Types de risques et adaptation individuelle 

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Relations entre les concepts à l’échelle d’une population et à l’échelle d’un foyer

Le risque d’inondation et les concepts qui caractérisent sa relation avec un système social peuvent être analysés à différentes échelles. En effet, les inondations touchent des zones géographiques définies et concernent donc des populations entières. Mais comme ces populations sont généralement composées de foyers et d’individus hétérogènes, tous ces éléments n’entretiendront pas forcément la même relation avec le risque.
Ainsi, l’exposition aux inondations varie d’un foyer à l’autre au sein d’une même population exposée à ces risques. En effet, les conséquences d’une inondation pour un foyer dépendent en grande partie de l’emplacement et des caractéristiques de son loge-ment. Par exemple, une maison surélevée ou un appartement situé au deuxième étage d’un immeuble peuvent ne pas être inondés alors que les habitations voisines le sont. Soulignons cependant que les inondations affectent généralement de nombreuses per-sonnes d’une même zone géographique, qui sont plus ou moins interdépendantes. Ce faisant, elles peuvent également perturber des foyers qui n’ont pas été inondés. Plus ces foyers dépendent d’autres dont les habitations ou les lieux d’activités ont été inondés, plus ils sont susceptibles d’être à leur tour affectés par les inondations. Or, malgré le dé-veloppement des moyens de communication, il semble que les individus tissent toujours plus de liens avec les personnes qui habitent près de chez eux qu’avec les individus plus éloignés géographiquement, comme le suggère l’étude d’Onnela et al. (2011). Il paraît donc raisonnable de faire l’hypothèse que tous les foyers et tous les individus qui ha-bitent dans une zone inondable sont exposés aux inondations, même si leur habitation en elle-même ne l’est pas. Plus précisément, tous les habitants d’une zone inondable sont soumis à un risque de même probabilité d’occurrence, mais pas de même intensité.
En revanche, la capacité de réponse, la sensibilité, et l’adaptation peuvent diverger plus profondément suivant les différentes échelles. Cela provient du fait que l’exposi-tion dépend essentiellement de la localisation des populations tandis que la capacité de réponse, la sensibilité, et l’adaptation décrivent la façon dont les systèmes sociaux sont affectés par les inondations et y réagissent. De plus, comme l’adaptation aux inonda-tions résulte d’actions prises de manière consciente, elle découle souvent de processus distincts aux différentes échelles. Ainsi, une population peut avoir une capacité de ré-ponse et un niveau d’adaptation aux inondations très élevés (et donc une sensibilité très faible) alors même que certains foyers qui la composent ne sont pas adaptés du tout et ne sont pas en mesure d’atténuer les dommages en cas d’inondation par eux-mêmes. Par exemple, une commune peut avoir construit une digue pour protéger les populations et disposer de services de secours très réactifs en cas d’inondation, mais être composée de foyers qui ne sont pas adaptés à ces risques et ne savent pas comment y réagir. A l’échelle inférieure, l’hypothèse selon laquelle l’adaptation, la capacité de réponse, et la sensibilité au sein d’un même foyer sont assez homogènes semble raisonnable dans la mesure où les personnes qui le composent entretiennent en général des liens forts et sont donc susceptibles à la fois de partager des connaissances communes sur la manière dont elles peuvent faire face aux inondations et de se mettre d’accord sur les actions à entreprendre dans ce contexte.
Quant à la vulnérabilité, comme elle résulte à la fois de la sensibilité, de la capacité de réponse, et de l’adaptation, elle peut également diverger selon l’échelle d’analyse.
Résumé de la section
Dans cette section, nous avons défini les relations entre le risque, l’exposition, la vulnérabilité, la sensibilité, la capacité de réponse, et l’adaptation. Ces relations sont schématisées dans la figure 1.1. Nous avons vu que les différents concepts qui relient le risque et les systèmes sociaux peuvent diverger selon qu’on les analyse à l’échelle d’une population ou d’un foyer.

La place de l’adaptation individuelle parmi les différentes stratégies d’adaptation face aux inondations

Dans la section précédente, nous avons vu comment l’adaptation s’inscrit parmi d’autres concepts pour caractériser l’interaction entre un système social et un risque d’inondation. Nous avons également défini l’adaptation aux inondations comme le po-tentiel d’un système social à faire face à un risque d’inondation consciemment et avons souligné que ce concept résulte de processus distincts à l’échelle d’une population et à l’échelle d’un foyer.
Le fait de considérer l’adaptation comme un potentiel rend son observation directe difficile pour deux raisons principales. Premièrement, l’adaptation ne s’exprime dans ce cas que lorsque le risque se réalise. Deuxièmement, pour mesurer le degré d’adaptation, il faudrait pouvoir comparer les dommages réellement causés par le risque avec les dom-mages qui auraient été observés en l’absence de toute adaptation, comparer la fréquence observée du risque avec sa probabilité d’occurrence en l’absence d’adaptation, et com-parer la durée de la phase de réparation en présence et en absence d’adaptation. Or, dans cette thèse, nous avons choisi d’utiliser principalement des méthodes empiriques pour étudier l’adaptation aux inondations. Nous avons donc dû trouver des indicateurs de ce concept pour pouvoir l’évaluer. Pour ce faire, nous nous sommes appuyés sur le fait que l’adaptation résulte d’un processus. En effet, comme les actions entreprises et les comportements adoptés pour faire face au risque participent à la construction de l’adap-tation, nous les avons choisis comme indicateurs de ce concept. Nous qualifierons les actions effectuées et les comportements adoptés pour faire face au risque de moyens d’adaptation.
Dans cette section, nous cadrerons donc plus précisément notre sujet d’étude en nous intéressant aux différents moyens d’adaptation aux inondations. Cela nous per-mettra notamment de distinguer l’adaptation individuelle de l’adaptation collective et d’examiner leurs relations.
Les différents moyens d’adaptation appartiennent à différentes stratégies. Ici, nous définissons une stratégie comme un ensemble d’actions mises en œuvre ou de com-portements adoptés dans l’objectif de faire face aux inondations et qui révèlent l’adop-tion d’une même posture ou d’un même ensemble de postures. D’après Birkland et al. (2003), il existe cinq stratégies principales pour faire face aux inondations. Première-ment, les populations ou les individus peuvent choisir de réduire complètement à la fois les dommages potentiels et la probabilité d’occurrence des inondations en évitant de s’installer en zone inondable. La deuxième stratégie consiste à mettre en place des mesures pour limiter a priori les dommages potentiels en cas d’inondation tandis que la troisième consiste à réduire la probabilité d’occurrence de ce risque. Les populations peuvent également mettre en place des systèmes d’assurance pour prendre en charge les conséquences des inondations et éventuellement réduire les dommages a posteriori. Enfin, des programmes d’aide peuvent soutenir les victimes des inondations. Les stra-tégies d’évitement, de limitation a priori des dommages potentiels, et de réduction des probabilités d’inondation relèvent de la prévention. Au contraire, les assurances et les programmes d’aide permettent d’indemniser et de soutenir les victimes d’inondations après les catastrophes et seront donc qualifiés de stratégies de réparation. 5
Dans la section 1.2.1, les différentes stratégies de prévention et leurs liens avec l’adaptation individuelle aux inondations seront présentés. Puis, dans la section 1.2.2, nous décrirons les systèmes d’assurance et les programmes d’aide aux victimes des inondations et analyserons leurs liens avec l’adaptation individuelle et les moyens de prévention.

