Textures fonctionnelles

Mouillage d’une surface

    Comment différencier une surface d’une autre ? Qu’est-ce qui distingue une vitre d’une table en bois ? Dans la vie courante, nous répondrions que la couleur, la transparence, l’aspect brillant ou la texture de ces deux objets ne sont pas les mêmes, simplement parce que les matériaux sont différents. Pour caractériser un état de surface, on peut observer le comportement de l’objet soumis à diverses conditions. Par exemple, y verser un peu d’eau va modifier son environnement. Il s’agit d’une expérience très simple dont les résultats varient pourtant dans un large spectre. Sur le verre propre, une goutte d’eau a tendance à s’étaler jusqu’à s’aplatir totalement. Si la surface n’est pas horizontale, le liquide peut dévaler en laissant un sillon derrière lui. Sur une table en bois, différentes choses peuvent se produire : du bois brut s’imbibera de l’eau qu’on y dépose, tandis que sur une table cirée une goutte prendra une forme de calotte sphérique, et sur une table vernie, la calotte sera plus plate… Comment expliquer ces observations ?
Tension de surface : Les liquides, comme les solides, ont une forte cohésion moléculaire, contrairement aux gaz. Les molécules de ces corps à la densité élevée exercent des attractions les unes sur les autres : elles se stabilisent en étant entourées d’un maximum de voisines. Cependant, l’espace dans lequel ces molécules évoluent est délimité par la taille de l’échantillon. Au bord, une molécule appartient encore au liquide (ou au solide) mais c’est la dernière. Il existe ainsi une couche de molécules qui participent à la cohésion générale en attirant et étant attirées, mais qui séparent le corps du reste du monde : c’est l’interface. Celle-ci est coûteuse en énergie. En effet, les molécules du bord interagissent avec un nombre restreint de voisines et leur stabilisation est moindre.Les métaux liquides ont des interactions interatomiques très fortes, de l’ordre de l’électron-Volt, ce qui conduit à des tensions de surface élevées. Le mercure affiche une tension de surface γ = 485 mN/m : il va fortement tenter de minimiser son interface. Au contraire, les huiles ne sont stabilisées que par des interactions de van der Waals, dont le faible pouvoir cohésif compense tout juste l’agitation thermique kT ∼140 eV ; ceci conduit à une tension de surface bien plus faible que les métaux liquides, de l’ordre de 20 mN/m. L’eau liquide, grâce aux liaisons H, est plus stabilisée que les huiles, et sa tension de surface vaut γ = 72 mN/m [1]. En évoluant, un liquide va tendre à toujours minimiser son énergie, et donc son interface : ceci explique pourquoi les gouttes de pluie sont sphériques, tout comme le whisky du Capitaine Haddock [2] lorsqu’il essaye de boire en apesanteur, figure 1.1(a). Une fois acceptée la possibilité (douteuse, comme on le verra plus loin) qu’un liquide quitte spontanément un verre, l’interface cherche à se minimiser, ce qui conduit à une forme de sphère. Une autre manifestation de la tension de surface se trouve illustrée sur la figure 1.1(b), où une boucle de fil de coton est emprisonnée dans un film de savon. Tant que le film est intègre (image de gauche), le fil évolue librement dans son plan ; une fois que la membrane liquide est percée dans la boucle (image de droite), on observe qu’elle se tend suivant un cercle. Le film de savon tente de minimiser sa surface, et donc d’agrandir la boucle évidée : γ rend compte de la tension qu’un liquide peut fournir.

Superhydrophilie

   Commençons par nous intéresser au cas où la surface est hydrophile. Le comportement d’une goutte sur un tel substrat rugueux peut suivre deux voies différentes, selon l’angle de Young θe. En effet, si la surface est mouillante, du liquide peut s’échapper de la goutte pour imprégner les rugosités en aval, créant un film précurseur qui rend la surface plus hydrophile. Il se peut aussi que ce film liquide n’existe pas et que la goutte soit au contact d’un matériau rugueux et sec. Pour distinguer ces deux situations, considérons un substrat envahi par un film liquide précurseur : son interface apparaît comme une alternance de zones liquides et d’autres solides, selon les anfractuosités remplies (voir figure 1.12). Notons φS la fraction de phase solide, et 1 − φS celle de liquide apparent

