Syndrome de mauriac chez l’enfant

Le syndrome de Mauriac (SM) ou glycogénose hépatique (GH) d’origine diabétique est une entité clinique caractérisée par l’accumulation excessive de glycogène dans les hépatocytes chez les enfants ayant un diabète de type 1 mal équilibré sous insuline [1]. Le SM, décrit pour la première par Pierre Mauriac en 1930, associe typiquement sur le plan clinique une hépatomégalie homogène non stéatosique, un retard de croissance staturopondérale, un retard pubertaire et un morphotype cushingoïde. Sur le plan para-clinique le SM comporte une perturbation du bilan hépatique (élévations des transaminases et des gamma-glutamyl transférase) [2,3]. La physiopathologie de cette entité reste imparfaitement connue. Elle semble liée à des fluctuations récurrentes du taux de la glycémie avec des hyperglycémies, hypoglycémies et hyperinsulinismes [4,5]. Les aspects épidémiologiques du syndrome de Mauriac sont mal élucidés, en effet, l’incidence et la prévalence réelles du SM sont inconnues. La prise en charge du SM repose essentiellement sur l’équilibration du diabète avec des doses minimales d’insuline. L’évolution du SM est favorable, en effet l’hépatomégalie, la perturbation du bilan hépatique et les anomalies histologiques régressent après la correction de l’hyperglycémie. Le pronostic de cette entité est généralement bon. Le diabète de type 1 (DT1) mal équilibré chez l’enfant constitue un une préoccupation importante dans les pays en voie de développement et notamment au Sénégal. La prise en charge du DT1 chez l’enfant au Sénégal est difficile du faite des moyens limités et un accès difficile à l’insulinothérapie ce qui expose les enfants aux complications du diabète à court, moyen et long terme [6].

PATIENT ET METHODE 

Cadre d’étude

Notre étude s’est déroulée au service de pédiatrie du Centre Hospitalier Abass NDAO (CHAN) de Dakar. Le service de pédiatrie du CHAN est constitué des unités suivantes :
● Unité d’accueil et des urgences.
● Unité d’hospitalisation des nourrissons et des grands enfants.
● Unité de néonatologie
● Unité de consultation d’endocrinologie pédiatrique .

L’équipe soignante est composée de pédiatres universitaires, pédiatres praticiens, et personnel paramédical.

Type et période d’étude
Il s’agit d’une étude rétrospective et descriptive à propos d’un cas de syndrome de Mauriac colligé dans le service de Pédiatrie du CHAN durant l’année 2019.

Population d’étude
L’étude a concerné une patiente porteuse d’un diabète de type 1 âgée de 12 ans suivie dans le service de pédiatrie du CHAN. Le diagnostic du syndrome de Mauriac reposait sur une suspicion clinique (hépatomégalie, retard de croissance et retard pubertaire) et paraclinique (bilan biologique, échographie abdominale).

Collecte et analyse des données
Les données ont été recueillies à partir des dossiers médicaux des patients et des registres d’hospitalisation du Service de pédiatrie du CHAN.

Nous avons analysé :
● Les données épidémiologiques : Sexe, âge et origine géographique
● Les données cliniques : Antécédents, circonstances de découverte, données de l’examen physique.
● Les données paracliniques:
– Bilans biologiques
– Sérologies virales
– Echographie abdominale
● La prise en charge thérapeutique:
– Le traitement médical
● L’évolution à court et à moyen terme.

Les résultats sont présentés sous la forme d’observation clinique.

Considérations éthiques
L’analyse des dossiers de manière rétrospective ne nécessite pas un consentement du patient, et ce type de travail ne demande pas de soumission formelle à une commission d’éthique. Pour respecter le secret médical, nous avons gardé l’anonymat pour l’observation.

