Towa et Senghor: la Civilisation de l’Universel comme mouvement alternatif

Marcien Towa est connu pour sa critique radicale de la conception senghorienne de la négritude. Towa considère que la négritude de Senghor est une idéologie mystifiante puisqu’elle se détourne du vrai problème qui est l’indépendance économique de l’Afrique. Mais, pour un déverrouillage de la pensée créatrice africaine et une émancipation culturelle universelle, Senghor et Towa comptent parmi ceux qui ont élevé la voix pour être la voix des sans voix, comme le souligne Césaire, « la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche » . Que faut-il alors comprendre, aujourd’hui, à travers les idéologies de Towa et de Senghor ?

Les conceptions philosophiques de Towa et de Senghor ont pour finalité la Civilisation de l’Universel. La Civilisation de l’Universel s’oppose à l’unilatéralisme qui est une tendance à décider seul et à se croire comme le modèle autour duquel le reste du monde doit graviter. Les symboles de l’unilatéralisme sont, aujourd’hui, marqués par l’impérialisme à travers la mondialisation, par le fanatisme religieux, par la xénophobie, par le tribalisme et dans le jeu politique par le refus de la démocratie. Or, il n’y a d’autorité que dans l’acceptation de la différence.

De nos jours, il faut comprendre que la nécessité d’un dialogue s’impose entre les nations, les religions, les cultures, pour la diversité, la coopération, la laïcité et la paix. De ce fait, il semble que la Culture de l’Universel devrait être le lieu de la symbiose des différences, de l’expression des contraires, de l’émancipation et du dialogue entre toutes les identités mais surtout de la compréhension et de la tolérance mutuelle. Le but de la pensée senghorienne et towaienne est la libération complète de l’individu de tout ce qui l’opprime et l’empêche d’être lui-même.

Ainsi, l’idéal de la fraternité universelle n’admet pas de barrières, l’humanité n’est possible que dans la solidarité, dans la différence entre les cultures et dans le dialogue. La Civilisation de l’Universel suppose la reconnaissance du droit des uns et des autres et l’égalité entre les hommes comme cela est reconnu dans la Déclaration des droits de l’homme et des peuples qui consacre en son article 1er « le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion».  Mais, il faut souligner que certaines idéologies violent le principe de l’égalité entre tous les hommes et installent un complexe de supériorité en considérant certains peuples comme inférieurs. Et qu’à partir de ce moment, il apparaît nécessaire de civiliser les peuples dits primitifs.

Senghor et Towa semblent être les auteurs qui nous permettent de repenser la situation de l’homme noir dans le monde. La conscience de soi que Towa et Senghor évoquent rend nécessaire la complémentarité entre les identités particulières. Le retour aux sources ou la recherche de soi-même ne consiste pas à se replier sur soi. La conscience de soi est source de connaissance. Elle est la condition nécessaire et préalable de la liberté, de la dignité et de l’égalité. Avec le retour aux sources articulé à l’ouverture vers les autres cultures, l’Afrique peut espérer réaliser une harmonieuse symbiose des contraires où le nègre se libère du paternalisme et participe avec ses semblables à la construction d’un avenir commun.

Qui plus est, la Civilisation de l’Universel suppose un engagement de toutes les identités particulières. Elle est une alternative qui permet d’effectuer une critique sans complaisance de nos propres valeurs pour contribuer à l’Universel. C’est à ce compte qu’il faut bien convenir que la négritude senghorienne est une lutte contre la perte totale de soi. Et comme le souligne Cheikh Moctar Bâ, « elle est une réaction à la situation d’enlisement culturelle que l’Europe a imposée à l’Afrique » . La négritude est un projet qui consiste à faire revivre certains aspects de la culture africaine à partir d’un triage qui ne prend en compte que les aspects positifs de nos propres valeurs. Elle entreprend d’articuler nos valeurs fécondes à celles des autres contrées, pour permettre notre propre émancipation.

Penser l’identité africaine chez Towa et chez Senghor 

La double révolution chez Towa 

L’Afrique a connu une histoire assez particulière, marquée par des siècles de domination. Cette domination a profondément bouleversé sa culture. Depuis la rencontre avec l’Occident, l’impérialisme comme système a pour objet d’imposer une économie et un modèle culturel dominant à tous.

