Transfert hydrique et lixiviation des herbicides

Transfert hydrique et lixiviation des herbicides

Les mécanismes de dégradation

Les dégradations biotiques sont souvent considérées comme les principales réactions responsables de la dissipation des herbicides dans les sols. La raison principale de la persistance d’un herbicide dans l’environnement est l’inaptitude des micro-organismes à le dégrader rapidement (HAN and NEW, 1994 ; VEEH et al., 1996 ; VOOS and GROFFMAN, 1997a et 1997b) et les éventuelles minéralisations sont surtout attribuées à la biodégradation. La structure moléculaire de l’herbicide est la propriété décisive déterminant la vitesse de minéralisation (SCHEUNERT, 1992). Par exemple, un des substituants moléculaires les plus connus pour inhiber la biodégradation est la liaison carbone – halogène. Ainsi, les pesticides halogénés ont généralement une persistance prolongée dans les sols et sont dits récalcitrants. 16 Les transformations biotiques sont fonction des organismes vivants présents dans le sol. La rhizosphère de la plante, qui se trouve principalement localisée dans la couche supérieure du sol, supporte généralement une plus grande densité de micro-organismes du fait de la plus grande disponibilité en oxygène et en nutriments. La densité microbienne est aussi influencée par la teneur en matière organique du sol. En effet, alors qu’elle ne représente que 15% de la surface colonisable dans le sol, la matière organique peut être colonisée par 60% des bactéries du sol alors que les particules minérales le sont de façon plus minime. Seul un petit nombre de micro-organismes est susceptible d’utiliser l’herbicide comme source de carbone (germes dits «métabolisants »). La plupart d’entre eux ne dispose pas du système enzymatique permettant de biodégrader le composé de façon immédiate ; ils exigent une autre source de carbone pour leur fournir l’énergie nécessaire, au moins initialement (germes dits « cométabolisants », qui sont très majoritaires). Toutefois, on observe généralement une adaptation de leur système enzymatique après un temps de latence variable (HAN and NEW, 1994, DUCHAUFOUR, 1995). Les réactions métaboliques peuvent alors avoir lieu sur les chaînes latérales ou les noyaux aromatiques et le chemin réactionnel résulte alors, par exemple pour l’atrazine, en des réactions de déalkylation, d’hydrolyse et de déhalogénation (WOLF and MARTIN, 1975 ; DURAND and BARCELO, 1992 ; SCHEUNERT, 1992 ; MILLS and THURMAN, 1994 ; HOUOT et al, 1998). Le type et la vitesse de réaction sont affectés par la quantité d’oxygène présente. Dans les sols submergés par l’eau, ou dans des poches en anaérobie localisée, les taux d’oxygène et les vitesses de diffusion sont trop faibles pour les micro-organismes en aérobie, mais la biodégradation peut quand même avoir lieu en anaérobiose où les réactions de réduction prévalent généralement. La déhalogénation est la plus importante d’un point de vue écotoxicologique. De façon similaire, l’hydrolyse biotique peut conduire à des réactions de déhalogénation. Une équation d’ordre 2, quantifiant la croissance des populations microbiennes et fondée sur la cinétique de Monod peut être utilisée pour modéliser les dégradations biotiques. Elle exprime la cinétique de dégradation en fonction de la concentration en substrat par l’équation : 17 t C ∂ ∂[ ] = – k [B].[C] (3) avec : k, constante de vitesse [B], concentration de la population (biomasse) [C], concentration en substrat (herbicide)

