Synthèse de matrices vitreuses en conditions extrêmes dopées en iode

Origine de l’129I Anthropogénique 

La fission de l’uranium, source d’129I 

L’129I est un isotope instable de l’iode. Il possède une demi-vie longue (15.7 Ma, Audi et al. 2017), pour une activité massique de 6.5 MBq.g-1 (Browne & Firestone 1986). L’129I naturel est soit cosmogénique, par l’interaction des rayons cosmiques avec le xénon (Edward & Ray 1968), soit issu de la fission d’éléments lourds dans la croûte (Purkayastha & Martin 1956) et se désintègre en 129Xe en émettant une particule β– (conversion d’un neutron en proton .

Le ratio isotopique 129I/127I naturel est estimé à 10-12-10-10 (Edward & Ray 1968, Lebourgeois 1997). À partir de 1945, les armes nucléaires relâchent des quantités significatives d’129I dans l’atmosphère (50-150 kg, Wagner et al. 1996, Eisenbud & Gesell 1997, Raisbeck & Yiou 1999, Aldahan et al. 2007), ce qui augmente le ratio 129I/127I à 10-9-10-7 (Handl 1996, Hou et al. 2009). La plus grande source d’129I est liée à la production d’énergie électrique par la fission de l’uranium (Aldahan et al. 2007, Preedy et al. 2009).

L’énergie nucléaire représente près de 11% de la production d’électricité dans le monde (IEA, world energy outlook, 2018). La fission de l’uranium produit une grande variété de radionucléides, dont des isotopes de l’iode (figure 1.1). Les principaux isotopes de l’iode produits dans les réacteurs sont l’127I, l’129I et l’131I (Riley et al. 2016). De nombreux autres isotopes sont produits dans des quantités négligeables, et possèdent des demi-vies courtes (voir Audi et al. 2017). L’129I représente environ 0.6 à 1 % des produits de fission de l’uranium (Yiou et al. 1994, Ojovan et al. 2011).

Le relâchement d’129I par l’industrie nucléaire et sa présence dans l’environnement

L’industrie nucléaire relâche une partie de l’129I produit dans les réacteurs dans l’environnement, depuis les centres de retraitements (tableau 1.1, figure 1.2A). L’iode peut être relâché sous forme gazeuse ou dans les effluents liquides (Sellafield, La Hague, Hanford, Mayak RT-1, Aldahan et al. 2007, Reithmeier et al. 2006, 2010, Michel et al. 2012, Riley et al. 2016). Les accidents nucléaires sont aussi à l’origine de relâchement d’129I dans la nature, comme celui de Chernobyl (Paul et al. 1987) ou de Fukushima (Casacuberta et al. 2017). Les régions entourant les sites de décharge atteignent des ratios isotopiques 129I/127I de l’ordre de 10-7-10-6 (Maro et al. 1999, Fréchou & Calmet 2003), ce qui est bien au-dessus du ratio isotopique naturel (10-12-10-10 , Edward & Ray 1968, Lebourgeois 1997).

Le relâchement continu d’129I augmente le ratio isotopique 129I/127I durablement, à cause de la longue demi-vie de l’129I. Aujourd’hui l’129I est l’un des plus grands contributeurs de la dose relâchée par les centres de retraitements (GRNC 1999, Ojovan et al. 2011). Le suivi des relâchements d’129I a beaucoup mobilisé l’attention de la communauté scientifique ces dernières années, et plusieurs inventaires de ces relâchements ont été dressés (Aldahan et al. 2007, Reithmeier et al. 2010).

Le stockage de l’129I 

Le stockage géologique de l’129I 

Le stockage géologique consiste à protéger la biosphère des déchets hautement radioactifs sur le long terme en retardant le relâchement des radionucléides dans l’environnement, à l’aide de plusieurs barrières (le colis, le déchet, la barrière ouvragée et la roche hôte). Cette méthode est sérieusement envisagée par de nombreuses nations, pour isoler les radionucléides à vie longue comme l’129I de l’environnement (Gin et al. 2017). Le stockage en couche géologique profonde, solution choisie par la France pour la gestion de ses déchets, est l’une des barrières au relâchement de radionucléides à la surface (le projet CIGEO). La profondeur et l’imperméabilité de l’argile sont deux paramètres destinés à freiner le transport et la migration des radionucléides dans les sols. Le site d’implantation offre un environnement géologique stable, assurant une bonne résilience face aux phénomènes géologiques (ex : érosion, évènements sismiques, etc..). Sur une échelle des temps géologiques, les radionucléides seront relâchés dans l’environnement. En retardant au maximum cet événement par différentes barrières, on limite l’impact radiologique de ces radionucléides. L’exposition maximum fixée par l’ANDRA est une exposition maximum de 0.25mSv/an (figure 1.4) ce qui correspond à environ un dixième de l’exposition naturelle annuelle.

