Surveillance passive des milieux réverbérants par corrélation de bruit ambiant

Au cours de ces vingt dernières années, l’évaluation non destructive des matériaux dans le domaine de l’aéronautique fait état « d’avancées significatives » que ce soit en modélisation, en instrumentation (vibromètres, réseaux de capteurs…), ou en traitement du signal pour caractériser différents types de défauts comme des rainures, fissures, trous, etc. Cependant les techniques conventionnelles de contrôle non destructif (CND) nécessitent l’immobilisation de la structure à tester et donc représentent un manque à gagner significatif. Afin de répondre à ce problème, des techniques de Contrôle Santé Intégré (CSI) (Structural Health Monitoring (SHM) en anglais) ont été développées. Le CSI a pour but de surveiller en permanence l’état de santé (corrosions, chocs, fissures…) des matériaux ou des structures en cours de service. Partant de ce point de vue, les capteurs utilisés doivent être fixés ou intégrés dans la structure. Dans ce travail on s’intéresse particulièrement au contrôle de structures planes par des ondes de Lamb. La propagation de ce type d’onde est considérée comme un bon candidat pour le CSI, grâce à leur sensibilité aux défauts, leur facilité de détection par des transducteurs acoustiques ainsi que leur capacité à se propager sur de longues distances.

Les méthodes classiques de SHM et plus généralement de CSI reposent sur le principe de l’échographie (pulse-echo, pitch-catch). Ainsi, elles utilisent généralement un transducteur en émission/réception couplé à l’échantillon à inspecter . Les ondes ultrasonores générées se propagent alors dans le matériau. La présence d’un défaut fait apparaître un écho sur le signal réfléchi. La distance est ainsi déduite du temps d’aller-retour entre le transducteur et le défaut. La présence de réverbérations sur les parois latérales de l’échantillon peut compliquer significativement la détection.

Certaines contraintes sont spécifiques au CSI. En effet, contrairement au CND classique, il n’est pas possible de balayer physiquement la pièce à inspecter du fait que les capteurs sont intégrés à la structure. Il faut donc utiliser des techniques de traitement du signal robustes pour extraire des informations utiles sur le défaut en utilisant un nombre limité de capteurs. Il est également important de réduire la consommation d’énergie des sources ultrasonores, d’alléger l’électronique (circuits, encombrement des capteurs, etc.), et de limiter les interactions électromagnétiques entre les câbles.

Ainsi, depuis une quinzaine d’années, le principe d’estimation des fonctions de Green par corrélation de champs acoustiques se développe et a gagné une place importante dans différents domaines d’application comme l’acoustique sous marine, l’imagerie médicale, la sismologie, etc. En contrôle santé intégré, peu de travaux ont été publiés à ce sujet. On citera les travaux pionniers de Farrar et James [2] qui consistent à remonter à l’amortissement et aux fréquences de résonance d’un pont par corrélation des vibrations induites par la circulation du trafic automobile. Peu après, Larose et al. [3], montrent l’apport de cette approche sur l’estimation passive des courbes de dispersion d’une plaque de plexiglas par corrélation de vibrations produites par un jet d’air. En 2008 Sabra et al. [4], mettent en évidence la possibilité de détecter un défaut dans une plaque. Récemment, Sabra et al. [5] montrent la possibilité de reconstruire la fonction de Green à partir d’une version sous échantillonnée de la fonction de corrélation temporelle en utilisant des transducteurs micro-usinés (cMUT). Ceci permet alors d’obtenir un moyen d’assouplir les exigences d’échantillonnage pour les enregistrements synchrones de bruit thermomécanique à hautes fréquences sur plusieurs récepteurs.

Le groupe de recherche TPIA (Transduction, Propagation et Imagerie Acoustique) du laboratoire IEMN (Institut d’Électronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie) a depuis une vingtaine d’années, travaillé sur différents aspects du CSI dédié en particulier à des applications aéronautiques. Notamment, on cite les travaux de Moulin et al. [6] qui confirment la faisabilité de cette approche même dans des conditions peu favorables telle qu’une distribution non uniforme des sources de bruit.

Au cours de ces travaux, nous avons établi une relation simple entre la corrélation et la fonction de Green, en fonction de paramètres facilement accessibles expérimentalement. Le but de cette thèse est donc d’étudier le potentiel que peut offrir la corrélation de champs acoustiques ambiants pour des applications de localisation et de caractérisation de défauts dans des plaques, utilisant un réseau de faible nombre de capteurs. Notons que pour une application CND aéronautique, le champ diffus peut être créé par le bruit des turboréacteurs et les couplages aéro acoustiques, par exemple.

Le travail de thèse présenté dans ce manuscrit trouve son originalité dans l’ensemble des recherches menées aux laboratoires IEMN et l’Institut Langevin. Cette thèse est financée par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans le cadre du projet ANR Blanc PASNI (Passive Acoustic Sensing Network and Imaging), porté par un consortium de trois laboratoires UMR CNRS : l’IEMN (Valenciennes), l’Institut Langevin (Paris) et le LaMCoS (Lyon).

