Force de traînée sur une sphère 

Couche limite

   Pour un fluide de viscosité non nulle, la nullité de la vitesse du fluide à la paroi se propage par cisaillement aux couches de fluide voisines. Ce phénomène de diffusion visqueuse intervient sur une distance caractéristique δ ∼√ νt en un temps t. Or, une particule d’air qui s’écoule autour de la sphère à une vitesse U ne voit cette dernière que pendant le temps τc = D/U. Ainsi, la condition de non glissement agit sur une épaisseur de fluide δ ∼» νD/U. Cette zone entourant la sphère définit la couche limite. Il est important de remarquer que l’épaisseur de cette couche diminue avec la valeur du nombre de Reynolds selon la relation δ/D ∼ 1/√ Re. Pour les balles de sport où R ∼ 0,1 m et Re ∼ 1 × 105 , l’épaisseur de la couche limite est de l’ordre de la centaine de microns. Dans le cas des écoulements à grands Reynolds, la solution potentielle est valable partout sauf dans une mince couche d’épaisseur δ entourant la sphère. Dans cette couche limite, le nombre de Reynolds associé à l’écoulement est Reδ = δU/ν =√Re. Ainsi lorsque Re = 1,0 × 105, Reδ est de l’ordre de 300. Cette valeur étant inférieure à celle d’apparition de la turbulence (Re⋆δ ≈ 610 [15]), on peut en déduire que l’écoulement dans la couche limite est laminaire. Dans la suite de ce paragraphe nous cherchons à décrire le comportement du fluide dans la couche limite au moyen d’un modèle simple permettant de comprendre l’origine du décollement observé sur la figure 1.2-(a). Pour cela, nous envisageons le cas d’un champ de vitesse orienté selon une direction ζ et dépendant uniquement de la coordonnée transverse r. La représentation schématique de cet écoulement est réalisée sur le graphique 1.5-(a). Dans le cas de la sphère, la direction ζ correspond à une direction tangente à la surface de cet objet. Le profil de vitesse se raccorde sur une épaisseur δ à la solution potentielle v(r = R+δ) donnée par les équations (1.3).

Sillage tourbillonnaire

   Le sillage peut également être mis en évidence expérimentalement à l’aide de fines particules solides. Ces particules sont disséminées dans le fluide de manière à être entraînées par l’écoulement. La réalisation d’un cliché au temps de pose allongé et sous un éclairage en nappe fera apparaître la trajectoire eulérienne des particules fluides. Ce procédé a été utilisé par Sumoto Taneda en 1956 pour visualiser l’écoulement en amont d’une sphère de 19,8 cm de diamètre [11]. Un des clichés réalisé par ce dernier est présenté sur la figure 1.6. Ce cliché se focalise sur l’écoulement en aval d’une sphère pour un nombre de Reynolds égal à 118. L’éclairage en nappe révèle l’existence de deux tourbillons. Cette zone de recirculation possède une symétrie axiale par rapport à l’axe ex (défini à la figure 1.3) qui lui donne la structure d’anneau tourbillonnaire. La brisure de symétrie amont/aval de l’écoulement autour d’une sphère intervient au delà d’un nombre de Reynolds critique de 25. À partir de ce seuil, la zone de recirculation grandit avec l’accroissement du nombre de Reynolds et atteint rapidement une taille comparable à celle de la sphère. Jusqu’à des nombres de Reynolds de 210, la bulle de recirculation reste stationnaire et conserve la symétrie axiale. Lorsque 210 < Re < 270, cette dernière est perdue et il se forme deux zones tourbillonnaires de force égale et de sens opposé [17]. La symétrie du sillage de la sphère n’est alors plus que planaire. En poursuivant l’augmentation du nombre de Reynolds, l’écoulement perd son caractère stationnaire. Lorsque celui-ci dépasse la valeur seuil de 270 ∼ 300, on observe l’émission alternée de structures tourbillonnaires dans l’écoulement. Ces alternances sont produites par le cisaillement de la couche limite présente à la surface de la sphère. Elles confèrent au sillage de la sphère la forme d’un « peigne à cheveux » comme l’ont mis en évidence Sakamoto et Hainu (cf. figure 1.7-(b)) [18]. Une transition supplémentaire se produit pour des nombres de Reynolds supérieurs à 800. Elle correspond à l’émission axisymétrique de tubes de vorticité dans le sillage de la sphère. Ce phénomène est produit à petite échelle par une instabilité de type KelvinHelmoltz à l’interface entre la zone de recirculation et le fluide extérieur [19]. Le sillage de la sphère est alors constitué par deux modes dominants qui vont coexister jusqu’à des Reynolds de 1,5 × 104 au-delà de quoi seul le mode de plus basse fréquence persiste (c’està-dire l’émission tourbillonnaire) [20].

