Troubles de l’attachement

Troubles de l’attachement

Emergence historique

A la fin des années 1930, la question des carences affectives et de leurs répercussions est abordée dans la littérature psychiatrique et psychologique. Les auteurs décrivent alors les effets des placements précoces tout en les mettant en lien avec un manque de soins maternels. Le Docteur David Levy publie à New York, en 1937, la première description de l’indifférence affective à la suite d’une séparation, dans l’American Journal of Orthopsychiatry. Il y donne aussi sa définition du besoin d’affection, comme « an emotional hunger for maternal love and those other feelings of protection and care. » (1937, p.643). De plus, il sera le premier à utiliser le terme de « carence de soins maternels ». Plus tard, en 1946, Spitz rédigera un écrit, « L’étude psychanalytique de l’enfant », consacré à la dépression anaclitique et l’hospitalisme. Avec l’aide de Katherine Wolf, il observera 123 nourrissons, âgés de 12 à 18 mois, de mères emprisonnées. Il décrira alors la dépression anaclitique comme une carence affective partielle, chez ces enfants séparés de leur mère. (1946, p.313) Il précise que lorsque ces séparations se prolongent, l’enfant évolue vers un état physique et psychique ralenti et affaibli. Il nomme alors cet état « l’hospitalisme », c’est-à-dire une carence affective totale. Ses recherches vont, dès lors, permettre une évolution au sein de la prise en charge des enfants en institution ou en orphelinat (Rousseau, 2011).

Puis, dans les années 50, de nombreux écrits et publications viendront enrichir les notions de carences affectives et de séparations, tant dans leur description que dans les moyens pour y remédier. Cependant, les controverses deviennent virulentes et nombreuses entre les auteurs, notamment concernant les facteurs aggravants ou les conséquences de l’enfant carencé (Rousseau, 2011). Ces différentes étapes retraçant la naissance du concept de « carences affectives », mettent en lumière l’intérêt évident des chercheurs au sujet de la séparation amenant à des carences chez l’enfant. Dans ce travail, je souhaite m’intéresser plus spécifiquement aux carences naissantes alors que l’enfant n’est pas séparé physiquement de sa figure d’attachement. A ce sujet, Mary Ainsworth, une psychologue du développement, a écrit un article pour les cahiers de santé publique pour l’OMS, insistant sur le fait que « […] la carence non accompagnée de séparation physique peut être aussi pathogène que la carence accompagnée de séparation. » (1962, p.145). C’est pour cette raison qu’il me semble intéressant de me questionner à ce sujet.

Comme discuté précédemment, de nombreux cliniciens se sont intéressés aux situations d’enfants ayant subi la perte de leur mère ou de leur substitut maternel durant les premières années de leur vie. Etant donné qu’il existe plusieurs situations pouvant mener à des carences affectives, il me semble pertinent de préciser celles qui nous intéresseront tout au long de ce travail. Pour cela, je m’appuie sur les trois types de carences proposés par Mary Ainsworth. Nous allons nous pencher sur celui qui décrit la carence qui se produit : « […] quand un nourrisson ou un jeune enfant vit avec sa mère (ou un substitut maternel permanent) mais n’en reçoit pas de soins suffisants et n’a pas avec elle de possibilités d’interaction adéquates. » (Mary Ainsworth,1962, p.96) Afin d’expliciter au mieux cette situation carentielle, prenons la définition de Michel Lemay, qui la présente comme une rupture dans la rencontre initiale entre parents et enfants. D’après lui, ces premiers échanges ont pour objectif « […] d’inscrire l’enfant dans un lieu où les personnes, les objets, l’espace, les séquences temporelles ont une fonction structurante. » (2001, p.15). La rupture, pour des raisons variées, va confronter l’enfant entre zéro et trois ans à une perte de points de repères avec les personnes significatives qui font partie de son existence.