L’intérêt des méthodes de contrôle et d’évaluation non destructive des matériaux, réside dans la possibilité de déterminer la présence, l’emplacement, et la gravité des défauts (une hétérogénéité de matière, une variation locale de propriétés physiques ou chimiques, etc.) cachés dans les composants critiques d’une structure. Ces opérations constituent aujourd’hui une tâche importante dans la conception et la construction des systèmes de surveillance SHM. Bien entendu, c’est dans les domaines d’activités où le niveau de sécurité doit être élevé, que les avantages majeurs de CSI sont attendus. À ce titre, le génie civil (ponts, bâtiments, etc.), le nucléaire, la pétrochimie, et les transports (aéronautique principalement, ferroviaire, routier et maritime) constituent les sujets d’étude privilégiés.

Comme dans le milieu médical, les contrôles non destructifs emploient différentes techniques d’imagerie pour le diagnostic des structures. Parmi les méthodes les plus courantes, on peut citer l’inspection visuelle (elle permet de déceler les défauts débouchants telles que les fissures), le ressuage (méthode de liquide pénétrant)[7, 8], les méthodes employant les rayonnements ionisants adaptées pour la détection de défauts internes, telle que la tomographie[9, 10], et enfin les méthodes magnétiques telles que les courants de Foucault[11, 12] et la magnétoscopie. Toutes ces méthodes sont adaptées pour des défauts bien spécifiques (géométrie, taille, défaut de surface ou de volume, etc.) et dans des conditions bien particulières (milieu conducteur par exemple pour la méthode magnétique). Après l’avènement des ultrasons (ondes sonores ayant des fréquences plus élevées que celles perceptibles par l’oreille humaine f > 18 kHz) dans les années cinquante, d’autres méthodes de contrôle exploitant les ondes acoustiques ultrasonores, sont apparues[13, 14] dont le principe ressemble à l’échographie médicale (transmission, réflexion). Grâce aux longueurs d’ondes relativement petites (∼ 10 mm), ces ondes interagissent fortement avec des défauts de cette taille (trous, fissures, inclusions, etc.), et permettent d’inspecter de grands volumes grâce à leur capacité à se propager sur de grandes distances. Actuellement, cette technique d’imagerie acoustique a pris une place essentielle dans différents domaines d’application allant du domaine médical[15], maritime[16], sismique[17] au contrôle et évaluation non destructive des matériaux[18, 19, 20].

Depuis plus d’une décennie, l’utilisation des ondes guidées fait l’objet d’un regain d’intérêt, notamment dans le cadre du contrôle non destructif en vue de détecter des défauts de surface ou dans l’épaisseur[21, 22, 23, 19]. Ces ondes permettent en effet, de détecter des défauts dans des structures de formes complexes grâce à leur capacité à se propager sans atténuation significative, sur de longues distances en suivant le profil des pièces à inspecter. On distingue généralement deux principaux modes de propagation d’ondes ultrasonores guidées que l’on peut générer dans les matériaux : les ondes de Rayleigh, non dispersives, se propageant en surface et les ondes de Lamb, dispersives, se propageant dans l’épaisseur. Ces deux familles d’ondes ont été découvertes principalement par Rayleigh[24] et Lamb[25]. Une analyse complète de ces ondes peut être trouvée par exemple dans Viktorov[26] ou Royer et Dieulesaint[27]. Les ondes de Lamb sont prédominantes dans le CND de structures planes. Ainsi, de nombreuses études expérimentales ont été menées pour générer et recevoir ce type d’ondes et étudier leurs interactions avec les défauts dans ces structures.

Dans le cas d’une plaque homogène, isotrope, d’épaisseur constante e = 2h et de dimensions latérales infinies, les ondes de Lamb qui se propagent entrainent deux catégories de déformations :

— les modes symétriques (S) : les composantes longitudinales du déplacement ux sont égales de part et d’autre du plan moyen de la plaque, alors que les composantes normales uz sont opposées ,
— les modes antisymétriques (A) : les composantes normales sont égales de part et d’autre du feuillet moyen de la plaque et les composantes longitudinales ux opposées .

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Table des matières

Introduction générale
1 Propagation réverbérante des ondes elastiques dans les plaques minces et ses applications au SHM
1.1 Introduction
1.2 Ondes élastiques ultrasonores dans les plaques minces
1.2.1 Ondes de Lamb
1.2.2 Vibration d’une plaque infinie en flexion
1.2.3 Plaque finie réverbérante – approche modale
1.3 Traitement des signaux réverbérés par corrélation de bruits
1.3.1 Principe et approches théoriques
1.3.2 Application en contrôle de santé intégré
1.4 Conclusion
2 Estimation passive des fonctions de Green dans une plaque mince réverbérante
2.1 Introduction
2.2 Reconstruction des fonctions de Green à partir d’un nombre fini de sources
2.2.1 Généralités
2.2.2 Développement théorique : formulation mathématique
2.2.3 Résultats numériques
2.3 Qualité de reconstruction des fonctions de Green
2.3.1 Description statistique
2.3.2 Estimation quantitative
2.3.3 Résultats numériques
2.3.4 Résultats expérimentaux
2.4 Conclusion
3 Localisation passive de défauts
3.1 Introduction
3.2 Fonctions de corrélation et sensibilité au défaut : détection, localisation et imagerie
3.2.1 Détection de défaut par méthode différentielle
3.2.2 Localisation avec un ensemble de sources ponctuelles – comparaison à l’imagerie active (pitch-catch)
3.2.3 Localisation avec des sources étendues
3.3 Influence des paramètres expérimentaux
3.3.1 Nombre de capteurs
3.3.2 Atténuation du milieu réverbérant
3.3.3 Distribution des sources de bruit
Conclusion générale

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