Un éclectisme aux frontières de la Finlande

INTUITION 

Un idéal recherché cependant, lorsqu’il nous a fallu choisir un pays de mobilité parmi de nombreux pays proposés, mon choix a été intuitif. La Finlande m’a fait rêver. J’ai su rapidement que c’était l’expérience dont j‘avais besoin, telle une intuition. Lorsque l’on fait le choix d’être en mobilité on est a fortiori confronté entre autre à son intuition. Cela commence dès le choix du lieu où l’on va se mouvoir car on va consciemment vers l’inconnu. Je définirais l’intuition comme étant l’instinct animal de l’homme, ce qui lui dicte ses pas. Tim Ingold fait référence à : ‘’une forme de sensibilité et de réceptivité […] dont nous sommes tous dotés et qui fonde nécessairement tout système scientifique ou éthique’’8. J’aime faire référence à cette notion avec l’architecte allemand Zumthor, il note : ‘’ Il y a quelque chose en nous qui nous dit instantanément beaucoup de chose, une compréhension immédiate, une émotion immédiate, un rejet immédiat9‘’. Il explique cette sensation par l’architecture ; dès qu’on s’introduit dans un lieu, notre intuition pressent, et ressent instantanément quelque chose, et c’est cette intuition qui est souvent là plus juste. Pour moi, en tant qu’architecte c’est cette sensation de justesse intuitive que je cherche dans mon travail. Avoir conscience de cette intuition est une chose, mais en comprendre la source est d’autant plus intéressant et complexe. Tim Ingold écrit ensuite que : ’’la compréhension intuitive fournit une base nécessaire pour tout système scientifique ou éthique qui traiterait l’environnement comme l’objet de son intérêt’’. Il faut avoir assez de recul, d’honnêteté et de clairvoyance sur soi-même pour la comprendre entièrement. J’ai alors fait des recherches et j’ai trouvé par des témoignages et illustrations qu’aller dans ce pays est une expérience de qualité où nature et sérénité sont les maîtres mots. J’ai été une petite fille hyperactive, venant d’une famille où les vacances à lézarder n’existent pas. Toujours occupée, débordée, je vivais à un rythme passionnant mais fou. Peut-être donc que je cherchais avec cette année, un moyen de me ressourcer, un lieu lointain, loin de tout ce qu’on connaît ? Un lieu où la nature rythme à elle seule la vie de ses habitants ?
Ceci était la vision que j’avais de la Finlande avant de m’y rendre. Néanmoins, il se trouve que cette vision globalisante est souvent celle que l’on porte sur les pays Nordiques. Le professeur de littérature et histoire culturelle scandinave Sylvain Briens10, nomme ce phénomène ‘’l’imaginaire du Nord’’ lors du Colloques sur le Boréalisme à la Sorbonne en 2014, et retranscrit dans un cahier d’Etudes Germaniques. Il explique que depuis des siècles, le monde occidental a une idée bien précise du Nord. D’après ses recherches, les éléments cités comme représentatifs du Nord sont : les couleurs blanches, bleu pâles, teintes rosées, tout le registre du froid comprenant la glace, la neige, les valeurs étiques et morales comme la solidarité (en lien avec le climat froid), la jonction avec ‘’l’au-delà’’, le pôle Nord et la fin de l’Europe, la porte vers la nature, l’inconnu, le vide, l’inhabité et l’éloigné. Tel est notre représentation du Nord. Heureusement que quelques mois auparavant, j’avais traversé ce parc et que mon sens de l’orientation ne gèle guère malgré les – 27°C ambiants, © MJ 10 BRIENS Sylvain, professeur de littérature et histoire culturelle scandinave à l’Université Paris IV-Sorbonne, ingénieur en télécommunications et docteur en littérature de la Sorbonne, sa recherche universitaire est fondée sur la double connaissance des sciences et des humanités.
