Tweets et analyse du discours

TWEETS ET ANALYSE DU DISCOURS

Fonctionnement global des réseaux socio-numériques : le cas de Twitter

Aujourd’hui, l’on parle de réseaux pour désigner beaucoup de choses, plus ou moins abstraites. Le terme réseau n’est pourtant pas un néologisme. Il prend ses sources au XVIIème siècle (Mercklé 2011 7). À l’époque, le terme réseau pouvait désigner un tissu utilisé par les chasseurs en guise de piège (les rets), une coiffe (la résille). Enfin, ce dernier servait, dans le domaine médical, à désigner le système sanguin, nerveux etc. Au fur et à mesure, par le biais de glissements métaphoriques et d’enrichissements, le réseau ne désigne plus tout à fait la même chose. Désormais, l’on colle l’étiquette de réseau à des concepts plus ou moins abstraits, tous ayant des propriétés communes : « l’entrelacement, mais aussi le contrôle et la cohésion, la circulation, la connaissance et la représentation topologique » (Mercklé 2011 7). Le réseau peut être multi-support. L’on parle de réseaux physiques pour désigner des réseaux ayant un support matériel : par exemple, un réseau routier se caractérise par un entrelacement de routes primaires, secondaires etc. Un réseau peut aussi être dématérialisé, c’est le cas lorsqu’il s’agit de réseaux de téléphonie mobile, par exemple. Mais les définitions varient selon les auteurs. Le but de ce travail n’est pas de traiter de la définition de ce terme, cependant, il nous faut garder en mémoire que les divergences sont nombreuses et que de nombreux sociologues remettent en question les définitions de chacun en se focalisant sur d’autres aspects. Par exemple, Georg Simmel (1908, 116) insiste sur le fait qu’un réseau a pour vocation de relier deux éléments. Cette définition sera contestée par la suite par Siegfried Nadel en 1957. Quoiqu’il en soit, la majorité des auteurs s’accorde sur le fait qu’un réseau permet de mettre en relation des choses ou des individus.

Depuis les années 2000, en corrélation avec le développement d’Internet et le déclin de la sociabilité, les réseaux dits sociaux numériques, ont pris une dimension prépondérante dans la vie des gens.  À la différence des réseaux énoncés précédemment, les réseaux sociaux numériques ne disposent pas d’une infrastructure physique et permettent « aux individus de se rencontrer ou de communiquer » d’après la définition de Bakis (cité dans Mercklé 2001 8). Internet et plus précisément les réseaux sociaux numériques sont devenus des outils de communication à part entière. Ils ne sont plus considérés comme véhiculant une parole « secondaire » moins à prendre au sérieux du fait de son immatérialité. De plus, l’on remarque que les réseaux sociaux sont devenus des terrains de débats politiques, sociaux, à tel point que certains auteurs vont jusqu’à parler d’une nouvelle forme de démocratie. Mercklé (2001 87) va même jusqu’à parler d’une « utopie politique technophile » (Mercklé 2001 87) en désignant les débats prenant place sur Internet et sur les réseaux sociaux. Nous assistons donc, par le fort développement d’Internet et des réseaux sociaux, à l’émergence d’un nouvel espace de discussion immatériel où chacun, dès lors qu’il possède un accès à Internet peut contribuer à des échanges, où tous les points de vue, qu’ils soient politiques, écologiques, ou encore religieux, peuvent être exprimés et, enfin, où les utilisateurs peuvent construire leur propre réseau.

En effet, les réseaux sociaux, en permettant à leurs usagers de se mettre en relation les uns avec les autres, offrent la possibilité de créer leur propre réseau d’amis ou abonnés selon les sites. Ils peuvent ainsi être mis en relation avec d’autres usagers qui partagent un certain nombre de points de vue, et donc, peuvent constituer leur propre audience. Ces relations entre individus peuvent être représentées sous la forme de graphes. Ces graphes existent depuis l’après Seconde Guerre Mondiale, mais l’application de cette théorie à celle des groupes est relativement récente. Un graphe représentera donc une communauté : chaque point représentant un utilisateur, ces derniers reliés entre eux par des liens plus ou moins forts. Cette théorie des graphes pour représenter une communauté d’individus sur les réseaux sociaux, permet de représenter visuellement le capital social d’un individu (sur les réseaux sociaux). Cette notion de capital social prend racine dans les travaux de Pierre Bourdieu (1980 2-3) qui décrit trois types de capitaux nécessaires à la construction d’un individu. D’une part, un capital économique, composé des moyens financiers et matériels d’une personne, un capital culturel composé de ressources plus symboliques (telles que la richesse linguistique par exemple, ou encore, le niveau d’étude), et enfin, le capital social, considéré comme :

[L]’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance ; ou, en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes […] mais sont aussi unis par des liaisons permanentes et utiles. (Bourdieu 1980 2-3) .