DISCUSSION 

Epidémiologie 

Une grande partie des connaissances sur la GH qui ont été accumulées au cours des décennies depuis que la GH a été rapportée pour la première fois en 1930, proviennent de rapports de cas, de séries de cas, d’une étude de cohorte rétrospective ou, plus récemment, d’une étude cas-témoins. [5,7]. La prévalence de la maladie du foie chez les personnes atteintes de diabète est estimée entre 17% et 100% [8], la stéatose hépatique non alcoolique et la glycogénose hépatique étant les pathologies prédominantes. L’incidence et la prévalence réelles du SM sont inconnues. Soixante-deux pour cent des cas signalés sont des patients de sexe féminin, ce qui indique une légère prédominance féminine. Trente-huit pour cent des cas décrits sont des patients de sexe masculin, la plupart des cas surviennent à l’adolescence. Selon les articles publiés dans la littérature anglaise, environ 98% des cas de GH ont été signalés dans le diabète de type 1, tandis que les 2% restants sont causés par le diabète de type 2 [9]. L’incidence de ce syndrome a considérablement diminué avec l’introduction de l’insuline à action prolongée et un meilleur contrôle de la glycémie, mais malheureusement, elle existe toujours [9].

Pathogénie 

La caractéristique de la GH est une fluctuation sévère des niveaux de glucose et l’administration de niveaux supraphysiologiques d’insuline pour contrôler l’hyperglycémie. Bien que décrit pour la première fois en association avec une hyper et une hypoglycémie récurrente avec acidocétose dans le DT1, Le SM a depuis été rapporté sans cétose ni acidose chez des patients atteints de DT2 et avec des besoins en insuliniques variables. [2, 10, 11, 12,13]. L’accumulation excessive de glycogène a également été rapportée chez des patients diabétiques sans épisodes antérieurs d’hypoglycémie [14,15]. L’apparition rapide d’une hyperglycémie causant la GH a été rapportée dans un cas par Murata et al dans lequel l’hémoglobine A1C initiale n’était que de 6,2%; cependant, le patient a présenté une hyperglycémie sévère avec acidocétose et une glycémie à 14,95 g/L. [16]. Physiologiquement, le foie absorbe le glucose après l’alimentation et l’utilise comme carburant ou le stocke sous forme de glycogène. Le taux de glycogène hépatique est maintenu par l’équilibre entre glycogénogenèse et glycogénolyse Des taux de glucose élevés provoquent un afflux de glucose dans les hépatocytes via une diffusion facilitée à travers le transporteur de glucose 2 (GLUT2), indépendant de l’insuline. [17]. Une fois que le glucose est présent dans les hépatocytes, l’enzyme glucokinase le transforme, d’une manière irréversible, en glucose-6-phosphate. (Figure 1) Le traitement ultérieur de l’hyperglycémie avec des doses élevées d’insuline améliore la conversion du glucose piégé en le polymérisant en glycogène [17]. Le glucose-6 phosphate est converti en glycogène par l’enzyme glycogène synthétase, qui existe sous une forme déphosphorylée active et sous une forme phosphorylée inactive. La structure déphosphorylée active du glycogène synthétase est produite par l’action de l’enzyme phosphatase qui est stimulée par des taux élevés de glucose et d’insuline. La production de glycogène persiste pendant un certain temps après la baisse des taux d’insuline tout en inhibant la glycogénolyse. [18]. L’hépatomégalie peut parfois se développer en quelques jours à quelques semaines et s’améliorer rapidement une fois l’hyperglycémie maîtrisée. [19].

La raison de l’accumulation excessive de glycogène dans les hépatocytes dans le SM par opposition à la réduction des réserves de glycogène observée chez les patients diabétiques est inconnue. Encore plus intrigant, c’est pourquoi seul un petit sous-ensemble de patients atteints de DT1 développe un SM. La GH a été signalée pour la première fois après que des insulines à action brève sont devenues disponibles pour le traitement du diabète.