Toutefois, les premiers hommes d’Occident se sont réellement rendus au pôle Nord qu’en 1909, ce qui signifie il y a à peine plus de 100 ans que l’on a une idée plus ou moins exacte et scientifique du pôle Nord. De plus, les pays en dessous du pôle, considérés comme pays Nordiques, n’ont pas eu des situations sociopolitiques leur facilitant les relations avec l’Europe Occidentale ou les pays considérés au Sud. Avec le temps, des études ont été portées sur les populations autochtones, ou la circumpolarité, mais ce sont des sujets précis qui n’englobent pas toute la complexité des territoires du Nord. On retrouve d’ailleurs dans les écrits historiques le Nord qualifié comme un espace et non comme un lieu. Cela met en avant le fait que la méconnaissance de ces lieux n’a fait qu’amplifier l’idée perçue de leurs vacuités et d’une absence de toute humanité possible. Nous avons forgé l’image d’un espace ‘’irréel’’ que l’on pouvait supposer et rêver. Beaucoup d’artistes, poètes et même l’industrie du film ont participé à l’entretien de cette croyance injustement fondée. Nous n’avons aucune idée des aspects culturels et humains de certains lieux nordiques. Il y a de nombreux villages qui vivent avec leurs traditions et propres cultures, comme le montre le film Atanarjuat, la légende de l’homme rapide12, en déconstruisant les codes que nous avons de l’Arctique. Mais il y a également de grandes villes qui se sont développées avec l’histoire et qui sont amenées de plus en plus à ressembler à nos grandes villes Européennes. Les capitales des pays nordiques Copenhague, Helsinki, Oslo, Stockholm et Reykjavik sont remarquables et pour avoir visité quatre de ces cinq capitales, elles ont toutes un aspect ‘’nordique’’ que je ne serais pas encore bien définir, mais elles ont toutes des particularités propres à chacun de leur pays. La Finlande est d’ailleurs le pays nordique le plus différent, elle n’a pas la culture dite scandinave. De même, j’ai arpenté la Finlande de long en large, et compte pas moins de 125 villes13, allant de la plus petite ville Kilpisjärvi au Nord du pays (avec 114 habitants), à sa capitale Helsinki, de 629 512 habitants (recensée en 2017). Autant dire qu’il ne manque pas d’humanité et de culture à découvrir et étudier. Comment vivent alors ces habitants nordiques, quelles sont leurs habitudes avec ce climat froid que nous imaginons si bien, quelle est leur histoire, comment communiquent-t-ils avec le reste du monde ? La partie suivante introduit mes premiers pas sur le sol Finlandais et ma compréhension intuitive qui émerge de mon environnement historique particulier. 11 La circumpolarité est l’étude des pôles. 12 Atanarjuat, la légende de l’homme rapide a été réalisé par Zacharias KUNUK, cinéaste inuit, en 2002. C’est un film de 2h47 qui a été récompensé de la caméra d’or à Cannes 13 D’après le site de géographie mondiale géoprimo.com.
FINLANDE : un lieu parcouru Lorsque je suis arrivée en Finlande, je suis venue accompagnée de ma famille. Nous ne sommes pas arrivés directement dans ma ville de mobilité car le principal aéroport international se situe à Vantaa, à 15km d’Helsinki. Etant donné qu’aucun de nous ne connaissait la Finlande, nous avions planifié deux semaines de road trip à travers tout le pays. En tout, nous avions 16 villes à voir en commençant par la capitale et plus de 3000 km à rouler jusqu’à Tampere. Nous avons entendu du finnois pour la première fois et rie en essayant de prononcer quelques mots basiques de leur langue comme merci ou bonjour.
La Finlande se situe entre le Golfe de Botnie et la mer d’Åland à l’Ouest (suivie de la Suède). Au Nord, elle est bordée par la Laponie Norvégienne, à l’Est, elle se juxtapose avec la Russie, et au Sud, elle est délimitée par la mer Baltique. Le paysage que l’on a rencontré tout au long du road trip était toujours le même. Les 3000 km sans variation de paysage a rendu notre voyage quelque peu lassant. Ce paysage typique est composé de belles routes à deux voies, larges et propres avec des bas côtés dégagés. Les terres sont souvent cultivées si elles ne sont pas recouvertes de denses forêts ou de lacs de toutes tailles. Le Pays aux milles lacs, est d’ailleurs le surnom bien trouvé du pays. Tel était donc le cadre dans lequel nous avons voyagé deux semaines durant.
