Troubles de l’inconcevable, conscience protectrice

Ma matière, ma référence

Maintenant qu’on a pu établir rapidement la nature des fonctionnements du corps et la sensation d’illimité qui le caractérise, je vais poursuivre sur les connections que je présuppose entre eux, et la production d’images incluant ou favorisant la projection humaine. Que se soit parce que le motif, par exemple peint pour approcher notre sujet, renvoi de prêt ou de loin à la symbolisation du corps, visant alors à sa reconnaissance. Soit parce qu’’il invite, par notre rapport à l’inconnu, à la projection individuelle. Car si notre perception, régit par nos sens, est la première passerelle permettant à l’homme d’avoir conscience de sa position dans l’espace, elle est, par son action physiologique conjointe à l’action mentale, un moyen d’envisager les possibles sur les bases de sa connaissance ou de sa mémoire des choses perçues.
La perception est dépendante, surtout dans l’évolution du corps au sein d’une société réglementée, des repères au connu. Or le repère fondamental, en dehors de toute culture, de toute empreinte ou résidu culturel sur le corps et la conscience, et donc de toute action de raison, est bien notre corps physique. La perception pour exister ne peut se dissocier du corps et du premier rapport qui s’installe par lui. Car si l’on imagine retourner à une existence de perception pure, ce serait un retour à l’état de nouveau né. Tout droit sorti de l’utérus, la seule chose alors dont nous sommes sûrs et pleinement conscients, c’est de nous même. Ce corps, que je peux toucher et qui me donne des sensations. Corps que je peux poser contre un autre et dont la sensibilité première est bien relative au toucher.
« la perception pure porte par définition sur des objets présents, actionnant nos organes et nos centres nerveux, et […] tout se passera toujours par conséquent comme si nos perceptions émanaient de notre état cérébral et se projetaient ensuite sur un objet qui diffère absolument d’elles .» Le jeune enfant semble d’ailleurs intuitivement se méfier de la validité de ce qui se donne à voir à travers ses yeux. À cette seule action il préférera y associer le toucher. Action qui le place lui, dans la continuité de cet objet inconnu : «Les objets qui entourent mon cops réfléchissent l’action possible de mon corps sur eux .».
Action rassurante qui place le corps dans un tout, rayonnant autour de lui.
L’homme ne peut alors dissocier sa perception de lui même. Et effectivement il est impossible pour nous de «voir» à la place de l’arbre, ou de la fourmis. Et si l’action de perception est certainement mentale puisque la conscience entre en jeux, elle est dépendante et relative à la matière qui l’accompagne. Si je reviens à mon premier questionnement, qui est de ne pas savoir pourquoi le visage humain ressort de ma peinture. Il semble que ce besoin plastique poussé par l’inconnu, aurait besoin de ce repère au corps pour se déployer. Cela engendrerait une logique montrant qu’il serait possible que ma pratique se passe un jour de la figure humaine. C’est en tout cas une question que ma recherche me pousse à envisager.