La crise de traînée

   Achenbach s’est penché plus particulièrement sur les variations du coefficient de traînée à des nombres de Reynolds compris entre 4 × 104 et 4 × 106 [13]. La figure 1.11 regroupe les résultats de ses expériences conduites en soufflerie sur une sphère lisse de 20 cm de diamètre. Achenbach distingue quatre régimes de traînée différents en fonction duReynolds (cf. figure 1.11-(a)). La zone de nombres de Reynolds inférieure à 3 × 105 (zone bleue) est qualifiée de « sous-critique ». Dans cette gamme le coefficient de traînée est sensiblement indépendant du nombre de Reynolds et égal à CD ≃ 0,44. Lorsque 3×105 < Re < 3,7×105 (zone rouge) le régime est dit « critique » et le coefficient de traînée chute brutalement. Cette brusque diminution du coefficient de traînée avec le nombre de Reynolds a été mise en évidence la première fois par Gustave Eiffel en 1912 [12]. Le coefficient de traînée passe par une valeur minimale de CD ≃ 0,07 pour Re = 3,7 × 105 qui est qualifiée de nombre de Reynolds critique. Le coefficient CD augmente ensuite faiblement dans une zone appelée « super-critique » jusqu’à Re = 3×106 (zone orange). S’ensuit un régime qualifié de « transcritique » où le coefficient de traînée atteint un nouveau plateau à CD ≃ 0,18 (zone verte). Afin de comprendre l’origine de ces variations du coefficient de traînée entre Re = 4×104 et Re = 4 × 106 , Achenbach a installé un capteur de pression et un capteur de friction de peau à la surface de la sphère. Ces capteurs sont montés sur un diamètre de la sphère et peuvent se déplacer selon la coordonnée angulaire φ. Ce dispositif permet de mesurer l’angle φt à partir duquel la couche limite devient turbulente (cf. figure 1.11-(b)) et celui φs à partir duquel elle se sépare de la surface de la sphère (cf. figure 1.11-(c)). On observe sur la figure 1.11-(b) que dans la gamme sous-critique, l’angle φt est relativement constant et égal à 95◦ . En revanche cet angle décroît avec l’augmentation du nombre de Reynolds à partir de Re = 1 × 105 . La couche limite turbulente voit son développement favorisé et entraîne un retard au décollement en comparaison avec le cas laminaire. En effet dans le régime sous critique, la couche limite décolle quasiment à l’équateur (φs ≃ 82◦ pour Re < 2 × 105 sur la figure 1.11-(c)) alors que ce phénomène intervient lorsque φs ≃ 120◦ pour Re > 3 × 105 (cf. figure 1.11-(c)). Le décollement tardif de la couche limite à partir du régime critique entraîne une réduction de la taille de la zone de recirculation en amont de la sphère. Cette zone correspondant à des basses pressions par rapport à celle située en amont, la diminution de sa taille explique celle de la force de traînée exercée sur la sphère. En conclusion, l’origine physique de la crise de traînée pour Re ≃ 3,7 × 105 est la transition de laminaire à turbulente de la couche limite entourant la sphère. Ceci est cohérent avec le fait que pour ce nombre de Reynolds, celui associé à la couche limite Reδ est égal à 610 ce qui correspond au seuil d’apparition de la turbulence dans un écoulement laminaire [15]. Cette origine explique la sensibilité de la position de la crise de traînée au taux de turbulence de la soufflerie constatée par Achenbach [13].

Effet de la rugosité de la surface

   Le sillage d’une sphère est fortement corrélé au comportement de la couche limite qui l’entoure. Dans le cas des balles de sport, l’épaisseur de cette zone a été évaluée à une centaine de microns. La présence d’une irrégularité de taille comparable à la surface de la sphère va pouvoir modifier l’écoulement en aval. Il est donc pertinent de comprendre comment le sillage de la sphère dépend de son état de surface. Le cliché de la figure 1.12- (a) montre une sphère lisse dont l’hémisphère inférieur a été rendu rugueux. La présence de ces rugosités retarde la séparation de la couche limite avec la sphère. Ceci peut être interprété comme le passage prématuré d’une couche limite laminaire à une couche limite turbulente causé par les irrégularités de la surface. Dans l’exemple précédent, l’asymétrie haut/bas pour la séparation de la couche limite produit un sillage dévié vers le haut. À cette déviation correspond une force transverse dans la direction opposée (vers le bas sur la figure 1.12-(a)). Metha a montré que la dissymétrie de la séparation de la couche limite pouvait également être produite par les coutures d’une balle de cricket judicieusement orientées (cf. figure 1.12-(b)). Dans ce cas, la dissymétrie engendrée par la présence d’une couture cause une déviation latérale sur le trajectoire de la balle.