Prévenir les inondations

Les différentes stratégies de prévention peuvent relever des collectivités. Dans ce cas, ce sont des autorités publiques qui décident de leur mise en œuvre. Parallèlement, les individus et les entreprises privées peuvent également choisir de se protéger et de mettre leurs biens en sécurité par eux-mêmes en adoptant des stratégies de prévention individuelles. 6 Les stratégies de prévention se déclinent donc sous différentes formes en fonction de l’échelle à laquelle elles sont mises en œuvre.
Nous commencerons par présenter ces différentes stratégies dans la section 1.2.1.1. Puis, nous comparerons leurs avantages et leurs inconvénients dans la section 1.2.1.2. Enfin, nous décrirons les liens entre la prévention individuelle et la prévention collective dans la section 1.2.1.3.

Les stratégies de prévention et leur mise en œuvre à l’échelle collective et à l’échelle individuelle

A l’échelle collective, la stratégie d’évitement prend la forme de politiques d’oc-cupation des sols qui visent à limiter les constructions en zone inondable. Ces poli-tiques peuvent soit interdire l’implantation en zone inondable, soit imposer ou favoriser la délocalisation d’habitations ou d’activités hors zone inondable. Les interdictions de construction et les délocalisations peuvent notamment permettre la préservation ou la restauration de champs d’expansion des crues, c’est-à-dire de secteurs peu urbanisés et dont la capacité de rétention est élevée. A l’échelle individuelle, la stratégie d’évitement des inondations consiste simplement à ne pas s’installer en zone inondable, ou à démé-nager pour se mettre à l’abri du risque. Étant donné que ce choix revient à réduire ou supprimer la probabilité d’être touché par une inondation, il relève de l’auto-protection (Ehrlich et Becker, 1972; Carson et al., 2013).
Pour limiter les dommages, les pouvoirs publics peuvent mettre en place des sys-tèmes d’alerte pour prévenir les populations en cas d’inondation et prévoir des plans d’urgence à mettre en œuvre dans ces situations (Kousky, 2012; Merz et al., 2010; Montz et Gruntfest, 2002). Quant aux individus, ils peuvent mettre en place des me-sures de prévention dans leur logement ou adopter des comportements appropriés en cas d’alerte inondation. Les pompes et les batardeaux sont des exemples de mesures individuelles de prévention tandis que le fait de déplacer ses biens en hauteur en cas d’inondation est un exemple de comportement pouvant limiter les dommages. Comme les mesures de prévention et les comportements appropriés visent à réduire la sévérité des conséquences des inondations, ils s’inscrivent dans une démarche d’auto-assurance (Ehrlich et Becker, 1972; Carson et al., 2013).
La stratégie de réduction de la probabilité des inondations est essentiellement mise en œuvre au niveau collectif. En effet, comme elle implique de modifier le régime hy-drologique d’un cours d’eau, elle influence généralement l’exposition au risque de plus d’un foyer. Elle consiste en général à mettre en place des aménagements structurels de grande ampleur, tels que des digues, des barrages, ou des canaux de dérivation (Birkland et al., 2003).
Ainsi, parmi les trois stratégies de prévention, deux se déclinent au niveau indivi-duel : la stratégie d’évitement et la stratégie de limitation des dommages. A cette échelle, la stratégie d’évitement consiste à décider de ne pas s’installer en zone inondable ou à déménager hors zone inondable tandis que la stratégie de limitation des dommages consiste à mettre en place des mesures de prévention ou à adopter des comportements appropriés dans le but de limiter les dommages en cas d’inondation. Nous considé-rons la mise en œuvre à l’échelle individuelle de ces stratégies comme un indicateur de l’adaptation individuelle aux inondations dans la mesure où elle peut révéler l’intention d’un individu de faire face à un risque d’inondation. En d’autres termes, nous faisons l’hypothèse que le fait qu’un individu décide de s’installer hors zone inondable pour se soustraire au risque d’inondation, qu’il mette en place des mesures de prévention, ou qu’il adopte des comportements appropriés en cas d’inondation révèle un potentiel significatif à faire face à ce risque consciemment.