Recherche de mon essence, rejet de conscience

Un point intéressant de la pensée de Bergson à ce sujet, est qu’elle s’éloigne de celle de Kant qui faisait de l’homme le point de départ qui structure le chaos. Il y a par contre un monde déjà structuré qui s’impose à nous . C’est cette idée de la matière qui d’abord s’impose, avant toute considération du corps, qui prend particulièrement sens dans l’oeuvre de Bam van Velde. Dans sa peinture, il n’y a plus de trace de la ressemblance humaine et pourtant sa sensation est poignante. Car le portrait humain qu’il dresse à travers sa peinture recherche les conditions réelles de son existence. Chez lui, l’acte pictural est une recherche purement eidétique.
C’est un acte de perception pureou une saisie pure, soit avant la Dissociation opéré par l’esprit. C’est être dans les choses, dans la «matière», avant de s’en extraire par action de conscience.
Carouge [ill.5]est une gouache de 96 x 75 cm peinte pendant la période reconnue de l’artiste et donc tardive. L’artiste ayant construit son langage très rapidement dans sa pratique au début des années 40 il y a dans cette oeuvre un aboutissement de ses recherches.
Le support agit comme réceptacle de projection et peut accumuler jusqu’à trois semaines de recouvrement successif, que la liquidité et la transparence apparente rendue par la gouache permet d’apprécier et de sentir. Un travail qui semble être une recherche d’harmonie, dans la forme, la couleur mais aussi la texture. On voit effectivement beaucoup d’effets de matières différents dans une même peinture.
Certaines traces semblent vraiment très pauvres en pigmentation, on y voit les traces de pinceau et la présence passée de l’eau. Certaines sont très mates et d’autres beaucoup plus brillantes. Toutes ces variations et ces paramètres semblent rendre compte de la difficulté pour l’artiste d’atteindre ce qu’il recherche puisqu’il faut des dizaines de couleurs et de traces différentes pour l’approcher.
Toute cette exploration, par la saturation du support de couleurs est renforcée par l’articulation des formes et des touches. Elles génèrent une multitudes de directions, d’hypothèses, d’influences et de mouvements; Avec par exemple une ligne de couleur brisée par une autre ligne ou la traversée d’un aplat. Ce même aplat s’étalant d’un coté de manière régulière et entamant de l’autre ce qui pourrait être un triangle rectangle, mais dont l’angle obtus viendrait mourir et se dissiper dans plusieurs autres lignes ou aplats chromatiques. Cela se traduit par un flou dans la forme, un changement de la couleur dans des zones de conflits. Chaque aplat influe sur les autres. Si la peinture est visiblement dynamique dans sa composition et soulève la notion de mouvement, cette idée de dialogue avec la peinture laisse entendre quelque chose de beaucoup plus lent et laborieux.
Je travaille moi même avec une peinture très liquide pour donner à voir l’impact de mes différentes impulsions. Par exemple sur une peinture inachevée [ill.6], il est facile de comprendre la manière dont il m’arrive régulièrement d’appréhender la matière picturale. Sur ce qui apparaît comme une figure coulante, les différentes touches chromatiques semblent presque immatérielles, par l’union fluide qui se crée entre elles. Malgré la sensation de voile et de légèreté, on sent l’influence des différents apports chromatiques les uns sur les autres. Alors qu’il est parfois facile de lire mon geste, grâce à la répétition et l’action de recouvrement successive, certaines influences ne sont plus reconstituables dans l’esprit, et semblent relever de la synthèse de mon corps. Une sensation qui n’était pas exprimable directement mais qui témoigne de ma réalité.

Ligne limite, ligne infinie

Cela expliquerait certainement pourquoi je pense, je privilégie le travail sans croquis. Sans en fait aucun support ou matériaux extérieurs, que ce soit photographies, dessins ou archives de journaux. Bien entendu ces matériaux, hors de la pratique sont très importants pour moi. Mais il est justement important qu’ils ne restent en moi que pour la sensation ou le sentiment ou le souvenir qu’ils ont pu y imprimer. A la manière des impressions, des pensées volatiles s’écoulant tel un fleuve. Une fois le flux passé, il ne repasse pas le même.
Effectivement quand je travaille le croquis, il y a souvent une dynamique qui se dégage, puis beaucoup de lignes qui s’entrecroisent, se mélangent jusqu’à se fondre. La ligne apparaît tellement pour moi comme une limite que j’ai l’impression qu’il m’en faut toujours plus. Je pense tout de suite aux portraits de Giacometti [ill.7], surchargés de lignes, comme si ce que forçait la ligne par le contrôle qui résulte d’elle, allait complètement à l’encontre de la volonté que mettait l’artiste dans son dessin. Et effectivement, si je ne me décidais pas, en violence, à arrêter un croquis, il serait noyé sous les lignes et ne montrerait définitivement plus rien.
C’est d’ailleurs intéressant de voir que les corps bâtons [ill.8]peints par les hommes préhistoriques, faisaient de la ligne le tout. «Se contenter d’une silhouette » apparaît comme l’expression la plus directe d’un «moins de chair » et du symbole de la spiritualité humaine. Ce genre de représentations ( qui était en plus peu fréquentes et ne représentent qu’une infime partie des motifs utilisés dans tous l’art préhistorique.) témoignent de la place reculée que l’homme se donnait dans l’univers.
Une place humble et incertaine. La ligne était comme le meilleurs moyen de tout dire en en disant le moins possible. C’est une ligne muette et infinie. Muette par le peu d’information qu’elle véhicule; en réalité les plus élémentaires que le visible nous offre. Celle qui nous place ou nous pose dans l’immensité du réel, de l’existant, que le seul fait de notre consistance biologique représente; Infinie car elle est la démonstration d’une ouverture du corps.
Il est par ailleurs intéressant de souligner comme le traitement graphique destiné aux animaux notamment, est bien plus détaillé, et poussé clairement vers une recherche de réalisme, visant lui, au principe d’identification. Hors il est évident que ces hommes avaient une connaissance de leur enveloppe corporelle et pourtant il n’était pas important pour eux de faire de ce visible une réalité les concernant, dans leur représentation.