Effet Robins-Magnus

   La figure 1.19 montre des exemples de sphère en rotation dans un écoulement d’air. On observe une forte déviation du sillage due au mouvement de la sphère sur elle-même. Cet effet engendre une force latérale sur la sphère qui fait l’objet de ce paragraphe. En 1672, Newton avait déjà émis l’idée que la rotation d’une balle de tennis produit un effet sur sa trajectoire [1]. Cette intuition fut confirmée en 1742 par les travaux de Benjamin Robins [34]. Ce dernier construisit un pendule dont la masse est une sphère en rotation autour du fil. La déviation du plan d’oscillation du pendule démontre l’existence d’une force perpendiculaire à la vitesse linéaire et angulaire de la sphère. Suite à ces travaux, un grand nombre d’études ont porté sur la mesure du coefficient de portance d’une balle en fonction de sa vitesse de rotation [35, 36]. Afin de comprendre l’effet de la rotation d’une sphère il nous faut observer en détail son sillage. Le cliché de la figure 1.19-(a) permet de visualiser l’écoulement autour d’une sphère tournant dans le sens des aiguilles d’une montre. On observe que le décollement de la couche limite est plus tardif en haut que en bas. Le mouvement de la sphère en haut accompagne la couche limite et retarde sa séparation. À l’inverse au bas de la sphère la rotation s’oppose au mouvement du fluide et provoque un décollement prématuré. Cette différence de point de séparation entre le haut et le bas de la sphère provoque la déviation de son sillage. Cette déviation vers le bas implique en réaction une force du fluide sur la sphère dirigée vers le haut (dans le sens du vecteur ω ∧ U où U est la vitesse de la sphère par rapport au fluide). L’existence d’une force transverse due à la rotation d’une sphère ne souffre pas de la présence d’irrégularités à sa surface.

Validité de l’expression de la portée

   L’approche précédente s’est basée sur les observations expérimentales des trajectoires de volants. Cependant la généralité des équations résolues est bien plus large que ce seul cas. En effet, l’étude précédente s’applique à tous les projectiles subissant l’effet unique de la gravité et d’une traînée au grand nombre de Reynolds. Afin de vérifier la généralité de cette approche, nous avons étudié expérimentalement la portée de différents projectiles tels une balle de ping-pong, un ballon de baudruche et une bille en plastique dans l’eau. La longueur aérodynamique L de chacun de ces objets est préalablement déterminée dans une expérience de chute libre ou en mesurant la décélération initiale selon la direction horizontale (en se rappellant que Ux = Ux 0e−s/L). Tous les projectiles ont ensuite subi une série de tir dont les conditions initiales et les portées ont été mesurées. Figure 2.14 – Portée expérimentale x0 th en fonction de celle théorique x0 exp estimée à l’aide de la relation (2.15). Les conditions de tirs U0 et θ0 utilisées dans cette relation sont celles déterminées expérimentalement pour chaque tir. Les symboles pleins représentent les portées expérimentales : les losanges bleus pour le volant de badminton, les carrés rouges pour la balle de ping-pong, les triangles oranges pour le ballon de baudruche et les ronds violets pour la bille en plastique dans l’eau. Les symboles vides correspondent à la portée gravitaire attendue pour un tir réalisé avec les mêmes conditions initiales. La ligne continue noire correspond à x0 th = x0 exp. La figure 2.14 montre la portée mesurée x0 th en fonction de celle estimée x0 exp par l’intermédiaire de la relation théorique (2.15) et des conditions initiales déterminées expérimentalement. Les symboles pleins correspondent aux portée expérimentales des différents projectiles lancés selon diverses conditions initiales. L’alignement des données sur une même droite de pente unité (ligne noire solide) démontre la validité de l’expression obtenue pour la portée sur plus de deux ordres de grandeurs. Sont également représentées avec des symboles vides les portées attendues pour un lancer où seul le poids agirait. L’infériorité des portées expérimentales vis-à-vis de celles gravitaires rappelle que ces projectiles sont lancés dans un régime aérodynamique (U0 > U∞).