Comparaison des différentes stratégies

La stratégie d’évitement est la solution la plus radicale pour ne pas subir de dom-mages du fait des inondations puisqu’elle soustrait les individus ou les activités à ces risques. En plus de ses bénéfices concernant la sécurité des biens et des personnes, la stratégie d’évitement permet de maintenir ou de restaurer des champs d’expansion des crues. Ces champs d’expansion sont nécessaires au bon fonctionnement de cer-tains écosystèmes aquatiques et réduisent la vitesse et la puissance des crues (Ledoux, 2006). Cependant, il est souvent difficile d’éviter complètement l’implantation des acti-vités humaines en zones inondables, notamment parce que ces dernières offrent souvent des aménités et des infrastructures qui attirent les populations (Kousky, 2012). De plus, dans le contexte de changement climatique, certaines zones non inondables actuellement pourraient le devenir. De ce fait, il reste pertinent d’utiliser les autres stratégies d’adap-tation pour protéger les populations déjà installées en zone inondable. Soulignons que l’analyse coûts-bénéfices de la stratégie d’évitement nécessite d’évaluer les coûts d’op-portunité de l’installation d’habitants et d’activités hors des zones inondables et que ces données sont difficilement accessibles.
En ce qui concerne la stratégie de limitation des dommages, l’efficacité des plans d’urgence et des systèmes d’alerte dépend fortement de la réactivité des populations et des autorités qui sont responsables de les mettre en œuvre. A l’échelle individuelle, plusieurs études suggèrent que les mesures de prévention peuvent être efficaces pour réduire les dommages en cas d’inondation. Par exemple, selon Poussin et al. (2015), le fait d’élever sa chaudière coûte 1 200 euros en moyenne et pourrait permettre aux personnes habitant en zone inondable d’éviter entre 4 000 et 190 000 euros de dom-mages concernant le bâti sur toute la durée de vie de cette mesure. De plus, Kreibich et al. (2005) évaluent la réduction du rapport entre les dommages aux biens contenus dans les logements et la valeur de ces biens à 48% pour les foyers qui avaient aménagé leur habitation en fonction du risque lors des inondations de l’Elbe en 2002. Cependant, comme le suggèrent Poussin et al. (2015), l’efficacité et le coût des mesures indivi-duelles de prévention varient beaucoup selon la mesure considérée et le type de risque auquel le foyer est exposé. Par exemple, selon leurs estimations, le fait de placer les installations électriques en hauteur est rentable si l’habitation est exposée à des inonda-tions fréquentes, mais pas si elle est exposée à des inondations qui ont une période de retour supérieure ou égale à 50 ans. Notons cependant que ces estimations ne prennent en compte que des dommages concernant des biens matériels. Un avantage des mesures de prévention et des comportements appropriés réside dans le fait que leur impact sur l’environnement est en général limité étant donné qu’ils sont très localisés. Enfin, le fait que les individus prennent en charge leur protection pourrait aider à maintenir une conscience du risque dans les zones exposées aux inondations, et donc une vigilance et une réactivité élevées de la part des populations par rapport à ces risques.
La stratégie de réduction des probabilités d’occurrence des inondations reste sou-vent privilégiée pour faire face à ces risques. Cela peut s’expliquer par sa rentabilité économique. En effet, comme cette stratégie est mise en œuvre à l’échelle collective et ne dépend pas, en principe, des comportements humains, il est plus aisé d’effectuer des analyses coût-bénéfice en amont pour sélectionner les aménagements structurels les plus rentables. Par exemple, Jonkman et al. (2004) estiment que les dommages évités par l’amélioration d’une digue aux Pays-Bas peuvent atteindre plus de 4 milliards d’euros alors que son coût s’élève à 375 millions d’euros. Là encore, notons que ces estimations ne prennent pas en compte les éventuels dommages non-monétaires cau-sés par l’amélioration de la digue, ou évités par cet aménagement. De plus, même si les aménagements visant à modifier les régimes hydrologiques des cours d’eau sont souvent efficaces pour éviter des crues moyennes, ils présentent de nombreux incon-vénients (Birkland et al., 2003; Merz et al., 2010; Werritty, 2006). Les aménagements structurels peuvent notamment générer deux types d’externalités négatives. Première-ment, en contraignant les cours d’eau afin de limiter leurs débordements, ils peuvent aussi endommager les écosystèmes et ainsi réduire les services apportés par ces der-niers aux sociétés humaines. Ainsi, certaines espèces animales et végétales qui ont évo-lué dans des milieux aquatiques sujets aux inondations sont mal adaptées aux écoule-ments artificiellement contrôlés par ces mesures. En effet, ces dernières modifient les habitats en les fragmentant, mais aussi en induisant des changements dans les trans-ferts de sédiments et dans les régimes d’écoulement des cours d’eau. Ces modifications d’habitats mettent en péril les espèces indigènes et favorisent leur remplacement par des espèces envahissantes mieux adaptées, bouleversant ainsi le fonctionnement des écosys-tèmes aquatiques. Deuxièmement, les aménagements structurels peuvent augmenter les risques d’inondation pour les populations en aval de leur emplacement : en empêchant le débordement des cours d’eau à leur niveau, ils peuvent augmenter la pulsation des crues et la vitesse de l’eau en aval. Les aménagements structurels peuvent aussi procurer un faux sentiment de sécurité aux populations alors que la protection qu’ils apportent n’est jamais absolue. En conséquence, la conscience du risque des habitants peut diminuer, entrainant un amoindrissement de leur vigilance et de leur préparation aux inondations, et donc une augmentation potentielle des dégâts lorsqu’il se produit une inondation que les aménagements structurels ne peuvent pas stopper. En outre, ce faux ce sentiment de sécurité peut favoriser le développement dans les zones partiellement protégées par des aménagements structurels et ainsi augmenter le nombre d’enjeux exposés à un risque d’inondation.