Ensuite, nous faisions des arrêts de plus ou moins une journée par ville. Et il fut très intéressant de vivre les différences d’une ville à l’autre et de comprendre peu à peu la façon dont vivaient les finlandais en général. Nous avons très vite remarqué la propreté des villes, l’engouement des finlandais pour la nature, l’anglais aussi bien parlé par les citadins de Turku (5ème plus grande ville finlandaise) que les habitants en Laponie, ainsi que la bienveillance de tous les locaux rencontrés. Au premier abord, le contact est froid et distant. Puis après quelques mots échangés et une blague plus ou moins comprise par eux ou par nous, il y a une confiance et un respect d’autrui qui s’instaure. Avec toutes les rencontres que nous avons faites lors de ce road trip, cette expérience s’est renouvelée tant de fois que nous avons alors identifié cette approche comme une attitude typiquement finlandaise : du savoir-être (et un humour différent). Subséquemment, nous avons été fortement marqué par l’omniprésence du soleil en journée comme pendant la nuit. En plein mois d’août, le soleil se levait vers 4h30 du matin et commençait à disparaître vers 22h30. Et étrangement, les finlandais n’ont généralement pas de volets ni de rideaux dans leurs habitats. Cette contrainte solaire est difficile à accepter biologiquement. Rappelons par exemple l’effet que peut avoir le changement d’heure sur notre fatigue ou sur notre moral. C’est inconscient mais on le ressent biologiquement. En outre, cela correspond qu’à une heure de décalage solaire, cela donne donc une idée de l’effet produit lorsque l’on passe d’un ensoleillement ‘’normal’’ en journée pour un français, à cet ensoleillement d’été finlandais de 18h00 par jour. Après ces deux semaines abondantes en découvertes, je me suis installée à Tampere, la deuxième plus grande ville de Finlande se situant à 200km au Nord d’Helsinki. Cette ville est surprenante car elle a tout d’une ville industrielle, et elle est à la fois emprise d’une beauté naturelle car elle est traversée par des rapides et est implantée sur un isthme étroit entre deux grands lacs. Je vivais à 25 minutes du centre-ville, entre lacs et forêts, avec une multitude d’autres étudiants locaux et étrangers. En dix minutes à pied je me rendais à TUT, l’université de technologie de Tampere. J’ai suivi des cours d’architecture en bois, etc. Les semaines sont moins chargées qu’elles le sont en France, ce qui m’a permis de vivre de nombreux moments dans divers lieux finlandais et dans d’autres pays Nordiques. J’ai profité de la belle nature qui m’entourait pour faire de belles balades, je me réveillais la nuit pour aller voire les aurores boréales prédites la veille et je suis même arrivée à trouver un rituel commun à la plupart des finlandais, le fameux sauna hebdomadaire. Cette activité traditionnellement finlandaise leur permet de compenser le manque de chaleur naturelle apporté par le soleil. Apparemment, d’après des rumeurs finlandaises, tout bon finlandais va au moins une fois par semaine au sauna.
La plupart des dimanches, j’allais ainsi au centre-ville de Tampere en bus, puis par un petit sentier qui partait du centre-ville je traversais la forêt en direction Nord-Est de Tampere pour arriver au lac supérieur de la ville. Un sauna traditionnel chauffé au bois s’y tenait et accueillait toujours autant de monde, été comme hiver. Les gens y arrivaient à pied, en ski de fond, en luge, en patin (pour ce qui venaient par le lac), chaudement vêtus, tandis que ceux qui s’y tenaient déjà, étaient en maillot de bain, rouge écarlate, à cause de la différence de température entre le sauna, l’air extérieur et l’eau du lac. Le sauna était un grand bâtiment en bois, il faisait face au lac et à un espace extérieur arrangé de bancs, tables et barbecue. Un long escalier en acier descendait jusque dans le lac car la pratique consiste à faire plusieurs séances de 10 à 20 minutes dans le sauna, d’aller se tremper dans le lac plus ou moins longtemps, de se ‘’re réchauffer’’ à l’extérieur en profitant du cadre exceptionnel puis de renouveler l’expérience. Le paysage se découpait en trois parties, un immense ciel dégagé changeant suivant l’heure et les saisons, une ligne d’horizon marquée par la dense forêt et son propre reflet dans l’eau et un imposant lac fluctuant au printemps et glacé dès l’arrivée de l’hiver. Cet endroit avait d’après moi un aspect magique l’hiver. Le sentier pour y accéder était éclairé de petite lanternes, de