Thermodynamique, croissance et magnétisme du système (Co,Pt)

Les systèmes bimétalliques (Fe,Pt) et (Co,Pt) sont aujourd’hui largement étudiés en raison de leur anisotropie magnétique très importante dans leur phase ordonnée. L’objectif est de conserver, voire d’amplifier cette propriété dans des structures nanométriques. Au-delà de leurs aspects applicatifs, ces alliages sont devenus des systèmes modèles pour des études fondamentales. D’une part, il s’agit de comprendre comment réaliser des nanostructures de (Co,Pt), éventuellement ordonnées, en étudiant l’influence de la taille sur la tendance à l’ordre. D’autre part, il faut mesurer et comprendre comment les propriétés magnétiques de ces nanostructures sont modifiées par leur dimensionnalité. L’objectif de ce chapitre est d’exposer les connaissance actuelles dans ces deux domaines pour le système (Co,Pt).

Le système (Co,Pt) : du volume à la nanostructure 

Thermodynamique de (Co,Pt) en volume

L’alliage (Co,Pt) est un système modèle de transition ordre-désordre présentant un diagramme de phase relativement simple, qui a fait l’objet de nombreuses études expérimentales et théoriques. Cela en fait un matériau modèle pour l’étude de nanostructures. L’objectif de cette première partie est de résumer les résultats de ces travaux et d’introduire les questions sous-jacentes aux nanostructures. Nous rappelons ici les propriétés thermodynamiques et structurales du cobalt, du platine ainsi que des différentes phases du système binaire cobalt-platine en volume. Ces données sont a priori nécessaires pour pouvoir discuter par la suite la morphologie et la structure de nanoparticules (Co,Pt).

Paramètres thermodynamiques du cobalt et du platine

Le cobalt pur présente deux formes allotropiques différentes qui sont en équilibre pour une température d’environ 695 K [Erbudak, 1997] : une phase cubique faces centrées (CFC) stable à haute température et une phase hexagonale compacte (HC) stable à basse température. Dans ces deux phases, qui correspondent toutes deux à un empilement compact, le cobalt a une distance entre premiers voisins voisins de 2,51 ˚A ce qui donne comme paramètres de maille pour la maille CFC a = b = c = 3,55 ˚A [Wyckoff, 1964] et a = b = 2,51 ˚A et c = 4,08 ˚A pour la maille hexagonale [Lee, 1978]. Sa température de fusion est de 1 768 K [Davis, 2000] et son énergie de surface pour la face (0001) vaut 2,55 J.m−2 (soit 1,0 eV/at) [Tyson, 1977]. Le platine pur a une structure cristalline CFC de paramètre de maille a = b = c = 3,92 ˚A, ce qui donne une distance entre premiers voisins de 2,78 ˚A. Le platine a une énergie de surface de 2,48 J.m−2 (soit 1,19 eV/at) pour une face d’orientation (111)[Tyson, 1977] et sa température de fusion est de 2 041 K.

Diagramme de phase de (Co,Pt)

Le diagramme de phase du système cobalt-platine présente à basse température (en dessous d’environ 1 100 K) une alternance de phases CFC chimiquement ordonnées centrées autour des concentrations Co25Pt75 (structure cubique L12), Co50Pt50 (structure tétragonale L10) et Co75Pt25 (à nouveau L12). Ces phases sont séparées par des zones de concentration présentant une coexistence de phases (voir fig. 1.1). À haute température, les composés binaires (Co,Pt) cristallisent en formant une série continue de solutions solides CFC chimiquement désordonnées (phase A1) sur toute la gamme de composition. Pour une composition équiatomique, on observe une transition de phase entre les phases ordonnée L10 et désordonnée A1 à une température de 1 098 K. Cette température de transition décroit assez rapidement si l’on s’éloigne de cette composition équiatomique pour atteindre 1 003 K dans Co60Pt40 et la transition se fait alors en passant par un domaine où coexistent les deux phases A1 et L10. Dans le cadre de ce travail de thèse nous avons étudié essentiellement des nanoparticules de composition allant du cobalt pur à des systèmes comprenant 60 % de platine. Dans la phase désordonnée, les atomes de cobalt et de platine sont répartis aléatoirement sur les sites du réseau cristallin et la probabilité d’occupation d’un site par un atome de cobalt ou de platine dépend seulement de la concentration respective des éléments. Les paramètres de maille de la phase désordonnée changent avec la concentration [Zana, 2005], on peut néanmoins donner leur valeur pour la composition équiatomique, où le paramètre de maille de la structure CFC vaut a = 3,752 ˚A. La phase ordonnée L10 peut être vue comme un empilement successif de plans de cobalt et de platine suivant l’axe cristallographique [100] (voir fig. 1.1.b), il en résulte une contraction des distances suivant cette direction ce qui a pour conséquence de rendre la maille tétragonale. Les paramètres de mailles de l’alliage de Co50Pt50 de structure L10 sont a = b = 3,793 ˚A et c = 3,675 ˚A [Dahmani, 1985] et de même que pour la phase désordonnée, ces valeurs évoluent en fonction de la composition .

