L’INNOVATION A L’AUNE DE LA THEORIE DES ROLES

Par : Sébastien KNOCKAERT 

Le terme innovation semble être utilisé en lieu et place de création, changement, invention ou encore imitation laissant par là même penser qu’ils sont synonymes (Damanpour, 2020). Le Littré nous indique qu’innover provient du latin inovare. Le Dictionnaire de l’Académie Française, dans sa 9e édition, nous précise que ce mot date du XIIIe siècle et qu’il s’agit d’un emprunt du bas latin innovatio, qui signifie «renouvellement ». Cette racine sera à la base de trois unités lexicales innovare, novare, et renovare (Goguelin, 1992) lesquelles donneront innovation, novation et rénovation. L’innovation se trouve étymologiquement apparentée en droit avec la novation. La novation se définit comme la substitution d’une obligation nouvelle à une ancienne par changement d’un des éléments constitutifs de cette dernière. Ce terme apparu en 1307 selon le Trésor de la Langue Française entretient, dès son introduction, la confusion entre l’innovation et la nouveauté. Il en va de même avec rénovation ; ce terme, apparu vers les années 1310, signifie rendre nouveau, il se définit comme la réitération, action de faire à nouveau une chose qui a déjà été accomplie. Nous le comprenons bien tant avec la novation que la rénovation c’est la notion de nouveauté qui prédomine. Le terme « innovation », dont l’intégration dans la langue française est légèrement antérieure puisque daté approximativement de 1297, trouve ses racines dans la nouveauté, et « désigne le fait d’introduire dans une chose établie quelque chose de nouveau, d’encore inconnu » (Goguelin, 1992) de même que la novation et la rénovation comme nous venons de le présenter. L’action d’innover s’opérationnalise notamment dans l’invention voire l’imitation.

Cette difficulté à appréhender clairement et simplement ce concept nous laisse considérer que l’innovation est un sujet complexe. Afin de lever cette incompréhension, nous proposons de replacer ces termes dans une perspective historique.

DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE A L’INNOVATION ORGANISATIONNELLE: ÉVOLUTION D’UN CONCEPT

Comprendre et définir ce que revêt l’innovation n’est pas une tâche aisée, comme en témoigne l’introduction de la présente partie, tant le terme innovation semble galvaudé (Crossan & Apaydin, 2010). En effet, toujours selon ces auteurs, il n’est pas rare de retrouver ce terme en lieu et place de « nouveauté », « créativité », d’« invention », d’« imitation » ou encore de « changement » (Baregheh, Rowley, & Sambrook, 2009). De même qu’il semble commun, de substituer, à tort, imitation, invention et innovation. Ceci fera écrire à Damanpour (2017, 2020) que l’innovation est un concept générique ou chapeau au sein duquel se retrouvent de nombreuses notions qui s’imbriquent, se recoupent voire se superposent.

L’innovation, qu’elle soit de produit, de service ou encore de processus, bénéficie d’un certain éclat du fait notamment de sa contribution au développement économique et social. La recherche dans le domaine de l’innovation organisationnelle est vaste. Elle couvre en effet des disciplines aussi diverses que le management, la sociologie ou encore la psychologie et l’intérêt de la communauté scientifique à ce propos est croissant. Si nous nous en référons aux statistiques proposées par Damanpour (2020, p. xiii), le nombre de publications reprenant en son titre le terme « innovation » est quasiment inexistant (28) pour l’ensemble de la décennie 1960. Ce nombre ne fera que croître de manière exponentielle au cours des décennies suivantes. L’auteur en répertorie 86 dans les années 1970, 225 pour les années 1980, 701 pour la décennie 1990 et 1743 et 3389 respectivement pour les décennies 2000 et 2010.