La matière picturale : Le reflet de ma propre matière

«Dans le dessin, on sait toujours plus ou moins où on va. Il n’y a pas d’aventure. Moi, il me faut le saut dans l’inconnu .»
La ligne pour moi, et aux vues de mes expériences, enferme donc inévitablement et se définit en elle même comme quelque chose d’indiquée; d’un point A à un point B (du début de la ligne à la fin). Ces points seront toujours définis; la ligne ne peut pas couler elle ne peut pas se déformer au contact d’une autre, se déployer ou se rétracter. Il y a une maîtrise absolument parfaite entre l’exécutant et son outils. Il y a alors une transition parfaite, de l’intention au résultat.
Et si il est toujours effectivement possible de laisser aller son bras dans un pseudo hasard sur une feuille, le résultat ne sera jamais plus que le fruit de ce hasard. Il n’engendrera pas le hasard intrinsèque à sa matière, et freine je pense la projection individuelle dans l’oeuvre, contrairement à la peinture. Cecily Brown une artiste contemporaine, et très proche de la pratique de Francis Bacon, revendique un processus s’éloignant de l’idée définitive, de l’idée réellement pensée et réfléchis.
Elle n’utilise, elle non plus pas de croquis préparatoires. Les premières marques, traces sur la toile vont induire les suivantes et ainsi de suite. Une construction par réponse et par intuition sur l’existant. Comme un jeux de questions réponses qui affirme l’importance d’un rapport particulier dans la création permis seulement par la matière picturale : «Je dois être dans l’atelier, je n’ai pas d’idées avant d’être physiquement en train de peindre .»Dit-elle dans un entretien pour The Financial Time, traduit en Français par le journal Le nouvel Economiste.
Ce qu’elle exprime également dans diverses interview, c’est la manière dont elle ressent la peinture, bien plus que comme un outil mais comme un corps. Peut-être pas vivant biologiquement, mais vivant par sa nature profonde, reliée à la notre;
Celle d’être un corps à la fois soumis et influant. Soumis d’abord par sa seule qualité d’outil. Soumis aussi parce que tel notre corps, il se déploie aux grés de lois qui lui sont propre et de celles des autres corps. Cependant il reste influant car on le voit, ou en tout cas on le sent comme sa matière, une fois posée sur le support nous insuffle une poussée qui n’était souvent pas là juste avant. Accepter le dialogue avec la peinture c’est déjà s’ouvrir à la sensation du corps illimité. Par la projection du corps à la peinture , de la peinture au corps, l’artiste ouvre déjà son propre corps à l’inconnu qu’il recherche.

