Transport diffusif de l’uranium dans la roche argileuse du Callovo-Oxfordien

Roche argileuse (argilite) du Callovo-Oxfordien

Propriétés minéralogiques : La roche argileuse (argilite) du Cox est une formation sédimentaire déposée il y a environ 160 millions d’années et située à une profondeur de 400 à 600 m. La composition minéralogique moyenne de la couche argileuse comprise entre 472 et 508 m est présentée dans le Tableau 1 (Gaucher et al., 2004). Ces valeurs présentent une variabilité spatiale significative. La composition minéralogique diversifiée de l’argilite du Cox présente essentiellement (95%) un mélange de carbonates, de silicates et d’une quantité majoritaire de minéraux argileux (Illite, intertratifiés I/S), associé à des minéraux accessoires (5%) tels que la pyrite, la célestine, l’apatite, ainsi que de la matière organique naturelle (MON).L’argilite du Cox contient une fraction importante de minéraux carbonatés, 15 à 35%, composée principalement de calcite et de dolomite. Le quartz est une phase peu réactive qui représente 20 à 35% de la roche. La pyrite est une phase minoritaire importante car elle peut participer à imposer un potentiel réducteur dans le système via une concentration en Fe(II) élevée en particulier en conditions biotiques,~5 10-6 mol.L-1 (Grenthe et al., 1992 ; Beaucaire et al., 2000 ; Gaucher et al., 2006). Enfin, une faible quantité de matière organique, ~0,6%, est présente et composée en majorité d’acides fulviques (> 80%) (Grasset et al., 2010 ; Cumberlant et al., 2016). La teneur massique en minéraux argileux représente de 25 à 50% de l’argilite. Les principaux minéraux argileux sont : l’illite, des interstratifiés illite-smectite (I/S), formé par la superposition de feuillets d’illite et de smectite, dans des rapports compris entre 30/70 à 70/30, mais également la chlorite (de type ripidolite) et la kaolinite.
Composition de l’eau porale La connaissance de la composition chimique de l’eau interstitielle d’une roche est essentielle pour modéliser le transport réactif des éléments (Appelo et al., 2008). Une caractérisation classique utilise la compression de carottes solides (Reeder et al., 1997 ; Andra, 2005). Des échantillons complémentaires extraits in situ ont permis le développement de modèles représentatifs de la composition chimique de l’eau porale (Gaucher et al., 2006 ; Appelo et al., 2008 ; Vinsot et al., 2008). La teneur en ions majeurs dans l’eau porale est généralement contrainte par la solubilité de certaines phases minérales ainsi que par les réactions d’échanges aux surfaces des minéraux. La variabilité des valeurs est principalement issue des différences entre les hypothèses sur les phases minérales en jeu. Les principales caractéristiques de l’eau interstitielle de l’argilite du Cox sont :
– Un
pH neutre, 7,0 à 7,3, tamponné par la dissolution de minéraux carbonatés, l’équilibre avec les surfaces, et la phase gaz dissoute (pCO2 ~ 10-2).
Un potentiel redox réducteur, -180 à -200 mV, régulé par la présence de fer ferreux potentiellement en équilibre avec la pyrite et la magnétite ou la goethite (Fe(II)/Fe(III)) (Grenthe et al., 1992 ; Beaucaire et al., 2000 ; Gaucher et al., 2006). Cependant, il est à noter que des conditions expérimentales suboxiques en boite à gants, [O2(g)] << 10 ppm, sont insuffisantes pour maintenir ces conditions réductrices. Les valeurs de potentiel d’oxydoréduction mesurées expérimentalement sont de l’ordre de 0 à +200 mV (Schmeide et al., 2014 ; Maia, 2018), du fait de traces de O2(g) ou de produits d’oxydation de la pyrite (Descostes et al., 2002).
– Une teneur élevée en
calcium et en carbonates dissouts. La connaissance de la concentration de ces éléments est importante pour évaluer le comportement de l’uranium, notamment car sa solubilité augmente avec la formation des complexes aqueux ternaires d’U(VI) [CaxUO2(CO3)3]2(1-x). Ces effets sont discutés dans les Chapitres I et III.
La concentration en uranium naturel dans la roche argileuse du Cox est environ
[U/Cox](s) ~ 2,25 ±0,15 ppm (Gaucher et al., 2004 ; Lerouge et al., 2011). Les caractérisations gamma du log géologique à l’aplomb des couches sédimentaires, n’indiquent pas de corrélation entre les teneurs en minéraux argileux et en uranium (Serra, 1984). La présence d’uranium in situ semble corrélée à la présence d’environnements réducteurs, et donc aux quantités de Fe(II) et de matière organique naturelle (MON), sans toutefois connaître les liens de cause à effet, entre la présence de fer, la préservation de matière organique et l’accumulation d’uranium. La concentration d’uranium naturel en solution est pilotée par la solubilité de phases solides d’U(IV) et par la complexation aqueuse avec les ions carbonates de l’U(VI). Les valeurs mesurées en uranium dissout in situ dans l’eau porale de l’argilite du Cox sont comprises entre 8,5 × 10-9 et 5 × 10-10 mol.L-1, dans des forages peu perturbés par l’oxygène (Vinsot et al., 2015). Dans le scénario d’évolution du stockage des variations du potentiel redox sont attendues avec l’oxygène introduit par le forage (De Craen et al., 2004) ou la formation de peroxydes et radicaux créés par la radiolyse de l’eau (Noynaert et al., 2000). Ces variations augmentent la mobilité de l’uranium (Charlet et al., 2013 ; Eagling et al., 2013 ; Couture et al., 2015). L’oxydation de l’U(IV) en U(VI) est susceptible de former des complexes aqueux ternaires [CaxUO2(CO3)3]2(1-x) qui demeurent stables, même dans des conditions réductrices (Tullborg et al., 2017 ; Smellie et al., 2008 ; Krall et al., 2019). De ce fait, la réduction de l’uranium U(VI) en U(IV) reste difficile et la rétention de l’uranium ainsi que son transport peuvent être pilotés de manière transitoire par la sorption d’U(VI)