Ce système lutte contre toutes formes de différences et tend à imposer par l’aliénétion une culture à tous. De la sorte, le recours aux sources apparaît nécessaire, pour éviter l’enlisement culturel et la dépendance systématique à l’égard de l’autre. Towa fait remarquer à ce sujet que la perte de la souverainété pour un groupe humain donné a pour conséquence la perte de ses valeurs. Il affirme, en effet, que la « leçon de l’histoire semble plutôt que la perte de liberté, loin d’être bénéfique, est normalement fatale pour les peuples et leurs civilisations » . C’est à ce compte que l’alternative contre la perte de nos cultures en Afrique consiste donc à voir qu’iI y a nécessité d’agir sur notre patrimoine culturel et de penser l’identité africaine pour se libérer et espérer une meilleure prise en charge des préoccupations du continent. Il est aujourd’hui évident que la perte de notre identité nous expose davantage à l’exploitation. En ce sens, que faut-il pour une autonomie culturelle ? La réponse de Towa est sans équivoque. Il préconise la révolution d’une part contre les dogmes et d’autre part contre la domination occidentale. Mais à quoi renvoie l’idée de révolution dans la conception Towaienne ?

La révolution est une prise de conscience qui s’opère dans l’évolution. L’idée d’évolution peut avoir un sens polysémique. Elle peut renvoyer au progrès lorsqu’elle a une signification positive ou à l’idée de régression dans son sens négatif. La révolution intervient, dans ce cas, lorsque l’évolution c’est-à-dire la marche d’une réalité quelconque a atteint son sens négatif le plus profond. Et qu’à partir d’un moment dans le processus de regression, il y a un surgissement de conscience, une prise de conscience qui se saisit, par une sorte d’autonomie face à une emprise, de la régression pour nous installer dans une ré-évolution. Finalement, la révolution relève alors d’une prise de conscience de son « être-dans-lemonde » et de la volonté d’y apporter un mieux-être. Dans la conception towaienne, la révolution est, de ce fait, une prise de conscience d’où naît un engagement qui a pour but l’autonomie de l’homme africain par le biais de la révision culturelle. Celle-ci vise une transformation radicale dans la manière de faire et d’être dans le monde. Elle constitue un moment pour redéfinir le rapport à nos propres valeurs et notre relation à l’Occident. Avec la révolution, l’homme africain se libère de ses propres valeurs dogmatiques mais également de la domination occidentale. C’est pourquoi, nous considérons que chez Towa, il y a l’idée d’une double révolution.

La double révolution chez Towa consiste en une prise de conscience qui a un double sens. Il s’agit dans cette entreprise de faire une critique sans complaisance de nos valeurs pour en tirer celles qui sont fécondes et résistent aux idéologies qui déconstruisent notre être. Towa considère que « ce n’est pas en nous accrochant à notre essence et à notre passé que nous pourrions jamais recouvrer notre autonomie culturelle. Ce serait plutôt maintenir le statu quo ou plus exactement confirmer et accélérer l’évolution actuelle vers la dépendance et l’impuissance »  . En effet, dans le projet du retour aux sources comme moment de la révolution, Towa rejette l’essentialisme spécifique qui est une attitude qui consiste à s’enfermer dans le passé. Or, il faut bien convenir que notre passé a montré ses limites dans la rencontre avec l’Occident, « notre défaite historique montre qu’il y a dans notre identité passée, dans notre être particulier tel qu’il provient du passé, quelque chose d’insuffisant, une lacune qui a été la cause de la défaite et qui explique notre incapacité persistante à relever le défis » . C’est parce que nos institutions traditionnelles n’étaient pas suffisamment aptes à faire face à la confrontation et aux contradictions venant d’ailleurs, notamment de l’Occident, que l’Afrique a été dominée. Notre indépendance culturelle réside donc dans notre capacité à construire des valeurs qui résistent aux circonstances changeantes de la vie et aux contradictions naissant des enjeux du temps. C’est pourquoi tout essentialisme spécifique doit être écarté.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÈRE PARTIE :Repenser l’identité africaine chez Towa et chez Senghor
Chapitre I La double révolution chez Towa
ChapitreII La question de l’acculturation avec Senghor
DEUXIÈME PARTIE : L’ouverture aux valeurs de l’Universel comme projet fondamental chez Towa et chez Senghor
ChapitreI La question de la liberté et de l’humanité chez Towa
Chapitre II L’idée d’harmonie et du « Rendez-vous du donner et du recevoir » chez Senghor
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAHIE
TABLE DES MATIERES

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