Types d’antibiothérapie : bi antibiothérapie ou tri antibiothérapie

Stratégie clinique

La stratégie « clinique », souvent intitulée « non-invasive » consiste en l’initiation d’un traitement antibiotique chez tous les malades cliniquement suspects de développer une pneumonie nosocomiale, même lorsque la probabilité d’infection est faible ; cette stratégie est justifiée par les études qui montrent une relation étroite entre réduction de la mortalité des patients atteints de pneumonie et la précocité et le caractère approprié de l’antibiothérapie initiale [104].
Le diagnostic clinique des PN est évoqué devant l’apparition d’une fièvre associée à des sécrétions trachéales purulentes, une hyperleucocytose ou une leucopénie, l’apparition de nouveaux infiltrats radiologiques et une dégradation des échanges gazeux. Cependant, les signes cliniques et biologiques de pneumonie sont peu spécifiques. De même, les modifications de la radiographie thoracique peuvent résulter d’une pathologie non infectieuse ou être difficiles à interpréter chez des patients ventilés mécaniquement, notamment en cas de syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) (106) .
Selon les recommandations de l’ATS, 2 des 3 critères suivants sont nécessaires au diagnostic de PN : température sup a 38,5 C ou inf. à 36,5 C, aspiration trachéale purulente, hyperleucocytose GB sup à 10 000/ mm3ou leucopénie GB inf. à 1500/mm3 ; associés à une culture positive des sécrétions respiratoires et à l’apparition ou à la progression radiologique d’un infiltrat. Cela représenterait néanmoins le critère clinique le plus performant pour débuter une antibiothérapie empirique [107].
Les cultures semi-quantitatives de l’aspiration endotrachéale(AET) retrouvent fréquemment, et en quantité souvent plus importante, les mêmes germes que ceux retrouvés lors de prélèvements invasifs suggérant une forte sensibilité de l’examen. Leur association fréquente à des agents non pathogènes colonisant la flore oropharyngée peut néanmoins réduire grandement la spécificité et la valeur prédictive positive des cultures des AET [108].
L’association à un examen direct rigoureux des secrétions trachéales (polynucléaires, macrophages et bactéries) semble cependant pouvoir améliorer les performances diagnostiques de l’AET [109]. Par contre, une AET négative (absences de bactéries ou de cellules inflammatoires) en l’absence de modification récente (72 heures) de l’antibiothérapie semble présenter une forte valeur prédictive négative (94%) des PN [110]. De plus, un bon examen des secrétions trachéales permettrait de réduire significativement le nombre de traitements inappropriés lorsqu’il est utilisé pour guider l’antibiothérapie empirique initiale [111].
Afin d’améliorer la spécificité du diagnostic clinique, Pugin et coll (112) ont établi un score clinique d’infection pulmonaire (Clinicat Pulmonary Infection Score, CPIS) (tableau II) combinant 6 variables affectées chacune d’un coefficient de pondération variant de 0 à 2 (112) . Un score CPIS > 6 était prédictif de l’existence d’une PN avec une sensibilité de 93 % (113) et une spécificité de 100 % selon certaines études. La principale difficulté de l’utilisation du CPIS en routine clinique est liée au délai de 24-48 heures du fait de l’obtention des cultures semi-quantitatives de l’aspiration bronchique (114).
Cette stratégie a deux avantages théoriques : d’une part, le risque de ne pas traiter un patient qui a une pneumonie et qui nécessite donc un traitement est faible, ceci à condition de traiter tous les malades suspects et d’autre part, cette approche ne nécessite pas d’avoir recours à des techniques de prélèvement microbiologiques spécialisées. Cependant Mais cette stratégie conduit inévitablement à une surestimation de l’incidence des PN : la colonisation trachéo-bronchique combinée à des images radiologiques d’infiltrat et à un tableau clinique et biologique de sepsis est fréquente en l’absence de réelle pneumonie bactérienne et conduit à l’utilisation indue d’antibiotiques.

Stratégie invasive

Elle se base avant tout sur l’analyse microbiologique (examen direct et cultures quantitatives) d’un prélèvement respiratoire non invasif (Aspiration trachéale : AT) ou invasif [prélèvement distal protégé (PDP), brosse télescopique protégée (BTP) ou lavage broncho-alvéolaire (LBA)] réalisé ou non sous fibroscopie bronchique. . Le choix de l’outil diagnostique dépend du plateau technique, de l’expérience de l’équipe et du coût.
En aucun cas, la réalisation des prélèvements respiratoires ne doit retarder l’initiation de l’antibiothérapie probabiliste, en particulier en cas d’instabilité hémodynamique et/ou de SDRA.

Prélèvements invasifs per-endoscopiques

La bronchoscopie donne un accès direct aux voies aériennes et au poumon et permet d’orienter les prélèvements bactériologiques sur le site de l’infection supposée. Un problème technique est bien de correctement sélectionner le territoire à prélever; il est habituel de guider ce choix sur la base de la localisation de l’infiltrat radiologique et/ou du segment d’origine de sécrétions purulentes abondantes [115].
Chez le patient ayant des infiltrats diffus radiologiquement, le prélèvement doit être réalisé dans la zone où les anomalies endobronchiques sont maximales; en cas de doute, parce que de nombreuses données anatomiques chez l’animal ou autopsiques chez l’homme indiquent que les PN siègent fréquemment dans les segments postérieurs du lobe inférieur droit, ce site doit être prélevé prioritairement [116]. Il n’y a pas à ce jour des données convaincantes en faveur de la réalisation de prélèvements multiples chez les patients ventilés [117].