En présence de calcium et carbonates

   Malgré la découverte dès le XIXème siècle de la liébigite : (Ca2(UO2)(CO3)3·11(H2O)(s), les complexes ternaires [CaxUO2(CO3)3]2(1-x) n’ont été étudiés en solution qu’assez récemment. L’existence de ces complexes est démontrée par Bernhard et al. (1996) par spectroscopie Laser Résolue en Temps (SLRT). Depuis, l’identification des constantes de stabilité est étudiée (Kalmykov et Choppin, 2000 ; Bernhard et al., 2001; Dong et Brooks, 2006; Dong et Brooks, 2008 ; Lee et Yun, 2013; Endrizzi et Rao, 2014; Jo et Yun, 2017 ; Maia et al., 2020 ; Shang et Reiller, 2020). Etant donnée l’extrême sensibilité de la spéciation de l’uranium à ces constantes, la sélection des valeurs est cruciale. Jusqu’à présent, aucune valeur n’avait été retenue dans la revue critique publiée par la NEA (Guillaumont, et al., 2003) malgré les données disponibles (Kalmykov et Choppin, 2000 ; Bernhard et al., 2001). Malgré l’importance de ces réactions, certaines lacunes des travaux expérimentaux ont fait que Guillaumont et al. (2003) ne validaient pas les constantes de formation des complexes [Ca2UO2(CO3)3] et [CaUO2(CO3)3]2-. Étonnement, la valeur log10β°(CaUO2(CO3)32-) = 29,20± 0,25 de Kalmykov et Choppin (2000) et reprise par Guillaumont et al. (2003) semble être en désaccord avec la référence originale : log10β°(CaUO2(CO3)32-) = 29,80 ± 0,70. Dans notre travail, les constantes utilisées sont reprises de Shang et Reiller, (2020) : log10β ° (Ca2UO2(CO3)3) = 27,2 ± 0,04 et log10β ° (CaUO2 (CO3)32-) = 30,49 ± 0,05. Ces valeurs sont en accord avec les données de Dong et Brooks, (2006), utilisées dans la BDT «ThermoChimie», développée par le consortium Andra-RWM-Ondraf/NIRAS (Giffaut et al., 2014, www.thermochimie-tdb.com). L’étude de Shang et Reiller (2020) fournit également les paramètres d’interactions ioniques spécifiques (SIT) audelà de la validité de la théorie de Debye-Hückel : ε(CaUO2(CO3)32-, Na+) = (0,29 ± 0,11) kgw.mol-1 et ε(Ca2UO2(CO3)3(aq), NaCl) = (0,66 ± 0,12) kgw.mol