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Table des matières

1 Écoulement autour d’une sphère 
1.1 Description qualitative
1.1.1 Position du problème
1.1.2 Écoulement potentiel
1.1.3 Couche limite
1.1.4 Sillage tourbillonnaire
1.1.5 Transition vers la turbulence
1.2 Force de traînée sur une sphère 
1.2.1 Coefficient de traînée en fonction du Reynolds
1.2.2 La crise de traînée
1.2.3 Effet de la rugosité de la surface
1.3 Force de portance sur une sphère 
1.3.1 Composante continue
1.3.2 Émission de structures dans le sillage d’une sphère
1.3.3 Force de portance non stationnaire
1.3.4 Effet Robins-Magnus
2 Le mur aérodynamique 
2.1 Balistique sportive : approche qualitative
2.1.1 Observations expérimentales
2.1.2 Équation du mouvement
2.1.3 Discussion qualitative
2.2 Balistique sportive : approche quantitative 
2.2.1 Le volant de badminton
2.2.2 Trajectoire expérimentale
2.2.3 Portée expérimentale
2.3 Analyse théorique de la trajectoire
2.3.1 Une solution analytique exacte
2.3.2 Position du mur
2.3.3 Expression de la portée
2.3.4 Expression de la hauteur
2.3.5 Angle optimal de tir
2.3.6 Comparaison aux autres théories
2.3.7 Validité de l’expression de la portée
2.4 Les trajectoires de type « Tartaglia » 
2.4.1 Lances à incendie
2.4.2 Portée des canons
3 Le terrain de sport enmuré 
3.1 Sur la taille des terrains
3.1.1 Vitesses terminales des balles de sport
3.1.2 Portée maximale et taille des terrains
3.1.3 Implications stratégiques et techniques
3.2 Dégagements au football 
3.2.1 Trajectoires expérimentales
3.2.2 Équation de la dynamique
3.2.3 Discussion sur la portée
3.2.4 Critère pour négliger l’effet de la rotation
3.3 Jeu long au badminton 
3.3.1 Différence entre le volant en plume et en plastique
3.3.2 Effet des conditions atmosphériques
3.3.3 Effet de la rotation du volant
4 Mouvement vertical non rectiligne 
4.1 Observations de zigzags verticaux 
4.1.1 Mouvements ascendants d’objets sphériques
4.1.2 Chutes de billes dans l’eau
4.1.3 Chutes de balles dans l’air
4.2 Résultats expérimentaux
4.2.1 Caractérisation d’un zigzag
4.2.2 Résultats
4.3 Description théorique
4.3.1 Mouvement vertical
4.3.2 Mouvement transversal
4.3.3 Résolution numérique
5 Trajectoires flottantes 
5.1 Expériences de déviation à l’Est 
5.1.1 Résultats historiques
5.1.2 Comparaison avec la théorie
5.1.3 Conditions d’observation de la déviation vers l’est
5.2 Sur un terrain de sport 
5.2.1 Observations de trajectoires flottantes
5.2.2 Production de trajectoires flottantes
5.2.3 Trajectoires numériques
5.3 Un phénomène rare 
5.3.1 Distance d’observation
5.3.2 Vitesse de la balle
5.3.3 Rotation de la balle
6 Balles anisotropes 
6.1 Jeu « court » au badminton
6.1.1 Aspects historiques
6.1.2 Observations expérimentales
6.1.3 Dynamique du volant
6.1.4 Sur la forme du volant
6.1.5 Gravitropisme
6.2 Ballons ovales
6.2.1 Équations du mouvement
6.2.2 Trajectoire et portée
7 Oxygène liquide 
7.1 Oxygène liquide sous champ magnétique 
7.1.1 Propriétés de l’oxygène liquide
7.1.2 Longueur capillaire effective
7.1.3 Forme statique d’une goutte d’oxygène liquide
7.2 Fermeture d’un anneau liquide
7.2.1 Réalisation d’un anneau liquide
7.2.2 Dynamique de fermeture d’un anneau liquide
7.2.3 Modèle théorique de la fermeture
7.2.4 Retour sur les expériences
7.3 Stabilité des anneaux liquides 
7.3.1 Instabilité de Rayleigh-Taylor
7.3.2 Ouverture de l’anneau
A Fonction F(θ)
B Intégration numérique des trajectoires
C Scénarios pour le flottement en sport
D Dynamique d’un volant de badminton

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