L’iode peut prendre six degrés d’oxydation différents, dont trois principaux : -1, 0, 5+ (Takeno, 2005). Dans les sols, les formes anioniques iodures et iodates sont les deux espèces largement dominantes, dont la proportion dépend de la saturation en eau du sol. Ainsi on retrouve majoritairement des iodates en conditions aérobiques ; à contrario, les iodures sont la forme dominante en conditions réduites (Berhens 1985). Les conditions de pH/Eh des formations argileuses profondes sont généralement favorables à la formation d’iodure (I- , Glaus et al. 2008, Frasca 2011). Les sols argileux retiennent mieux les iodates (IO3- ) que les iodures (Hu et al. 2005). La forme iodurée de l’iode ne présente pas d’affinité avec les argiles (Assemi & Erten 1994, Kaplan et al. 2000, Liu & von Gunten 1988, Tournassat et al. 2007, Glaus et al. 2008). En effet, les espaces interfoliaires des argiles sont occupés par des cations, et ne peuvent donc pas retenir les anions. L’iode est donc particulièrement mobile dans les formations argileuses (Frasca 2011). Ce sont des formations argileuses qui ont été choisies pour l’enfouissement des déchets en France (Meuse/Haute-Marne). L’129I pourrait faire partie des radionucléides qui seront stockés en milieu géologique profond, il faut donc considérer que celui-ci sera particulièrement mobile dans les sols (Altman 2008, Wittebroodt 2009, Frasca 2011, Swift & Nutt 2012, figure 1.4). En conséquence, la durabilité de la matrice de conditionnement est particulièrement critique pour un stockage géologique. Pour garantir une dose à l’exutoire inférieure à la norme (0.25 mSv/an, figure1.4), le taux de dégradation de la matrice de conditionnement doit être inférieur à 10-5an1 (Riley et al. 2016).

Les matrices de conditionnement envisagées pour l’129I 

Le stockage géologique repose sur un second principe important pour retarder le relâchement de radionucléides : la matrice conditionnement des déchets nucléaires. Le choix d’une méthode de conditionnement est complexe, et dépend de nombreux paramètres. En particulier, il faut considérer que ces procédés puissent être contrôlés à distance, et que leur maintenance soit minimale. La simplicité, la fiabilité et la robustesse des procédés de gestion sont des paramètres prioritisés. Les matrices doivent être stables à plusieurs centaines de degrés, pour supporter le chauffage induit par la désintégration des déchets radioactifs qu’elles contiennent (Ojovan et al. 2011). Elles doivent également avoir une bonne tenue aux radiations. Enfin, un paramètre essentiel, la durabilité chimique du matériau dans le temps, permettra de retarder au maximum le relâchement des radionucléides. La durabilité est le paramètre le plus critique pour le stockage géologique de l’iode (Campayo et al. 2015, Riley et al. 2016) car la barrière géologique est peu efficace pour retenir l’iode (figure 1.4). Riley et al. 2016 présente une revue des matrices envisagées pour le conditionnement de l’129I. Une seconde revue actualisée et exhaustive est présentée dans Yang et al. 2021 (tableau 1.2). On peut citer la cimentation (Conner & Hoeffner 1998), les iodosodalites (Strachan & Babad 1979, Audubert et al. 1997), les verres d’argent (Lemesle et al. 2014), et quelques autres pistes comme les zéolites d’argent (Asmussen et al. 2019), les verres de chalcogénures (voir Riley et al. 2016), les oxydes de bismuth (Han et al. 2019), et même plus récemment des perovskites Cs3Bi2I9 (Yang et al. 2020).

La cimentation est particulièrement utilisée dans l’industrie nucléaire pour le conditionnement de déchets de faible et moyenne activité (Conner 1990, Conner & Hoeffner 1998, Glasser 1997). Simple à mettre en œuvre et peu onéreuse, elle permet de fixer chimiquement les radionucléides. Il est possible de fixer l’iode dans les ciments, sous sa forme I- ou IO3- à partir de minéraux formés lors du traitement du combustible ou des effluents (par exemple de l’AgI, Ba/Ca/Sr/Hg IO3, Burger et al. 1981, Pierce et al. 2010). Malgré ces avantages, la cimentation n’est pas une forme de conditionnement suffisamment durable pour envisager le stockage de l’iode 129, et ce en partie à cause de la forte porosité de ces matériaux. Des expériences d’altération ont permis d’estimer qu’un colis de déchets cimentés de 208 litres serait complètement altéré après environ un siècle (Trevorrow et al. 1983).