La carence est donc un processus morbide, qui sera marqué par la rupture des premiers investissements des adultes qui partagent la vie de l’enfant. Cette dernière n’est pas réparée et entraîne de multiples conséquences. En effet, la discontinuité de ces liens amène une blessure narcissique qui pourra se traduire ultérieurement par une dépression. Par ailleurs, en raison de la construction du Moi qui est encore incomplète à ce moment de la vie de l’enfant, cela va provoquer de graves perturbations dans la construction de l’identité. Dans son ouvrage « J’ai mal à ma mère », Michel Lemay insiste sur ces perturbations au niveau de : « […] la prise de conscience du corps, de l’enracinement dans l’espace et dans le temps, de la découverte de la causalité, de l’intégration des premières relations objectales, de la maîtrise de l’anxiété, de l’organisation de la vie symbolique consciente et inconsciente […] » (2012, p.15)

L’auteur démontre alors que l’enfant se trouve altéré au travers de ces différents stades, qu’il synthétise comme « la colonne vertébrale psychique de la personnalité » (2012, p.16). Au travers de cette définition, nous pouvons relever plusieurs points essentiels à retenir lorsque nous parlons de carences affectives. Bien sûr, comme précisé précédemment, l’objectif n’est pas d’expliciter de manière exhaustive la notion de carence, car elle peut prendre plusieurs visages selon le contexte de son utilisation. Par ailleurs, nous pouvons retenir l’importance de la notion de rupture non réparée, qui accompagne les définitions de plusieurs auteurs. De plus, il me semble pertinent de garder à l’esprit le concept de colonne vertébrale psychique de la personnalité, qui reconstitue les différents niveaux d’altération pour le sujet concerné. En outre, j’aimerais ajouter à cette définition la notion de « non-accrochage affectif cohérent et continu ». Lemay l’utilise afin de décrire ce manque de liens, la rupture qui est créée au sein du milieu familial avec le parent. En effet, l’auteur met en évidence la cassure vécue par l’enfant ainsi que la discontinuité dans le rapport affectif.

Les difficultés affectives

Dans le cadre de ce travail, il me semble important de s’arrêter sur la question des difficultés affectives vécues par un enfant dit « carencé ». En effet, cela nous permet d’établir des éléments de compréhension dans le but de pouvoir repérer, analyser et prendre en charge ces enfants, comme l’indique notre problématique initiale. Dans ce chapitre, nous ne reviendrons pas sur les éléments de dépression anaclitique et d’hospitalisme, étant donné que nous fixons nos recherches sur une tranche d’âge post nourrisson et petite enfance. Les éléments décrits s’intéressent donc à l’enfant ayant plus ou moins dépassé quatre ans. Afin de décrire ces différentes difficultés affectives, je me suis principalement appuyée sur l’ouvrage de Michel Lemay « J’ai mal à ma mère », publié en 2012. Ce pédopsychiatre québécois a notamment été éducateur spécialisé durant son parcours professionnel. Son éclairage et son expérience sont donc particulièrement intéressants dans le cadre de ce travail. Dans son ouvrage, Lemay met en lumière tout l’intérêt pour un adulte responsable de la prise en charge d’un enfant, comme par exemple un éducateur, de comprendre ce qu’il se jouera au niveau de l’interaction entre l’enfant et lui-même. En effet, partager le quotidien d’un enfant carencé affectivement n’est pas banal. Ce dernier a vécu des difficultés relationnelles à la suite de privation parentales, des carences précoces et répétées.

L’enfant va rapidement interpeller la personne par son avidité, son agressivité, ses craintes d’abandon, son incapacité à s’attacher réellement, son oscillation entre toute-puissance et désarroi, ses comportements régressifs etc. (Lemay, 2012, p.27). Tous ces éléments sont à prendre en compte selon l’âge, l’environnement, les caractéristiques individuelles ainsi que les lieux d’interactions. Chaque enfant a un parcours de vie unique, mais les éléments cités ci-dessus sont ceux retrouvés de manière générale. Il est donc nécessaire de bien prendre en compte les facteurs individualisants ainsi que de se questionner sur le sens de ces manifestations. L’auteur précise et appuie sur le fait que chaque symptôme est un message à écouter et à accueillir avec respect et bienveillance (Lemay, 2012, p.27). Nous allons désormais nous pencher sur ces différentes difficultés repérables chez un enfant ayant vécu ces carences. Premièrement, nous allons interroger sur la question de la relation qui naît entre l’enfant carencé et l’adulte. Puis, nous allons traiter de l’angoisse d’abandon et poursuivre avec les variations émotionnelles. De plus, nous nous intéresserons aux mécanismes de défense. Enfin, les questions de phénomènes de brisure, de régressions et d’agressivité seront abordées.