Adsorption d’uranium sur les sédiments

   L’utilisation de modèles de complexation de surface est parfois difficile à transposer aux roches argileuses. Les roches sont des assemblages contenant des minéraux secondaires (Coston et al., 1995 ; Mermut et Padmanabhan, 1996 ; Penn et al., 2001 ; Jove-Colon et al., 2004). Dans certains cas, des minéraux mineurs et difficilement quantifiables, comme par exemple la ferrihydrite, peuvent dominer la sorption de l’uranium dans une roche naturelle (Arnold et al., 1998, 2001). L’hypothèse est généralement faite que la teneur massique permet de quantifier la quantité de sites de sorption. Il est donc utile d’éprouver les modèles développés sur différents matériaux naturels, représentant des assemblages minéralogiques variables. Diverses roches argileuses ont été étudiées comme roches hôtes potentielles pour les dépôts de déchets nucléaires profonds. Par exemple, l’argile à Opalinus en Suisse (Nagra, 2002 ; Hartmann et al., 2008 ; Pekala et al., 2009 ; Bradbury et Baeyens, 2011), l’argile de Boda en Hongrie (Lázár et Máthé, 2012 ; Marques Fernandes et al., 2015), l’argile de Boom en Belgique (Gens et al., 2003) et l’argilite du Callovo-Oxfordien en France (Andra, 2005). Les minéraux argileux sont considérés comme les contributeurs majoritaires à la sorption des espèces cationiques, ces minéraux possédants une capacité d’échange cationique CEC élevée. Il est important de souligner que ce n’est pas la CEC qui contrôle la sorption des métaux à l’échelle des traces. Cette valeur est simplement utilisée pour estimer la capacité adsorbante d’une phase.

Modèle d’échange d’ions multi-site (MSIE)

   L’utilisation d’approches microscopiques dans la modélisation exige une description des interactions électrostatiques proches de l’interface solide-solution avec ajustement de nombreux paramètres. Une alternative est l’utilisation d’une approche macroscopique, qui ne nécessite pas de déterminer la nature des interactions chimiques et électrostatiques. Le modèle d’échange d’ions multisite, MSIE, considère l’ensemble des minéraux avec des ions compensateurs à leur surface comme un échangeur d’ions macroscopique et électriquement neutre. La caractérisation de l’échangeur est réalisée à l’aide d’isothermes d’adsorption d’ions majeurs en fonction du pH et de la concentration, et sans hypothèses supplémentaires sur les mécanismes microscopiques ou le nombre de sites prérequis. Ce modèle MSIE a été appliqué avec succès à l’adsorption de contaminants métalliques et RN, dont U(VI) (Melkior et al., 2007 ; Tertre et al., 2009 ; Reinoso-Maset et Ly, 2014, 2016 ; Savoye et al., 2015). L’effet du pH et de la compétition avec les ions majeurs sont bien décrits lors de la migration dans les milieux riches en minéraux argileux. Des paramètres complémentaires pour les ions majeurs ont été récemment acquis sur des minéraux tels que l’illite et la montmorillonite (Wissocq et al., 2017, 2018 ; Martin et al., 2018). Malheureusement, les données spécifiques au système ‘’U/illite’’ ou ‘’U/smectite’’ n’étant pas encore disponibles, ils n’ont pas été testés lors de ce travail.