Au départ, lorsque des insulines à action brève étaient utilisées pour le traitement du diabète, de fortes doses d’insuline étaient nécessaires pour contrôler l’hyperglycémie, entraînant une hypoglycémie consécutive. Ce cercle vicieux de doses excessives d’insuline à action brève et d’administration ultérieure de glucose pour contrer l’hypoglycémie qui en résulte aurait pu conduire à l’accumulation continue de glycogène dans le foie. Ce mécanisme a été proposé par divers auteurs [10,16,19]. Ces phénomènes sont rarement observés aujourd’hui en raison de l’utilisation généralisée d’insuline à action prolongée et peut-être de la diminution de la fréquence des événements hypoglycémiques. Une autre hypothèse est qu’il existe un défaut dans les gènes codant pour les protéines qui régulent l’activité du glycogène synthétase ou de la glucose 6- phosphatase. Bien que des anomalies mineures ont été identifiées dans les enzymes qui contrôlent le métabolisme du glycogène, ces modifications n’ont pas été considérées comme suffisantes pour expliquer le stockage hépatique du glycogène dans la GH dans le contexte du DT1 [2]. Une étude réalisée par MacDonald et al sur un adolescent atteint du SM a identifié une mutation dans PHKG2 qui est la sous-unité catalytique de la glycogène phosphoryl-kinase. [20]. L’expression du mutant PHKG2 dans une lignée cellulaire hépatique humaine a inhibé l’activité enzymatique du complexe de phosphokinase et augmenté les taux de glycogène. [20]. La mère du garçon atteint du syndrome de Mauriac avait également le mutant PHKG2 mais n’avait pas de diabète ni d’hépatomégalie. Ces résultats n’expliquent pas tous les cas de GH chez les adultes, car la plupart des cas se sont résolus avec l’optimisation de l’hyperglycémie. Tomihira et al ont étudié la structure du gène de l’enzyme phosphorylase pour définir les mutations possibles; cependant, ils n’ont pas pu déterminer un défaut génétique probable qui pourrait provoquer une glycogénose hépatique. [15].

Bien qu’aucune preuve directe ne soit disponible à ce jour, Berman MC et al ont émis l’hypothèse que la cause de la GH est un excès de dépôts de glycogène dans un emplacement intracellulaire inaccessible aux mécanismes métaboliques normaux, un phénomène comme celui qui se produit dans la glycogénose de type II dans laquelle le glycogène se dépose dans les lysosomes, les rendant indisponible pour l’activité de phosphorylation.[1] Chez les patients présentant un SM dans sa forme typique, les larges fluctuations entre l’hyper et l’hypoglycémie et les schémas thérapeutiques (sous et surinsulinisation avec hyperadrénalisme secondaire) peuvent expliquer les caractéristiques cushingoïdes. La pathogenèse du retard de croissance dans ces cas initiaux rapportés chez les enfants a été considérée comme multifactorielle [9]. L’association de l’acidocétose dans le DT1 et la GH n’est pas bien comprise. Certains mécanismes pourraient expliquer un dépôt excessif de glycogène ou une incapacité à le mobiliser pendant les périodes d’hypoglycémie. Les hormones comme l’adrénaline, le cortisol ou les hormones de croissance libérées en raison de l’hypoglycémie, pourraient agir en synergie et libérer de grandes quantités d’acides gras non estérifiés à partir du tissu adipeux. Cette concentration élevée d’acides gras libres inhibe l’oxydation du glucose dans les muscles, et ils peuvent avoir des effets similaires sur le foie en favorisant le stockage excessif du glycogène [1]. Une autre théorie est qu’un taux de phosphate sérique inorganique extrêmement bas dans l’acidocétose diabétique peut limiter la récupération de l’état diabétique aigu en agissant comme facteur limitant la vitesse des réactions à l’hexokinase et à la phosphokinase. L’épuisement du phosphate inorganique intracellulaire pour lequel il existe une exigence absolue peut être responsable de la limitation de l’activité de la phosphorylase. On s’attendrait à ce que les patients atteints de DT1 mal contrôlés aient des épisodes récurrents similaires d’hypophosphatémie avec l’entrée consécutive de grandes quantités de glucose et de phosphate inorganique dans les cellules [1]. Le mécanisme exact de développement de la GH dans le DT2 avec résistance à l’insuline est mal compris et doit encore être clarifié. Après examen des cas de GH précédemment rapportés, la plupart des cas ont été trouvés chez des patients sous insuline pour le DT1, à l’exception de deux cas signalés dans le DT2 [10, 21,22]. La physiopathologie de la GH dans le DT2 n’est pas claire et pourrait avoir un mécanisme différent de celui observé dans le DT1. Umpaichitra et al ont rapporté un cas de GH chez un adolescent de sexe masculin atteint de DT2 dont les enzymes hépatiques sont revenues à la normale après un traitement par metformine [22]. Dans le DT2, la metformine est généralement la première ligne de traitement. Le fait que le patient soit aux premiers stades du diabète et ne se soit pas suffisamment décompensé pour provoquer une insulinorésistance totale pourrait expliquer l’effet préservé de l’insuline sur la glycogenèse [22]. Le mécanisme que la metformine peut avoir atténué la glycogenèse, dans ce cas, n’est pas non plus précis.