Instinct de projection, témoin de mon existence

C’est autour de ces premières réflexions que certaines oeuvres de Dubuffet ont trouvé leur place dans ma recherche. En effet dans sa série de portraits réalisés avec de la peinture, du sable et du gravier , comme Pierre Matisse, portrait obscur [ill.9], peint en 1947, l’artiste semble faire de l’identité humaine, l’action de projection du corps dans la matière, par un portrait qui s’éloigne fortement de la notion de ressemblance au visible. La figure est schématique. Un rond pour la tête, un autre ovale pour le buste. Il en va de même pour les détails du visage se limitant aux yeux, nez et bouche. Aux orifices en sommes, eux même très schématiques. L’orifice n’est-il d’ailleurs pas aussi la raison de la première expérience de l’ouverture du corps? Dans cette oeuvre, l’artiste semble gommer l’individualité, pour revenir à l’essentiel du vivant humain; Cette fameuse action de projection.
Par l’utilisation de matériaux comme le sable et le gravier, Dubuffet installe ce double rapport, faisant de la matière, l’espace de projection du corps et l’espace de création; L’homme n’existe que parce qu’il se place lui même dans les choses, ce qui lui permet ensuite d’y créer ses fictions, autour de sa perception actuelle des choses. Mais je reviendrai plus longuement sur cette idée.
Je me rappelle d’ailleurs avoir expérimenté, bien que différemment, pleinement ce principe. En projetant aléatoirement de l’encre, médium liquide et imprévisible sur le papier, il me fallait ensuite en dénicher des formes humaines. Des visages particulièrement. Sans quoi la première action me laissait dans l’insatisfaction. De la même manière, avec la peinture acrylique, j’ai réalisé une série de peintures [ill.10] ,[ill.11]dont le point de départ était la matière brute, épaisse, posée puis frottée par un autre papier. Je faisais ensuite ressortir des figures humaines sommaires, comme un moyen de confronter à l’informe, la présence du corps.

Troubles de l’inconcevable, conscience protectrice

On retrouvera justement cette projection, si chère à Jean Dubuffet dans l’art Brut. Mouvement qu’il officialisera par le manifeste, L’art brut préféré aux arts culturels, 1949, présent dans le catalogue d’exposition de la première exposition d’art Brut. Mouvement qui, tel qu’il est théorisé par ce dernier, appartient à des artistes dénués de toute volonté artistique, liée à la reconnaissance, à l’application ou la mise en expérience d’un savoir préalable ( appris notamment en école d’Arts. ).
Si le visible peut alors s’associer facilement avec la raison; Parce qu’un arbre est un arbre lorsqu’il a un tronc et des feuilles. On ne pourra jamais me dire une chaise est un arbre par exemple. Le visible par la reconnaissance et la classification des signes du visible me permettent de quadriller mon existence, de la rendre rassurante car peuplé de choses connues finalement. Quand la folie fait ressortir l’inconnu, et nous propose des mots qui n’en sont pas ( grognements, nouveaux sons ) ou des phrases qui n’en sont pas telles que nous les concevons, on peut déduire leurs répercutions pourtant réelles dans le corps de l’individu. Elles projettent dans mon ressenti une réalité toute différente, s’éloignant du discours qui façonne mon corps, et m’accroche par la perturbation qu’il provoque en moi.
Pour ces personnes l’acte créateur est un besoin d’exprimer ce qui sinon ne s’exprime pas et ne trouve pas sa place dans l’illusion du visible. Samuel Beckett fait un parallèle frappant entre le juste et le faux en art. Et le trouble que peut créer, chez le spectateur, une peinture échappant au discours. Grand amis de Bram Van Velde, et fervent supporter de son travail, et plus largement de sa vie , il a évoqué dans son livre Le monde et le pantalon l’oppression du discours sur toute la production artistique et plus largement sur l’idée du bon goût et de la bonne peinture. Bram Van Velde à ce propos ne pouvait que servir l’idée de l’auteur; N’ayant connu presque aucune renommée de son vivant, en tout cas pas en France. Car ce qui échappe nous confronte à une sensation assez désagréable de limite.
Comme lorsque j’essaie de me figurer l’infini et que seul un mutisme teinté de gêne s’installe car en moi je ressens parfaitement ma limite, jusque dans les sensations de ma boîte crânienne qui alors, semble trop petite. Beckett nous en fait état à travers les expériences qu’il a pu avoir, de spectateurs du travail de son ami, qui fréquemment, ne trouvaient pas de mots et semblaient perturbés de ne pas en avoir. Il met en rapport ce fait et la mauvaise critique Pari-sienne de l’époque, qu’il justifie par cette même incapacité qu’ils auraient eu à placer des mots sur l’oeuvre de Bram van Velde, qui sinon se placeraient naturellement sur un chef d’oeuvre : «L’oeuvre soustraite au jugement des hommes finit par expirer, dans d’effroyables supplices. L’oeuvre considérée comme création pure, et dont la fonction s’arrête avec la genèse, est vouée au néant.» Pour avoir fait l’expérience de l’exposition, et visant, je pense, la recherche du vivant, brillamment incarnée dans la peinture de cet artiste, j’ai pu faire un constat similaire. Associé au fait que beaucoup de personnes semblaient être désarçonnés par l’absence de titre ou mon refus de bien accepter de leur expliquer ce que représentait telle peinture. Le fait est que je veux qu’elles soient, et non pas qu’elles représentent. Qu’elles soient corps sensibles comme tout autre corps sensible doté du pouvoir de communication; transmission et réception.
On pourrait donc voir la démarche ou l’expression d’un artiste comme Bam van Velde, une tentative d’échapper à la supercherie du visible pour toucher à la vérité que le monde tente d’étouffer, certainement par crainte. L’artiste est celui qui accepte de voir les choses en face. Il assume et recherche à la fois toute la subjectivité et toute l’objectivité du monde. Subjectivité car il sait son corps marqué par l’expérience, consciente ou non,et objectivité car il est le premier à essayer de sortir du refuge du visible pour explorer l’expression de l’existence même du corps et à «multiplier les empêchements de la ressemblance.»
Un article de Pierre Ouellet, «Fictions du sacré. Puissance du croire et du créer dans le monde de la virtualité», exprime de quelle manière le visible apparaît comme l‘argument favori de la raison pour combler ses failles. Que toute la construction sociétale n’est que le résultat d’une projection de l’individu dans une fiction qu’il fait réalité. Et des fictions pour combler son ignorance, l’homme en fait beaucoup.
De l’image christique à la science-fiction cinématographique, il a trouvé dans le rassurant visible et définit des hypothèses aux troubles renvoyés par le corps. Ce qui n’est pas sans rappeler ce besoin spontané de projection. L’homme s’invente des fictions dont il reste le premier protagoniste.