Lavage broncho-alvéolaire

Obtenu par instillation et aspiration de sérum physiologique stérile (120 mL ) après avoir bloqué un fibroscope dans une bronche segmentaire ou sous segmentaire(118), le LBA fournit, en plus des données microbiologiques disponibles dès l’examen direct, des informations sur l’état du poumon profond.
Les limites de la faisabilité de la technique sont sa tolérance chez les patients hypoxémiques, pouvant limiter la quantité de liquide administré et la qualité de l’examen. La culture quantitative du LBA est associée à une sensibilité de l’ordre de 75 % et une spécificité de l’ordre de 85 % pour un seuil de 104 cfu/ml [119]

Brosse télescopique protégée 

Réalisée par brossage de la muqueuse bronchique distale à l’aide d’une brosse protégée par un double cathéter sous contrôle endoscopique dans le lobe concerné(119), La BTP diminue le risque de contamination par la flore oropharyngée. Le seuil de positivité est de 103 cfu/ml. Les principaux écueils sont une reproductibilité parfois médiocre et le risque de négativité de l’examen si celui-ci est trop dilué, abaissant la concentration des agents pathogènes isolés. Les données combinées de 18 études ont rapporté une sensibilité de 89 % et une spécificité de 94 %(120)

Prélèvements invasifs à l’aveugle

Prélèvement bronchique distale protégé

Réalisé par introduction d’un double cathéter protégé à l’aveugle ; après injection de 1 ml de sérum physiologique puis réaspiration du sérum introduit à l’aide d’une seringue, suivi ensuite par la sélection de l’extrémité du cathéter aseptiquement comme une brosse et son placement dans un tube stérile ,le prélèvement distal protégé (PDP) s’affranchit de la colonisation bronchique et permet la réalisation d’un examen direct et d’une culture quantitative, avec une sensibilité et une spécificité de l’ordre de 80 % pour un seuil de positivité de 103
cfu/ml(121). Enfin, le prélèvement peut être conservé à +4 °C, permettant de débuter l’antibiothérapie sans retard.

Mini lavage broncho-alvéolaire

Même principe et technique que ceux du PBDP à part que là on utilise 1 à 3 seringues de 10-20 ml de sérum physiologique et 1- 5 ml de sérum sont recueillis avec un seuil de 10 4 – 105 cfu/ ml.

Prélèvement non invasif : l’aspiration endotrachéale(AET)

L’analyse qualitative de l’aspiration bronchique a une faible spécificité (27 %) pouvant induire un diagnostic par excès. Une culture quantitative permet d’obtenir une sensibilité et une spécificité de l’ordre de 80 % pour un seuil de positivité de 106 cfu/ml. Cette technique est simple mais peut refléter d’avantage une colonisation bronchique qu’une infection parenchymateuse.

Méthodes microbiologiques alternatives

− Hémocultures positives (en l’absence d’autre source infectieuse)
− Culture positive du liquide pleural.
− Abcès pleural ou pulmonaire avec culture positive.
− Examen histologique du poumon évocateur de pneumonie.
− Antigenémies, antigenuries, sérologies, techniques de biologie moléculaire) validées par des études de niveau de preuve élevé.
Parmi les moyens diagnostiques non bactériologiques, le dosage de la forme soluble du triggering receptor expressed on myeloid cells-1 (sTREM-1) dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire qui pourrait avoir un intérêt à l’ avenir dans la confirmation du diagnostic de pneumopathie bactérienne. Rappelons que TREM-1 est une immunoglobuline dont l’expression est régulée a la surface des neutrophiles et des monocytes en cas d’agression infectieuse bactérienne ou fongique [122].
Dans une étude prospective portant sur 148 patients ventilés mécaniquement et suspects de pneumopathie (38 pneumopathies communautaires, 46 PNAVM et aucune pneumopathie pour les 64 autres patients), la présence de sTREM dans le LBA a un taux de 5 pg/ml était retrouvés plus performant que tous les autres critères cliniques (température, CPIS score…) ou biologiques (CRP, procalcitonine (PCT)…) pour établir le diagnostic de pneumopathie bactérienne.
Concernant le dosage plasmatique de procalcitonine (PCT), ses performances diagnostiques apparaissent plus faibles et inconstantes au cours des PN [123]. Son intérêt résiderait davantage comme marqueur évolutif des PN, un taux de PCT restant élevé de J1 à J7 apparait prédictif d’un moins bon pronostic [122]. L’intérêt pronostique du dosage répété de PCT plasmatique apparait d’ailleurs retrouvé dans d’autres processus infectieux de réanimation, en particulier au cours des bactériémies [124].

Quelle stratégie ?

