que cette normalisation et classification nécessaires à la mesure de la diversité ne sont tout simplement pas applicables dans le cadre d’une industrie complexe, puis dans le cadre de son inscription dans la distribution française, où habitudes spectatorielles et réinterprétation des genres cinématographiques s’y confrontent. Enfin, nous avancerons encore notre réflexion en revenant sur les conditions de la découverte de ce cinéma en Occident comme modèle de recherche et d’ouverture – à l’instar du principe supposé de la diversité culturelle –, discordantes avec la place donnée à ce cinéma aujourd’hui. Ce sera l’occasion pour nous de déceler en plus des problèmes terminologiques, d’autres contradictions déontologiques résidant dans les motivations derrière la diffusion du cinéma sud-coréen.

Le CNC, institution majeure de soutien et de réglementation

Comme précédemment annoncé, notre première étape consiste en l’analyse des aides mises à disposition de la distribution du cinéma sud-coréen, dans le cadre de l’application de la Convention sur la protection et promotion de la diversité des expressions culturelles.
Jusqu’à aujourd’hui la France a publié deux rapports pour l’UNESCO, un en 2012 et un autre en 2016, le prochain devant sortir dans l’année 2020. Comme prévu par la Convention, ces rapports s’organisent en une structure stricte, comportant sept grands points – sans compter l’introduction contextualisant la politique culturelle et les annexes – : 1) Mesures et politiques culturelles, 2) Coopération culturelle internationale, 3) Traitement préférentiel, 4) Culture et développement durable, 5) Sensibilisation et participation de la société civile, 6) Questions transversales et priorités de l’UNESCO, 7) Résultats, défis, solutions et prochaines étapes. Ce sera principalement sur le premier point de cette structure que nous nous concentrerons, puisque c’est dans celui-ci que l’industrie cinématographique est la plus présente.
Dans le compte rendu de 201270, la France rapporte en effet cinq mesures et politiques culturelles, dont trois concernent l’industrie cinématographique. La première mesure est celle que nous intéressera le plus dans le cadre de notre étude, puisqu’elle est totalement dédiée au cinéma. Cette mesure régulée par le CNC est dénommée « Promotion de la diversité de la création dans les secteurs du cinéma et de l’image animée en France et encouragement de la diversité de la création dans les échanges internationaux » – nous reviendrons à celle-ci rapidement. La deuxième mesure concerne également le cinéma mais au niveau télévisuel. Sous le nom « Audiovisuel : Soutien public à la diversité à la télévision », cette politique est principalement encadrée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), organisme régissant ledit secteur – par des systèmes de quotas notamment – et pouvant sanctionner en cas de non-respect des chartes régulant les chaînes télévisuelles françaises – entre autres. Les mesures trois et quatre concernant l’industrie musicale et l’industrie du livre, le cinéma trouve à nouveau une place dans la cinquième politique culturelle, nommée « Numérique : Protection et promotion de la diversité culturelle dans le secteur du livre et des industries culturelles face aux défis de la numérisation et de l’Internet ».
Cette dernière mesure du rapport 2012 souhaite principalement faire face au piratage grâce à l’autorité publique indépendante française nommée Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), issue de la loi Création et Internet, instituée par le décret du 31 décembre 2009. Le cinéma, bien évidemment menacé sur ses questions de droits d’auteur est directement concerné par cette politique culturelle qui protège et sanctionne dans un deuxième temps. Une sixième mesure est rapportée dans le compte rendu de 2016, sur l’« Éducation artistique et culturelle ». Une telle dénomination laisse entendre l’inclusion du cinéma comme outil d’enseignement et de développement d’un souhaité « système éducatif à tous les niveaux et dans les lieux de vie tels que l’hôpital, les foyers d’accueil pour personnes âgées, dépendantes ou incarcérées ». Le rapport ne mentionne cependant à ce jour pas plus de précisions sur le cinéma au sein de cette politique d’éducation, et indique de plus que sa mise en oeuvre n’a pas fait l’objet d’une évaluation – contrairement aux autres mesures mentionnées.