Manifestations cliniques et paracliniques 

Manifestations cliniques

La présentation clinique de la GH varie des patients asymptomatiques avec des enzymes hépatiques élevées à divers symptômes associés à l’hyperglycémie. Les patients peuvent présenter des symptômes d’acidocétose diabétique (ACD), tels qu’une polyurie, une polydipsie, une déshydratation marquée, ainsi que des douleurs abdominales, des nausées ou des vomissements ou peuvent occasionnellement présenter des signes d’hépatite aiguë, d’ictère et de prurit. Les patients pédiatriques peuvent présenter une hépatomégalie extrême accompagnée d’un retard de croissance et d’un retard de la puberté. L’augmentation rapide du volume du foie provoque un étirement de la capsule hépatique, entraînant une douleur viscérale. Bien que quelques cas rapportés avaient une taille de foie normale lors des études d’imagerie, une hépatomégalie a été observée dans plus de 90% des cas rapportés, avec des degrés variables d’élévation des transaminases et rarement une élévation du taux de phosphatase alcaline (PAL). Un glycogène excessif avec des hépatocytes hypertrophiées pourrait éventuellement provoquer une compression sinusoïdale et des ascites subséquentes [23]; par conséquent, l’ascite peut également faire partie de la présentation clinique [14,23]. L’examen physique des patients atteints de GH montre généralement une hépatomégalie sensible sans splénomégalie.

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Table des matières

INTRODUCTION
1. PATIENT ET METHODE
1.1. Cadre d’étude
1.2. Type et période d’étude
1.3. Population d’étude
1.4. Collecte et analyse des données
1.5. Considérations éthiques
2. RESULTATS
2.1. Motif de consultation
2.2. Antécédents personnels
2.3. Antécédents familiaux
2.4. Examen physique
2.5. Examen paraclinique
2.5.1. Biologie
2.5.2. Imagerie
2.6. Prise en charge
2.7. Evolution
3. DISCUSSION
3.1. Epidémiologie
3.2. Pathogénie
3.3. Manifestations cliniques et paracliniques
3.3.1. Manifestations cliniques
3.3.2. Manifestations biologiques
3.4. Diagnostic
3.4.1. Diagnostic Biologique
3.4.2. Imagerie
3.4.3. Biopsie hépatique et caractéristiques histologiques
3.5. Diagnostic différentiel
3.5.1. Stéatose Hépatique non alcoolique (NASH)
3.5.2. Hépatosclérose
3.5.3. Glycogénoses
3.5.4. Lésion hépatique induite par les médicaments (LHIM) et GH
3.6. Prise en charge, pronostic et suivi
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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