Les sodalites (Na8(AlSiO4)6 (F2, Br2, Cl2, I2), figure 1.5A) ont été étudiées pour le conditionnement des halogènes (e.g. Strachan & Babad 1979, Nakasawa et al. 2001, Trill et al. 2003, Maddrell & Abraitis 2004, Maddrell et al. 2014). Des chlorosodalites enrobées dans du verre ont été proposées pour le stockage du chlore (Bateman et al. 2007, Priebe & Bateman 2008, Angeli et al. 2009). Les iodosodalites peuvent être synthétisées à basse température (~200°C) et comprennent environ 20 pds. % d’iode dans leur structure (Strachan & Babad 1979, Trill et al. 2003, Fazal 2011, Maddrell et al. 2014). Les sodalites sont ensuite mises sous pression à haute température pour obtenir des céramiques, parfois avec de la poudre de verre pour obtenir une vitrocéramique (Taurines 2012, Lepry et al. 2013, Chong et al. 2018). La durabilité des sodalites est relativement faible, équivalente à la durabilité des ciments (Burger et al. 1981). Les sodalites restent encore une piste pour l’immobilisation de l’iode (Hassan et al. 2020).

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1. Vitrification des déchets nucléaires : cas particulier de l’iode 129
1.1 Origine de l’129I Anthropogénique
1.1.1 La fission de l’uranium, source d’129I
1.1.2 Le relâchement d’129I par l’industrie nucléaire et sa présence dans l’environnement
1.2 Le stockage de l’129I
1.2.1 Le stockage géologique de l’129I
1.2.2 Les matrices de conditionnement envisagées pour l’129I
1.2.3 Conditionnement de l’129I dans des matrices vitreuses borosilicatées
1.3 Structure des verres
1.3.1 Le réseau vitreux
1.3.2 Les cations modificateurs de réseau et compensateurs de charge
1.3.3 La polymérisation des verres aluminoborosilicatés
1.3.4 Effet de mix d’alcalins et d’alcalino-terreux
1.3.5 L’effet de la pression sur la structure des verres
1.4 Problématique de la thèse
Chapitre 2. Méthodologie expérimentale et instrumentation
2.1 Synthèses des verres initiaux
2.1.1 Choix des compositions
2.1.2 Synthèses de verres à pression ambiante
2.2 Synthèses sous haute pression
2.2.1 Dispositif expérimental
2.2.2 Préparation des capsules
2.2.3 Déroulement des synthèses
2.3 Analyses ICP-OES
2.4 Analyses SEM/EDS
2.5 XPS
2.6 EXAFS et XANES
2.7 Spectroscopie Raman
2.8 Spectroscopie RMN
2.9 Calorimétrie à balayage différentiel
Chapitre 3. Incorporation de l’iode dans les verres nucléaires sous haute pression
3.1 Homogénéité des verres dopés en iode et saturation de l’iode
3.1.1 Homogénéité des teneurs en iode dans la capsule
3.1.2 Apparition de phases cristallisées
3.1.3 Immiscibilité de l’iode et formation d’inclusions d’I2
3.2 Solubilité de l’iode dans les verres nucléaires
3.2.1 Influence des conditions intensives sur la solubilité de l’iode dans les matrices vitreuses
3.2.2 Influence de la composition sur la solubilité de l’iode dans les matrices vitreuses
3.2.3 Effet du rapport entre alcalin et alcalino-terreux
3.3 Incorporation de l’iode dans les verres à l’échelle microscopique
3.3.1 Spéciation de l’iode dans les verres nucléaires simplifiés
3.3.2 L’environnement de l’iode par XANES au seuil L3 de l’iode
3.3.3 L’environnement de l’iode par EXAFS au seuil L3 de l’iode
3.3.4 Mécanismes de dissolution de l’iode et rôle de l’oxygène
3.4 Modèles de solubilité de l’iode dans les verres aluminoborosilicatés
3.5 Conclusion
Chapitre 4. Influence de l’iode sur la structure et les propriétés physiques des verres borosilicatés
4.1 Influence de l’iode sur la charpente silicatée
4.2 Influence de l’iode sur l’environnement du 23Na dans les verres par spectroscopie RMN
4.2.1 Sur le rôle du sodium dans les compositions de départ
4.2.2 Effet de pression sur l’environnement du sodium
4.2.3 Effet de l’iode sur l’environnement du sodium
4.3 Modifications de l’environnement de l’27Al dans les verres dopés en iode
4.4 Les changements induits par l’iode sur l’environnement du bore
4.5 Influence de l’iode sur la température de transition vitreuse
4.6 Conclusions
CONCLUSION

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