Interactions entre la prévention individuelle et la prévention collective

Nous allons voir à présent comment les moyens individuels d’adaptation interagissent avec la prévention collective. Nous exposerons d’abord leurs relations au sein de la stratégie d’évitement et de la stratégie de limitation des dommages. Puis, nous nous concentrerons sur les liens entre la stratégie de limitation des dommages mise en œuvre à l’échelle individuelle et les aménagements structurels.
L’échelle individuelle et l’échelle collective peuvent se substituer efficacement en ce qui concerne la stratégie d’évitement. En effet, lorsque les autorités publiques n’in-terdisent pas la construction dans certaines zones inondables, le choix des individus de ne pas s’y installer peut pallier ce manque de règlementation.
En ce qui concerne la stratégie de limitation des dommages, ses applications à l’échelle collective et à l’échelle individuelle se complètent de deux manières. Premiè-rement, les systèmes d’alerte mis en place au niveau collectif ne sont efficaces que si les individus y réagissent en adoptant des comportements appropriés ou en utilisant les mesures de prévention dont ils disposent (Montz et Gruntfest, 2002). Deuxièmement, les autorités publiques peuvent elles-mêmes inciter les individus à mettre en place des mesures de prévention et à adopter des comportements appropriés, soit en leur apportant une aide financière, soit à travers des campagnes d’information (Kousky, 2012). Étant donné les externalités négatives générées par les aménagements structurels, les mesures individuelles de prévention apparaissent comme des alternatives intéres-santes du fait de leur efficacité potentielle pour limiter les dommages (Poussin et al., 2015; Kreibich et al., 2005) et de leur impact plus faible sur l’environnement. De plus, le fait qu’un foyer dispose de ce type de mesures n’influence pas en général l’exposition aux inondations des habitations du voisinage. Enfin, favoriser l’apprentissage de com-portements appropriés en complément des aménagements structurels existants pourrait favoriser le maintien d’une certaine conscience du risque.
Finalement, comme les risques d’inondation, en général, ne touchent pas des indivi-dus isolés mais des populations entières, il semble cohérent que leur gestion s’organise au niveau collectif. Cependant, la prévention individuelle pourrait efficacement complé-ter les mesures collectives pour réduire encore plus les dommages liés aux inondations, notamment en permettant aux individus de savoir comment réagir en cas d’alerte et en entretenant une certaine conscience des risques au sein des populations. La préven-tion individuelle peut également se substituer aux mesures collectives, par exemple en palliant le manque de mesures réglementaires concernant l’urbanisation des zones sou-mises à des risques d’inondation et en limitant les besoins en aménagements structurels néfastes pour l’environnement.
Néanmoins, même si la combinaison de stratégies collectives et individuelles semble souhaitable pour limiter au maximum les risques d’inondation, en pratique, les actions aux deux échelles sont susceptibles d’entrer en compétition. Ainsi, d’après Grothmann et Reusswig (2006), les individus qui ont confiance en la gestion collective des inonda-tions seraient moins enclins à se protéger contre ces risques par eux-mêmes.

Réparer après une inondation

Différentes stratégies de prévention des inondations ont été présentées dans la sec-tion 1.2.1. Nous avons également distingué la prévention collective de la prévention individuelle et assimilé cette dernière à un indicateur de l’adaptation individuelle aux inondations. Un autre moyen de faire face aux inondations consiste à indemniser et sou-tenir les populations après une inondation, soit via des programmes d’aide aux victimes, soit par le biais de systèmes d’assurance. Dans la section 1.2.2.1, nous présenterons ces deux stratégies et préciserons la mesure dans laquelle elles relèvent de l’adaptation in-dividuelle ou collective. Dans la section 1.2.2.2, nous verrons comment les assurances contre les inondations et les programmes d’aide post-catastrophe interagissent avec les mesures de prévention.

Programmes d’aide et assurances : mise en œuvre et lien avec l’adaptation individuelle