Dans la nature

   De très nombreux exemples de surfaces superhydrophobes existent dans la nature. Les animaux et les plantes s’en servent pour repousser l’eau ou bien plutôt pour s’entourer d’air, ce qui leur sert pour respirer [28] ou s’isoler thermiquement [29]. Le lotus est certainement la plus connue des plantes superhydrophobes [30]. Sa structure illustrée figure 1.15(a) est composée de petits pilliers d’environ 20 μm, eux-mêmes recouverts de cristaux de cire hydrophobe : la double texturation et les caractéristiques chimiques rendent la surface superhydrophobe [28]. La notonecte est une punaise qui vit sous l’eau, cependant elle respire de l’oxygène gazeux : son abdomen est recouvert d’un plastron d’air, visible sur la figure 1.15(b) par les reflets argentés de l’interface air – eau. Elle peut s’entourer d’un film d’air grâce à l’abondance de poils qui recouvrent la quasi-totalité de son corps, comme le montre l’image MEB de la figure 1.15(b). Par ailleurs, être enrobée d’air lui permet de réduire la friction lorsqu’elle se déplace pour chasser dans l’eau [31]

Impacts de gouttes

   L’eau ne touche que le haut des textures sur une surface superhydrophobe. Lorsqu’une goutte est lancée contre une telle surface, on observe – voir la figure 1.18 – qu’elle s’étale comme attendu, puis se rétracte et finit par décoller, laissant la surface sèche. Ce comportement spectaculaire est une conséquence directe de la très faible adhésion de l’eau sur de telles surfaces. Durant le rebond, la goutte passe un certain temps τ au contact de la surface, qu’il est intéressant de caractériser. En effet, comme la goutte passe peu de temps à proximité du solide, les échanges (de chaleur, de moment…) sont limités. Pour refroidir une surface, ce temps court sera un désavantage. En revanche, si le matériau est très froid, un petit temps de contact permettra d’éviter à de l’eau d’y geler [38].

Milieux poreux

   La présence de cavités réparties à la surface ou dans le corps d’un matériau est l’essence d’un milieu poreux. On en trouve de toutes sortes autour de nous ; ils sont caractérisés par leur perméabilité K, qui s’exprime en darcy (1 darcy = 1 μm2) et qui est homogène à une surface. La section d’un pore individuel du matériau donne un ordre de grandeur de la perméabilité. Une cigarette a ainsi une perméabilité d’environ 1000 darcys, tandis que le sable descend à 20−200 darcys et le grès de 0,0005 à 5 darcys seulement [41]. Nous avons vu plus haut que les plantes sont capables de se recouvrir de micro-cônes ou stries pour repousser ou étaler l’eau à leur surface. Elles sont aussi capables de présenter des micro-cavités qui piègent l’eau, par exemple le lichen australien Racocarpus Purpurascens illustré à la figure 1.20. Cette plante doit faire face à un milieu très aride : elle récupère et conserve l’eau de l’air dans ses pores.

Embout superhydrophobe de taille variable [53]

   Nous essayons dans cette partie de contrôler le volume d’une bulle d’air dans de l’eau. Pour créer une bulle, il faut dégager de l’air à travers un orifice immergé. Nous utilisons la plupart du temps une seringue remplie d’air, dont l’aiguille est placée dans le bain. Le volume libéré augmente avec la taille et l’hydrophobie de l’embout. Guillaume Dupeux s’est intéressé dans sa thèse [53] à comprendre le volume d’une bulle d’air lâchée par un embout cylindrique superhydrophobe ; l’expérience est illustrée sur la figure 2.1(a). Dans ce cas, l’air s’étale d’abord sur la base supérieure du cylindre (traitée superhydrophobe), puis l’interface air – eau se courbe, permettant à la bulle de grossir jusqu’à se détacher. La photo 2.1(b) illustre la forme qu’une bulle adopte durant l’expérience. La loi de Tate [54, 1] donne le volume d’une goutte pendante qui se détache d’un capillaire : de façon similaire, nous pouvons ici expliciter le volume Ω de la bulle qui décolle. Deux cas de figure ressortent de ces expériences, selon le diamètre D de l’embout. Lorsque celui-ci est étroit, la bulle d’air est accrochée sur les bords du cylindre. La force capillaire Fγ = πDγ maintient la ligne de contact

