Techniques d’analyse d’images et micro tomodensitométrie

Recensement des cas de rupture de barrages en remblai et enjeux actuels

Malgré les avancées technologiques des dernières décennies en géotechnique, plusieurs barrages d’envergure dans le monde ont subi des dommages importants. Une des causes expliquant cette incongruité provient du fait que le comportement d’un tel ouvrage excède généralement la compréhension des modèles théoriques et mathématiques employés lors de la conception et de la mise en place (Milligan, 2003). Le manque de rigueur dans le contrôle et l’instrumentation lors des phases de construction et d’opération peut également engendrer des écarts entre le comportement prédit et réel de l’ouvrage. Par définition, un grand barrage est un ouvrage de plus de 15 m de hauteur à partir du point le plus bas de sa fondation ou un ouvrage d’une hauteur de 5 à 15 m dont le volume du réservoir est supérieur à trois millions de m3 (HQ, 2002). Les causes de rupture des grands barrages en remblai dans le monde sont divisées en cinq catégories (Foster, Fell, & Spannagle, 2000) : l’érosion interne, la surverse, l’inefficacité de l’évacuateur de crues, les instabilités de pentes et la liquéfaction. La Figure 1.1a classe ces causes de rupture par degré d’importance. On note que près de la majorité des cas de rupture ont été initiés par érosion interne. De plus, on remarque que la surverse de la crête du barrage, un phénomène qui implique nécessairement le franchissement de noyau pour les barrages en remblai zonés, est responsable de 36 % des cas de rupture des grands barrages en remblai. La présence de filtres non conformes, le sous-compactage ainsi que l’utilisation de sables bien gradués et de matériaux silteux comme noyau augmentent significativement le potentiel de rupture par érosion interne des barrages (Foster et al., 2000; Milligan, 2003).

La présence de conduites et d’instruments au sein de l’ouvrage peut aussi augmenter leur vulnérabilité face à l’érosion en induisant des chemins d’écoulement préférentiel (Garner & Fannin, 2010). Plusieurs cas réels de rupture par érosion interne de grands barrages sont bien documentés. C’est le cas par exemple du barrage Teton, aux États-Unis, ayant rompu en 1976 (Figure 1.2a), et du barrage Gouhou, en Chine, ayant rompu en 1993 (Figure 1.2b). Dans le premier cas, l’érosion s’est propagée dans l’ouvrage sous forme d’érosion régressive (renard hydraulique), suite à l’apparition d’une fuite concentrée initiée dans le noyau par fracturation hydraulique (Fell, MacGregor, Stapledon, Bell, & Foster, 2015). Dans le second cas, une erreur dans la conception de l’ouvrage et un phénomène de ségrégation ont créé des chemins d’écoulement préférentiel près de la crête de l’ouvrage (Zhang & Chen, 2006). Le barrage Gouhou s’est rompu peu de temps après sa construction, durant la mise en eau. En réalité, la rupture d’un ouvrage par érosion interne survient rarement au-delà des cinq premières années d’opération, comme le démontre la Figure 1.1b (Foster et al., 2000).

Suffossion

La suffossion, aussi appelée suffusion ou suffosion dépendamment des auteurs, survient lorsque les forces d’écoulement mobilisent les particules fines d’un sol granulaire entre sa matrice composée de grains grossiers. Ce phénomène est propre à certains sols dont la distribution granulométrique et l’arrangement des pores ne permettent pas de contrôler la migration des particules fines lors d’un écoulement (p. ex. sols bien gradués). De manière générale, pour qu’il y ait suffossion dans un sol, la taille des vides doit être suffisamment grande pour permettre le transport des particules fines. De nombreux modèles empiriques permettent d’évaluer le potentiel de stabilité interne des sols face à la suffossion. Kenney & Lau (1985, 1986) (KL) ont notamment proposé une méthode qui s’applique aux sols uniformes sableux. Un tel sol ne présente pas de risque de suffossion si H F ≤1, où F représente la fraction massique des particules de taille inférieure à la taille d’un grain d et H est la fraction massique des particules comprises entre la taille d et 4d. La Figure 1.4 illustre un exemple de l’utilisation de la méthode KL pour vérifier le potentiel de stabilité d’un échantillon de till. La plupart des méthodes empiriques sont basées sur la distribution granulométrique des sols granulaires (p. ex., Burenkova, 1993; Li & Fannin, 2008; Wan & Fell, 2008). Par exemple, la méthode de Wan & Fell (2008) (WF) délimite des zones de stabilité, de transition et d’instabilité d’un sol selon l’allure des pentes caractérisant les parties fine et grossière de sa courbe granulométrique (Figure 1.5). Cette méthode est applicable pour des sols bien gradués, contrairement à la méthode KL qui fournit des résultats trop conservateurs pour ce type de sol. D’autres modèles de prédiction du potentiel de stabilité interne des sols sont plutôt basés sur la taille des pores et l’analyse de la texture primaire (p. ex., Indraratna, Nguyen, & Rujikiatkamjorn, 2011; Shire et al., 2014; To, Galindo-Torres, & Scheuermann, 2015; Vincens, Witt, & Homberg, 2015).

