Tradition d’assistance et structures hospitalières

les autorités dans les provinces septentrionales

La tradition d’assistance dans les Pays-Bas français 

La longue étude des provinces belgiques entreprise par Philippe Guignet a mis clairement en évidence la tradition hispano-tridentine d’assistance dans ces régions . JeanPierre Gutton le rappelle de même : les nouvelles formes d’assistance adoptées par les régions flamandes au XVIe siècle influencèrent l’orientation de la politique française en ce domaine. Les principes d’une intervention de la puissance publique, et particulièrement des municipalités, pour soulager les mendiants non valides, et d’une police des pauvres, pour les valides, sont alors adoptés .

La réforme de l’assistance : une tradition humaniste

Le XVIe siècle connaît, dans le royaume, mais plus particulièrement dans les provinces septentrionales, de profondes mutations dans les formes d’assistance. L’originalité du siècle réside dans la façon de faire l’aumône, dans l’organisation de l’assistance. Dans ce domaine, le royaume de France dispose de modèles venus de Flandre qu’il adoptera. Le trait le plus essentiel des nouvelles formes d’assistance imaginées en Flandre est de reposer sur l’intervention de la puissance publique, État ou municipalité. Jusqu’alors, les indigents pouvaient d’abord compter dans chaque paroisse sur les administrateurs chargés de régir le bien des pauvres. Par ailleurs, la charité privée se donnait libre cours en faisant naître des établissements hospitaliers ou de nombreuses fondations pour la distribution des secours. A l’époque de Charles Quint, ce système traditionnel d’assistance est jugé pour une part inadapté au traitement social des différentes cohortes de pauvres qui investissent la ville.

En 1525, le Magistrat d’Ypres réforme profondément l’assistance dans la ville. Cette réforme avait deux précédents ; celui de Nuremberg en 1522 et celui de Strasbourg en 1523, mais c’est elle qui devait être prise comme modèle pour un grand nombre de villes : Lille dès 1527, Saint-Omer, Cambrai, Dunkerque notamment , puis les villes flamandes à la suite de l’édit impérial de 1531. Ces villes adoptent une organisation de l’assistance qui, même si elle reprend certains éléments de la charité urbaine médiévale, innove dans ses méthodes comme dans son projet. En 1526, environ six mois après la réforme réalisée à Ypres, paraît à Bruges un ouvrage de Juan-Luis Vivès, le De Subventione Pauperum, qui fournit la théorie de toutes ces réformes flamandes. Il importe d’analyser cet ouvrage dont l’auteur a fait plusieurs séjours à Paris. Le livre I est une diatribe dirigée à la fois contre les mendiants et contre la dureté des riches à l’égard des pauvres. Les mendiants simulent de fausses plaies ou de fausses maladies, ils apportent le trouble dans les églises, même pendant les offices, ils dépensent dans la débauche le produit de leurs quêtes et ils constituent un danger permanent d’émeute. A ceux qui les incitent à travailler ou leur reprochent leur mode de vie, ils répondent : « Nous sommes les pauvres de Jésus-Christ ». Et là, Juan-Luis Vives a cette formule : « Comme si le Christ reconnaissait pour siens des pauvres si éloignés de ses mœurs et de la sainteté de vie qu’il nous enseigna » ! Nous sommes déjà loin de la conception médiévale d’une pauvreté sacrée. Viennent ensuite des développements sur pauvreté et aumône. Les pauvres dénués de biens perdent, à la fois, « l’occasion et la matière du péché ». Ils ne doivent pas gâter cette chance, mais au contraire avoir confiance en Dieu, en supportant leur état avec patience. Quant aux riches, l’orgueil les empêche souvent de faire l’aumône. Plutôt que de donner aux pauvres, ils se font construire de magnifiques tombeaux et pensent racheter par quelques messes les spoliations opérées au détriment des pauvres. Or il faut être charitable pour répondre au commandement d’amour du prochain, pour en attendre une récompense, mais surtout parce que tout appartient à Dieu et que chacun doit être « un dispensateur, un répartiteur fidèle de toutes ces choses […], il ne les a reçues de Dieu que dans ce but ». Ayant ainsi établi la nécessité de l’assistance, Vivès expose, dans le livre II de son ouvrage, comment organiser cette assistance qui devra être prise en mains par les magistrats des villes, car le paupérisme intéresse tout à la fois l’ordre et la santé publics. Le  premier soin des représentants de la cité sera de recenser les malades, les mendiants, les vagabonds. Les mendiants étrangers seront renvoyés ; les mendiants du pays seront mis au travail d’autorité. Ceux qui ne peuvent travailler recevront des secours. Les enfants exposés, enfin, seront mis à l’école dès l’âge de six ans. Les ressources des fondations existantes sont suffisantes, mais elles seront gérées par les villes. La municipalité, qui assure la gestion de l’assistance, en assure aussi le contrôle : chaque année, deux membres du Magistrat sont chargés de s’informer de « la vie et des coutumes des pauvres ». Ainsi, ce livre exprimait l’une des aspirations de l’humanisme chrétien, celle d’une réforme morale. S’y ajoutaient, de plus, l’idée de la valeur et de la nécessité du travail et le sentiment des devoirs du pouvoir politique.