Les variations émotionnelles Les variations émotionnelles occupent une place importante dans la vie d’un jeune carencé. En effet, comme explicité précédemment, les jeunes abandonniques vivent des périodes conflictuelles difficiles. Ces conflits sont d’autant plus pesants, qu’ils sont chargés sur le plan émotionnel (Lemay, 2012, p.33). Ils sont déclenchés chez le jeune carencé pour de multiples raisons, telles qu’une preuve d’amour mal supportée, une marque d’affection trop directe, une colère face à de la frustration, des difficultés face aux changements et aux départs ou encore de la jalousie. En effet, la jalousie peut être le moteur de beaucoup de souffrance. Elle est surtout tournée vers l’adulte qu’il souhaite « posséder », mais qui s’occupera d’un autre enfant. La rivalité naît alors rapidement, car « l’autre », avec qui l’adulte crée une relation privilégiée, renvoie à l’enfant carencé tout ce qu’il n’a pas reçu lui-même. Les moments de vie commune sont donc difficilement envisageables et créent de vives tensions.

Dans le cadre institutionnel, qui nous intéresse dans ce travail, il est alors complexe pour un éducateur de se positionner. Il se trouve confronté à une situation ambiguë. Il doit trouver le bon équilibre, car s’il met trop de distance avec l’enfant, cela pourrait nuire à son bon développement. Par ailleurs, s’il rend cette relation trop privilégiée, il entre dans une spirale où les demandes et les rejets de l’enfant carencé seront de plus en plus importants. De plus, les autres jeunes se sentiront mis de côté et cela mettra en difficultés les relations du jeune carencé avec ses pairs (Lemay, 2012, p.34). Comme explicité à plusieurs reprises, le jeune abandonnique souhaite un lien unique et continu avec l’adulte. Lorsqu’une frustration intervient, ce dernier subit alors la colère, les menaces et les insultes du jeune. Il est important de comprendre que l’intensité de la réponse agressive à la frustration n’a aucun lien avec l’intensité de l’élément déclencheur. Il peut être très faible et éveiller une agressivité extrêmement forte de la part de l’enfant. Cet événement instaurera une rupture, bien que de courte durée (Lemay, 2012, p.34).

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Table des matières

1. Introduction
1.1 Choix de la thématique
1.2 Motivations personnelles et liens avec le travail social
1.3 Motivations professionnelles
1.4 Question de départ
1.5 Objectifs
2. Cadre théorique
2.1 Les carences affectives
2.1.1 Emergence historique
2.1.2 Définition
2.1.3 Les difficultés affectives
2.1.3.1 La relation
2.1.3.2 L’angoisse d’abandon
2.1.3.3 Les variations émotionnelles
2.1.3.4 Les mécanismes de défense
2.1.3.5 Le phénomène de brisure
2.1.3.6 Les régressions
2.1.3.7 L’agressivité
2.2 La théorie de l’attachement
2.2.1 Définition
2.2.2 Quatre concepts clefs
2.2.3 Les émotions
2.3 Troubles de l’attachement
2.3.1 Les troubles graves des capacités relationnelles
2.4 Accompagnement éducatif en milieu institutionnel
2.4.1 Concept d’accompagnement
2.4.2 La relation éducative
3. Problématique
3.1 Problématique
3.2 Question de recherche
3.3 Hypothèses
4. Méthodologie
4.1 Le terrain
4.2 L’échantillon
4.3 Les techniques de récolte de données
4.4 Les risques
4.5 Aspects éthiques de la recherche
5. Analyse des hypothèses
5.1 Introduction
5.2 Analyse hypothèse 1
5.2.1 L’activité régulière et individuelle
5.2.2 La relation éducative comme processus
5.2.3 La valorisation et le besoin individuel comme objectifs
5.2.4 La cohérence
5.2.5 Nuances dans l’analyse
5.2.6 Synthèse et conclusion
5.3 Analyse hypothèse 2
5.3.1 L’approche pluridisciplinaire
5.3.2 La priorisation des besoins
5.3.3 Les ressources personnelles
5.3.4 Nuances dans l’analyse
5.3.5 Synthèse et conclusion
5.4 Analyse hypothèse 3
5.4.1 Le jeu relationnel
5.4.2 L’investissement et l’objectivité
5.4.3 La métacommunication et la transparence
5.4.4 L’adaptation et la gestion du cadre temporel
5.4.5 Le soin de soi en tant que professionnel
5.4.6 Synthèse et conclusion
6. Conclusion
6.1 Synthèse de la recherche
6.2 Réponse à la question de recherche
6.3 Limites de la recherche
6.4 Pistes d’intervention de la recherche
6.5 Conclusion
6.6 Bilan général et réflexions personnelles
7. Bibliographie
8. Annexe
8.1 Grille d’entretien

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