Un sol granulaire peut comporter une structure bimodale, c’est-à-dire qu’il peut contenir deux fractions de particules distinctes : une fraction immobile composée de grains gossiers, appelée texture primaire, et une fraction mobile composée de particules lâches pouvant se déplacer entre les vides (constrictions) formés par la fraction immobile. L’allure de la courbe granulométrique (PSD) caractérisant un sol bimodal est généralement soit discontinue (gapgraded) ou bien étalée (Figure 1.6). La répartition de ces fractions au sein d’un matériau peut influencer son comportement lors d’une sollicitation mécanique ou hydraulique. La Figure 1.7 présente trois configurations typiques d’agencement de particules caractérisant un sol granulaire. Dans le premier cas (Figure 1.7a), aucune particule fine n’est contenue dans les pores, et le comportement du sol 11 est influencé par la texture primaire. Dans le deuxième cas (Figure 1.7b), il y a présence de particules lâches pouvant être mobilisées dans le réseau de pores du sol, mais en quantité insuffisante pour permettre un transfert des contraintes effectives.

Dans le troisième cas (Figure 1.7c), les vides sont complètement occupés par la fraction fine du sol, permettant un transfert efficace des contraintes et empêchant toute mobilisation des particules fines. En se basant sur ces concepts, Indraratna et al. (2011) ont développé une méthode empirique prenant en compte la taille de contrôle des constrictions (controlling constriction size) de la texture primaire du sol (Dc35), et la taille représentative des particules de la portion lâche du sol (d85) (Figure 1.8). Selon cette méthode, pour 0,82 35 85 D d c , le sol est considéré comme instable face à la suffossion, tandis que pour 0,73 35 85 D d c , le sol est considéré stable. La taille de contrôle des constrictions est un paramètre géométrique caractérisant la distribution des pores d’un matériau grossier (Kenney, Chahal, Chiu, Omange, & Ume, 1985). Il représente la taille maximale d’une particule qui peut être transportée à travers le filtre ou, en d’autres mots, la taille minimale d’une particule pouvant être retenue par le filtre. La méthode d’Indraratna et al. (2011) s’applique pour des sols ayant une distribution bimodale dont la migration des particules fines dans les pores est possible (Figure 1.7b).

Critère géométrique

Le critère géométrique tire son appellation de la configuration géométrique (distribution des pores, arrangement des grains, etc.) du matériau grossier (filtre) présent au contact avec un matériau fin (noyau). De manière simple, ce critère définit la taille maximale que doivent avoir les pores du matériau grossier pour retenir les particules du matériau fin. En ingénierie des barrages, les critères de conception des filtres sont basés sur le critère géométrique. Originalement, Terzaghi a établi qu’un filtre doit avoir un 15 85 D ≤5d pour empêcher la migration des particules du noyau sous un écoulement (Holtz, Kovacs, & Sheahan, 2011). D15 est la taille des grains du filtre correspondant à 15 % en poids du tamisat, tandis que le d85 est la taille des particules du noyau correspondant à 85 % en poids du tamisat. Sherard, Dunnigan, & Talbot (1984) ont démontré que ce critère était largement conservateur et que la granulométrie du noyau et la forme des grains du filtre avaient une influence sur la capacité de rétention du matériau filtrant. Ainsi, Sherard & Dunnigan (1989) ont développé un modèle plus complet de critères de filtres pour différents matériaux de base (noyau).

