Un lien entre l’identité de l’homme et l’identité du lieu

Un lien entre l’identité de l’homme et l’identité du lieu 

La conception du genius loci place le lieu au cœur de la vie de l’homme. Le lieu, par son caractère, donnerait à l’homme l’ensemble des ses potentialités pour qu’il puisse s’y installer et s’y développer. Norberg-Schulz dit que « nous comprenons que l’identité de l’homme est en grande partie fonction des lieux et des choses » On conçoit alors que la manière d’habiter, à travers les lieux de vie, dépasse largement l’aspect fonctionnel : « l’homme habite lorsqu’il réussit à s’orienter dans un milieu et à s’identifier à lui, ou plus simplement, lorsqu’il expérimente la signification d’un milieu. » Pour l’auteur, l’homme a besoin de rassembler les significations qu’il a expérimentées afin de se créer un « imago mundi » ou microcosme, qui « concrétise son monde : « c’est ainsi que l’enfant prend conscience du milieu dans lequel il vit, et qu’il développe ses schémas de perception qui détermineront ses expériences ultérieures ».

Norberg-Schultz fait notamment allusion à l’importance de la mémoire dans l’identification d’un lieu. Selon lui, l’atmosphère du lieu est enregistré « spontanément», bien avant les points de repère ou traits spécifiques qui confèrent au lieu une configuration précise. Ainsi, selon l’auteur, « l’identification d’un lieu » s’effectue dans un premier temps par la perception de son atmosphère particulière et ensuite par la perception des caractères particuliers qui le détermine. C’est une fois cette identification réalisée que l’on peut « saisir l’identité du lieu » .

Selon Philippe Verdier, une façon de définir l’identité du lieu est de « poser comme identité le fait de pourvoir dire, ici, je suis dans tel ou tel lieu car l’organisation du quartier me donne ces informations »

Pour l’architecte et urbaniste italien Giancarlo De Carlo l’architecture doit être au service de l’amélioration de la vie des hommes. Pour lui l’appropriation ou la réappropriation de l’espace par les hommes est fondamental. Dans un de ses voyages dans une ville arabe, De Carlo raconte, « C’était l’émotion de me mouvoir et de contempler des lieux qui me stimulaient parce qu’ils m’étaient étrangers, et aussi parce qu’ils étaient plein de signes, de lumières, d’ombres, d’odeurs, de surprises, de gens qui s’identifiaient pleinement à l’espace : ce n’est sûrement pas en me promenant dans une ville européenne que j’éprouvais autant d’émotion ». L’émotion naît de l’étrange et l’étrange naît de l’observation d’un rapport à l’espace particulier et inhabituel des habitants. Nous pouvons faire ici un parallélisme entre l’émotion que provoque le lieu pour De Carlo et l’émotion suscitée par l’esprit du lieu pour Norberg-Schulz. L’émotion peut se voir en quelque sorte comme une façon de ressentir le genius loci.

La perte du lieu 

De la « perte de l’ordre » à la « perte du lieu »

Depuis un certain nombre d’années, de nombreux auteurs (urbanistes, architectes, sociologues…) sonnent l’alarme face au constat de l’uniformisation du territoire. Du point de vu de la conception du genius loci et selon Norberg-Schulz, cette uniformisation amène à « la perte du lieu ». Pour l’auteur, les lieux se «désagrègent» lentement et il en résulte un malaise que l’on ne peut plus se permettre d’ignorer : «Tout lieu neuf porte les différentes empreintes de l’histoire et exprime l’existence d’une interaction irréductible entre des phénomènes qualitatifs qui tantôt se manifestent, tantôt se dissimulent, s’enracinent et bifurquent sans cesse. C’est précisément de cette dynamique que j’entends rendre compte en instaurant des références dans un monde qui tend à s’émietter en fragments isolés. » .

Il importe maintenant de clarifier en quoi consiste cette perte et ce qu’elle signifie pour l’homme. « Pour ma part j’estime que cette perte de lieu est un fait avéré. Et ce fait implique avant tout que le lieu ait perdu ou soit en train de perdre son identité, tant du point de vue de ses limites que de son caractère. » Selon l’auteur, le bien être de l’homme dans sa façon d’habiter n’est possible qu’en s’identifiant à son lieu de vie. D’autre part, le bien être semble très lié à la qualité du lieu de vie : « d’aucuns estiment que l’on peut se sentir bien dans un lieu qui n’est pas en ordre, au sens traditionnel du terme. Pourtant, il s’agit là à mon sens d’un mal entendu, étant donné que bien être et qualité du lieu soient indissociables ». Par conséquent, selon l’auteur norvégien, un lieu « en ordre » est de qualité et cet ordre est nécessaire pour pouvoir s’identifier au lieu et se sentir bien. Mais que signifie exactement un lieu « en ordre » ?