Cette énumération des politiques appliquées par la France dans le cadre de la Convention nous permet de faire le tour des plus grandes instances régulant l’industrie cinématographique en France : le CNC, le CSA et HADOPI71. Ce sont celles-ci qui aménagent et contrôlent les mesures concernant le cinéma dans les autres grands points des rapports quadriennaux – tels que pour l’application d’une coopération internationale , le traitement préférentiel, l’égalité entre les femmes et les hommes, etc. Ces politiques et mesures sont de plus évaluées par ces mêmes instances dans des bilans, citons par exemple le bilan sur les mesures sur la parité donnant des chiffres concrets sur l’avancée de cette politique. Revenons maintenant à cette première mesure encadrée par le CNC. Le Centre national du cinéma et de l’image animée , est donc un établissement public à caractère administratif placé sous l’autorité du Ministère de la Culture mais bénéficiant de l’autonomie administrative, financière et de la personnalité juridique. Par cela, il peut directement réglementer l’industrie cinématographique en France et jouir entre autres de son compte de soutien alimenté par les taxes qu’il met en place. Le CNC a six missions principales : soutenir, réglementer, promouvoir et diffuser, coopérer, négocier, protéger et l’éducation à l’image, ces missions s’adressant à toutes les étapes de la création et diffusion d’une oeuvre cinématographique. Ce qui rend le CNC important aux yeux de notre étude est qu’il est le principal garant de la diversité dans l’industrie cinématographique. Cette diversité est applicable par trois sous catégories – qui nous servirons davantage lorsque nous aborderons la problématique de la mesure de la diversité – à savoir la diversité produite, distribuée et consommée. Ces catégories nous permettent de différencier la diversité de la production française de la diversité de la distribution en France et de la diversité de la demande française. Notons que le terme d’« offre » cinématographique est le plus employé dans le cadre de la mesure de la diversité pour désigner la production filmique. Toutefois, ce terme peut prêter à confusion entre production et distribution, nous privilégierons donc les termes de « diversité de production ».
Cet écart fait sur ces trois évidentes dimensions de l’industrie cinématographique, il est désormais temps d’analyser comment le cinéma sud-coréen est concerné par l’application de la diversité en France. Nous avons vu en introduction que la diversité de la production française est contrôlée et activement soutenue, notamment par l’aide « Images de la diversité », veillant à une diversité que l’on peut qualifier de « sociale » – c’est-à-dire concernant la représentation de la population française. En tant que pays étranger, la Corée du Sud ne peut être concernée par la diversité de production que dans un cas de coproduction. Dans cette idée de coopération internationale, la France et la Corée du Sud profitent d’un accord de coproduction, signé le 27 octobre 2006. Outre un apport financier à la production d’une oeuvre respectant les critères de l’accord – l’entreprise de production doit être notamment ressortissante des deux pays ou de l’Union Européenne, et les deux autorités doivent s’entendre sur leurs choix – cette convention permet au film un soutien au niveau de sa distribution.
Ainsi concernant la distribution, les films coproduits par la France et la Corée du Sud bénéficient en France d’un soutien financier automatique (sous forme de minimum garanti), et peuvent également accéder à un soutien financier sélectif (dans le cadre des aides à la distribution auxquelles nous reviendrons), ainsi que des investissements par les chaînes de télévision et les SOFICA (Sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle). La Corée du Sud faisant donc partie des 58 pays à ce jour avec qui la France a conclu des accords cinématographiques, il s’agit davantage d’une aide assez « commune » et non d’un traitement préférentiel.
Ajoutons à cela que les oeuvres coproduites et soutenues par la France ne favorisent pas plus la visibilité de l’oeuvre ; en nous référant à l’annexe Films d’initiative sud-coréenne coproduits par la France, depuis 2005, dix films sud-coréen coproduits avec la France sont sortis dans les salles françaises, mais seulement deux ont fait plus de 100 000 entrées, Une Vie toute neuve de Ounie Lecomte (2008, sorti en 2010) et Poetry de Lee Chang-dong (2009, sorti en 2010). Ces deux films bénéficient en outre de la mention du nom de ce dernier réalisateur –en tant que producteur pour Une Vie toute neuve –, reconnu et apprécié des spectateurs français, présent à deux reprises parmi les six films sud-coréens ayant dépassé les 200 000 entrées81 en France. Notons également que la chaîne franco-allemande Arte est la plus active82, puisqu’elle coproduit trois films, et a été accompagnée deux fois du CNC pour cela83. Cela nous montre également que si les films coproduits bénéficient d’un soutien automatique, ceux-ci ne peuvent en revanche compter principalement que sur l’aide de leur distribution française pour valoriser leur oeuvre.
Bien que tous ces distributeurs soient indépendants, il est intéressant de noter que les films faisant le plus d’entrées dans ces coproductions sont les films des distributeurs Diaphana et Haut et Court. Puisque tous deux sont membres du syndicat professionnel « Distributeurs indépendants réunis européens » (DIRE), il semble logique d’en conclure que les distributeur·rices encore moins présent·es dans la scène de la distribution française ne pourront fournir autant de moyens – bien que ceux des sociétés de DIRE soient également limités – que celles et ceux profitant déjà d’une grande assise dans l’industrie cinématographique. Face à ce constat, nous pouvons nous demander quels sont les solutions apportées pour pallier ce problème de moyens dans le cadre de la distribution. Malgré sa place minorée dans l’industrie cinématographique, cette étape est des plus importantes : elle détermine la date de sortie d’un film, le nombre de salles et de copies, et fait face aux risques économiques les plus conséquents. Entre investissement publicitaire pour la promotion d’un film, compétition au sein de la distribution et désintérêt potentiel de l’exploitation et du public, les distributeur·rices s’exposent le plus aux risques financiers, d’autant plus lorsque le film est issu d’une cinématographie nationale peu mise en avant comme le cinéma sud-coréen.