Dans leur modèle, le D15 maximal du filtre varie selon le pourcentage de particules fines A du noyau, modifié pour une fraction passante de sable équivalente à 100 %. Les critères de Sherard & Dunnigan (1989) prennent aussi en compte l’étalement de la courbe granulométrique du noyau. Encore aujourd’hui, ces critères sont couramment utilisés dans la conception des filtres de barrages en remblai. Le chapitre 3 présente en détail ces critères de filtres. Les critères de Sherard & Dunnigan (1989) ont été établis en laboratoire pour des échantillons de matériau de base densément compactés (entre 95 et 100 % de l’optimum Proctor standard). En réalité, les techniques de mise en place et les conditions climatiques présentes sur le terrain peuvent induire des zones sous-compactées au sein du noyau et augmenter sa vulnérabilité face à l’érosion. En ce sens, pour des barrages contenant un noyau argileux faiblement compacté (entre 90 et 95 %) et dont la teneur en eau de mise en place se situe au-dessus de l’optimum, Soroush, Shourijeh, & Molavi (2016) proposent d’appliquer 15 85 D ≤7d comme critère de rétention. Aucune étude ne fait toutefois mention de la validité des critères de Sherard & Dunnigan (1989) pour un noyau granulaire bien étalé (p. ex. till) faiblement compacté.

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Recensement des cas de rupture de barrages en remblai et enjeux actuels
1.2 Mécanismes d’érosion interne
1.2.1 Suffossion
1.2.2 Érosion de contact
1.2.2.1 Critère géométrique
1.2.2.2 Critère hydrodynamique
1.2.3 Érosion régressive
1.2.4 Érosion par fuite concentrée
1.3 Avancées expérimentales sur le franchissement de noyau
1.3.1 Montages expérimentaux unidimensionnels
1.3.2 Montages expérimentaux bidimensionnels
1.3.3 Essais cycliques
1.4 Comportement du till
1.4.1 Géomorphologie et propriétés géotechniques
1.4.2 Propriétés hydrauliques
1.4.3 Stabilité interne
1.5 Techniques d’analyse d’images et micro tomodensitométrie
1.5.1 Corrélation d’images numériques
1.5.2 Microtomodensitométrie
1.6 Devis de mise en place des matériaux
1.6.1 Noyau
1.6.2 Filtre
CHAPITRE 2 MÉTHODOLOGIE
2.1 Description des composantes
2.1.1 Montage
2.1.2 Capteurs de pression
2.1.3 Caméras numériques
2.1.4 Granulomètre laser
2.1.5 Turbidimètre
2.1.6 PIVlab
2.1.7 Tomodensitomètre à rayons X
2.2 Caractérisation des matériaux
2.2.1 Homogénéisation du till
2.2.2 Distribution granulométrique
2.2.3 Compacité
2.2.4 Densité des solides
2.3 Procédure expérimentale
2.3.1 Préparation du montage
2.3.2 Saturation des pierres poreuses et des capteurs de pression
2.3.3 Préparation et mise en place des échantillons
2.3.4 Sollicitations hydrauliques
2.3.5 Prise de mesures et manipulations post-expérimentales
2.3.6 Démontage et prélèvement d’échantillons
CHAPITRE 3 EROSION MONITORING DURING CORE OVERTOPPING USING A LABORATORY MODEL WITH DIGITAL IMAGE CORRELATION AND X-RAY MICROCOMPUTED TOMOGRAPHY
Abstract
Résumé
3.1 Introduction
3.2 Methodology
3.2.1 Experimental setup
3.2.2 Granular Materials and Procedure
3.2.3 Digital Image Correlation and X-ray microcomputed tomography
3.3 Results
3.3.1 General observations
3.3.2 Particle Size Distribution and Mass Balance
3.3.3 Digital Image Correlation
3.3.4 X-ray Microcomputed Tomography
3.4 Discussion
3.5 Conclusion
3.6 Acknowledgments
CHAPITRE 4 ANALYSE PRÉLIMINAIRE DES PRESSIONS INTERSTITIELLES ET DES DÉBITS
4.1 Méthodologie numérique
4.1.1 Paramètres non saturés des matériaux
4.1.2 Définition des composantes numériques
4.1.3 Procédure d’exportation des variables
4.2 Analyse des résultats
4.2.1 Distribution des charges hydrauliques dans le noyau
4.2.2 Comparaison des débits entrants
4.2.3 Estimation de la perméabilité du filtre 2C selon une approche numérique
4.3 Discussion
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS

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