Nanoparticules de CoPt

On définit une nanoparticule comme un assemblage de quelques dizaines à quelques milliers d’atomes conduisant à un objet dont l’une au moins des dimensions est de taille nanométrique (c’est à dire inférieure à 10 nm). Les nanoparticules se situent donc d’un point de vue dimensionnel entre l’échelle macroscopique et l’échelle atomique : on parle d’échelle mésoscopique. Cette propriété confère à ces objets des propriétés physiques ou chimiques qui peuvent être différentes de celles des mêmes matériaux massifs.

Les différentes techniques d’élaboration 

L’objectif de cette partie est de décrire différentes techniques permettant l’obtention de nanoparticules (Co,Pt). Les conditions de synthèse influençant de nombreuses propriétés des particules réalisées (telles la morphologie, la structure ou l’organisation), on insistera pour chaque technique sur les avantages et les inconvénients qui lui sont propres dans l’optique de réaliser des nanoparticules composées de cobalt et de platine. Les techniques d’élaboration permettant la réalisation de structures de taille nanométrique sont usuellement classifiées dans deux grandes familles selon l’approche retenue : les techniques « top-down », consistent à obtenir par des procédés de gravure (photolithographie, lithographie électronique ou par rayons X) sur des matériaux macroscopiques des objets de dimensions réduites. Un facteur limitant la taille des objets est le pouvoir de résolution et la finesse des masques de gravure utilisés ; les dimensions accessibles sont alors limitées à environ 20 nm. La seconde approche, dite « bottom-up », consiste à assembler des briques élémentaires (atomes ou molécules) pour obtenir un objet de taille nanométrique. L’inconvénient principal des techniques « bottom-up» réside dans la difficulté à maitriser précisément le processus d’assemblage. Parmi les techniques relevant de cette seconde approche, nous détaillons ci dessous plusieurs techniques permettant l’obtention de nanoparticules (Co,Pt).

Méthodes par voie chimique
Les méthodes par voie chimique reposent sur l’utilisation de molécules, dénommées précurseurs moléculaires, contenant les éléments constituant les futures nanostructures [Sun, 2006]. Le précurseur, sous forme liquide ou gazeuse, réagit chimiquement (décomposition thermique, réduction, irradiation) et libère les éléments qui vont se déposer sur le substrat en précipitant pour former un solide cristallin de petite taille. Dans le cas de nucléation de particules en volume, on utilise des stabilisants afin de limiter la coalescence des particules, ceux-ci peuvent être des matrices poreuses, des micelles (qui isolent des petites zones) ou des ligands (qui s’adsorbent sur la surface des particules). Des nanocristaux monodisperses de CoPt ont notamment été réalisés par une technique qui utilise des micelles inverses. La réaction chimique est basée sur la réduction via NaBH4 de Co(AOT)2 (Co-di(ethyl hexyl)sulfosccinate) et de PtCl4 . Cette réduction provoque la formation de particules colloïdales limitées en taille par les micelles inverses. Ces particules sont naturellement enrobées par une couche moléculaire organique (dodecylamine, C12H25NH2 ), ce qui permet d’éviter l’agrégation des nanocristaux. L’avantage de cette technique est que sa mise en œuvre est facile et permet d’obtenir de grandes quantités de nanoparticules. De plus, ces particules s’organisent spontanément en réseau 2D ou 3D lorsqu’elles sont déposées sur un substrat.