Les dégradations abiotiques

Les transformations abiotiques comprennent principalement des réactions d’oxydo-réduction, d’hydrolyse et de photolyse. Elles sont initiées par la présence d’oxygène, de photons, de radicaux libres, d’oxygène singulet, d’oxydes métalliques dans le sol, etc. Des réactions de réduction, notamment en zones anaérobies, peuvent conduire à une réaction abiotique d’élimination des atomes de chlore présents dans la structure des pesticides. L’hydrolyse chimique des herbicides est souvent la réaction abiotique la plus importante et peut-être un processus de dissipation significatif dans les sols, comme par exemple pour l’atrazine en milieu acide (ARMSTRONG et al., 1967 ; KAUFMAN and BLAKE, 1970 ; WOLF and MARTIN et al, 1975 ; CHAPMAN and COLE, 1982 ; HOWARDS, 1991 ; BARRIUSO et al., 1992b). Elle est généralement de type nucléophile, catalysée par les ions hydroxydes ou par l’eau. Un site électrophile (atome C de l’herbicide par exemple) est alors le site d’attaque initial, la réaction conduisant premièrement au remplacement d’un atome d’hydrogène ou d’un groupement par un groupement hydroxyle (substitution nucléophile) (ZAMY, 2004). L’hydrolyse peut avoir lieu dans l’eau des pores (catalyse homogène) ou à la surface des minéraux (catalyse hétérogène). La cinétique de ces processus chimiques dépend du pH du milieu, de la température, de la présence et du type d’argile et d’acide humique, etc., l’influence de chaque paramètre étant extrêmement complexe et difficilement quantifiable (GWO CHENLI and FELBECK, 1972 ; KHAN, 1978 ; HANCE, 1979 ; KELLS et al., 1980 ; FERNANDEZ-QUINTANILLA, 1981 ; PLUST et al., 1981 ; RAJU et al., 1993). Dans les systèmes aqueux purs et homogènes, les cinétiques sont principalement fonction de la structure du composé (polarité, fonctions chimiques) et des paramètres physico-chimiques classiques (température, pH). La vitesse d’hydrolyse augmente d’un facteur deux environ pour une augmentation de 10°C (RACKE et al., 1997). 18 L’hydrolyse est généralement décrite par une cinétique d’ordre un, suivant l’équation : t [C] ∂ ∂ = – kH [C] (4) et DT 50 qui permet de définir le temps de demi vie : DT 50 = H k ln 2 Cette expression est en fait une simplification et kH est une constante apparente de 1er ordre (appelée souvent constante d’hydrolyse), incluant les contributions des hydrolyses acides, basiques et neutres (LYMANN et al., 1982) : KH = kA[H+ ] +kN + kB[OH- ] + Σ kHAi [HAi] + Σ kBj [Bj] (5) Le 1er terme représente la catalyse acide par les ions H+ . Le 2ème terme correspond à l’hydrolyse neutre, il peut être décrit en terme de constante de 2ème ordre. Le 3ème terme représente la catalyse basique par les ions OH- . Les deux derniers termes de l’équation (5) reflètent la possibilité de catalyse acide/basique par des couples autres que H+ /OH- . Ces processus peuvent avoir une contribution significative sur certaines valeurs de kH, mais sont peu évalués en raison des difficultés expérimentales dans l’estimation des processus catalysés. Il est en effet délicat de caractériser et d’estimer l’importance spécifique des différents types de processus et les concentrations des espèces catalyseurs (acides [HAi] ou basiques [Bj]) présentes dans les sols. En raison de la nature complexe du sol et de la multiplicité des mécanismes possibles, les principes généraux manquent et les derniers termes de l’équation (5) ne sont pas souvent considérés. L’équation fréquemment utilisée est donc du 1er ordre, les valeurs de kH dépendent souvent du pH.