Les programmes d’aide post-catastrophe peuvent être proposés par différentes enti-tés, comme des Etats, des organisations non-gouvernementales, ou des associations par exemple. Ces programmes apportent un soutien financier ou logistique aux populations immédiatement après des inondations ou d’autres catastrophes, ou pendant la phase de reconstruction (Kovács et Spens, 2007). Ces systèmes permettent donc de réduire les conséquences des risques et d’accélérer la phase de réparation des dommages au niveau individuel. En revanche, comme ce ne sont pas les individus touchés par une inonda-tion qui décident s’ils pourront bénéficier de ce type de programmes, ces derniers ne seront pas considérés dans cette thèse comme des moyens d’adaptation au niveau indi-viduel. A l’échelle globale, les soutiens financiers étant des transferts d’argent, les pro-grammes d’aide post-catastrophes ne diminuent pas les conséquences des inondations. Par contre, ils permettent aussi d’accélérer la phase de réparation des dommages à cette échelle. Nous les considèrerons donc comme des moyens d’adaptation aux inondations à l’échelle globale mais pas au niveau individuel.
Les assurances apportent également un soutien financier aux individus après une catastrophe et permettent donc de faciliter la prise en charge des dommages. Cepen-dant, leur fonctionnement diffère des programmes d’aide post-catastrophe. En effet, ce sont des moyens de redistribuer l’incertitude liée à un risque et de partager le mon-tant des pertes. En d’autres termes, les assurances proposent aux individus de supporter l’incertitude à leur place en échange de montants certains. Elles utilisent ensuite ces sommes pour indemniser leurs assurés en cas de sinistre. En conséquence, à l’échelle individuelle, elles consistent à transférer l’incertitude vers des entités qui peuvent mieux la prendre en charge et à diminuer le montant maximum des pertes en partageant ces dernières entre tous les assurés. A l’échelle globale, les assurances peuvent également évaluer, voire diminuer l’incertitude liée aux risques : d’une part, les compagnies qui les proposent disposent souvent de moyens plus développés que les individus pour estimer les probabilités des risques et donc évaluer l’incertitude ; d’autre part, en vertu de la loi des grands nombres, si elles arrivent à estimer correctement la probabilité d’un risque, elles sont capables de prédire à peu près le nombre de leurs assurés qui seront touchés par ce risque dans un laps de temps donné et combien elles devront débourser pour les indemniser. Dans ce cas, l’incertitude concernant le montant des dommages à l’échelle de tous les assurés est réduite (Vaughan et Vaughan, 2007).
Appliqués aux inondations, les systèmes d’assurance doivent tenir compte de plu-sieurs caractéristiques de ce type de risques. En premier lieu, comme les inondations peuvent causer des dégâts considérables à des populations entières et dans un laps de temps très réduit, les compagnies d’assurance doivent s’assurer qu’elles disposent d’une capacité de financement suffisante pour indemniser un grand nombre de personnes sur une courte période. De plus, les inondations de forte intensité ont en général des pro-babilités d’occurrence assez faibles. De ce fait, les risques de sélection adverse sont importants, c’est-à-dire que seuls les gens très exposés peuvent se sentir suffisamment concernés pour investir dans une assurance contre les inondations. La sélection adverse augmenterait le rapport entre le montant des dommages potentiels supportés par les compagnies d’assurances et les primes qu’elles touchent, mettant ainsi en péril leur capacité à indemniser leurs assurés. Pour limiter ce phénomène et toucher le plus de personnes possible, ces compagnies doivent donc maintenir leurs prix à des niveaux at-tractifs (Consorcio de Compensacion de seguros, 2008). Les lecteurs intéressés par plus de détails concernant la couverture des risques catastrophiques par les assurances et les problèmes de sélection adverse pourront consulter l’ouvrage de Dionne (2013).
Les caractéristiques des inondations rendent ces risques difficilement assurables. D’ailleurs, les compagnies d’assurance privées ont longtemps évité de les couvrir (Vau-ghan et Vaughan, 2007). Pourtant, étant donné l’étendue des dommages que les inonda-tions peuvent causer, différents systèmes d’assurance ont été conçus afin d’indemniser les victimes de ce type de catastrophes. Un rapport du Consorcio de Compensacion de seguros (2008) dresse un état des lieux des systèmes existants en 2008 dans 21 pays différents pour assurer les populations contre les inondations et souligne leur hétérogé-néité. Notamment, le marché des assurances contre les inondations peut être exclusi-vement privé, être un monopole du secteur public, ou bien les secteurs privé et public peuvent coexister. La couverture est en générale volontaire lorsque seules des assurances privées sont proposées et obligatoire lorsque les assurances sont publiques. Pour tenir compte du potentiel catastrophique des inondations, certaines assurances prévoient une limite maximale des dommages indemnisés. Ces assurances sont en général proposées par des compagnies privées. Dans les pays où seules des compagnies privées proposent des assurances contre les inondations, celles-ci sont en général coûteuses et ont un faible taux de pénétration. Cette observation corrobore l’hypothèse selon laquelle le risque de sélection adverse est élevé dans les marchés des assurances contre les inondations.
La manière dont les assurances contribuent au niveau d’adaptation dépend de l’échelle considérée. D’une part, les assurances constituent des indicateurs du niveau d’adapta-tion à l’échelle individuelle dans la mesure où elles permettent de transférer l’incertitude concernant le montant des dommages, de réduire les dommages maximaux auxquels est exposé chaque individu et d’accélérer la phase de réparation des dommages. Notons cependant qu’elles n’indiquent le niveau de l’adaptation individuelle seulement si ce sont les individus eux-mêmes qui ont pris la décision de les contracter. D’autre part, à l’échelle collective, les bénéfices des assurances en matière d’adaptation se résument au fait qu’elles facilitent la prise en charge des dommages. En effet, étant donné la diffi-culté que présente l’estimation des probabilités d’occurrence et des conséquences des inondations (Ledoux, 2006; Kunreuther, 1996), et étant donné le risque de sélection ad-verse, la capacité des assurances à réduire le risque au niveau global peut être mise en doute dans ce domaine.