D’après Bourdieu, le capital social d’un individu est défini par les liens sociaux qu’un individu peut avoir avec d’autres, donc, à la possession d’un réseau. De plus, il ajoute que ces relations peuvent être plus ou moins institutionnalisées, c’est-à-dire, plus ou moins officielles. Ce capital social, pouvant prendre des formes diverses, peut se retrouver sur divers réseaux sociaux, c’est le cas de Twitter, qui sera notre sujet d’étude pour ce travail de recherche. Si l’on considère une approche anglophone, l’on retrouve également cette notion de capital social, même si elle est énoncée différemment. Prenons les travaux de Boyd et Ellison en exemple : ces derniers définissent les réseaux sociaux numériques (ou social network sites en anglais) comme suit : […] as web-based services that allow individuals to (1) construct a public or semi-public profile within a bounded system, (2) articulate a list of other users with whom they share a connection, and (3) view and traverse their list of connections and those made by others within the system. The nature and nomenclature of these connections may vary from site to site. (Boyd and Ellison 2007 211) .

Dans cette définition, l’on retrouve bien ce que Bourdieu appelle le capital social. En effet, chaque point de cette définition reprend l’idée de la construction d’une communauté au sein d’une plateforme numérique « fermée » pouvant échanger sur divers sujets et pouvant construire son propre auditoire grâce à ce que nous avons indiqué plus haut. Depuis les années 2008, la plateforme de micro-blogging Twitter a pris un tournant considérable en s’imposant comme un moyen de communication politique légitime. Nous avons pu le constater lors de la campagne présidentielle menée par Barack Obama, et plus récemment avec la campagne du président actuel, Donald Trump, ainsi qu’avec la campagne menée pour les élections de mi mandat aux États-Unis qui constitueront l’objet de recherche de ce travail. Ce qui peut nous laisser dire que ce mode de communication peut être considéré comme légitime est le fait que certains médias traditionnels, qui doivent se conformer à un code déontologique bien précis (donc supposément être le plus fiables possible) dans le relais des informations, utilisent Twitter pour communiquer sur divers sujets.

Twitter regroupait environ 326 millions d’utilisateurs au troisième trimestre 2018, ce qui en fait le réseau social de micro-blogging le plus utilisé dans le monde occidental. Chaque utilisateur possède une page configurable à dessein. Tout d’abord, chaque utilisateur possède un compte, qui peut être privé ou public. Certains profils sont vérifiés, d’autres non. Dans le cadre de cette recherche nous nous intéresserons à des comptes de personnalités publiques, en l’occurrence politiques. Chaque utilisateur possède un certain capital social sur Twitter, pour reprendre la terminologie bourdieusienne. En d’autres termes, un utilisateur peut suivre ou peut être suivi par d’autres : c’est par ce biais là que les usagers de Twitter se constituent leur propre réseau et qu’ils peuvent se regrouper et former des communautés au sein de ce « réseau des réseaux » comme il est coutume de l’appeler. Chacun peut donc construire sa propre communauté en fonction de ses affinités politiques, culturelles, religieuses, en s’abonnant à des comptes qui prônent une idéologie regroupant des pensées communes entre plusieurs individus. Dans ce travail, nous étudierons le tweet, nous nous interrogerons sur sa nature discursive, ainsi que sur  les marqueurs pouvant indiquer l’expression de la subjectivité dans ce dernier. Avant de nous interroger sur la nature discursive du tweet, il est nécessaire d’en établir une définition en donnant quelques caractéristiques générales du tweet.