Low-energy cluster beam depositions
Par opposition aux méthodes exposées dans le paragraphe précédent, on désigne par « voie physique » ou PVD (pour Physical Vapor Deposition), les techniques reposant sur la déposition sous vide ou atmosphère contrôlée de particules (atomes ou agrégats) sur un substrat. Une technique pour fabriquer des nanoparticules mixtes de cobalt et de platine développée dans les années 1980 [Dietz, 1981; Milani, 1990] est la déposition douce d’agrégats atomiques (LECBD pour Low-energy cluster beam deposition). Dans cette technique, les éléments à déposer sont vaporisés par des lasers pulsés (de type Nd :YAG) pour former un plasma. Ce plasma est thermalisé par un gaz inerte (He à 30 mbar), ce qui provoque la nucléation et la croissance d’agrégats (voir fig. 1.3.a). Une détente adiabatique supersonique au niveau de la buse de sortie stoppe la croissance et accélère les agrégats. Les clusters peuvent ensuite éventuellement être triés en masse grâce à un ionisateur d’agrégats couplé à un aimant quadripolaire permettant le tri en masse. La faible énergie cinétique des clusters (typiquement 0,1 eV/atome) acquise durant la phase d’expansion supersonique permet d’éviter leur fragmentation lors de l’impact sur le substrat.

Épitaxie par jet moléculaire
D’autres méthodes d’élaboration des nanoparticules consistent non pas à former des plasmas à partir de matériaux cibles mais à évaporer des atomes afin de les déposer sur une surface. On les qualifie d’épitaxie par jet moléculaire ou MBE pour molecular beam epitaxy (l’épitaxie désignant le phénomène de croissance cristalline, où l’élément déposé conserve un certain nombre des propriétés de symétrie du substrat cristallin). On distingue parmi ces méthodes celles où l’évaporation est effectuée par chauffage résistif de cellules thermiques de celle où le matériau est chauffé par bombardement électronique, connue sont le nom de EBPVD (Electron Beam Physical Vapor Deposition) et employée pour réaliser les échantillons durant ce travail de thèse (décrite en détails au dans le § 2.1.2.2). Le matériau dans les cellules thermiques est disposé dans un creuset qui est chauffé par effet Joule pour obtenir la sublimation des atomes du matériau qui se déposeront sur le substrat placé en face de la source. La vitesse de croissance est fixée par la température de la source et la géométrie source-échantillon. L’avantage de cette technique réside dans sa simplicité d’utilisation et sa grande versatilité. Elle permet également de réaliser des objets de grande qualité cristalline (voir fig. 1.4.a), ce qui en fait une des techniques de choix de l’industrie de la microélectronique. Ceci peut constituer un avantage si des techniques de caractérisation nécessitent un fort signal. Cette technique d’élaboration est également assez légère à mettre en œuvre pour pouvoir être adaptée sur des expériences en synchrotron et réaliser ainsi les échantillons in-situ.

Déposition par ablation laser
Parmi les méthodes par voie physique, on distingue également la déposition par ablation laser ou PLD (pour pulsed laser deposition). Cette méthode consiste à vaporiser une cible à l’aide d’un laser pour former un plasma. Celle-ci peut être bimétallique de composition choisie ou l’on peut utiliser plusieurs cibles d’éléments purs fixées sur un porte-échantillon tournant. Dans cette méthode, le plasma vient se condenser directement sur le substrat placé en face de la cible. L’avantage de cette technique est le contrôle précis de la stœchiométrie des particules synthétisées [Alloyeau, 2009] permis par l’ablation alternée de différentes cibles. L’inconvénient principal de cette technique est la présence de gouttelettes sur la surface du substrat qui vient dégrader la qualité du dépôt. Celles-ci sont dues aux pulsations lasers de forte densité en puissance qui arrachent ces gouttelettes de la cible et limitent les études notamment magnétiques moyennées à grande échelle.