Les phénomènes de sorption

Ces phénomènes régissent l’accumulation, la redistribution et la lixiviation des herbicides dans les sols (RAO and DAVIDSON, 1978; MARCHAND, 1989 ; BARRIUSO and CALVET, 1991 ; REDDY et al., 1991). Ils conditionnent leur devenir en réduisant leur disponibilité vis-à-vis des diverses voies de dégradation (WEBER and MILLER, 1989). Ils 19 contrôlent leur disponibilité dans la solution du sol mais également leur activité en termes de bio-contrôle des mauvaises herbes (WALKER and BROWN, 1985). Globalement, deux catégories de constituants sont impliquées dans les mécanismes de liaison de surface avec les herbicides : – les matières organiques du sol (notamment les acides humiques) qui présentent des fonctions hydrophiles, lipophiles et hydrophobes, particulièrement importantes dans l’adsorption des herbicides non ioniques, – la fraction minérale du sol comprenant : (i) les argiles minérales qui sont plus favorables à l’adsorption de pesticides sous forme cationique. L’adsorption se fait plus facilement sur des argiles expansibles, car elles possèdent des cations hydratés impliquant une meilleure capacité d’échange. (ii) les oxydes ou les oxydes hydratés (fer, aluminium…) qui, selon le pH du sol, sont neutres, positivement ou négativement chargés. (iii) les complexes argiles / oxydes hydratés /matières organiques. La teneur et la nature de la matière organique du sol jouent généralement le rôle principal et peuvent impliquer plusieurs mécanismes simultanément. Le type d’interaction dépend des propriétés moléculaires de l’herbicide (polarité, hydrophobicité, …) et des caractéristiques des substances humiques (structure, densité, distribution, accessibilité des différents groupes fonctionnels, …) (BARRIUSO et al, 1991 ; BOLLAG et al, 1992 ; BENOIT et al., 1996). Ainsi, la matière organique naturelle est considérée comme une composante déterminante dans les processus de sorption, tout en pouvant également interagir avec les herbicides comme catalyseur dans les phénomènes de dégradation, notamment en hydrolyse ou photolyse. La sorption des herbicides sur les matériaux organiques « frais », tels que les résidus de plantes, bien que généralement d’importance mineure par rapport à la matière organique plus humifiée, est beaucoup plus importante sur la lignine que sur les constituants cellulosiques ou protéïniques (PICCOLO et al., 1992 ; BENOIT et al., 1996 ; HOUOT et al., 1998 ; BENOIT and PRESTON, 2000 ; CLAY et al., 2000). La composition minéralogique du sol, sa teneur en argiles (BARRIUSO and CALVET, 1991), son point de charge nulle (pzc), sa capacité d’échange cationique (CEC), son pH, sont des 20 propriétés qui peuvent aussi jouer un rôle important, spécialement pour les herbicides ionisés et pour un sol à faible teneur en matière organique (RAO and DAVIDSON, 1978). La CEC d’un sol représente la combinaison des CEC des fractions minérales et organiques, et dépend de la quantité et du type d’argile mais aussi de la quantité et du degré de décomposition de la matière organique (PETER and WEBER, 1985 ; SPURLOCK and BIGGAR, 1994 ; BEKBOLET et al., 1997). La « CEC minérale » est due aux argiles (tableau I.1.) alors que la CEC organique est due principalement à la dissociation des groupes carboxyles et phénoliques des matières organiques.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE & CONTEXTE DE L’ETUDE
1. INTRODUCTION
2. LES PHENOMENES DE DISSIPATION EN CONDITIONS STATIQUES
2.1. Les mécanismes de dégradation
2.2. Les phénomènes de sorption
3. LES PHENOMENES DE LIXIVIATION
3.1. Les transferts hydriques
3.2.. Les transferts d’herbicides
4. LES CARACTERISTIQUES DU MILIEU TROPICAL
4.1. Les sols tropicaux
4.2. La dissipation des herbicides
4.3. Transfert hydrique et lixiviation des herbicides
5. CONTEXTE DE L’ETUDE
5.1. Présentation générale de l’Ile et du projet d’irrigation
5.2. Données climatique de la zone « antenne 4 »
5.3. Les sols
5.4. La lutte phytosanitaire : les herbicides de la canne à sucre
CHAPITRE II : ETUDE EXPERIMENTALE
1. INTRODUCTION
2. DISSIPATION (EN CONDITION STATIQUE) DE CINQ HERBICIDES
DANS DEUX TYPES DE SOLS
2.1. Les sols
2.2. Résultats et discussion
2.3. Conclusion partielle et calcul de l’indice de mobilité GUS
3. FONCTIONNEMENT HYDRODYNAMIQUE DU MILIEU ET
SUIVI DES TRANSFERTS IN SITU
3.1. Caracterisation pédologique
3.2. Caractérisation hydrodynamique
3.3. Suivi des transferts d’eau et d’herbicides en condition naturelles
4. CONCLUSION
CHAPITRE III : ETUDE DES RISQUES DE LIXIVIATION DES HERBICIDES 125
MODELISATION DES PHENOMENES
1. INTRODUCTION
2.DESCRIPTION ET PARAMETRAGE DES MODELES UTILISES 131
2.1. Présentation des modèles utilisés
2.2. Paramétrage des modèles
2.3. Simulation et évaluation des résultats
3. EVALUATION DES RISQUES
3.1. Evaluation des risques à l’aide du facteur « AF »
3.2. Evaluation des risques à l’aide du modèle MARTHE
4. CONCLUSION
CONCLUSION GE

 

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