Crossan et Apaydin (2010) ont, elles aussi, mené un travail de fond important en proposant une analyse systématique de la littérature relative à l’innovation organisationnelle. L’un des premiers constats que les auteurs tirent de cette analyse est le suivant : sur la base des 524 articles qui ont été passés en revue, la moitié ne définit pas, ou pas clairement, ce qu’est l’innovation (2010, p. 1161). Sur la base de ce constat, il est essentiel de pouvoir dans un premier temps donner corps à ce concept d’innovation qualifié, notamment par Damanpour (2017), de complexe. Cette complexité trouve son origine entre autres dans la diversité des disciplines intéressées à la question ou encore au regard de la croissance du nombre de publications au cours des cinquante dernières années. Tout cela rend ce concept ardu à appréhender de même qu’il offre un vaste champ de recherches. De nombreux éléments participent à rendre cette thématique de recherche délicate. Tout d’abord, le terme « innovation » est associé à un grand nombre de mots parmi lesquels nouveauté, invention, changement, ou encore création. Ensuite, au regard du nombre grandissant de publications, chaque auteur a apporté sa pierre au mur de la connaissance, telles les contributions de Dubouloz (2013a, 2013b; Dubouloz & Bocquet, 2013) qui mettent en perspective la question de l’innovation organisationnelle, et ont enrichi le concept sans toutefois qu’une intégration des différentes études interdisciplinaires n’ait lieu (Damanpour, 2020). Enfin, ces études interdisciplinaires reviennent aussi à prendre en considération de nombreux niveaux d’analyses différents comme en témoigne le modèle de Sears et Baba (2011) qui envisage quatre niveaux distincts qui s’imbriquent du fait d’un processus d’intégration (individuel, groupe, organisation, société) ou encore le secteur d’activité (Coombs & Miles, 2000).

Crossan et Apaydin (2010), s’appuyant sur une définition de la Commission Européenne, proposent leur définition de l’innovation. Les auteurs la définissent comme « la production ou l’adoption, l’assimilation et l’exploitation d’une nouveauté à valeur ajoutée dans les sphères économiques et sociales ; le renouvellement et l’élargissement des produits, des services et des marchés ; le développement de nouvelles méthodes de production et la mise en place de nouveaux systèmes de gestion. Il s’agit à la fois d’un processus et d’un résultat » (2010, p. 1155). La définition à laquelle elles aboutissent se veut complète et suffisamment vaste pour laisser l’opportunité au plus grand nombre de s’y retrouver et permettre dans le même temps de mettre en lumière toute la complexité du concept. Une dernière source de difficulté que nous présenterons réside dans les débats sémantiques autour par exemple de l’innovation organisationnelle. De nombreux qualificatifs sont attachés à l’innovation pour prendre en considération par exemple la dimension « non-technologique » de l’innovation. Elle est qualifiée d’organisationnelle pour Damanpour (1991, 2017, 2020), administrative pour Kimberly et Evanisko (Kimberly & Evanisko, 1981), managériale pour Damanpour et Aravind (Damanpour & Aravind, 2012a) ou encore de management (Damanpour, 2014; Le Roy et al., 2018; Volberda, Van Den Bosch, & Mihalache, 2014). Pour aller plus dans le détail et mettre en exergue toute la complexité que revêt ce concept, la seule innovation organisationnelle renvoie à deux conceptions très différentes de ce type d’innovation.

Au regard de ce qui précède, il semble opportun de s’attacher à comprendre ce qu’est l’innovation puis l’innovation « organisationnelle ». Pour cela, nous nous proposons de débuter par une mise en perspective étymologique, historique et théorique du concept d’innovation avant de se centrer sur l’innovation dans les organisations. Plus particulièrement, nous nous concentrerons sur la typologie –tant les conceptions relatives à l’innovation dans les organisations sont nombreuses– ainsi que sur le processus innovation et ses étapes.

L’INNOVATION, PERSPECTIVES ÉTYMOLOGIQUE, HISTORIQUE ET THEORIQUES

Qu’est-ce que l’innovation ?

Nous nous proposons de nous arrêter un temps sur l’aspect sémantique et étymologique de l’innovation avant de replacer ce concept dans une perspective historique. Une fois ces éléments mis en regard, nous nous attacherons à présenter les deux faces de ce concept ; l’innovation est perçue tant comme un élément de progrès social que moteur du développement économique.

