Transposition didactique ou vulgarisation scientifique

Transposition didactique ou vulgarisation scientifique

État de la question

Au départ, on pensait que l’acte d’apprêter les savoirs scientifiques, pour les rendre en-seignables nécessitait uniquement une simplification ou une vulgarisation. Ce n’est qu’en 1975, qu’on commença à s’intéresser au passage sinueux entre les savoirs scientifiques et les savoirs à enseigner, puis entre les savoirs à enseigner et les savoirs enseignés. Mi¬chel Verret introduisait alors le concept de transposition didactique en définissant quatre caractéristiques invariables de ce travail. La « transmission bureaucratique » de Verret (1975) propose ainsi que le savoir savant passe par les étapes suivantes lors de sa trans¬position vers le savoir à enseigner : la désynchrétisation du savoir, la dépersonnalisation, une programmation et une publicité « qui permet à chacun de saisir ce sur quoi porte l’intention d’instruire » (Perrenoud, 1998, chap. 1). « Chevallard — contrairement à ceux qui le citent — a toujours restitué à Verret la première conceptualisation de la transposition et en a respecté l’inspiration sociologique initiale, qui est descriptive et explicative » (Perrenoud, 1998, chap. 1).

Sur cette base et dans la disci¬pline des mathématiques, Chevallard bâtit une théorie fondatrice de la transposition didac¬tique — qu’il nomme plutôt « phénomènes de transposition didactique » (Chevallard, 1985) — sur laquelle s’appuie encore aujourd’hui la quasi-totalité des recherches sur le sujet. Chevallard (1985, cité par Bordet, 1997, p. 2) relève : Si, en certains moments historiques, le curriculum « bouge » ; si, régulièrement, il ab¬sorbe des flux de savoir venus de l’extérieur […], c’est qu’entre le savoir enseigné et le savoir « laïque » dont il se réclame, il convient que la distance soit assez courte. Il convient, en d’autres termes, que le savoir enseigné et le savoir qui lui sert, en quelque sorte, de caution épistémologique au regard de la Société se ressemblent suffisamment. Ce seul passage nous montre ce que Chevallard démontre. En effet, nous pouvons com-prendre ici que « Chevallard affirme cette proximité des savoirs enseignés au savoir savant non dans le sens d’un cautionnement (ce qui disqualifierait la rigueur et l’objectivité de son propos), mais pour dire qu’elle est un phénomène nécessaire, une condition sine qua non (…) » (Bordet, 1997, p. 2).

Selon lui, cela signifie que, « de fait, pour s’imposer, les savoirs candidats à une intégration dans le système d’enseignement doivent, aux yeux de la socié¬té, ressembler suffisamment aux savoirs qu’elle considère légitimes à un moment donné du temps » (Bordet, 1997, p. 2). Chevallard et Johsua (1991) se sont intéressés à la transposition didactique dans une réédition de l’ouvrage de 1985 dans « un exemple d’analyse de la transposition di¬dactique » avec une « analyse du processus de transposition didactique, dont le but premier est de déconstruire l’illusion de la transparence qui affecte le savoir enseigné (de même qu’elle affecte le “sujet enseigné”, l’élève) en montrant le décalage entre le fonctionnement savant et le fonctionnement didactique de tel élément de savoir dû¬ment étiqueté » (Chevallard et Johsua, 1991, p. i). Cette recherche s’intéresse donc à l’entier de la chaîne de transposition (interne et externe). Elle montre qu’une telle diffé-rence épistémologique peut être analysée. En effet, Chevallard et Johsua (1991, p. i) démontrent par là « qu’un décalage épistémologique ainsi créé offre un champ d’études où un grand nombre d’aspects de la transposition didactique peuvent être concrète¬ment examinés dont les significations se construisent au sein d’une théorie d’ensemble du fonctionnement didactique. »

Par ailleurs, des études existent sur la transposition didactique interne (du savoir à ensei¬gner au savoir enseigné). Dans cette recherche, le savoir en jeu appartient à la discipline des mathématiques, comme souvent dans les études traitant de la transposition didactique. Nous constatons ici « que le mode de fonctionnement didactique routinier des deux ensei¬gnantes observées représente une contrainte forte. En effet, il conditionne leur activité et pèse fortement sur les modifications apportées sur le savoir apprêté lors de sa réalisation effective en classe » (Ravel, 2003, p. 5). Encore, Perrenoud (1998, chap. 1) relève : Pour rendre justice aux disciplines dans lesquelles les savoirs savants ne sont pas aussi centraux, Joshua (1996) a proposé d’étendre la théorie de la transposition aux savoirs experts. Bien avant, dans la même perspective, Martinand (1986) avait introduit la notion complémentaire de pratiques de référence. Il l’avait proposée à propos de la technologie et de l’informatique, mais elle convient aussi aux disciplines linguistiques ou artistiques, aux travaux manuels, à l’éducation physique et aux formations professionnelles.