Une étude prospective multicentrique (413 patients suspects de PAVM) randomisée a suggéré un bénéfice d’une stratégie microbiologique invasive (examen direct et cultures du LBA ou BTP dirigés sous fibroscopie bronchique) comparativement à une stratégie clinique (cultures non quantitatives de l’AT) en terme de réduction de consommation d’antibiotiques et de réduction de la mortalité à 14 jours(125). L’algorithme décisionnel actuellement proposé repose à la fois sur des critères cliniques et microbiologiques, tenant compte des différents outils disponibles et insistant sur la nécessité de l’administration précoce d’une antibiothérapie ciblée dès que possible (126).
La décision d’arrêter une antibiothérapie peut différer en fonction du type de prélèvement endobronchique réalisé et du résultat de sa culture exprimée de façon quantitative ou semi-quantitative.Les défenseurs de la stratégie bactériologique peuvent ainsi envisager l’arrêt du traitement chez des patients cliniquement stables, pour lesquels la culture quantitative d’un prélèvement endobronchique invasif (PDP, LBA ou BTP) est retrouvée inferieure au seuil diagnostique retenu. Dans cette situation, l’intérêt de la culture quantitative d’une simple aspiration endotrachéale AET n’apparait pas aussi clairement défini pour cette décision.
Pour arrêter l’antibiothérapie, les partisans de l’approche clinique se reposeront davantage sur les données de l’évolution clinique en s’aidant des résultats des cultures semi-quantitatives ou quantitatives d’un prélèvement endobronchique incluant AET, PDP, LBA ou BTP.

L’ANTIBIORESISTANCE

La résistance bactérienne aux antibiotiques(ATB) est l’une des problèmes de santé publique mondiaux les plus graves. De nombreux germes (bactéries, parasites et virus) responsables de maladies infectieuses ne réagissent plus aux antibiotiques courants.
Les prescriptions d’antibiotiques inadaptées ou inutiles seraient responsables de l’émergence de bactéries résistantes. Ce problème grave pourrait être mieux contrôlé grâce à l’optimisation des prescriptions prophylactiques, empiriques et thérapeutiques des agents antimicrobiens. Tout choix devrait tenir compte de l’effet thérapeutique, de la sensibilité des germes, de la conséquence économique et de l’effet sur l’écosystème de chaque antibiotique ; d’où l’étude de la sensibilité de chaque germe s’impose impérativement.(71)

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Table des matières

INTRODUCTION
DÉFINITION NOSOLOGIE 
PATIENTS & MÉTHODES
I. CADRE D’ETUDE
1. Critères d’inclusion
2. CRITERES D’EXCLUSION
3. ANALYSE BACTERIOLOGIQUE
4. ANALYSE STATISTIQUE
RESULTATS
I. INCIDENCE
II. DONNEES DEMOGRAPHIQUES
1. Age
2. Sexe
III. DONNEES CLINIQUES
1. Motif d’hospitalisation
2. Terrain
3. Durée d’hospitalisation
4. Délai entre l’admission et la PN
IV. Données sur les facteurs de risque des PN
1. Soins respiratoires
2. Autres dispositifs invasifs en relation avec la PN
3. Architecture du service
4. Facteurs de risque infectieux
5. Facteurs de risque liés au traitement
V. Données diagnostiques
1. Symptomatologie clinique
2. Signes biologiques et radiologiques
3. Signes bactériologiques
4. infections associées
VI. Données sur le traitement de la PN
1. Type d’antibiothérapie : probabiliste ou documentée
2. Types d’antibiothérapie : bi antibiothérapie ou tri antibiothérapie
3. Durée de l’antibiothérapie
VII. Evolution de la PN
1. Évolution favorable
2. Complications
3. Décès lié à la PN
DISCUSSION
I. INCIDENCE
II. PHYSIOPATHOLOGIE
1. Colonisation oropharyngée
2. Colonisation gastrique
3. Persistance des germes
4. Altération des mécanismes de défense
III. FACTEURS DE RISQUE
1. Facteurs intrinsèques
2. Facteurs extrinsèques
IV. DIAGNOSTIC
1. Stratégie clinique
2. Stratégie invasive
3. Méthodes microbiologiques alternatives
4. Quelle stratégie ?
V. L’ANTIBIORESISTANCE
1. Facteurs de risque
2. Résistance naturelle
3. Résistance acquise
4. Conséquences de la résistance bactérienne
5. Principales résistances bactériennes
VI. TRAITEMENT
1. Traitement empirique
2. Utilisation locale d’antibiotiques
3. Durée de l’antibiothérapie
4. Antibiothérapie selon le germe
5. Réponse au traitement
6. Echec du traitement
7. Conduite à tenir en cas d’échec de l’antibiothérapie
VII. Pronostic
1. Evolution favorable
2. Evolution défavorable
VIII. PREVENTION
1. Evaluation des mesures préventives
2. Mesures conventionnels de lutte contre les PN
3. Mesures spécifiques
4. Stratégie de la prescription des antibiotiques
5. Antibioprophylaxie
IX. OBSERVANCE
CONCLUSION
ANNEXES
RÉSUMÉS 
BIBLIOGRAPHIE

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