Tendinopathies distales du semi-membraneux et lésions du ligament croisé antérieur

Le point d’angle postéro‐médial (PAPM) du genou est une structure anatomique importante, entièrement analysable en imagerie par résonance magnétique (1) mais peu étudiée en pratique, souvent éclipsée par les lésions plus évidentes des ligaments croisés et des ligaments collatéraux. Le PAPM est d’autant plus important que la zone la plus fréquente des lésions traumatiques du genou est le côté médial (2). Il est composé de plusieurs structures : le ligament collatéral médial (LCM), le ligament oblique postérieur, le tendon distal du semi‐membraneux (TSM), le tendon du gastrocnémien médial et le ligament poplité oblique.

En cas de traumatisme aigu, il est important de reconnaître toutes les structures lésées, les erreurs diagnostiques pouvant entraîner un handicap important. En effet, des lésions non identifiées de l’angle postéro‐médial sont impliquées dans l’instabilité rotatoire antéro‐médiale et dans l’échec des reconstructions du ligament croisé antérieur (3). Les lésions ligamentaires multiples, avec atteinte conjointe du LCA, du LCM et du PAPM sont retrouvées dans 6,7 % des blessures du genou (4). En particulier dans les ruptures complètes du LCA, il semble exister une contraction réflexe du TSM, qui s’oppose à la translation tibiale antérieure et pourrait entraîner des lésions de ce dernier (5)(6). Par extension, une sollicitation inhabituelle du TSM sur le long terme dû à une rupture ancienne du LCA pourrait mener à des tendinopathies chroniques du TSM. Notre hypothèse était que les lésions du LCA sont souvent associées à des lésions du tendon du semi‐membraneux distal, soit par un mécanisme commun lors d’un traumatisme, soit par une instabilité antéropostérieure due à des lésions aiguës ou chroniques du LCA.

Le mouvement du genou est dynamique et tridimensionnel, les éléments stabilisateurs devant travailler ensemble pour maintenir une parfaite stabilité pendant l’activité. En raison de l’interaction complexe de ces structures, la prise en charge thérapeutique n’est pas consensuelle et il existe d’importantes controverses dans le traitement de l’instabilité combinée du LCA et de l’instabilité postéro‐médiale du genou (4). Les lésions du côté médial du genou peuvent guérir avec un traitement médical approprié, selon le degré de la lésion (4). Par exemple, pour Dold et al, les lésions isolées de grade I et II du LCM peuvent être traitées de manière non chirurgicale, par une immobilisation et de la physiothérapie, permettant aux patients de reprendre le sport rapidement (7). Mais, en cas de lésions ligamentaires et tendineuses multiples ou de lésion grave du LCM, la prise en charge non opératoire peut entraîner une instabilité chronique en valgus ou une instabilité rotatoire. Par exemple, lorsqu’une ligamentoplastie est effectuée sans que la lésion du LCM n’ait été diagnostiquée, le taux d’échec de la ligamentoplastie et de développement d’une instabilité antéro‐ médiale augmente (3). Lorsque le tendon semi membraneux est lésé, il peut être suturé dans le tissu superficiel du LCM ou rattaché avec une ancre de suture (7). Pour les patients souffrant d’instabilité chronique en valgus, des reconstructions du LCM utilisant une technique combinée, réparant à la fois le LCM et le PAPM, ont permis un résultat clinique acceptable, dans l’étude de Lind (8) (9) .

L’insertion distale du muscle semi‐membraneux présente une anatomie complexe avec cinq à six composantes distinctes (figure 1A et 1B) : le bras tibial antérieur ; le bras tibial direct ; le bras récurrent ou ligament poplité oblique (LPO) ; le bras poplité ou inférieur ; le bras capsulaire, contigu au ligament oblique postérieur (LOP) et le bras méniscal latéral, inconstant. Le bras tibial antérieur passe en avant, en profondeur du LOP, sous le ligament collatéral médial avant de s’insérer sur la face médiale du tibia proximal. Le bras direct s’insère sur la face postéro‐médiale du tibia. Le bras récurrent, une forte expansion tendineuse, nait du tendon semi‐membraneux juste avant son insertion tibiale et passe obliquement pour s’attacher au condyle fémoral latéral postérieur. Le bras inférieur consiste en une extension tendineuse qui s’insère sur l’aponévrose superficielle du muscle poplité. Le bras capsulaire fusionne avec la capsule articulaire postéro‐médiale, dans le ligament oblique postérieur. Une sixième insertion dans le tiers postérieur du ménisque latéral a été décrite.