Autrefois, l’habitat était toujours d’« une totalité spécifique » – « ferme, village ou ville se détachait sur l’arrière plan d’un paysage cohérent. Le terme nordique tun (aire), qui correspond à l’anglais town (lieu habité), traduit précisément une délimitation, acception que l’on retrouve dans l’allemand Zaun (enceinte). Mais aujourd’hui, la ville est si proliférante que l’on ne sait plus où commence ni s’achève le lieu ; elle est en outre encore trop hétérogène pour pouvoir transmettre une impression d’unité. Quand la limite disparaît, l’aire, l’habitat ou, mieux, le lieu, perd en identité ; dans le même temps, l’arrière plan que constitue le paysage, propriété très importante, se délite à son tour. » Ainsi, la notion d’« ordre » réfère à l’organisation de la ville et à sa cohérence. Cohérence qui selon Norberg-Schulz, réfère à une organisation adaptée au contexte naturel et à la fonction qu’elle se veut de remplir.

Un monde moderne responsable de la perte du lieu ? 

Pour l’architecte Jan Souček, les nouvelles technologies, le développement de la science et de la technique sont en partie responsables de la « perte du lieu » et ne nous donnent pas les moyens de prendre soin du milieu dans lequel se déroulent nos existences. Il en résulte des « situations caractérisées par la perte du lien historique qui est à la fois contact entre passé, présent et ouverture sur un futur signifiant » .

Du point de vue de l’ILAUD, du temps où les contraintes environnementales s’imposaient à l’homme, il existait un « rapport sacré » entre l’homme et son environnement. Ce rapport imposait une forme de respect présent à chaque instant, et inscrivait entre l’homme et son environnement une relation stable et continue. Les contraintes de l’environnement imposaient à l’homme d’organiser l’espace selon les reliefs, les fleuves ou encore, la disponibilité des matériaux de construction. Cette dépendance qu’avait l’homme à son environnement instaurait une relation harmonieuse et adapté à chaque particularité du territoire en question.

Aujourd’hui, l’homme s’affranchit de plus en plus des contraintes environnementales, et par conséquent, ses rapports sacrés à l’environnement diminuent. La naissance de grands réseaux autoroutiers et la standardisation des moyens de transport toujours plus rapides et performants ont rendu chaque lieu accessible et ont permis une mobilité presque illimitée. En outre, l’évolution croissante du progrès technique a permis de rendre n’importe quels lieux aisément constructibles. Comparée aux siècles passés, la vie des hommes semble complètement déconnectée des rythmes associés à l’environnement naturel.

La perte du lieu et les conséquences sur l’homme 

Pour Norberg Schultz, la perte du lieu est concomitante avec l’aliénation de l’homme. L’auteur fait allusion au sentiment d’appartenance à un lieu, « lorsque nous disons : je suis romain, ou bien viennois », nous nous identifions à notre lieu d’origine, ce qui montre que « l’identité de l’homme est étroitement liée à celle du lieu ». Ainsi, le concept d’« aliénation » implique une perte d’appartenance et « il n’est pas facile d’appartenir à un lieu en train de s’évanouir ». La perte du lieu implique que la vie manque de cohérence. Cette perte serait symptomatique du sentiment que l’on a en pensant que « tout va à la dérive » ; le monde peut bien s’exprimer par l’intermédiaire des médias, cependant, « l’aliénation demeure puisqu’il n’existe plus rien qui soit proche et doué de sens ». Ainsi, ce sentiment serait le reflet de « la rupture entre vie et lieu » .