la vapeur s’échappée du sauna et des corps chauds de part la différence de température (-10° à l’extérieur, une eau à 2°C et le sauna à 98°) dans ce lieu sombre et froid qui pourtant était tant chaleureux. Je me rappellerai toujours de cette sensation lorsque l’on flotte dans le lac, en sortant du sauna et qu’on a une multitude d’étoiles face à soi, pas un bruit dans cette immensité de nature, et ce petit frisson qui arrive et nous fait sortir de cette eau gelée. Ceci m’aurait paru inconsidérable avant mais cette sensation est tellement apaisante et ressourçante que je ne m’en suis pas passée de l’année. Ainsi, en vivant à leur façon, en pratiquant leurs activités habituelles et en allant à leur contact, j’ai essayé de comprendre les finlandais et leur culture. Pour compléter cette expérience, j’ai regardé des films finlandais, j’ai lu un des romans de l’auteur finlandais le plus lu au monde14, j’ai fait des recherches sur l’histoire de leur nation et les études portées sur leur pays. Il est d’ailleurs rare de trouver des récits sur la Finlande, les recherches historiques sont pour la plupart récentes et les recherches scientifiques portent sur des thèmes précis de la vie des Lapons ou sur des témoignages d’explorateurs du Pôle. Ainsi il m’a semblé intéressant d’écrire, depuis mon point de vue d’étudiante en mobilité, de façon ‘’vulgarisée’’, sur les limites visibles et invisibles qui forment la société finlandaise que j’ai rencontrée lors de cette mobilité.

LIMITES 

Un éclectisme aux frontières de la Finlande Aller vivre sur un autre territoire ne signifie pas uniquement passer une frontière, il y a une grande complexité à laquelle nous sommes confrontés. Le monde d’aujourd’hui est découpé, dans nos esprits et physiquement, par des limites plus ou moins intentionnelles. Nous pouvons voir la fragmentation naturelle des continents ou la découpe des pays par des éléments géographiques comme les chaînes de montagneuses, les mers ou rivières. Mais certaines frontières sont même posées volontairement par l’homme avec des constructions de bâtiments ou emblèmes comme des murailles ou des panneaux, ou encore avec des lignes imaginaires comme l’on peut voir en cartographie. A ces frontières ‘’intentionnelles’’ ou établies, s’ajoutent des limites beaucoup plus floues et sensibles à examiner tout autant influentes. Ce sont les frontières culturelles, avec les usages culturels, des manières de faire, de dire et de sentir. Face aux découpages spatiaux réfléchis, fruits de la géographie, de la politique et de l’histoire, les comportements culturels dessinent quand à eux d’autres cartes bien différentes et toutes autant importantes. Comment les frontières finlandaises se sont-elles construites à travers le temps ? Quelles caractéristiques révèlent-elles sur sa société ? Comment les finlandais les perçoivent et les vivent ? Les thématiques du climat, de la géographie, de l’histoire et du langage sont intéressantes à confronter avec la culture finlandaise pour essayer de la comprendre et faciliter son approche.

LIMITES CLIMATIQUES : une nature qui dicte le quotidien

En Finlande, les interactions sociales sont plus accommodantes lorsque l’on se trouve à l’intérieur, à l’abri dans un lieu couvert. Cela ne signifie en aucun cas qu’il est impossible de communiquer à l’air libre, et bien heureusement car les finlandais aiment être à l’extérieur, proche de leur nature. Mais l’extérieur n’est cependant pas un endroit facilitant les échanges et les connexions sociales suivant la période de l’année. La Finlande a un climat subarctique. Le climat est tempéré au Sud de la Finlande, moyennant à 13°C, et se refroidit et devient sec lorsque l’on monte vers le Nord, moyennant à -2°C. Les saisons sont très marquées les unes par rapport aux autres. L’hiver est la saison la plus longue, avec des températures pouvant descendre jusqu’à – 50°C dans le Nord. Les lacs se gèlent, les forêts sont entièrement recouvertes sous un épais manteau blanc et le sol disparaît sous une réelle couche de neige. Autant dire que cette contrainte climatique demande des adaptations inévitables (transports en commun, bâtiments résistants, équipements, vêtements, organisation quotidienne). En France il m’était courant de sortir en oubliant une écharpe ou mes gants ou simplement pas assez couverte. Aller vivre en Finlande m’a donné le réflexe de toujours regarder dehors pour savoir comment me couvrir. Après avoir oublié mes gants une ou deux fois lors