Ce complexe de TSM distal agit comme un fléchisseur du genou mais est aussi une structure stabilisatrice importante du genou pendant la flexion. La contraction du semi‐membraneux exerce une tension sur la capsule postérieure et rétracte la corne postérieure du ménisque médial en arrière (11) . Pour certains auteurs, le tendon semi‐membraneux est plus un frein à la rotation latérale qu’un véritable rotateur médial du tibia en position de flexion du genou (12). Enfin, le tendon s’oppose au valgus lorsque le genou est en extension (13). La perturbation du muscle ou de son insertion distale compromet cet effet de stabilisation dynamique.

Les lésions des expansions tendineuses du semi‐membraneux peuvent inclure une fracture par avulsion de l’insertion tibiale, des déchirures complètes ou partielles du tendon et une tendinopathie chronique d’insertion. Notre objectif est de déterminer s’il existait une association entre les lésions du TSM et les lésions du LCA, en aigu et en chronique.

Matériels et méthodes 

Design de l’étude 

Après accord du comité d’éthique local et de la CNIL (numéro 2021‐66), une analyse rétrospective a été réalisée sur l’ensemble des IRM de genou réalisées sur 6 mois dans le service de radiologie de l’hôpital Sainte Marguerite à Marseille, de janvier à juin 2020, afin d’obtenir une centaine d’IRM normales et pathologiques (avec atteinte distale du TMS). Le nombre de sujets nécessaires était de 192 patients, pour une puissance de 0,8 et un risque alpha de 0,05. Nous avons recueilli 9 IRM supplémentaires car nous avons étendu la période d’étude à 6 mois complets. Le critère de jugement principal était l’atteinte des bras direct ou réfléchi du tendon distal du semi‐ membraneux. L’ensemble des patients ayant réalisé une IRM entre janvier et juin 2020, sur l’IRM 1.5 Tesla du service de radiologie de l’hôpital Sainte Marguerite ont été inclus dans cette étude. Les sujets dont l’IRM était artéfactée et non analysable de manière reproductible ont été exclus.

Acquisition IRM 

Toutes les IRM étudiées ont été réalisées sur une seule IRM, Philips Ingenia T Omega 1,5T, installée en novembre 2015. Elles ont été réalisées selon le même protocole : séquence sagittale pondérée en T1 (temps de répétition [TR] = 609 msec, temps d’écho [TE] = 7 msec, champ de vision de 12‐14 cm, matrice 576 x 576, une épaisseur de la coupe de 3,5 mm avec un espace d’intersection de 3,9 mm), suivie d’une séquence SPAIR (SPectral Attenuated Inversion Recovery) tridimensionnelle (temps de répétition [TR] = 1100 msec, temps d’écho [TE] = 37 msec, champ de vision de 12‐14 cm, matrice de 640 x 640, une épaisseur de coupe de 0,6 mm avec un espace d’intersection de 0,3 mm),) puis une séquence coronale de densité de protons après saturation de la graisse (temps de répétition [TR] = 2026 msec, temps d’écho [TE] = 20 msec, champ de vision de 12‐14 cm, matrice de 576 x 576, trois signaux en moyenne et une épaisseur de coupe de 3 mm avec un espace d’intersection de 3 mm).

Ces IRM ont été retrouvées en utilisant le registre du service de radiologie de l’hôpital français Sainte Marguerite.

Analyse des IRM 

Ces IRM ont été relues rétrospectivement pour identifier les IRM normales et les tendinopathies du semi‐membraneux, à l’aveugle par une radiologue de 5 années d’expériences, selon la grille de lecture présentée sur la figure 2. Elle n’avait pas connaissance des résultats arthroscopiques, des antécédents cliniques ou des interprétations initiales. Les comptes rendus ont ensuite été vérifiés pour comptabiliser la proportion de ces derniers mentionnant les tendinopathies du TSM. La tendinopathie du semi‐membraneux en IRM peut être diagnostiquée avec certitude lorsque le bras antérieur et/ou le bras direct sont élargis, hétérogènes avec un hypersignal T2 (14). La tendinopathie chronique du TSM peut être accompagnée de modifications osseuses sur la face postéro‐médiale du tibia telles que des enthésophytes, des kystes intra‐osseux et de l’œdème. Parfois, les tendinopathies s’accompagnent d’une bursite et d’un épanchement dans la gaine du tendon. Concernant les lésions traumatiques, une déchirure partielle du semi‐membraneux doit être suspectée lorsqu’un hypersignal T2 est identifié́ sur le tendon distal du semi‐membraneux, avec persistance de la continuité de certaines fibres, dans un contexte traumatique récent. Les ruptures complètes du semi‐membraneux (discontinuité de l’ensemble des fibres) peuvent se produire sur la jonction musculotendineuse distale ou sur l’enthèse. Une fracture avulsion de l’angle postérieur du plateau tibial médial (site d’attache distal du bras direct du TSM) se présente comme une contusion osseuse associée à un trait de fracture hypointense en T1 (15).