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Table des matières

INTRODUCTION
Présentation du sujet de recherche
Objet de la recherche
Contexte de la recherche
Approche générale et plan du mémoire
Présentation synthétique de la problématique
Démarche méthodologique
Présentation du terrain de recherche
PREMIERE PARTIE : L’ESPRIT DU LIEU OU GENIUS LOCI
1. La conception du genius loci
1.1. Un lien entre l’identité de l’homme et l’identité du lieu
1.2. La perte du lieu
1.2.1. De la « perte de l’ordre » à la « perte du lieu »
1.2.2. Un monde moderne responsable de la perte du lieu ?
1.2.3. La perte du lieu et les conséquences sur l’homme
2. De la perte du lieu à l’uniformisation du Territoire
2.1. Les différentes manières de définir le Territoire
2.2. Le Territoire comme support matériel de l’identité
2.3. De l’évolution rapide à l’uniformisation des Territoires
3. La Lecture, le Projet et l’Identification des « codes
génétiques » d’un territoire : étude d’une démarche
architecturale et urbaine tenant compte du genius loci
3.1. La Lecture : une méthode pour « s’imprégner » du lieu
3.2. Le Projet : une solution adaptée au lieu
3.3. De l’identification des « codes génétiques » à la réalisation
du projet
3.4. La part de la subjectivité dans la phase de lecture
3.5. Les méthodes de Giancarlo De Carlo en projet
d’architecture
3.5.1. La conservation de l’ancien et sa reproduction
3.5.2. L’adaptation du bâti existant aux nouveaux usages
3.5.3. L’architecture « moderne » au service de l’ancien
3.5.4. Des critères précis permettant de suivre les « codes génétiques » d’un lieu de projet
DEUXIEME PARTIE : L’INFLUENCE DE GENIUS LOCI DANS L’AMENAGEMENT DU VAL DE LOIRE
1. Le genius loci dans les documents de planification du Val de Loire
1.1. Le Val de Loire : un territoire de Projet
1.1.1. L’héritage de quarante ans de planification dans le Val de Loire
1.1.2. Une superposition d’échelles administratives à l’origine de nombreux projets dans le Val de loire
1.2. La sélection des documents étudiés
1.2.1. Les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT)
1.2.2. Les travaux de la Mission Val de Loire
1.2.3. La Charte du Parc Naturel Régional Loire-AnjouTouraine
1.2.4. La charte architecturale et paysagère Pays Sologne Val Sud
1.3. Résultats de l’étude de documents
1.3.1. Une identité locale reconnue mais difficile à définir
1.3.2. Une tradition de politiques publiques de protection du patrimoine culturel bâti dans le Val de Loire
1.3.2.1 Des politiques publiques actuelles à l’échelle du Val de Loire
1.3.2.2 De nombreux outils de protection existent déjà
1.3.2.3 L’héritage de plus de trente années de projet à l’échelle du Val de Loire
1.3.3. Constats liés aux problèmes de l’étalement urbain dans le Val de Loire
1.3.4. Une volonté de protection du patrimoine paysager culturel et naturel à tous les niveaux d’échelles
1.3.4.1 La mobilisation de nombreux acteurs du territoire autour du Val de LoirePatrimoine Mondial de l’UNESCO
1.3.4.2 Une volonté de défendre des acquis et de préparer le futur
1.3.4.3 Une importance accordée au traitement des espaces publics
1.3.5. Bilan de l’étude de documents
2. Enquête de terrain : quelle(s) vision(s) du genius loci par les acteurs du territoire dans le Val de Loire ?
2.1. La sélection des acteurs interrogés
2.2. Résultats de l’enquête de terrain
2.2.1. A la recherche du génie du lieu dans Val de Loire
2.2.1.1. L’identité du lieu est une notion difficile à définir par les acteurs
2.2.1.2. Une identité du Val de Loire liée aux risques d’inondations
2.2.1.3. Des critères architecturaux à la fois unifiants et spécifiants
2.2.1.4. L’urbanisme, la forme urbaine, l’identité du Val de Loire ?
2.2.1.5. Une identité en perpétuelle évolution
2.2.2. Le génie du lieu dans les documents d’urbanisme
2.2.2.1. Une certaine standardisation des documents d’urbanisme
2.2.2.2. Les documents d’urbanisme, des outils efficaces pour faire vivre l’identité du
lieu ?
2.2.2.3. Les dangers de la « sur réglementation » dans les PLU
2.2.2.4. La sensibilisation et la pédagogie
2.2.2.5. Des documents d’urbanisme et leurs temporalités parfois en décalage avec
l’aménagement opérationnel
2.2.3. Le génie du lieu dans les nouveaux quartiers
2.2.3.1. Une tendance à l’absence du génie du lieu dans les nouvelles opérations
d’aménagement
2.2.3.2. Le génie du lieu peut se voir comme un critère de qualité urbaine et architecturale
2.2.3.3. Le génie du lieu face aux enjeux de développement durable
2.2.4. L’inscription du Val de Loire au patrimoine mondial de l’UNESCO et ses conséquences sur les pratiques d’aménagement
2.2.5. Bilan de l’enquête de terrain
3. Etude de cas : la ZAC « Terrasses de Bodet » de la commune de Montlouis-sur-Loire
3.1. Pour avoir choisi la ZAC « Terrasse de Bodet » de Montlouis-sur-Loire ?
3.2. L’étude des documents d’urbanisme relatifs à la ZAC « Terrasses de Bodet »
3.2.1. L’intégration de l’opération dans le tissu urbain existant : un défi fonctionnel, social et paysager
3.2.2. Les documents d’urbanisme ont une volonté affichée de conserver l’identité locale
3.2.2.1. Une prise de conscience de la modification irréversible du lieu
3.2.2.2. Une démarche rappelant la lecture et le projet de Giancarlo De Carlo
3.2.2.3. Un règlement d’aménagement déconnecté du reste ?
3.3. Etude de la ZAC « Terrasses de Bodet » sur le terrain
3.3.1. Des éléments reconnus comme identitaires du lieu et conservés sur le terrain
3.3.2. Une intégration urbaine, architecturale et paysagère travaillée
3.3.3. Une intégration sociale
3.3.4. Une architecture contemporaine très marquée par l’aspect règlementaire
3.3.5. La réalité financière, une réalité de terrain
3.3.6. Du papier au terrain, un projet évolution permanente
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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