de balade à -10°C, je peux affirmer que cela n’ai jamais arrivé à nouveau de toute l’année. Mes parents ont passé tant d’années à me dire, couvre-toi plus car tu vas attraper froid, n’oublie pas ton bonnet, et il m’a fallu un an en Finlande pour enfin comprendre comment bien me couvrir quand il fait froid. Pour ce qui est de la saison estivale, les 35°C peuvent être atteints dans le Sud de la Finlande. Il faut savoir que les Finlandais sont des amoureux de la nature. Ils sont bloqués pendant la longue saison hivernale, autant moralement, énergiquement que physiquement pour profiter des bienfaits de la nature et du soleil. Ils vivent cette saison comme un long moment pour prendre soin d’eux et vivre très calmement en intérieur; moments en famille, sport d’intérieur, concentration, travail, lecture, jeux de sociétés ou jeux vidéo. Cette vie, en quelque sorte au ‘’ralentie’’, s’accélère alors avec l’arrivée des premiers rayons de soleil. C’est la raison pour laquelle à cette période, souvent aux alentours de la Saint-Jean (au solstice d’été) et jusqu’à fin juillet, il y a de nombreux évènements, et tous, vont se ressourcer en allant passer du temps en forêt et près des lacs. Le soleil est signe de liberté, d’effervescence et de renaissance pour les finlandais. Ils entretiennent une relation intime avec la nature, ils vivent au rythme des saisons. Cependant, le froid n’est pas une adaptation ‘’trop difficile’’ car comme écrit dans le paragraphe précédent, pendant la période froide, la vie se passe principalement à l’intérieur. Les finlandais se rassemblent dans des lieux publics comme les écoles, les bibliothèques, les églises, les cafés, qui offrent des espaces ouverts à tous.
Les églises par exemple ne sont pas uniquement des lieux de cultes, elles sont de réels espaces de sociabilisassions car elles accueillent des associations, des clubs, des événements divers et peuvent même être équipés d’un lieu de restauration. De même les lieux de travail sont souvent constitués d’espaces collectifs, grande cafétéria, salon de détente. Ils sont très bien équipés, bien entretenus et donnent envie d’y passer du temps. D’après la Politique de l’Architecture Finlandaise : ‘’un bon environnement est un droit fondamental en Finlande’’15. La mise à disposition de ces lieux où les gens peuvent se rassembler sur un même espace commun est une tradition culturelle finlandaise profondément enracinée. J’ai été fortement interpellée par l’aisance que les finlandais ont dans les lieux publics ainsi que l’aménagement chaleureux des intérieurs. Par exemple, à l’entrée de l’Université Technologique de Tampere, il y avait de nombreux rangements pour les chaussures. Une fois l’hiver arrivé, tous ses rangements étaient complets, et en regardant les pieds des étudiants, j’ai été surprise de voir que la moitié des étudiants (ce qui correspondait probablement à la moitié d’étudiants locaux de l’université) se déplaçaient en chaussons. Lors de cette même journée, en cours de communication et négociation architecturale, je me suis fait surprendre à rire tout haute en découvrant les chaussettes roses de mon professeur alors vêtu d’un costume très formel avec des pantoufles en cuir. Et cela lui semblait tout à fait normal. Ceci montre que malgré la complexité de l’environnement extérieur, les finlandais ont trouvé un bien-être et des facilités pour vivre au quotidien dans des conditions confortables. Ce que j’ai trouvé au contraire plus difficile à vivre dans les hivers nordiques, en y passant une année et du fait que je vienne d’un pays se situant plus proche de l’équateur, c’est l’absence de lumière. A l’arrivée de l’hiver, vers fin octobre, j’ai appelé cette semaine ma semaine d’hibernation. Durant cette semaine, je me suis trouvée en manque de force, sans appétit, et avec une sensation d’un besoin de repos permanent. Mais suite à ces quelques jours, j’ai immédiatement retrouvé toute mon énergie, j’ai continué à travailler, à faire du sport, à aller en forêt et à profiter de l’hiver finlandais. En mai, la même chose s’est produite, c’était alors la fin de l’hiver. L’arrivée de la lumière m’a fatiguée quelques jours. Et de même, après cette petite période d’adaptation, retour d’énergie immédiat avec la reprise d’activités et le retour d’un moral joyeux. La lumière a été un élément que j’ai constamment eu besoin de sentir, je la cherchais, j’étais à l’affut des moindres rayons, j’admirais les couleurs dans le ciel jusqu’à ne plus en voir.