Liens avec la prévention individuelle

Comme les assurances et les programmes d’aide ne réduisent pas forcément les risques liés aux inondations à l’échelle globale, plusieurs auteurs préconisent de les considérer plutôt comme des solutions complémentaires, permettant de limiter les dé-sastres humanitaires une fois que des mesures de prévention ont déjà été mises en place (Michel-Kerjan et Kunreuther, 2011; Birkland et al., 2003; Kousky, 2012). Selon Kun-reuther (1996), les compagnies d’assurance devraient même calculer les primes en fonc-tion des mesures de prévention présentes dans les logements. De plus, en théorie, l’in-demnisation par des mécanismes publics après une inondation est parfois conditionnelle à la présence de mesures individuelles de prévention dans les logements inondés dans certains pays, comme la France ou les Etats-Unis (Consorcio de Compensacion de se-guros, 2008).
Cependant, en pratique, les assurances sont susceptibles d’entrer en compétition avec les mesures individuelles de prévention. Par exemple, Birkland et al. (2003) ob-servent que 40% des indemnisations distribuées par le système d’assurance aux Etats-Unis (National Flood Insurance Program) entre 1978 et 2003 concernaient des habi-tations ayant été inondées au moins 2 fois dans une période de 10 ans, alors que ces logements ne représentent que 2% de toutes les propriétés assurées. Ils en déduisent que la propension des individus à déménager en zone non inondable ou à mettre en place des mesures de prévention diminue lorsqu’ils disposent d’une assurance contre les inondations.
Ce phénomène d’éviction des mesures de prévention lorsqu’une assurance publique est disponible est qualifié d’aléa moral. Ehrlich et Becker (1972) l’ont étudié théorique-ment. Dans le cadre du modèle qu’ils proposent, les mesures individuelles de prévention relèvent de l’auto-assurance car elles permettent de réduire les pertes en cas d’inonda-tion. Or, d’après le modèle d’Ehrlich et Becker (1972), l’assurance et l’auto-assurance sont substituables. Ce résultat supporte l’hypothèse de l’aléa moral induit par les sys-tèmes d’assurance.
Quant aux programmes d’aide, bien que nécessaires pour éviter des désastres huma-nitaires, ils sont aussi sujets à un risque d’aléa moral. En effet, ils seraient susceptibles de diminuer l’inclination des individus à mettre en place des mesures de prévention ou à contracter une assurance privée contre les inondations (Consorcio de Compensacion de seguros, 2008; Raschky et al., 2013).
Notons que l’hypothèse d’aléa moral implique que les habitants de pays où l’assu-rance est obligatoire devraient être peu enclins à mettre en place des mesures de préven-tion.
Résumé et conclusion de la section
Dans cette section, nous avons défini les cinq stratégies d’adaptation principales : l’évitement, la limitation des dommages, la réduction de la probabilité d’occurrence des inondations, l’assurance, et l’aide post-catastrophe. Les trois premières stratégies, qui sont préventives, se distinguent des deux dernières, qui permettent de réparer les dom-mages après une inondation. Les stratégies d’évitement, de limitation des dommages, et d’assurance peuvent être mises en œuvre à l’échelle individuelle ou à l’échelle collec-tive. Les différentes stratégies d’adaptation ainsi que leurs relations sont schématisées dans la figure 1.2.
Toutes ces stratégies peuvent être combinées aux échelles collective et individuelle pour faire face aux inondations de manière efficace. Cependant, certaines sont à pri-vilégier par rapport à d’autres. Ainsi, la stratégie la plus radicale pour éviter les dom-mages consiste à ne pas s’exposer aux inondations. Mais lorsqu’il n’est pas possible d’empêcher le développement en zone inondable ou lorsque des populations y sont déjà installées, les autres stratégies de prévention peuvent être utilisées. Parmi ces dernières, la stratégie de limitation des dommages semble être celle qui engendre le moins d’ex-ternalités négatives. Elle pourrait donc être préférée à la stratégie de réduction de la probabilité d’occurrence des inondations, sous réserve qu’elle soit également efficace. Enfin, les assurances et les programmes d’aide post-catastrophe devraient être utilisés en dernier recours pour éviter les désastres humanitaires.
Dans cette thèse, nous étudierons essentiellement la stratégie de limitation des dom-mages mise en œuvre à l’échelle individuelle, et ce pour deux raisons principales. Premièrement, nous avons vu qu’il s’agit d’un moyen de faire face aux inondations tout en limitant les externalités négatives de la prévention pour l’environnement et le voisinage et en préservant une certaine conscience du risque. De ce fait, nous pensons que cette stratégie est à privilégier, si elle est mise en œuvre de façon efficace, lorsque le recours à la stratégie d’évitement est difficile. Deuxièmement, malgré les avantages que pré-sente la stratégie de limitation des dommages au niveau individuel, elle est susceptible d’être évincée, notamment par la présence d’aménagements structurels et par les sys-tèmes d’assurance. Mieux connaître les mécanismes qui poussent les individus à adopter des mesures de prévention et des comportements appropriés pourrait permettre de com-prendre comment contrer ces effets d’aléa moral et ainsi de mettre en avant la stratégie de limitation des dommages par rapport à la stratégie de réduction de la probabilité d’occurrence des inondations et aux assurances. Cela pourrait augmenter la capacité de réponse des populations et diminuer leur vulnérabilité aux inondations.

Justification des choix méthodologiques

Chaque méthode de collecte de données présente des avantages et des inconvénients. Il convient donc de sélectionner celles qui semblent les plus pertinentes pour répondre à notre problématique en prenant en compte nos contraintes budgétaire et temporelle. Dans la section 2.1.2.1, nous exposerons et justifierons nos choix concernant les mé-thodes de collecte de données en nous appuyant sur les éléments présentés dans la sec-tion 2.1.1. Puis, dans la section 2.1.2.2, nous préciserons les moyens que nous avons utilisés pour mettre en œuvre ces méthodes et présenterons leurs avantages et leurs in-convénients par rapport à leurs alternatives.

Justification des méthodes de collecte de données choisies

La figure 2.1 résume les atouts et les inconvénients des méthodes présentées dans la section 2.1.1. Pour répondre à notre problématique, nous devons identifier des facteurs psychologiques qui poussent les individus à adopter ou non des mesures individuelles de prévention ou des comportements appropriés. En conséquence, nous devons néces-sairement interroger directement les individus, que ce soit par le biais d’une enquête par entretiens qualitatifs ou par questionnaire quantitatif.
Comme nous souhaitons également pouvoir généraliser nos résultats et que les en-quêtes par entretiens qualitatifs sont très coûteuses en temps, nous avons privilégié la méthode de l’enquête par questionnaire quantitatif, grâce à laquelle nous avons récolté la majorité des données exploitées dans cette thèse. Cependant, nous avons également réalisé une série d’entretiens qualitatifs exploratoires sur lesquels nous nous sommes ap-puyés pour construire le questionnaire quantitatif. Ces entretiens nous ont aussi permis d’identifier différentes justifications aux décisions d’adaptation. Lors de l’interprétation des résultats, nous garderons à l’esprit qu’ils reposent sur des données déclarées et qu’ils peuvent donc être sujets à différents biais exposés précédemment.
La méthode de l’enquête par observation directe des comportements permet égale-ment de trouver des relations généralisables entre ces derniers et des variables d’intérêt. Cependant, nous ne disposons pas de données de consommation concernant les mesures individuelles de prévention car elles sont très hétérogènes et certaines ne sont pas des biens marchands. Il semble donc difficile d’utiliser cette méthode dans notre cas.
Quant aux expériences en conditions contrôlées et de terrain artéfactuelles, nous pensons qu’elles sont utiles pour étudier des questions plus fondamentales et moins ap-pliquées que celles posées dans cette thèse. Nous nous appuierons donc sur les résultats déjà mis en évidence par d’autres auteurs sans chercher à les reproduire ou à les étoffer.
Il aurait été intéressant de mettre en place une expérience de terrain cadrée pour étu-dier par exemple l’effet d’une subvention sur l’adaptation individuelle aux inondations. Cependant, nous ne disposions pas de moyens suffisants pour mener ce type d’expé-rience.