Thermodynamique de nanoparticules

Le passage à des tailles nanométriques rend la proportion surface/volume non négligeable. L’énergie des nanoparticules est alors dominée par le terme de surface et il apparait de nouvelles propriétés non rencontrées sous forme volumique. Nous illustrerons ces effets de taille à travers la modification de la température de fusion en fonction de la taille des nanoparticules ainsi que par l’existence de structures atomiques originales adoptées par des nanoparticules. Des travaux théoriques [Pawlow, 1909] ont prédit dès 1909 pour des particules possédant un diamètre inférieur à une certaine valeur critique une décroissance linéaire de la température de fusion suivant l’inverse du rayon de la particule. Des études expérimentales ont par la suite confirmé les prédictions effectuées par une modélisation théorique s’inspirant de Pawlow et ont déterminé la valeur du diamètre critique à 5 nm pour des nanoparticules d’or [Buffat, 1976; Castro, 1990]. Inversement il a été calculé que la température de fusion de nanoparticules d’argent pouvait être considérablement augmentée (e.g. de 70 K pour des particules de 55 atomes et de 20 K pour 561 atomes) en insérant un seul atome de nickel au centre des particules icosaédriques d’argent [Mottet, 2005]. Cette variation de la température de fusion a pour origine la diminution de la contrainte dans les nanoparticules produite par la présence de l’impureté de nickel au centre de la particule. On peut également s’intéresser à l’impact de la taille nanométrique sur la transition entre phases solides ordonnée et désordonnée. Des travaux ont ainsi montré que la température de mise en ordre de nanoparticules Co50Pt50 d’un diamètre de 2,4 à 3 nm était inférieure de 175 à 325 K par rapport à celle observée dans le matériau sous forme volumique [Alloyeau, 2009]. L’importance du rapport surface/volume dans des particules ayant des tailles de l’ordre du nanomètre fait que la prise en compte de l’énergie de surface est primordiale pour déterminer la structure atomique. Dans un matériau isotrope, une forme sphérique sera favorisée mais dans un matériau anisotrope, comme le sont généralement les structures cristallines, des facettes peuvent apparaitre. Chaque facette présente une énergie de surface qui lui est propre, en lien avec sa compacité (les plans les plus denses ayant généralement l’énergie la plus faible). On peut ainsi imaginer qu’une ségrégation chimique suivant les plans majoritaires donne lieu à un ordre atomique nouveau de type L11 en dessous d’une taille critique [Dannenberg, 2009].

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Table des matières

Introduction générale
1 Thermodynamique, croissance et magnétisme du système (Co,Pt)
1.1 Le système (Co,Pt) : du volume à la nanostructure
1.1.1 Thermodynamique de (Co,Pt) en volume
1.1.1.1 Paramètres thermodynamiques du cobalt et du platine
1.1.1.2 Diagramme de phase de (Co,Pt)
1.1.2 Nanoparticules de CoPt
1.1.2.1 Introduction
1.1.2.2 Les différentes techniques d’élaboration
1.1.2.3 Thermodynamique de nanoparticules
1.1.3 Croissance épitaxiale de nanostructures auto-organisées
1.1.3.1 Principes de la croissance sur surface
1.1.3.2 Les surfaces nanostructurées
1.1.3.3 Croissance de nanostructures auto-organisées
1.1.3.4 Croissance de bimétalliques
1.2 Anisotropie magnétique du système (Co,Pt)
1.2.1 Rappels sur l’anisotropie magnétique
1.2.1.1 Le magnétisme atomique
1.2.1.2 L’origine de l’anisotropie magnétique
1.2.1.3 Longueurs caractéristiques
1.2.2 Le magnétisme dans les nanostructures et les systèmes alliés
1.2.2.1 Effets de taille
1.2.2.2 Effets d’alliage
2 Méthodes expérimentales
2.1 Dispositif expérimental
2.1.1 Le bâti ultra-vide
2.1.2 Réalisation des échantillons
2.1.2.1 Préparation des surfaces métalliques
2.1.2.2 Croissance par dépôts métalliques
2.2 Microscopie et spectroscopie par effet tunnel
2.2.1 Principe du STM
2.2.2 Applications
2.3 Dichroïsme circulaire magnétique des rayons X
2.3.1 Principe
2.3.2 Détermination des moments magnétiques
2.3.3 Cycles d’aimantation
3 Croissance de nanostructures d’alliage CoxPt1−x par codéposition
3.1 Présentation générale du système
3.2 Méthodes de calibration
3.2.1 Évaluation du taux de couverture
3.2.2 Évaluation de la composition
3.3 Croissance organisée
3.3.1 Influence de la composition
3.3.2 Influence du taux de couverture
3.3.3 Discussion
3.4 Transition morphologique
3.4.1 Résultats expérimentaux
3.4.2 Modélisation pour un dépôt statistique
3.4.3 Évolution expérimentale en fonction du taux de couverture
3.4.4 Discussion
3.5 Structure atomique
3.5.1 Contrastes à grandes échelles
3.5.2 Résolution atomique sur les ilots
3.6 Conclusion
4 Étude par dynamique moléculaire de nanostructures CoxPt1−x supportées
4.1 Présentation de la dynamique moléculaire
4.2 Potentiels utilisés
4.2.1 Modèle des liaisons fortes avec approximation du second moment
4.2.2 Ajustement des potentiels pour le système {Co,Pt,Au}
4.3 Thermodynamique locale de nanostructures de Co et Pt
4.4 Dynamique de la transition morphologique
4.5 Étude énergétique des mécanismes de montée en deuxième couche
4.6 Conclusion
Conclusion générale

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