En décembre dernier, il y a eu environ 30 heures de soleil à Tampere soit à peine une heure de soleil par jour. Le reste du temps le soleil était caché sous l’horizon ou par des nuages à peine visible. Je me faisais souvent la réflexion le soir en partant de l’université, comment va être le ciel ce soir ? Tout était souvent noir avec des étoiles, des nuages ou des flocons, mais au loin à l’horizon il y avait toujours un brin de ciel éclairé par le soleil. Un nuancier de chaleur se dessinait entre les arbres nombreux des forêts. C’était beau. Et a contrario, l’été il y a plusieurs jours où le soleil ne se couche pas, les Finlandais parle du soleil de minuit. C’est une expression qui en dit long sur l’ensoleillement intensif reçu en été. Le contraste entre l’hiver sombre et blanc et l’été clair et coloré est intense. Les paysages finlandais étant plutôt ressemblants avec une systématique alternance entre de la forêt et des lacs, c’est d’après moi ce contraste climatique qui lui donne toute sa splendeur. Chaque jour, si l’on se place à la même fenêtre, la même vue va naître sous une sensibilité différente. C’est étonnant à quel point les couleurs du ciel vont faire ressortir les arbres ou la façon dont les rayons vont se refléter sur les lacs. D’été en hiver, du lever au coucher du soleil, la Finlande danse d’une atmosphère à l’autre en permanence. Ainsi, il est impressionnant de voir la pratique des espaces publics et leurs qualifications qui ne sont pas les mêmes suivant le climat. L’atmosphère aride de l’extérieur avec une population indolente en hiver contraste avec l’effervescence de la nature et la jouissance des hommes avec l’arrivée du soleil. Les finlandais on leur organisme biologiquement réglé de cette façon, ils n’ont pas la même façon de vivre en hiver et en été, pas les mêmes comportements, pas les mêmes activités et pas les mêmes quotidiens. Leur calme en hiver fait ressortir leur caractère plutôt solitaire et introverti. A contrario, l’été met en avant leur goût pour les choses simples telles la nature et passer des moments saints dans des cadres ressourçants. Le climat a donc un réel impact dans la compréhension des comportements sociaux et culturels finlandais. Pour encore mieux les comprendre, les aspects géographiques sont également révélateurs. La partie suivante va relater de la ressource naturelle principale du territoire finlandais et de frontières territoriales politiques et virtuelles.

LIMITES GÉOGRAPHIQUES

Un territoire qui influence sa société les limites géographiques de la Finlande sont à la source de toute son histoire. A l’intérieur du pays, il y a peu de barrières naturelles, le pays est principalement plat et vallonné. L’altitude maximale se situe dans le Nord de la Finlande, à la faible hauteur de 1317,1 m. Bien que le pays soit parsemé de plus de 187 800 lacs et plus de 179 500 îles, l’ensemble des lacs gèlent l’hiver et lacs et îles se confondent pour former un grand territoire unifié. Au niveau de ses frontières périphériques, la Finlande compte aujourd’hui plus de 1 100 km de littoral qui font face à la Suède et plus de 2 600 km de frontière qu’elle partage avec la Suède, la Norvège et principalement la Russie. Ces limites n’ont pas toujours été les mêmes et notamment la limite Nord-Est avec la Russie, qui a souvent été remise en jeu par l’histoire. Ensuite, la position de la Finlande à la marge de l’Europe alliée à sa faible densité, ne favoriseront guère plus son insertion et sa connaissance du monde Européanisé. On compte 5,5 millions d’habitants pour une superficie de 338 145 km2 contre par exemple, 66,9 millions en France pour une superficie de 643 801 km2. Soit pour deux fois moins de superficie une population 12 fois moins nombreuse. Ce pays est très vaste pour la densité de population qui l’habite. La gestion du territoire, des richesses et du savoir sont donc dans un sens plus facile à gérer avec cette petite densité mais ont inévitablement un impact mondial moindre. Pour illustrer cela, il y a 30 ans, la population finlandaise représentait 0,2% de la population globale, sa production internationale représentait 0,3% et son commerce extérieur 0,8% du commerce total. La Finlande avait une ‘’petite place’’ dans le monde, mais aujourd’hui en gérant correctement son territoire et ses frontières, elle est amenée de plus en plus à s’ouvrir sur l’extérieur.