Adsorption sur le système U(VI)/Cox sain ou perturbé 

   Dans un premier temps, il est apparu un manque de précision des données de la littérature sur le système U(VI)/illite. De nombreuses données sont mesurées avec ajustement du pH et de la pCO2 par bullage, sans vérification du bilan en CIT. Les données de pH et CIT sont rarement fournies ou mesurées en début d’expérience et non à l’équilibre. Un premier travail a donc consisté à optimiser les procédures de préparation de la roche décarbonatée, la mesure des carbonates en concentration faible, et sa prise en compte dans la modélisation. Des données expérimentales précises ont été acquises dans la gamme des faibles concentrations (10-5 < [CIT] < 10-4 M), et fortes concentrations en carbonates (1 < [CIT ] < 3 mM). Ces données, complémentaires de celles obtenues par Maia (2018) sur la fraction argileuse et l’illite, doivent permettre de tester les modèles de sorption et contraindre les paramètres correspondants (Bradbury et Baeyens, 2005b ; Bradbury et Baeyens, 2009b ; Marques Fernandes et al., 2012 ; Tournassat et al., 2018 ; Maia, 2018 ; Wissocq et al., 2017). L’utilisation de conditions perturbées chimiquement, par la présence d’un tampon rédox ou d’un panache organique permet de tester la robustesse des hypothèses et paramètres disponibles. Sur le système U(V), U(IV), peu de données directes sont disponibles, et la plupart utilisent des minéraux modèles préservés dans des conditions drastiques (pH, présence de réducteurs forts). Des données pertinentes sont disponibles sur l’adsorption de l’uranium U(IV) pointant le rôle des micro-compartiments géochimiques (Wersin et al., 1994). L’étude des perturbations rédox est donc un second point abordé expérimentalement via différents essais (désorption, modification des conditions rédox).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : CONTEXTE ET DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUES
1. DESCRIPTION DU SYSTEME ÉTUDIÉ
1.1. Roche argileuse (argilite) du Callovo-Oxfordien
1.1.1. Propriétés minéralogiques
1.1.2. Composition de l’eau porale
1.2. Comportement de l’uranium (VI) en solution
1.2.1. Uranium en milieu aqueux sans carbonates
1.2.2. Uranium en milieu complexant
1.2.3. Sensibilité à l’oxydoréduction
2. ADSORPTION D’U(VI) SUR LES PHASES MINÉRALES
2.1. Adsorption sur les phases pures
2.2. Adsorption d’uranium sur les sédiments
3. MODÉLISATION DE l’ADSORPTION
3.1. Modèles disponibles dans la littérature
3.1.1. Le modèle 2SPNE SC/CE
3.1.2. Modèle SCM Spillover
3.1.3. Modèle d’échange d’ions multi-site (MSIE)
3.2. Modèles SCM d’adsorption de l’uranium (VI) sur les minéraux argileux
3.2.1. Système en absence de carbonates
3.2.2. Système en présence de carbonates
4. SYNTHÈSE ET POSITIONNEMENT DE L’ÉTUDE
4.1. Positionnement du problème
4.2. Programme expérimental
CHAPITRE II : MATÉRIEL ET MÉTHODES
1. PRÉPARATION DE LA ROCHE ARGILEUSE ET DES SOLUTIONS
1.1. Conditionnement de la roche
1.2. Préparation de l’eau porale synthétique
2. EXPÉRIENCES DE RÉTENTION SUR ROCHE BROYÉE
2.1. Expériences de rétention en « batch »
2.2. Expériences de rétention in situ en spectroscopie ATR-FTIR
2.3. Spectroscopie de fluorescence laser résolue en temps (SLRT)
3. EXPÉRIENCES DE DIFFUSION SUR ROCHE INTACTE
3.1. Diffusion entrante et dimensionnement
3.2. Diffusion sortante et analyse post-mortem
CHAPITRE III : RÉTENTION DE L’URANIUM SUR LA ROCHE ARGILEUSE DU CALLOVO-OXFORDIEN
1. EXPÉRIENCES DE RÉTENTION
1.1. Rétention sur le Cox
1.2. Rétention sur la roche décarbonatée
1.2.1. Mesures en absence de carbonates
1.2.2. Mesures en présence de CIT
1.2.3. Mesures en présence de Ca et CIT
1.3. Rétention en présence de panache organique
1.4. Rétention en présence de perturbation rédox
1.4.1. Sorption et désorption en présence de Fe(II) et S(II)
2. MODÉLISATION ET SENSIBILITÉ AUX PERTURBATIONS
2.1. Sensibilité aux carbonates
2.2. Sensibilité aux perturbations organiques
3. SYNTHESE SUR LES DONNEES DE RETENTION
CHAPITRE IV : TRANSPORT DIFFUSIF DE L’URANIUM DANS LA ROCHE ARGILEUSE DU CALLOVO-OXFORDIEN
1. MODÉLISATION ET DIMENSIONNEMENT
1.1. Modèle d’interprétation (MIED)
1.2. Dimensionnement et suivi liquide
2. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX
2.1. Résultats en diffusion et l’ajustement paramétrique
2.2. Interprétation des paramètres de transport
3. SYNTHESE SUR LES DONNEES DE DIFFUSION
CHAPITRE V : MÉCANISMES MICROSCOPIQUES DE RÉTENTION DE L’URANIUM
1. RÉTENTION SUIVIE IN-SITU EN SPECTROSCOPIE INFRA-ROUGE A TRANSFORMEE DE FOURRIER (ATR-FTIR)
1.1. Conditions expérimentales
1.2. Résultats expérimentaux et interprétation microscopique
2. CARACTÉRISATION EN SPECTROSCOPIE LASER RÉSOLUE EN TEMPS (SLRT) 
2.1. Conditions et résultats expérimentaux
2.2. Interprétation des données expérimentales
3. SYNTHÈSE SUR LES MÉCANISMES MICROSCOPIQUES
CONCLUSION GENERALE

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