L’innovation, un retour étymologique

Le Littré nous indique qu’innover provient du latin inovare. Le Dictionnaire de l’Académie Française, dans sa 9e édition, nous précise que ce mot date du XIIIe siècle et qu’il s’agit d’un emprunt du bas latin innovatio, qui signifie «renouvellement». Cette racine sera à la base de trois unités lexicales innovare, renovare et novare (Goguelin, 1992) lesquelles donneront respectivement innovation, rénovation et novation.

L’innovation se trouve alors apparentée au regard de son étymologie avec le concept juridique de novation. La novation se définit comme la substitution d’une obligation nouvelle à une ancienne par changement d’un des éléments constitutifs de cette dernière. Ce terme apparu en 1307 selon le Trésor de la Langue Française entretient, dès son introduction, la confusion entre l’innovation et la nouveauté. Il en va de même avec rénovation ; apparu vers les années 1310, signifie rendre nouveau, il se définit comme la réitération, action de faire à nouveau une chose qui a déjà été accomplie. Nous le comprenons bien tant avec la novation que la rénovation qu’il s’agit de la notion de nouveauté qui prédomine. Le terme « innovation », dont l’intégration dans la langue française est légèrement antérieure puisque datée approximativement de 1297, trouve ses racines dans la nouveauté, et « désigne le fait d’introduire dans une chose établie quelque chose de nouveau, d’encore inconnu» (Goguelin, 1992) de même que la novation et la rénovation comme nous venons de le présenter. L’action d’innover semble s’opérationnaliser dans l’invention, voire l’imitation.

Un premier constat s’impose ; dès son origine, l’innovation semble largement liée à la notion de nouveauté. Cette intrication est elle-même source de complexité qui questionne la manière d’appréhender clairement et simplement ce concept. Afin de lever cette incompréhension, nous proposons de replacer ces termes dans une perspective historique.

Imitation, Invention, Innovation : une perspective historique

Le terme innovation semble être utilisé en lieu et place de création, changement, invention ou encore imitation, laissant penser, par là même, qu’ils sont synonymes (Damanpour, 2020). Damanpour propose un schéma du processus entourant création, innovation et changement (Damanpour & Aravind, 2012b, p. 488) considérant ces éléments dans une perspective dynamique. Là où la créativité s’analyse à un niveau individuel, l’innovation puis le changement s’analysent à un niveau systémique. Pour sa part, Godin (2008) les place sous les auspices de la créativité de même que Damanpour envisage la relation créativité/innovation (Damanpour & Aravind, 2012b). Une rapide présentation de ces trois termes nous permettra de prendre conscience de leurs différences et, de fait, que la synonymie n’est pas si apparente que cela.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : THEORIE DES ROLES ET INNOVATION DANS LES ORGANISATIONS: UNE REVUE DE LITTERATURE
CHAPITRE 1 : DE L’INNOVATION TECHNOLOGIQUE A L’INNOVATION ORGANISATIONNELLE : ÉVOLUTION D’UN CONCEPT
CHAPITRE 2 : L’INNOVATION A L’AUNE DE LA THEORIE DES ROLES
CHAPITRE 3 : L’OPPOSANT, ACTEUR MANQUANT DE L’ECOSYSTEME DES ROLES DE L’INNOVATION
PARTIE II : INNOVATION & R.H. : CONTEXTUALISATION DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 4 : LA FONCTION R.H., UN ACTEUR DU CHANGEMENT ORGANISATIONNEL
PARTIE III : POSTURE EPISTEMOLOGIQUE ET IMPLICATIONS METHODOLOGIQUES POUR LA RECHERCHE
CHAPITRE 5 : POSTURE ÉPISTEMOLOGIQUE, METHODOLOGIE & METHODE
PARTIE IV : RESULTATS ET DISCUSSION
CHAPITRE 6 : L’OPPOSANT, UN ACTEUR QUI JOUE SON ROLE DE MULTIPLES MANIERES
CHAPITRE 7 : CONCLUSION GENERALE APPORTS ET LIMITES DE LA RECHERCHE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES GRAPHIQUES
LISTE DES TABLEAUX
TABLE DES MATIERES

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