Les pratiques sociales de référence ont donc été ajoutées, au même niveau que les savoirs scientifiques, comme étant à transposer vers le curriculum prescrit. D’autres recherches, notamment celle de Develay (1992), mais aussi d’Astolfi et Develay (1989) se sont intéressées au phénomène de transposition didactique externe. Dans ces der¬nières, on voit que plusieurs facteurs influent sur le phénomène de transposition didactique externe. Le niveau de formulation premièrement, est une liberté des noosphériens qui aura une influence certaine sur la distance entre le savoir et un manuel. Le choix des concepts, ainsi que l’usage lié à l’histoire des sciences est aussi un des facteurs de cet écart. Ainsi, on voit que la transposition est un sujet problématique. Il est de ce fait au centre de nombreuses recherches en didactique des sciences, mais aussi de bien d’autres didactiques.

Les pratiques sociales de référence

Si Verret pose des transformations qui creusent un écart entre le savoir savant et le savoir à enseigner, il semble oublier — en focalisant ses recherches sur la didactique des mathéma-tiques — les disciplines qui ne sont pas liées à un savoir scientifique, mais à des pratiques courantes de la société. Le terme « pratique social de référence » est issu des recherches de Martinant (1986) qui dans son ouvrage « connaître et transformer la matière » cherchait à signifier « les activités sociales diverses (…) pouvant servir de référence à des activités scolaires » (Develay, 1992, p. 23). Autrement dit, « il y a des enseignements dans lesquels le savoir de référence n’est pas le seul savoir savant, soit parce que ce savoir n’existe pas (…) soit parce que la finalité d’un enseignement le porte à privilégier une autre référence » (Clerc, Minder et Roduit, 2006, p. 3). Ainsi, nous pouvons trouver différents avis en ce qui concerne une plus ou moins grande implication des pratiques sociales dans la construction de savoirs à enseigner. Perrenoud (1998) par exemple, leur accorde une place de choix, d’importance égale aux savoirs savants. Il les nomme alors « savoirs pratiques, savoirs de sens commun, savoirs d’action, savoirs implicites ou encore savoirs professionnels. »

À ce propos, Perrenoud (1998, chap. 2) dit des savoirs pratiques, qu’ils sont « ceux dont les détenteurs n’ont pas ou n’ont plus entièrement conscience, tant ils sont contextualisés, liés à une expérience et à des formes d’action, dont on ne les détache que pour les besoins de l’analyse. » D’autres auteurs vont encore plus loin en proposant les savoirs pratiques comme étant l’unique source de savoir. Cette réflexion de Latour (1996, cité par Perrenoud, 1998, chap. 2) peut appuyer ce propos : On ne produit pas plus une théorie de façon théorique, qu’on ne produit une pièce d’acier de façon « acière », un réflexe conditionné de façon pavlovienne, un meeting politique de façon militante ou une inculpation de façon « inculpante ». On peut même prendre comme règle de méthode qu’il n’y aura rien de théorique dans la production d’une théo¬rie, puisqu’il y faut justement une pratique comme pour toutes les activités : des corps habiles, des collègues, des inscriptions, des lieux instrumentés, etc. On a honte de rap¬peler ces évidences, mais il semble qu’on les oublie toujours en pensant que seuls les scientifiques n’auraient pas de pratique. Dans ce travail — qui vise à élargir un maximum l’analyse des écarts qui peuvent appa¬raître lors de la transposition didactique externe — nous allons prendre en compte les savoirs savants et les pratiques sociales à un niveau égal. Le schéma suivant montre cette vision de la transposition didactique et les deux types de travaux qui y sont liés.

Image des sciences et usage lié à l’histoire des sciences

Ainsi, nous pouvons maintenant affirmer que l’image des sciences transmise prend son origine à la transposition didactique externe, le chapitre précédent montre l’influence des méthodes sur l’image des sciences transmises. La tendance actuelle en Europe occi¬dentale — visible par conséquent dans le plan d’étude Romand (PER) — veut que cette transposition appelle à envisager « le savoir non seulement comme substantif (…), mais aussi comme verbe (l’activité de savoir comme activité constructive impliquant de véri¬tables sujets) (…) » (Bordet, 1997, p. 51). Il y a donc une recherche de personnalisation du savoir transposé. L’image des sciences qui en découle est une science évolutive et non une vérité immuable. Cette image des sciences est en opposition avec les deux premières transformations (désynchrétisation, dépersonnalisation) de la transmission bureaucratique, qui revient à rejeter le contexte dans lequel le savoir a été découvert, les recherches desquelles il découle. Develay (1992, p. 20) dit à ce sujet qu’« ignorer les conditions de cette re¬cherche, c’est supprimer (…) la situation concrète de laquelle ce savoir émerge. C’est d’emblée rechercher le contexte dans lequel le résultat est vrai. » Ainsi, il y a rejet des erreurs, des problèmes liés aux conditions desquelles le savoir provient.