Modes d’administration des enquêtes

Une enquête par entretiens qualitatifs peut être menée soit en face-à-face, soit par téléphone. En général, les entretiens non-directifs et semi-directifs sont effectués en face-à-face alors que les entretiens directifs peuvent également être conduits par té-léphone (Sturges et Hanrahan, 2004). Il nous a donc semblé naturel de privilégier le mode d’administration en face-à-face lors de notre enquête par entretiens semi-directifs et nous avons interrogé les répondants dans leur logement. Cela nous a permis de ci-bler les personnes exposées à un risque d’inondation, notamment en nous référant aux repères de crue installés dans les communes. De plus, comme les inondations peuvent être des événements traumatisants, certaines personnes peuvent être réticentes à aborder ce thème par téléphone tandis que le fait de rencontrer les répondants en personne peut favoriser leur mise en confiance et les encourager à participer à l’enquête.
En ce qui concerne les enquêtes par questionnaire quantitatif, elles peuvent être administrées par e-mail, par courrier, par téléphone, ou en face-à-face. Neuman (2013) détaille les avantages et les inconvénients de chacun de ces modes d’administration.
Ainsi, la solution la moins coûteuse consiste à contacter les personnes ciblées par courrier ou par e-mail. Ces modes de passation permettent également de couvrir facile-ment une large zone géographique. De plus, ils offrent la possibilité aux personnes de répondre lorsque cela leur convient le mieux et leur laissent le temps de réfléchir à leurs réponses. Dans certains cas, ils permettent aussi de préserver l’anonymat des répon-dants, ce qui élimine le risque de biais lié à l’enquêteur et peut favoriser l’honnêteté des réponses si les thèmes abordés sont controversés ou tabous. Néanmoins, le fait d’admi-nistrer une enquête par courrier entraine souvent des taux de réponse faibles. Les taux de réponse obtenus lorsque les personnes sont contactées par e-mail sont plus élevés mais restent modérés en général. De plus, ces deux modes d’administration ne permettent pas de contrôler les conditions dans lesquelles les questionnaires sont remplis. Cela limite la fiabilité des données récoltées. Par exemple, des personnes autres que celles qui sont ciblées par l’enquête peuvent répondre à certaines questions.
L’administration d’un questionnaire par téléphone permet de contrôler la séquence des questions et de s’assurer qu’une seule personne y répond. Ce mode d’administra-tion permet de récolter des données rapidement et de couvrir une large zone géogra-phique. De plus, les enquêteurs peuvent fournir des explications lorsque les répondants ont du mal à comprendre une question. Cependant, le mode d’administration par télé-phone n’est pas adapté pour les questionnaires trop longs et ne permet pas de poser des questions qui nécessitent une aide visuelle. De plus, le taux de refus peut être élevé, notamment lorsque les répondants sont contactés sur leur téléphone portable.
Quant au mode d’administration en face-à-face, il présente tous les avantages de la passation par téléphone. En outre, c’est la solution qui entraine les taux de réponse les plus élevés en général. Ce mode de passation permet d’utiliser des questionnaires longs et complexes. Cependant, il est coûteux et entraine des risques de biais liés à l’enquêteur.
Nous avons choisi d’administrer notre questionnaire quantitatif en face-à-face prin-cipalement du fait de sa longueur et de sa complexité (cf Annexe F). De plus, cela nous a permis de limiter les risques de recueillir des données de mauvaise qualité.

Modèles utilisés pour cadrer les analyses empiriques

L’analyse empirique de l’adaptation individuelle effectuée dans cette thèse s’appuie sur une conception théorique particulière des décisions individuelles. Ainsi, l’échan-tillonnage, le choix des thèmes abordés lors des deux enquêtes, et l’analyse des données dépendent d’hypothèses concernant la manière dont les individus prennent leurs déci-sions et de la façon dont ces dernières sont modélisées. Dans la section 2.2.1, nous ex-pliciterons ces hypothèses et préciserons leur influence sur les résultats obtenus. Dans la section 2.2.2, nous expliquerons comment notre choix de modéliser les décisions d’adaptation de manière binaire a guidé la manière dont nous avons analysé les données de l’enquête par questionnaire quantitatif.
Les données empiriques récoltées et analysées selon ces modèles préexistants nous ont principalement servi à répondre à nos deux premières questions de recherche. Ce-pendant, elles ne suffisent pas pour examiner en détail notre troisième question, qui porte sur l’évolution de l’adaptation individuelle au cours du temps. Pour étudier cette dernière question, nous avons donc construit nous-mêmes un modèle mathématique afin de guider son analyse empirique ultérieure. Ce modèle sera présenté en détail au cha-pitre 5 mais nous l’introduirons dans la section 2.2.3 et nous préciserons notamment ses objectifs.

Hypothèses communes aux modèles de décision utilisés dans la thèse

Tout au long de la thèse, nous avons utilisé des modèles qui s’appuient sur deux hy-pothèses communes. Premièrement, pour prendre des décisions, les individus prennent en compte des caractéristiques des options disponibles et éventuellement des caractéris-tiques qui leur sont propres. Deuxièmement, les individus choisissent les options qu’ils préfèrent, quelles qu’en soient les raisons.
La récolte et l’analyse des données ont été guidées par ces deux hypothèses. En effet, la première nous a conduit à réfléchir aux attributs des moyens d’adaptation et des répondants qui pourraient influencer les décisions d’adaptation. Pour ce faire, nous nous sommes notamment appuyés sur une théorie que nous présenterons au chapitre 3, la Protection Motivation Theory (Rogers, 1975, 1983; Grothmann et Reusswig, 2006). Ainsi, l’échantillonnage et les thèmes abordés lors des deux enquêtes dépendent des modèles théoriques que nous avons privilégiés. En conséquence, le choix des variables prises en compte lors de l’analyse des données a également été conditionné par ces modèles.
Quant à la deuxième hypothèse, elle nous a essentiellement servi lors de l’analyse des données issues de l’enquête par questionnaire quantitatif. Ainsi, elle nous a ame-nés d’une part à faire l’hypothèse que les décisions d’adaptation sont associées à des fonctions d’utilité. D’autre part, elle nous a conduits à estimer ces fonctions à partir des données en partant du principe que les répondants ont choisi les options qui leur procuraient l’utilité la plus élevée.