Faire léviter

   Un objet en lévitation a pour caractéristique de ne reposer sur aucun support : il est maintenu en l’air par une force qui compense la gravité et l’affranchit du besoin d’une surface sur laquelle s’appuyer. Le Larousse propose les entrées suivantes au mot « lévitation » : « (1) État d’un corps qui reste en équilibre à une certaine distance au-dessus d’une surface grâce à une force sustentatrice compensant la pesanteur. (2) Phénomène par lequel quelqu’un pourrait s’élever dans l’espace comme s’il était délivré de la pesanteur. » Ainsi la lévitation stimule l’imagination et même s’il ne s’agit pas toujours d’en faire profiter les humains eux-mêmes, de nombreuses occurrences de ce phénomène se manifestent régulièrement autour de nous. Nous en présentons ici quelques unes parmi les plus courantes, sans que cette liste ne les épuise [97].
Par la chaleur : la caléfaction :Un cuisinier observateur peut admirer de petites gouttes d’eau s’échapper de sa casserole et rouler de façon erratique sur la plaque de cuisson. Cette dernière est pourtant très chaude : on aurait attendu de l’eau qu’elle bout et s’évapore très rapidement en crépitant… Mais il n’en est rien, les gouttes silencieuses prennent l’apparence de petites perles qui courent sur de grandes distances. Il s’agit en fait d’un premier phénomène de lévitation : la caléfaction, décrite dès 1732 par Boerhaave [98] puis en 1756 par Leidenfrost [99, 100]. Goutte d’eau millimétrique en caléfaction au-dessus d’une surface à 400◦C (barre d’échelle : 1 mm ; crédit : D. Soto et R. Thévenin). (d) Palet de carboglace (largeur : 1 cm) en caléfaction sur une surface à 300◦C(crédit : G. Dupeux). On voit dans (c) et (d) un rai de lumière passer entre l’objet et le substrat chauffé, preuve de la lévitation. Ce chercheur allemand dont on admire le portrait sur la figure 3.1(a) plaçait un support légèrement incurvé, tel une cuiller en étain, au dessus d’un chalumeau, comme représenté à l’illustration 3.1(b). Lorsque la cuiller atteignait une température suffisamment élevée (au-delà de 200◦C, température dite de Leidenfrost [101]), il observait un phénomène étrange : les gouttes d’eau déposées dans la cuiller cessaient de bouillir et de disparaître sur-le-champ ; au contraire, elles adoptaient une forme de perle, montraient une grande mobilité et surtout mettaient longtemps à s’évaporer. Ce que Leidenfrost observait de surcroit, c’est que la lumière d’une bougie placée derrière passait entre la goutte et son support. La température de l’eau liquide ne dépasse pas 100◦C, tandis que celle de la cuiller est au-delà de 200◦C : la différence est telle qu’un peu de la goutte s’évapore immédiatement en s’approchant de la cuiller. La goutte se trouve donc assise sur un coussin de vapeur d’environ 100 μm d’épaisseur (le diamètre d’un cheveu) : elle n’est plus en contact avec aucun substrat ; comme elle est entourée d’air ou de vapeur, elle adopte une forme sphérique (figure 3.1(c)), et comme elle n’est accrochée à rien, elle est extrêmement mobile. Le film de vapeur, visible sur la figure 3.1(c) grâce au rai de lumière qui passe entre la goutte et la surface, joue le rôle d’isolant thermique : l’évaporation est plus lente et le temps de vie est bien plus long [56] (de plusieurs dizaines de secondes) que si la goutte était en contact direct avec la surface chauffée, d’autant que l’absence de contact prévient l’ébullition.Certains solides peuvent aussi léviter par caléfaction, comme la carboglace (-78◦C), du CO2 solide, qui se sublime à proximité d’une surface chaude (figure 3.1(d)). Il n’existe pas de phase liquide à pression ambiante pour le CO2 qui passe directement de l’état solide à l’état gazeux, sans bouillir. La lévitation est manifeste sur la figure 3.1(d), comme l’atteste la ligne de lumière très marquée. Pour la carboglace, une table à 25◦Csuffit pour observer la caléfaction, et un substrat plus chaud conduit à des films de vapeur plus épais.
Par le mouvement : Le mouvement aussi permet de maintenir un liquide en lévitation. Ainsi on remarque en nageant à la piscine ou dans un lac des petites gouttes qui courent sur la surface. Il s’agit d’éclaboussures d’eau au-dessus de la même eau : la coalescence devrait être immédiate ! Il n’y a cette fois aucune différence de température entre les gouttes et le bain, cependant de petites perles rebondissent et glissent sur la surface quelque temps avant d’entrer enfin en contact. La raison en est due à la vitesse de la goutte : l’air présent entre celle-ci et la surface de la piscine n’a pas le temps de s’évacuer que déjà la goutte est plus loin, ce qui retarde le moment du contact. Après la baignade, la vitesse d’un jet de shampooing peut aussi empêcher ce dernier d’atterrir correctement dans votre main : le jet peut rebondir à la surface d’une flaque du même liquide, comme l’illustre la figure 3.2. Si la surface est inclinée, on peut même observer de multiples rebonds [102]. Ce phénomène surprenant, nommé l’effet Kaye [103], du nom de l’ingénieur britannique qui l’a découvert en 1963, s’explique par la présence d’une mince couche d’air autour du jet, même lorsqu’il est à proximité du bain, qui a pour conséquence la non-coalescence [104]. Si une goutte ou un jet de liquide peuvent s’enrober d’un film d’air lorsqu’ils vont vite, de même une surface en mouvement rapide est protégée par de l’air : on observe alors d’autres situations de non-mouillage. Par exemple, dans un ressaut hydraulique (tel qu’il se produit au fond de son évier), une goutte n’entrera pas immédiatement en coalescence [105] (figure 3.3(a)) ; il s’agit pourtant de déposer un liquide sur une nappe du même fluide. La goutte écrase par son poids le film d’air qui la sépare du ressaut liquide, et le pousse à s’évacuer ; la lévitation est maintenue car le mouvement de la nappe (qui s’écoule de façon continue) alimente en permanence le film d’air. Une goutte dans une telle situation est extrêmement mobile et peut même osciller ou tourner de façon périodique dans le ressaut [106]. Une autre situation où la surface liquide est en mouvement est le cas des surfaces vibrées verticalement. Une goutte placée sur une telle surface (figure 3.3(b)) peut rebondir indéfiniment comme l’a montré Y. Couder en 2005 [107] : si le bain subit à chaque oscillation une accélération supérieure à celle de la gravité g = 9,81 m/s2, alors la goutte décolle lorsque le bain redescend ; lors de son rebond, elle écrase le film d’air qui la sépare de la surface et cependant repart avant que tout l’air n’ait eu le temps de s’échapper. Puisque le film est régénéré à chaque cycle, les rebonds peuvent être observés des jours durant.