Ce dernier est ainsi exposé « dans des conditions de pureté suffisantes pour que n’apparaissent pas d’éléments de sociologie parasites (…) par peur peut-être de voir contaminé le savoir par son géniteur » (Develay, 1992, p. 20-21). L’école donne alors à apprendre dans son curriculum formel des savoirs sortis de leur contexte, dépersonnalisés et désynchréti¬sés. Le savoir actuel est ainsi sensiblement différent du savoir exposé comme savant il y a 20 ans. La dé-historisation du savoir scientifique — lors de l’élaboration du curricu¬lum formel — ôte donc son aspect évolutif et contestable en l’exposant comme une vé¬rité immuable, une « vérité de la nature ». Chevallard (cité par Astolfi et Develay, 1989, p. 42) annonçait à propos des manuels scolaires qu’ils sont « le triomphe de l’achronie et de l’atopie du savoir ».

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport gratuit propose le téléchargement des modèles gratuits de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Résumé
Remerciements
1. Introduction
2. Problématique
2.1 Présentation de l’objet
2.2 Enjeux de la question
2.3 Contexte et orientation disciplinaire
3. Cadre conceptuel
3.1 La transposition didactique
3.1.1 Transposition didactique ou vulgarisation scientifique
3.1.2 La chaîne de transposition didactique
3.1.3 La transposition didactique externe
3.2 Transposer
3.2.1 Le travail de transposition didactique externe
3.2.1.1 La transmission scolaire bureaucratique
3.2.1.2 Les pratiques sociales de référence
3.2.1.3 Le travail de didactisation et d’axiologisation
3.2.1.3.1 Niveau de formulation d’un concept
3.2.1.3.2 Choix de valeurs et enjeux
3.2.1.3.2.1 La valeur véhiculée dans les contenus
3.2.1.3.3 Appel et articulation des méthodes
3.2.1.3.3.1 Image des sciences et usage lié à l’histoire des sciences
3.3 Conclusion du cadre conceptuel
4. Question de recherche
5. Méthodologie
6. Présentation des corpus
6.1 Corpus valaisan
6.1.1 Principes généraux
6.1.2 Ancrage institutionnel
6.1.3 Présentation de la programmation
6.1.2 Corpus genevois
6.1.1 Vue d’ensemble
6.1.2 Ancrage institutionnel
6.2.3 Présentation de la programmation
7. Analyse
7.1 Le niveau de formulation du concept
7.1.1 Dispositif méthodologique pour l’analyse des niveaux de formulation
7.1.2 Analyse du niveau de formulation
7.1.3 Interprétation des résultats de l’analyse du niveau de formulation
7.2 Enjeux et valeurs véhiculées
7.2.1 Dispositif méthodologique pour l’analyse des enjeux et des valeurs véhiculées
7.2.2 Analyse des enjeux et des valeurs véhiculées
7.2.3. Interprétation des résultats de l’analyse des enjeux et des valeurs véhiculées
7.3. Appel aux méthodes et articulation des méthodes
7.3.1. Dispositif méthodologique pour l’analyse de l’appel aux méthodes et leur articulation
7.3.2 Analyse de l’appel aux méthodes et leur articulation
7.3.2.1 Manuel valaisan
7.3.2.2 Manuel genevois
7.3.3 Interprétation des résultats de l’appel aux méthodes et leur articulation
7.4 Usage lié à l’histoire des sciences et image des sciences transmise
7.4.1 Dispositif méthodologique pour l’analyse de l’usage lié à l’histoire des sciences et image des sciences transmise
7.4.2 Analyse de l’usage lié à l’histoire des sciences et de l’image des sciences transmise
7.4.2.1 Rappel de l’histoire du savoir en jeu
7.4.2.2 Usage lié à l’histoire des sciences et image des sciences transmise
7.4.3 Interprétation des résultats de l’analyse de l’usage lié à l’histoire
des sciences et de l’image des sciences transmise
7.5 Retour sur le questionnement
8. Conclusion
8.1 Distance critique
8.2 Prolongement
9. Bibliographie
10. Attestation d’authenticité
11. Liste des annexes

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *