Synthèse et tri de nanoparticules de maghémite

Étudiées depuis plus de quarante ans, les nanoparticules magnétiques possèdent de nombreuses propriétés utilisées pour de nombreuses applications. Elles ont tout d’abord été utilisées pour les propriétés magnétiques qu’elles confèrent aux liquides où elles sont dispersées, les ferrofluides, par exemple comme encres ou encore comme joints magnétiques (notamment dans les disques durs). Puis, d’autres propriétés des particules individuelles ont été étudiées et exploitées. Parmi celles-ci, on peut citer leur utilisation comme agent de contraste en imagerie IRM, les nanoparticules magnétiques permettant, en modifiant à l’échelle nanométrique le champ magnétique appliqué, d’améliorer la résolution de ce type de technique. Certaines propriétés des particules magnétiques demeurent néanmoins peu utilisées et  encore assez mal connues. On s’intéressera dans cette thèse à la capacité d’échauffement de ces nanoparticules lorsqu’elles sont soumises à une excitation magnétique à haute fréquence. Comme cela sera détaillé par la suite, cette propriété de conversion d’énergie électromagnétique en énergie thermique à l’échelle nanométrique ouvre des perspectives d’applications médicales prometteuses, comme la destruction de cellules tumorales par hyperthermie. Si les propriétés d’échauffement des nanoparticules magnétiques dans les conditions qui viennent d’être décrites sont relativement bien connues pour des dispersions modèles telles que des dispersions dans l’eau de nanoparticules d’interactions négligeables, elles le sont beaucoup moins dans des systèmes complexes tels que des dispersions dans des matrices polymères ou dans des liquides ioniques, voire même plus simplement lorsque les nanoparticules forment des agrégats.

Synthèse et tri de nanoparticules de maghémite

Synthèse de nanoparticules de maghémite 

La synthèse des nanoparticules de maghémite (γ-Fe2O3 ) est réalisée selon le procédé Massart détaillé dans la littérature [1]. Tout d’abord, une population polydisperse de nanoparticules de magnétite est préparée en phase aqueuse par coprécipitation provoquée par ajout d’ammoniaque à une solution d’ions Fe2+ et Fe3+ introduits en proportions 0,9:1,0. L’équation-bilan de la transformation est la suivante :

Fe2+(aq) + 2Fe3+(aq) + 8NH3(aq) + 4H2O(l) = Fe3O4 (s) + 8NH+ 4(aq)

Les particules de magnétite Fe3O4 obtenues lors de cette transformation sont alors oxydées en maghémite γ-Fe2O3 par ajout de nitrate ferrique au milieu porté à ébullition. Elles sont ensuite lavées par une solution d’acide nitrique puis à l’acétone et à l’éther. Après élimination des solvants organiques, les particules sont redispersées en phase aqueuse, à pH inférieur à 3. Les ferrofluides ainsi obtenus sont dits acides. Comme cela sera détaillé dans la partie I.3, la surface des nanoparticules est alors chargée positivement (via la protonation de groupes de surface en fonctions oxonium), avec des anions nitrate pour contre-ions. Les nanoparticules de maghémite synthétisées par cette méthode sont polydisperses. Afin de réduire cette polydispersité, celles-ci sont triées selon un procédé détaillé plus bas. Cependant, à l’aide de cette méthode, on peut difficilement isoler de lot de nanoparticules de diamètre moyen supérieur à 12 nm. C’est pourquoi une autre méthode, dite inverse, a été utilisée pour synthétiser des nanoparticules plus grosses. Au cours de cette synthèse, non décrite dans la littérature, on ajoute la solution d’ions fer (II) et fer (III) (en proportion 1,0:0,6) goutte à goutte à la solution d’ammoniac. Cela a pour effet de modifier le mode de formation des particules et permet ainsi d’obtenir des nanoparticules plus grosses en moyenne. Lorsque les gouttes de la solution d’ions fer tombent dans l’ammoniaque, la nucléation survient plus rapidement que dans le cas de la synthèse décrite plus haut, la sursaturation définie par LaMer et Dinegar étant atteinte plus rapidement [2]. Il y a alors formation de nuclei plus gros ou plus nombreux (mais instables), ce qui provoque in fine la croissance en nanoparticules de plus grand diamètre.

Tri des nanoparticules

À une solution-mère de nanoparticules polydisperses on ajoute une solution d’acide nitrique dont les ions écrantent les répulsions électrostatiques entre les particules chargées positivement. Une transition est alors observée et l’on obtient la formation de deux phases : l’une, le surnageant, est plus diluée et l’autre est plus concentrée et partiellement floculée. Les deux phases sont séparées après décantation sur plaque magnétique : le surnageant est constitué de particules plus petites et le floculat de particules plus grosses. Ces étapes sont répétées itérativement (figure I.1) pour obtenir un meilleur tri en taille [3].

De nombreuses techniques permettent de déterminer la distribution en taille des nanoparticules obtenues après leur tri. Pour une meilleure comparaison avec les valeurs présentées dans la littérature, les distributions en taille obtenues par analyse de clichés de microscopie électronique à transmission (TEM) sont présentées ici (figure I.2). Ces distributions ont été modélisées selon des distributions gaussiennes ou log-normale et seul le meilleur accord est présenté ici. Pour les différentes études menées par la suite, quatre lots de nanoparticules ont été retenus. Leurs nom et paramètres de distribution en taille respectifs sont présentés dans le tableau I.1. Les particules S et C1 sont issues d’une même synthèse classique, mais de fractions triées différentes. Les particules C2 ont été préparées de manière équivalente dans le but d’obtenir davantage de nanoparticules d’une taille de l’ordre de celle de C1. Les particules iC ont été préparées par une synthèse inverse suivie d’un tri.

Concentration

La concentration en nanoparticules des différentes dispersions a été mesurée, selon les études, par deux méthodes différentes :
— par comparaison avec une courbe maîtresse en spectroscopie UV-visible entre 450 et 700 nm présentée en annexe (figure B.1). Cette méthode est valable pour des nanoparticules de diamètre inférieur à 15 nm environ et pour des dispersions aqueuses ou transférables dans l’eau,
— par spectroscopie d’absorption atomique des ions fer obtenus après dissolution des particules par attaque acide à l’aide d’acide chlorhydrique concentré.

Ces deux mesures souffrent d’une incertitude d’au moins 5 %, liée notamment aux faibles concentrations de travail (imposant des dilutions importantes et entraînant une grande sensibilité aux impuretés). Elle a pu également être évaluée par deux autres méthodes :
— par mesure de la courbe d’aimantation statique de la dispersion (notamment à haut champ magnétique imposé où l’aimantation ne dépend que de l’aimantation à saturation ms des particules et de la fraction volumique de celles-ci, cf. I.2),
— par calcul de l’invariant de diffusion en diffusion de rayons X aux petits angles (SAXS). Ici, l’incertitude est encore plus importante. Pour les mesures magnétiques, l’appareil de mesure utilisé n’a pas été étalonné depuis de nombreuses années et la mesure est sensible au remplissage du pilulier contenant l’échantillon. Elle demande en outre de connaître au préalable la valeur de ms qui dépend a priori des nanoparticules étudiées. Quant à la mesure par SAXS, elle est rendue imprécise par les limites inhérentes au traitement des données récoltées, par exemple lors de la soustraction du signal du solvant, ou encore lors de la conversion en unité absolue (et non plus arbitraire), ce qui est fait habituellement à l’aide d’une référence dont la diffusion est bien connue. Cela peut néanmoins être source d’incertitudes, notamment si les caractéristiques du faisceau fluctuent pendant la campagne de mesure.

Propriétés magnétiques

Les nanoparticules de maghémite synthétisées ici sont dites superparamagnétiques. Il s’agit en effet, dans la gamme de tailles considérée, de monocristaux qui sont des monodomaines ferrimagnétiques. On peut donc associer à chaque nanoparticule un moment magnétique, représenté par un dipôle orienté selon l’axe de facile aimantation de la particule (lié à sa structure cristalline) et de norme µ proportionnelle au volume VNP des nanoparticules via un coefficient dit d’aimantation à saturation ms et telle que : µ = ms VNP . À température ambiante et en l’absence de champ magnétique appliqué, les moments des différentes particules sont orientés aléatoirement les uns par rapport aux autres, l’énergie des interactions dipolaires magnétiques étant petite devant celle de l’agitation thermique. L’aimantation d’une dispersion de nanoparticules de maghémite dans de telles conditions est alors nulle. En revanche, soumis à l’application d’un champ magnétique, les moments des nanoparticules tendent à s’aligner selon la direction du champ appliqué et l’échantillon acquiert une aimantation bien plus grande que celle que prendrait un matériau paramagnétique, d’où sa qualification de superparamagnétique. On caractérise cette propriété sous la forme de courbes d’aimantation où l’on mesure, par exemple à l’aide d’un magnétomètre vibrant [4, 5], l’aimantation d’un échantillon de ferrofluide en fonction du champ magnétique appliqué (figure I.3). L’allure de ces courbes est liée à la taille, la polydispersité, au matériau et à la concentration des nanoparticules, comme cela est détaillé ci-dessous. Elle atteint à haut champ (i.e. autour de 1,0 T) une asymptote horizontale, correspondant à la configuration où les moments magnétiques de toutes les nanoparticules sont parallèles et orientés dans la direction du champ magnétique appliqué. L’aimantation de l’échantillon, M, est alors dite à saturation et vaut Ms = ms φ. La tangente à champ imposé nul correspond à la réponse linéaire des nanoparticules. On l’appelle susceptibilité magnétique, χ0.

Plus précisément, l’aimantation d’un ferrofluide est décrite à l’équilibre par la loi de Langevin, résultant du calcul de l’aimantation moyenne dans l’ensemble canonique :

M = msφL(ξ)

avec ms l’aimantation volumique à saturation du matériau, φ la fraction volumique des particules, L la fonction de Langevin et ξ le paramètre de Langevin. L est telle que :

L(x) = coth(x) − 1/x

Stabilité colloïdale des nanoparticules

La stabilité colloïdale de dispersions est un état généralement difficile à obtenir. En effet, pour disperser une phase finement divisée dans une autre, il est nécessaire de fournir une énergie libre grande devant l’énergie thermique et correspondant à l’énergie requise pour la création d’une surface totale importante. Cette énergie correspond microscopiquement à des interactions interparticulaires attractives de van der Waals auxquelles viennent s’ajouter ici des interactions magnétiques, attractives en moyenne. Il faut donc contrebalancer ces attractions interparticulaires par des interactions répulsives, classées habituellement en deux grandes catégories: électrostatique et stérique. Différentes stratégies sont proposées dans cette partie pour stabiliser des nanoparticules de maghémite dans diverses conditions. Elles font intervenir une modification de la surface des particules aussi appelée fonctionnalisation.

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Table des matières

Introduction
I Dispersions aqueuses
I.1 Synthèse et tri de nanoparticules de maghémite
I.1.1 Synthèse de nanoparticules de maghémite
I.1.2 Tri des nanoparticules
I.1.3 Concentration
I.2 Propriétés magnétiques
I.3 Stabilité colloïdale des nanoparticules
I.3.1 Particules nues
I.3.2 Particules fonctionnalisées
I.3.3 Domaines de stabilité colloïdale
I.4 Conclusion
II Dispersions dans le NEA
II.1 Dispersions de nanoparticules dans des liquides ioniques
II.1.1 Liquides ioniques
II.1.2 Structures dans les liquides ioniques
II.1.3 Le NEA, un liquide ionique protique
II.1.4 Dispersions de nanoparticules
II.2 Expériences dans le NEA
II.2.1 Synthèse
II.2.2 Mesures et ajustement du pH
II.3 Transfert de nanoparticules dans le NEA
II.3.1 Procédé
II.3.2 Rôle du pH
II.4 Effet du pH sur la stabilité colloïdale
II.4.1 Observations directes
II.4.2 Courbes de dosage
II.4.3 Étude par SAXS
II.5 Stabilité colloïdale dans le NEA
II.5.1 Fonctionnalisation à l’aide de PAA
II.5.2 Fonctionnalisation à l’aide d’autres ligands
II.6 Bilan et conclusion
III Dispersions dans le PDMS
III.1 Polydiméthylsiloxane fonctionnalisé
III.2 Dispositif expérimental
III.2.1 Présentation
III.2.2 Paramètres
III.3 Structure des dispersions
III.3.1 Premières observations
III.3.2 Étude par diffusion dynamique de la lumière (DLS)
III.3.3 Étude par microscopie électronique à transmission (TEM)
III.3.4 Étude par diffusion de rayonnements à petits angles (SANS et SAXS)
III.3.5 Autres paramètres
III.4 Cinétique et mécanisme d’évaporation
III.4.1 Suivi temporel par SAXS
III.4.2 Proposition d’un mécanisme
III.5 Bilan et conclusion
IV Hyperthermie magnéto-induite
IV.1 Applications médicales
IV.1.1 Mode d’action
IV.1.2 Paramètres cliniques
IV.1.3 Bilan
IV.2 Mécanisme
IV.2.1 Relaxations
IV.2.2 Pouvoir chauffant
IV.2.3 Bilan
IV.3 Techniques et dispositifs de mesures de SLP
IV.3.1 Génération d’une excitation magnétique radiofréquence
IV.3.2 Mesures calorimétriques
IV.3.3 Mesures magnétiques
IV.4 Premières mesures de SLP
IV.4.1 Systèmes d’étude
IV.4.2 Influence de l’amplitude et de la fréquence de l’excitation magnétique
IV.4.3 Influence de la viscosité
IV.4.4 Influence de la fonctionnalisation
IV.5 Influence de l’agrégation sur la SLP
IV.5.1 Interactions dipolaires et champ démagnétisant
IV.5.2 Rôle de la concentration
IV.5.3 Agrégats dans l’eau
IV.5.4 Étude des objets des chapitres précédents
IV.6 Bilan et conclusion
V Conclusion

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