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Table des matières

Introduction
I Textures microscopiques 
1 Introduction aux textures microscopiques 
1.1 Surfaces lisses
1.1.1 Mouillage d’une surface
1.1.2 Étalement d’une goutte
1.2 Surfaces micro-texturées
1.2.1 Loi de Wenzel
1.2.2 Superhydrophilie
1.2.3 Superhydrophobie
1.2.4 Micro-creux
2 Aérophilie 
2.1 Volume d’une bulle
2.1.1 Création d’une bulle par un orifice immergé
2.1.2 Détachement de la bulle
2.2 Étalement de bulles
2.2.1 Approche
2.2.2 Contact et étalement
2.3 Capillaires
2.3.1 Angle de contact dynamique
2.3.2 Dépression capillaire
2.4 « Funambulles »
2.4.1 Description statique
2.4.2 Dynamique
II Textures macroscopiques 
3 Surfaces poreuses macro-texturées 
3.1 Faire léviter
3.1.1 Par la chaleur : la caléfaction
3.1.2 Par le mouvement
3.1.3 En soufflant
3.2 Souffler sous un liquide
3.2.1 Critère de décollage
3.2.2 Influence du poreux
3.2.3 Observations
3.3 Faire avancer
3.3.1 Des macro-textures sur un poreux pour propulser
3.3.2 Propulsion
3.3.3 Géométries variables
3.3.4 Nombre de Reynolds
3.4 Faire avancer des liquides
3.4.1 Gouttes d’eau
3.4.2 Gouttes visqueuses
4 Objets macro-texturés en lévitation 
4.1 Présentation de l’expérience
4.2 Mesure de forces
4.3 Modèles
4.3.1 Modèle en loi d’échelle
4.3.2 Modèle analytique
4.3.3 Simulations
4.4 Moulin inertiel
4.4.1 Force de propulsion
4.4.2 Vitesse terminale
4.4.3 Modèle
III Combinaison de micro- et macro-textures 
5 Introduction 
5.1 Macro-défauts
5.1.1 Macro-défauts superhydrophobes
5.1.2 Surface et macro-défauts de mouillages différents
5.2 Propulsion en non-mouillage
5.2.1 Textures symétriques
5.2.2 Textures asymétriques
6 Frictions spéciales 
6.1 Créneaux réguliers
6.1.1 Gouttes d’eau
6.1.2 Gouttes visqueuses
6.1.3 Serpents de transition
6.1.4 Adhésion
6.2 Créneaux asymétriques
6.2.1 Gouttes d’eau
6.2.2 Gouttes visqueuses
Conclusion
Bibliographie

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