Rejet de la narration vers le réel sensible

Ce recul de la hierarchisation dans l’oeuvre de Corbaz s’accompagne d’une absence de narration. Bien que l’artiste se dévoile complètement dans son oeuvre et se raconte, je ne ressens pas le discours comme je pourrais le ressentir face à une toile de Poussin. Il y seulement l’explosion d’une vie, telle quelle, sincère, où le virtuel de l’artiste et le réel commun s’entremêlent, et suffisent à heurter ma propre réalité en me confrontant à ma virtualité. Car par la confrontation de graphismes ne m’évoquant aucune forme connue et de certains trouvant un point d’encrage dans ma mémoire, l’artiste ouvre et ferme en même temps la porte à toute compréhension.
De la même manière «La fusion de la figure et du fond » impose une action de déchiffrage. Qu’est ce qui appartient au fond et qu’est ce qui appartient à la figure. L’action de déchiffrage, à l’image du vide, aspire le spectateur. C’est l’action ou la brèche qui permet le contact direct avec le regardeur. Et peu importe si l’essentiel du dessin m’est inaccessible. C’est son inaccessibilité qui me fait prendre conscience de la limite de mon réel et de ma perception. En l’état, l’art brut rassemblerait donc les œuvres produites hors des sentiers battus par des personnalités vivant dans l’altérité mentale ou sociale et cherchant – souvent dans le secret, la plupart du temps pour leur propre usage – à matérialiser leur mythologie individuelle. Et si nous sommes capables de reconnaître et d’aimer ces productions, c’est simplement le signe qu’elles confinent à l’universel.».
On retrouvera cette forme de mise à plat dans ma pratique et d’un effort pour fuir la narration, notamment grâce à la puissance chromatique. De la même manière que la ligne est une définition, la couleur est l’anti-définition. Ce qui n’est pas sans rappeler la lutte historique entre l’école Vénicienne et l’école Florentine. Dans mon travail « la couleur tend à déstabiliser l’espace linéaire et la composition qui ancre la représentation dans l’espace .». Ainsi la réalité vécue s’éloigne d’une réalité visible et d’un certain positionnement du corps, dans le temps et l’espace.
L’Art Brut, parce qu’il se détache de toute volonté et de tout désir d’isolation, traduit le tout de l’artiste, et ainsi accroche le tout du spectateur. Faisant de l’oeuvre Brut, un point de contact avec l’intuition universelle. Il est d’ailleurs intéressant de voir que c’est un art qu’il est difficile de placer géographiquement. On ne saurait dire si telle production Brut vient d’Asie, d’Europe ou d’Afrique [ill.16], ce qui me pousse encore une fois à la considérer comme révélatrice de quelque chose de plus grand et certainement plus universel que ce à quoi les images actuelles nous confronte.
J’ai parlé de mon désir et de ma frustration quand à l’obtention d’images vivantes.
Or on a pu voir que l’image ne vit que par la perception de celui qui la voit. Pour ne plus vivre dans la perception mais vivre pour elle même elle doit se faire piction et accepter que son vivant dépend de l’action sur elle et non d’un discours.