Modélisation binaire des décisions d’adaptation

La manière dont les décisions d’adaptation ont été modélisées a également influencé l’analyse des données. Ainsi, nous avons choisi de considérer les décisions d’adaptation comme des choix binaires. Cela nous a amenés à utiliser à plusieurs reprises des modèles à choix discrets pour estimer les fonctions d’utilité des répondants. Nous allons donc présenter ces modèles dans la section 2.2.2.1 et le principe selon lequel leurs paramètres sont estimés dans la section 2.2.2.2. Puis, nous décrirons la manière dont ces paramètres peuvent être interprétés dans la section

Pour ce faire, nous nous appuierons sur l’ouvrage de Train (2002).

Principe des modèles à choix discrets

Les modèles à choix discrets permettent d’étudier les facteurs qui influencent les dé-cisions discrètes, comme le fait d’adopter ou non un moyen d’adaptation. Ils s’appuient sur deux hypothèses fondamentales. Premièrement, les agents prennent leurs décisions de manière à maximiser leur utilité. Deuxièmement, l’utilité des agents dépend à la fois de variables observées par le chercheur et de variables non observées. L’effet de ces dernières est capturé par un terme d’erreur. L’utilité Uni procurée par une option i à un agent n peut donc être décomposée de la manière suivante : Uni = V (xi; sn) + ni = Vni + ni
Où :
— xi est un vecteur qui contient des caractéristiques de l’option i ;
— sn est un vecteur qui contient les caractéristiques de l’agent n ;
— Vni est l’utilité représentative procurée par l’option i à l’agent n, c’est-à-dire l’uti-lité procurée par les caractéristiques observées par le chercheur ;
— ni est un terme d’erreur qui prend en compte les effets de tous les facteurs non observés.

Estimation des modèles à choix discrets : exemple du modèle logistique

Dans cette thèse, nous nous intéresserons essentiellement à des choix binaires. Dans ce cas, les agents ont le choix entre ne rien faire ou choisir l’option i considérée. Cette dernière est choisie par l’agent n si elle lui procure une utilité supérieure au statu quo. Les choix binaires peuvent être représentés par un modèle logistique.
Ce dernier s’appuie sur les hypothèses suivantes concernant les termes d’erreur :
— les termes d’erreur sont des variables indépendantes et identiquement distribuées selon une loi de valeur extrême (définie sur R) ;
— la fonction de densité des erreurs est dérivée d’une distribution de Gumbel dont le paramètre d’échelle est noté 1 : f( ni) = e ni e e ni ;
— la fonction de répartition des erreurs est donc la suivante : F ( ni) = e e ni ;
— la variance des erreurs est la suivante : 2= 2 ;
— les termes d’erreur respectent la propriété d’indépendance des alternatives non-pertinentes qui stipule que les préférences d’un agent entre deux options ne dé-pendent pas de la disponibilité d’autres options.
1. Comme ne peut pas être estimé séparément des paramètres de la fonction d’utilité représentative, il est en général normalisé à 1 dans les modèles homoscédastiques. Nous suivons cette convention dans l’Annexe C.
L’utilité représentative du statu quo est fixée à 0 et le terme d’erreur associé au statu quo est noté nj. Comme les termes d’erreur ne sont pas observés, l’utilité ne peut pas être calculée directement. Néanmoins, si la distribution F des termes d’erreur est connue, la probabilité que l’option procure une utilité supérieure au statu quo (Pni) est obtenue en calculant l’expression suivante : Pni = P rob(Vni + ni > nj) (2.1)
A partir de cette expression, il est possible de démontrer que Pni = (cf Annexe C). Pour estimer les paramètres de la fonction d’utilité représentative à partir des données de N répondants, il convient alors de maximiser la probabilité que leurs choix soient observés simultanément. En d’autres termes, il faut maximiser la vraisemblance L = QNn=1(Pni)yni avec yni = 0 si l’agent n choisit le statu quo et yni = 1 si l’agent n choisit l’option. Cette maximisation peut être effectuée numériquement. Nous avons utilisé le logiciel R pour estimer les paramètres des modèles logistiques présentés dans cette thèse.

Interprétation des coefficients estimés

Pour illustrer la manière dont les coefficients estimés peuvent être interprétés, sup-posons que Vni = ax + bs avec x une variable qui caractérise l’option i et s une variable qui caractérise l’agent n. La procédure de maximisation de la vraisemblance permet donc d’estimer a et b.
Comme le modèle logistique n’est pas linéaire, il n’est pas possible d’interpréter directement ses coefficients comme les effets marginaux de chaque variable sur la pro-babilité de choisir l’option i. En effet, l’effet marginal de x sur la probabilité de choisir i s’écrit de la manière suivante : @Pni = a eax+bs @x (1 + eax+bs)2
De la même manière, l’effet marginal de s sur la probabilité de choisir i s’écrit : @Pni = b eax+bs @s (1 + eax+bs)2
Ainsi, l’effet marginal de x sur la probabilité de choisir i dépend de s et inversement. Lorsqu’un modèle logistique contient plusieurs variables explicatives, leurs effets mar-ginaux ne sont donc pas des constantes. Pour chaque variable, son effet marginal sur la probabilité de choisir i doit être calculé pour une valeur donnée de chacune des autres variables, par exemple leur médiane ou leur moyenne.
Afin d’interpréter directement les coefficients sans calculer les effets marginaux sur la probabilité du choix de i, remarquons qu’il est possible de réécrire le modèle logis-tique sous la forme d’un modèle logit :

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Table des matières

1 Définitions et problématisation
2 Démarche 
3 Individus, collectif, et adaptation individuelle 
4 Types de risques et adaptation individuelle 
5 Moteurs et évolution de l’adaptation 
Conclusion
Bibliographie 

Table des matières 
A Zones inondables – Berre 
B Exemple de PPRI : Peyriac-Minervois 
C Démonstration : probabilité du choix d’une option plutôt que du statu quo 
D Guide d’entretien pour les particuliers 
E Principales mesures de prévention 
F Questionnaire quantitatif 
Glossaire

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