Le succès du livre, en Europe et en France, est important. Il est imprimé en latin à Paris en 1530 et en 1532. On connaît aussi l’écho, en France, des idées nouvelles sur l’assistance parce que le magistrat d’Ypres, engagé dans une controverse avec les ordres mendiants de la ville, a fait appel au jugement de la Faculté de théologie de Paris. Parce que l’ordonnance interdisant la mendicité est contestée, il la soumet à la Sorbonne par une lettre du 28 décembre 1530. La Sorbonne posa diverses questions pour se faire éclairer. Ainsi, le Magistrat d’Ypres explique que les anciennes formes d’assistance favorisaient la mendicité et la dépravation des « fainéants », il expose l’organisation d’une « bourse commune » des pauvres, soutient que la mendicité doit être prohibée lorsqu’il est pourvu à la nourriture des pauvres, constate que les pauvres vivent désormais avec ordre et décence, et montre qu’il refuse de secourir plus de quelques jours les pauvres étrangers. Le 16 janvier 1531, la Sorbonne rendit une sentence favorable, déclarant notamment : « La forme de provision des pauvres […] nous paraît être une chose ardue, mais utile, pieuse et salutaire, qui ne répugne ni aux lettres évangéliques et apostoliques, ni aux exemples de nos ancêtres, si on observe ce qui suit : d’abord cette méthode doit être appliquée avec tant de zèle et une si grande sollicitude, que tous les pauvres à la charge de la cité soient suffisamment et honnêtement soulagés, et qu’aucun indigent, forain ou étranger, ne soit réduit, par la faute de l’ordonnance, ni à l’extrême nécessité, ni à un état voisin de la dernière misère ». Si la bourse commune ne suffisait point, la mendicité publique ne pourrait être interdite, et la condition de contribuer à cette bourse commune ne dégage pas « les riches de l’obligation de subvenir aux besoins des pauvres, qu’ils savent être absolument ou à peu près dénués de ressources ». Cette décision ajoutait aussi que l’on « ne peut empêcher personne de faire part de ses biens au pauvres, suivant sa dévotion, publiquement ou autrement ». Cet avis signifiait que les autorités théologiques de Paris n’étaient pas hostiles aux nouvelles formes qui visaient à établir une police des pauvres. L’écho de réformes de l’assistance, réalisées un peu partout, mais surtout en Allemagne et dans les Pays-Bas espagnols, accentue ce mouvement en faveur de la création de bureaux de pauvres, concurrents directs des hôpitaux et soucieux d’une efficacité plus grande. Partout la réforme de l’assistance associe deux éléments : d’une part l’accentuation du mouvement qui vise à faire passer les hôpitaux anciens sous le contrôle des corps municipaux ou d’administrateurs laïcs qui leur sont liés ; d’autre part, la création d’institutions neuves qui, sous des noms différents (Table des pauvres, Bourse des pauvres, Aumône générale), organisent de manière collective et laïcisée la charité publique.

Les Magistrats : une tradition communale d’assistance

Les villes des provinces du Nord possèdent de nombreuses structures de bienfaisance. Depuis le XVIe siècle, l’assistance y repose pour une large part sur les tables ou bourses des pauvres, institutions charitables placées sous la tutelle des magistrats ou des gens de loi. La force de l’élan charitable qui se déploie dans les provinces septentrionales françaises aux XVIe et XVIIe siècles n’est pas sans équivalent, mais elle donne une tonalité et un relief singuliers à des initiatives foisonnantes dont les magistrats sont, sinon toujours les promoteurs, du moins les coordonnateurs et les régulateurs. Dans ce domaine, le XVIe siècle marque un tournant, avec une tendance à la laïcisation de l’assistance. Les autorités urbaines s’évertuent à centraliser les secours et à en rationaliser l’utilisation, en mettant sur pied un  organisme placé sous leur tutelle. La création des « bourses communes » des pauvres a valeur d’exemple. Elles présentent le type d’organismes répondant aux nouvelles idées sur l’assistance.

Á Dunkerque, deux documents attestent l’existence d’une Table des pauvres dès l’année 1273. Au XIIIe siècle, cette Table des pauvres est aussi nommée « Table de la charité du Saint-Esprit ». Administrée au XVIe siècle par des laïcs, la Table des pauvres de Dunkerque est très proche du Magistrat. Les premiers comptes conservés remontent à l’année 1562, et révèlent l’influence de la réforme d’Ypres de 1525 et de l’Édit de Charles Quint de 1531. La Table des pauvres est une bourse commune qui rassemble toutes les aumônes et dispense la quasi-totalité des secours à domicile. Un receveur, dont l’exercice est d’une année, tient les comptes qui sont vérifiés par le Magistrat et l’intendant, assemblés. Le receveur est appelé maître ou directeur des pauvres.