Intuition et spontanéité

Grâce aux artistes précédemment évoqués, qui ne proposent certes pas une vision exhaustive de la production Brut, on voit cependant que la figure humaine est redondante. Mais provient-elle vraiment d’un rapport intuitif à la création? Est-ce ce rapport à l’inconnu qui m’obligerait à établir ce contact d’abord, par moi même. Où de ce fait ne ressort qu’une spontanéité qui en elle n’a rien d’intuitive ?
L’intelligence se base sur l’expérience d’action; le feu est venu de l’action avant le savoir du feu. La perception est anticipation d’action, on l’a vu. La perception ne retient que ce sur quoi on peut agir. Sinon l’esprit serait submergé.
Le langage lui même résulte de cette nécessité de l’intelligence. Ce sur quoi nous pouvons agir doit avoir un nom. Un nom qui fige la chose et n’est ni plus ni moins qu’un repère, favorisant une construction commune que sont les sociétés ou civili sations.
Or l’intelligence n’a de portée, je me répète, que ce sur quoi elle a déjà établi une expérience matérielle. La science en est la preuve. Une théorie ne peut être validée que dans le cas où l’expérience positive la attestée. Voilà peut-être pour quoi il y a d’un coté la science et la métaphysique.
Si la création intuitive est un besoin de sentir le réel, celui qui ne passe pas seulement par le conscient et qui n’a pas de définition, mais que l’intelligence nous pousse souvent à obscurcir ou à brider, comment justifier de cette sensation du réel? C’est là une des vocations de la création artistique. Si la création Brut comme on l’a vu est un besoin, et non une volonté, ou une idée, c’est que de cette création transparaîtrait de cette face cachée du réel. C’est un besoin qui certes peut être intellectualisé ( tout comme je me force à le faire actuellement) mais qui provient avant tout d’une réalité inhérente à notre nature, absolument inconscient; Tout comme manger avant d’être intellectualisé par la conscience de la mort, est un besoin qui ne vient pas de l’intelligence et qui pourtant façonne notre réel. Manger est un réflexe de survie, la création artistique a des visées similaires. Déjà parce qu’elle laisse une trace. C’est l’action individuelle vivante figée dans l’objet. Mais aussi je pense parce qu’elle est le moyen pour l’artiste d’approcher la réalité de sa propre nature, de se découvrir lui même.

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Table des matières
INTRODUCTION
/. Mon corps, entre présence et conscience
/. La perception, action salvatrice ou aveuglement
/. Mon corps esclave de mes sensations
/. Ma matière, ma référence
/. Recherche de mon essence, rejet de conscience
/. Ligne limite, ligne infinie
/. Mon vivant dans le vivant pictural
/. Instinct de projection, témoin de mon existence
/. Troubles de l’inconcevable, conscience protectrice
/. L’absolu n’existe pas
/. Saturation de l’invisible
/. Rejet de la narration vers le réel universel/ sensible
/. Le définitif contre l’absolu
/. Intuition et spontanéité
/. Le trouble de l’intuition
/. Court circuiter l’esprit
/. Besoin de submersion
/. L’intuition : Un besoin de contrôle du temps
/. Peindre l’impuissance
/. Le mouvement insaisissable
/. Inutilité : Dégoût et plaisir
/. Mon corps ne m’appartient pas
/. Le brouillard témoin d’une quête impossible
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES NOMS
TABLE DES ILLUSTRATIONS
INTERVIEW JEAN-BAPTISTE DUMONT, PEINTRE DE FIGURES

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