BOIS : une histoire Finlandaise familière

Le territoire finlandais a toujours jouit d’une ressource naturelle essentielle, il s’agit de ses forêts. La sylviculture s’est développée grâce aux transferts d’expertises provenant des pays européens nordiques, comme l’Allemagne, la Russie et la Suède. C’est l’une des plus grandes ressources forestières Européennes avec ses 71,6% de son territoire recouvert. Bien qu’elle soit enclavée entre ses voisins, la Finlande est parvenue au cours de l’histoire à trouver un équilibre entre l’usage intensif et industriel de ses forêts et leur conservation16. Des instituts et organisations se sont mis en place pour aider à gérer les terres de l’Etat et superviser les forêts des particuliers. Ils ont aidé à faire prendre conscience aux propriétaires privés et à l’Etat du danger représenté par l’abattage intensif et que cette exploitation forestière pourrait entraîner l’épuisement complet des ressources forestières et donc d’importants dégâts pour cette industrie. Par exemple il y a eu la création de l’Institut pour la Gestion Forestière en 1859 et l’Association Finlandaise de Sylviculture fondée en 1907 qui ont fait évoluer intelligemment l’exploitation forestière. De nombreuses mesures ont donc été prises au fur et à mesure pour améliorer la consommation importante et le secteur social de la sylviculture, et aujourd’hui la Finlande est fière de cette ressource. Le domaine de la sylviculture représente 22% des emplois finlandais, cela n’est qu’un argument supplémentaire qui prouve qu’ils ne peuvent vivre sans cette ressource naturelle qui leur est chère.
‘’Entre les Finlandais, leurs forêts et leurs lacs s’est tissée depuis la nuit des temps une profonde histoire d’amour. Si ce peuple ne compte pas parmi de grands voyageurs, c’est qu’il n’est pas pour eux d’endroit plus divin, relaxant et joyeux que leur pays’’, tel est le début de la description de la société Finlandaise dans le Lonely Planet de la Finlande. Le bois est pour les finlandais une matière familière, locale, omniprésente et chaleureuse. Ils apprécient les bienfaits du bois dans la construction, la chaleur des intérieurs et l’esthétique humble du matériau. En outre, quasiment toutes les familles finlandaises possèdent un second habitat connu sous le nom de mökki, qui se définit comme étant un habitat secondaire, de repos, en bois, situé en pleine forêt ou près d’un lac. C’est dans ces petits chalets simples, parfois sans électricité et sans eau, que les finlandais vont renouer avec la nature. Les symboles de ses moments sont tous liés au bois ; les mökkis sont construits en bois, les saunas sont faits de bois et fonctionnent au bois, les feux de camps en pleine forêts, les cheminées, etc. Les week-end, pendant les vacances et surtout lorsque les beaux jours arrivent, les finlandais partent s’isoler dans ces lieux qui leurs sont chers. Les finlandais ont su garder cette ressource comme un atout économique, social et culturel. Ils en ont également créé une force de caractère. Les Finlandais avaient l’habitude de dire pendant les périodes difficiles ‘’Le bois nous sortira de la crise’’, et cet espoir, cet amour pour le bois est toujours présent dans la mentalité finlandaise actuelle. Cet attrait pour le bois m’a rapprochée de mes racines. Depuis trois générations, nous faisons vivre une entreprise de construction bois. Mon arrière grand-père, mon grand-père, mon oncle, mon père et depuis peu mon frère travaillent tous dans le bois. Mon arrière grand-père a commencé en coupant le bois de construction aux vieilles lunes et le stockant l’hiver avant la Première Guerre Mondiale. Il prévoyait l’abattage à faire suivant la demande des paysans et une fois le bois prêt et l’intersaison arrivée, il découpait alors des charpentes, des menuiseries, des escaliers ou des échelles de meunier, et les ramenait chez les paysans où il avait scié le bois. Il était en itinérance. Mon grand-père a alors continué cette activité et est devenu menuisier. Il s’est donc construit un atelier qui au fur et à mesure à pris de l’ampleur. Dans les années 60, y a eu d’autres ateliers, de plus en plus d’espace de stockage, des équipements techniques, une dizaine d’ouvriers, puis des bureaux pour gérer l’activité grandissante. Puis en 1981, mon père reprit l’entreprise en ajoutant un atelier de charpente et en modernisant les équipements ce qui fit passer l’entreprise à une cinquantaine d’employés. Aujourd’hui, mon grand-père travaille encore à l’entreprise malgré ses 78 ans, il s’occupe de la récupération des sciures pour les transformer en granulés bois de chauffage. De même mon frère, qui termine son BTS en construction bois, travaille à l’entreprise sur des machines de découpes et des logiciels bien loin de la façon dont notre arrière grand-père concevait ses propres charpentes.