Le LCA, présentant une structure composée de deux faisceaux antéromédial et postérolatéral a été considéré comme intact s’il était visualisé comme une bande linéaire continue sans anomalie d’intensité de son signal et démontrant une orientation parallèle à la ligne de Blumensaat (toit de la fosse intercondylienne). Les LCA présentant un épaississement focal ou diffus mais sans œdème étaient considérés comme cicatriciels, la présence d’une rupture dans ce cas‐là correspondant à une rupture ancienne. Une rupture aiguë partielle du LCA était suggérée si le ligament présentait une anomalie de signal focale ou l’interruption de l’un des deux faisceaux (surtout le faisceau antéromédial) ; une distension de l’un des deux faisceaux ; de discrètes anomalies de signal au sein du LCA dont la majorité́ des fibres demeurent visibles et dont l’axe demeure normal ou un aspect de cyclope préopératoire (16), en présence d’un œdème des tissus mous. Une rupture aiguë complète se présentait sous la forme d’une interruption complète du LCA avec désorganisation de ses fibres et perte de son orientation (17), (18). Plusieurs autres paramètres ont été analysés : lésions du ligament croisé postérieur (LCP), translation tibiale antérieure spontanée (TTA), œdème des condyles fémoraux et des plateaux tibiaux, lésions des ligaments collatéraux, du ligament oblique postérieur et poplité oblique, de la corne postérieure du ménisque, de la capsule postéro‐médiale (y compris le bras capsulaire), du point d’angle postéro‐latéral et du ligament antérolatéral, du cartilage et des ménisques ainsi que l’instabilité rotatoire, dont la présence est évalué par un angle fémorotibial de plus de 4,9° (mesuré entre les tangences du bord postérieur des condyles fémoraux et des plateaux tibiaux) .

Les lésions du TSM sont significativement associées aux lésions du LCA (p = 0.003). Plus précisément, elles sont associées aux ruptures complètes du LCA (p=0,014) et aux ruptures anciennes (p=0,007). La rupture partielle du LCA n’est pas statistiquement associée aux lésions du TSM (p= 0,373). Les lésions chroniques du LCA, comprenant les anciennes ruptures du LCA et les cicatrices, sont significativement associées aux lésions du TMS (p=0,002), alors que les lésions aiguës du LCA, comprenant les ruptures partielles et complètes ne le sont pas (p = 0,059). Concernant les lésions du TSM, une rupture partielle a été trouvée dans 9% des cas, aucune rupture complète n’a été observée. Une avulsion du plateau tibial a été décrite dans 2 % des cas. Un épanchement de la gaine a été retrouvé dans 48% des cas et une bursite dans 16% des cas. Une tendinopathie fissuraire a été observée dans 12 % des cas. Les tendinopathies du semi‐membraneux n’ont été décrites par le radiologue que dans 10% des compte rendus.

Les lésions du TSM étaient significativement associées aux atteintes du condyle fémoral (p<0,0001) et du plateau tibial médial (p=0,0004), de la corne postérieure du ménisque médial (p<0,0001), plus globalement aux atteintes méniscales médiales et latérales (p<0,0001), à une chondropathie fémorotibiale médiale (p<0,0001) et aux atteintes du point d’angle postéro‐médial (p<0,0001). Les lésions du LCA étaient associées à des lésions du plateau tibial médial (p=0,026) et latéral (p<0,0001), du condyle fémoral latéral (p=0,023), du ligament collatéral médial (p=0. 0001), du ligament poplité oblique (p=0, 002), du ligament oblique postérieur (p=0,023), de la capsule postéromédiale (p=0,007), du ligament antérolatéral (p=0,023) et du point d’angle postéromédial (p=0,027) et latéral (p=0,001). Les lésions de toutes les insertions du TSM étaient significativement associés aux lésions du LCA avec un p<0,0001.

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Table des matières

Résumé
Abréviations
Introduction
Matériels et méthodes
Design de l’étude
Acquisition IRM
Analyse des IRM
Analyse statistique
Résultats
Discussion
Conclusion
Bibliographie

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