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Table des matières

INTRODUCTION
Livre I : Tradition d’assistance et structures hospitalières
Chapitre I : les autorités dans les provinces septentrionales
1 La tradition d’assistance dans les Pays-Bas français
a) La réforme de l’assistance : une tradition humaniste
b) Les Magistrats : une tradition communale d’assistance
c) Le rôle des instances provinciales
2 L’administration française et la mendicité :
a) Un cadre institutionnel provincial
b) Une législation royale importante au XVIIe siècle
c) La déclaration royale du 18 juillet 1724
3 Vers une concentration hospitalière
a) Une rationalisation de l’assistance
b) L’exemple de l’hôpital de Dunkerque
c) Une population spécifique à prendre en charge
Chapitre II : La mise en place des hôpitaux généraux
1) L’implication des autorités
a) Le Magistrat des villes
b) L’intendant de la province
c) Les subdélégués : agents de liaison
2) Les créations tardives des hôpitaux généraux septentrionaux
a) L’établissement de Lille
b) L’établissement de Valenciennes
c) L’établissement de Douai
3) La construction des hôpitaux généraux
a) Les projets
b) La difficile construction de ces établissements
c) Visite de l’hôpital
Conclusion du livre I
Livre II : L’administration des hôpitaux généraux septentrionaux
Chapitre I : La direction
1 Le métier d’administrateur
a) Le rôle des administrateurs
b) Le choix des administrateurs
c) Un cadre juridique : les lettres patentes
2 Une direction collégiale
a) Un système de présidence
b) Une répartition des tâches
c) Un personnage clé : le receveur des biens
3 La composition des organes dirigeants
a) Un corps important d’administrateurs
b) Une oligarchie fermée ?
c) Des administrateurs contestataires
Chapitre II : La construction d’une élite hospitalière
1 La prééminence sociale des administrateurs
a) L’influence de la Contre-Réforme
b) Une charité intéressée ?
c) Des administrateurs sensibles aux idées nouvelles sur l’assistance ?
2 La place des administrateurs au sein du Magistrat
a) Un tremplin vers l’échevinage
b) Une notoriété renforcée
c) De puissantes constellations familiales
3) une puissance économique indéniable
a) La composition de quelques fortunes : l’exemple lillois
b) L’exemple dunkerquois et valenciennois
c) La direction des hôpitaux : lieu d’élection des grosses fortunes ?
Chapitre III Le personnel administratif
1 La gestion journalière de ces établissements
a) Un personnel garant du fonctionnement quotidien
b) L’administration des quartiers de l’hôpital
c) L’exercice du spirituel
2 Un personnel médical non négligeable
a) Le médecin
b) Le chirurgien
c) Le pharmacien
3 La rationalisation des soins
a) Favoriser le progrès médical
b) L’hôpital, lieu d’observations et de pratiques médicales
c) Une surveillance accrue de l’État royal
Conclusion du livre II
Livre III : Les pensionnaires et leurs conditions d’existence
Chapitre I : La population de ces établissements
1 Les conditions générales d’admission
a) Les pensionnaires valides et invalides
b) Les autres pensionnaires
c) L’origine des pensionnaires
2 Les conditions de vie
a) Le logement et le cadre de vie
b) La nourriture des pensionnaires
c) Les sorties et les évasions
3) Le travail des pensionnaires
a) Les manufactures
b) la réglementation des conflits internes
c) Les profits recherchés
Chapitre II : Une population spécifique : les enfants
1 Les enfants abandonnés
a) Les admissions et les catégories d’enfants
b) Les enfants exposés et leurs nourrices
c) Causes et remèdes à l’abandon
2 Le travail des enfants
a) La formation des enfants : l’apprentissage
b) Le travail des pauvres hors les murs de l’hôpital
c) Les travaux au sein des hôpitaux
3) L’enseignement au sein de ces établissements
a) La ferveur hospitalo-caritative
b) L’encadrement pédagogique et le contenu des études
c) Résultats de l’enseignement
Chapitre III : Un cas particulier : les orphelins
1 L’assistance hospitalière au secours des orphelins
a) Une catégorie à part : les orphelins
b) Tutelle ou placement
c) Les conditions d’entrée
2) L’exercice de la tutelle hospitalière
a) Des organismes garants de la tutelle hospitalière
b) Des administrateurs tuteurs des orphelins
c) Les devoirs du tuteur
3) Parents et amis autour de l’orphelin
a) Une famille toujours présente
b) Un soutien pour les familles
c) La fin de la tutelle hospitalière
Conclusion du livre III
CONCLUSION

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