L’évolution dans le domaine du bâtiment est impressionnante. En avril dernier, je suis allée voir une conférence sur Construire Demain lors d’une des rencontres régionales de la Fédération Française du Bâtiment 2018 où le président national Jacques Chanut a parlé d’un déplacement du savoir-faire et des métiers du domaine du bâtiment et non d’une disparition de la filière. Le bois est un élément familial autour duquel nous avons construit notre vie. Tel est donc le monde dans lequel j’ai grandi et où je suis encore. Même si je suis des études d’architecture, je suis toujours autant attirée par le monde artisanal du bâtiment et le contact avec la matière. L’odeur du bois est une des odeurs les plus présentes de mon enfance. C’est d’ailleurs par cette porte que je suis arrivée dans l’architecture. Etre dans le ‘’pays du bois’’ était une destination logique et en quelque sorte familiale. Je me rappelle avoir envoyé des photographies de la plus ancienne ville réalisée entièrement en bois qui les avait impressionnés. Rauma, situé au Sud-Ouest de la Finlande, compte plus de 600 maisons en bois datant du XIIIème siècle. Ces bâtisses sont confortables, entretenues et résistantes au temps, c’est un bel exemple de la durabilité et du bienfait du bois dirait mon père. J’ai également partagé des photographies d’églises entièrement construites en bois qui m’avaient beaucoup impressionnée. L’église de la commune de Viiki réalisée en 2005 par l’agence JKMM17 a été la plus marquante et symbolique des églises que j’ai pu voir. Des techniques ancestrales alliées à des techniques plus contemporaines qui donnent une église atypique, belle et confortable en utilisation. Les photographies que j’envoyais accompagnées de leurs histoires étonnaient beaucoup ma famille. Il semblait improbable qu’à la marge de l’Europe il puisse y avoir de beaux et modernes bâtiments comme il pourrait y avoir en Europe centrale. Pourtant la Finlande fait belle et bien partie de l’Europe.

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Table des matières

INTRODUCTION : un récit de partage
I – MOBILITÉ : des mouvements permanents entre l’esprit et le corps
I – 1. ÉDUCATION : un apprentissage profond
I – 2. INTUITION: un idéal recherché
I – 3. FINLANDE : un lieu parcouru
II – LIMITES : un éclectisme aux frontières de la Finlande
II – 1. LIMITES CLIMATIQUES : une nature qui dicte le quotidien
II – 2. LIMITES GÉOGRAPHIQUES: un territoire qui influence sa société
II – 2. A. BOIS : une histoire Finlandaise familière
II – 2. B. EUROPE : une européanisation limitée
II – 2. C. TIC : une connectivité contre toutes frontières
II – 3. LIMITES HISTORIQUES : un passé qui marque des générations
II – 3. A. SOUMISSION : une période de dépendance totale
II – 3. B. AFFRANCHISSEMENT: une nation finalement accordée
II – 3. C. CONSTRUCTION: un caractère fortement révélateur
II – 4. LIMITES LINGUISTIQUES : un langage qui demande à être compris
III – IDENTITÉ: des élargissements constants entre l’être et le Monde
III – 1. INTROSPECTION INTIME: une identification par le mélange et la perte
III – 2. MARGE CULTURELLE: une identification partielle
CONCLUSION : un partage de pensées
BIBLIOGRAPHIE THÉMATIQUE
MOBILITÉ
LIMITES
IDENTITÉ
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES MATIÈRES
NOTES

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