Pour revenir au CNC, il est affirmé dans ses missions qu’il doit soutenir « la diversité de l’offre cinématographique en France par une politique d’aide à l’exploitation et à la diversité de l’offre de films en salle (avec une aide dédiée à la distribution des cinématographies peu diffusées)». Si nous avons vu que le CNC propose ainsi des aides financières pour la création et production d’un projet, les dernières étapes de vie d’un film sont également supportées, toujours grâce principalement au compte de soutien du CNC. Cette fierté française permet de faire fonctionner l’industrie sans aucune intervention de l’État, puisque ce compte est alimenté par trois taxes, directement reversées notamment dans les aides automatiques à la production, distribution et exploitation. S’il serait intéressant de comparer les aides perçues par les distributeurs français sur l’ensemble de leurs films sud-coréens sortis depuis 2000, le contact avec ceux-ci n’ayant pu s’établir, notre étude adoptera de ce fait une position d’observation limitée sur ce point.
Notons donc que dans le cadre de l’application de sa diversité, le CNC met en place diverses subventions, dont les suivantes peuvent concerner la distribution des films sud-coréens : des contributions de chaînes (par exemple OCS ou CANAL +) ou du CNC – pour les films coproduits, avec un minimum de financement de 30% du budget –, mais surtout trois aides sélectives à la distribution, dénommées 1er, 2ème et 3ème collège. L’Aide sélective de 1er collège se concentre sur les films inédits et a pour vocation première de « favoriser la diversité de films de qualité en salles de cinéma» – nous reviendrons plus tard sur ce terme de « qualité ». Le 2ème collège prend quant à lui en compte les « films de répertoire » (films réalisés il y a plus de 20 ans qui n’ont pas fait l’objet d’une ressortie en salles depuis 10 ans) tandis que le 3ème collège les films à destination du jeune public. Si peu de films sud-coréens distribués sont éligibles aux Aides des 2ème et 3ème collèges – seulement un film correspondant aux critères de « films de répertoire »89 et quatre films pour le collège Jeune public90 – les films inédits semblent en revanche bénéficier davantage des Aides du 1er collège. En effet, si nous observons les films soutenus par le CNC depuis juillet 2018, quatre sont des films sud-coréens inédits sortis en France : The Bacchus Lady de E J-Yong (2016) sorti en 2018 à l’instar de Burning de Lee Chang-dong (2018) et After My Death de Kim Ui-seok (2017), et Parasite de Bong Joon-ho (2019) sorti en 2019. Nous pouvons en outre avec ces quelques informations repérer une tendance du CNC à aider les films issus de la KAFA, l’école nationale de cinéma financée par le gouvernement sud-coréen – The Bacchus Lady et After My Death étant les premiers films de cinéastes de la KAFA – ainsi que les films bénéficiant d’un réalisateur renommé – Lee Chang-dong ayant à deux reprises établi plus de 200 000 entrées, quant à Bong Joon-ho, il est le principal réalisateur à avoir autant de succès en salle, occupant les trois premières places du palmarès des films sud-coréens faisant le plus grand nombre d’entrées en France.

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Table des matières
Introduction 
Partie I : La diversité des expressions culturelles et ses inhérentes difficultés
Chapitre 1 : Appliquer la diversité 
1.a. Le CNC, institution majeure de soutien et de réglementation
1.b. Une aide perturbée par ses propres limites
Chapitre 2 : Rendre compte de la diversité 
2. Mesurer la diversité cinématographique
Partie II : Un modèle trop binaire pour une industrie cinématographique complexe 
Chapitre 3 : L’industrie cinématographique sud-coréenne depuis les années 1960 : la mise en place d’une grande puissance cinématographique 
3.a. Un renouveau politique, économique et industriel
3.b. Le cinéma sud-coréen indépendant et sa valorisation
Chapitre 4 : Se faire une place dans la distribution française : les genres, l’Art et essai et le cinéma sud-coréen 
4.a. Le cinéma sud-coréen face aux tendances de l’exploitation française
4.b. La question des films de genre dans le cinéma sud-coréen : l’exemple de Bong Joon-ho
Partie III : Une diversité normée et un réseau fermé 
Chapitre 5 : Une inscription dans une certaine autorité occidentale 
5.a. Les découvreurs du cinéma sud-coréen en France
5.b. Le phénomène d’auteurisation : le cas de la reconnaissance d’Im Kwon-taek en Europe
Chapitre 6 : Une responsabilité occidentale face à la diversité 
6.a. Un principe de diversité mis à mal par des motivations d’importation encore biaisées
6.b. Diversifier la diversité : des initiatives à mieux considérer
Conclusion 
Bibliographie
Sitographie 

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