Un tweet est un énoncé court soumis à une limite de 280 signes (anciennement 140). Cette contrainte du nombre de caractères oblige l’auteur du tweet à être bref et concis (nous mentionnerons la théorie de l’économie cognitive d’un genre discursif développée par Bakhtine lorsque nous aborderons la question du genre discursif du tweet). Cependant, depuis quelques temps, des utilisateurs exploitent la limite du nombre de signes de plusieurs manières :
– Certains préféreront publier un texte sous la forme d’une photo leur permettant d’afficher davantage de signes.
– D’autres choisiront de répondre à leur propre tweet pour créer un thread, afin qu’ils puissent développer un point de vue ou autre (certains usagers numéroteront les tweets dans l’ordre dans lequel ils doivent être lus, tandis que d’autres utiliseront un signe de ponctuation à valeur elliptique, par exemple « ….»). Dans certains cas, l’on peut aussi voir un deuxième tweet indépendant du premier mais relié de par sa temporalité proche. Par exemple (le deuxième tweet est à lire en premier) :

– Dans d’autres cas, l’insertion d’un objet autre qu’une photo (vidéo, GIF, sondage, lien externe…) peut permettre à un usager de contourner la limite du nombre de signes.

Le tweet est donc un moyen de communication singulier de par son organisation textuelle spécifique et sa limite du nombre de signes. Afin de donner une définition précise du tweet, qui n’est pas seulement une unité textuelle, nous devons mentionner son support, ainsi que ses métadonnées.

Un tweet peut prendre deux formes : une forme verticale et horizontale. La forme horizontale est la forme qu’un utilisateur peut voir dans sa timeline ; elle est considérée comme la forme stéréotypique du tweet. Les exemples ci-dessus sont des tweets exportés sous cette forme-là. Sur ce dernier, figurent plusieurs éléments que Marie-Anne Paveau (2017 340) recense :
– photo de profil de l’abonné ;
– nom de l’abonné ;
– pseudo de l’abonné ;
– date du tweet, relative ou absolue ;
– texte du tweet inscrit dans la fenêtre dédiée […] ;
– liste des opérations possibles signalées par des icônes sous le texte (anciennement assorties de mots-consignes) : répondre, retweeter, aimer, activité des tweets ;
– bouton-chevron signalant un menu déroulant avec les fonctions suivantes […] ;
– le cas échéant, si le tweet est dans une autre langue que celle de la plateforme consultée, la mention « à l’origine en [langue] », ouvrant par clic sur une traduction automatique.

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Table des matières

1. INTRODUCTION
2. TWEETS ET ANALYSE DU DISCOURS
2.1 Fonctionnement global des réseaux socio-numériques : le cas de Twitter
2.2 Les tweets et la notion de genre discursif
2.3 Analyse du discours numérique et technodiscours rapporté
2.3.1 Le discours numérique natif
2.3.2 Le discours hypertextualisé
3. ETHOS ET SUBJECTIVITÉ SUR LE WEB : INFLUENCES DU SUPPORT ET DES CONVENTIONS D’USAGE
3.1 L’ethos aristotélicien et le cas des productions stables
3.2 Quelques éléments constitutifs de l’ethos discursif
3.3 Ce que le discours numérique modifie dans la constitution de l’ethos
3.3.1 Une hiérarchie des scènes d’énonciation différente
3.3.2 D’autres facteurs pouvant obscurcir la construction d’un ethos numérique
3.4 Une expression de la subjectivité toutefois conventionnelle
3.4.1 Les subjectivèmes : une catégorisation générale
3.4.2 Les substantifs subjectifs
3.4.3 Les adjectifs subjectifs
3.4.4 Les verbes subjectifs
3.4.5 Les adverbes subjectifs
3.5 Bilan d’étape
4. SUBJECTIVITÉ ET ETHOS DANS UN CORPUS DE TWEETS POLITIQUES
4.1 Choix du corpus et méthode de relevé
4.1.1 Contexte de l’élection et présentation des deux candidats
4.1.2 Méthode de relevé d’occurrences
4.2 Étude de la composante numérique dans notre corpus
4.3 Étude de la composante verbale dans notre corpus
4.3.1 Relevé statistique des marqueurs de subjectivité dans notre corpus
4.3.2 Ce que l’expression de la subjectivité traduit dans un tweet
4.3.3 Quelles conséquences sur l’ethos numérique politique ?
5. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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