Structure et évolution des enzymes

Structure et évolution des enzymes

Les catalyseurs du vivant

Les enzymes sont des macromolécules sélectives qui se caractérisent par un énorme pouvoir catalytique, pouvant accélérer de façon spécifique les réactions chimiques de la cellule à des taux de plus de 1016 fois ceux des niveaux non catalysés sans être elles-mêmes modifiées par la réaction. Elles sont les protéines responsables des transformations biochimiques au sein des cellules des organismes vivants et au centre de l’organisation du métabolisme et de la régulation des processus physiologiques. La spécificité des enzymes à catalyser des réactions chimiques précises est à la base de cette organisation et fait de ces molécules biologiques des catalyseurs de choix pour différentes applications biotechnologiques modernes. Les enzymes lipolytiques se spécialisent quant à elles dans le clivage ou la formation de liaisons esters et occupent une importante part du marché vu leurs nombreuses applications industrielles. La stabilité d’un biocatalyseur étant un important critère d’application en industrie, la recherche de nouvelles enzymes thermostables ou la modification d’enzymes connues en vue d’améliorer leur stabilité nécessite une meilleure compréhension des mécanismes par lesquels ces enzymes acquièrent leur stabilité. Le rythme auquel de nouveaux génomes de microorganismes sont séquencés et déposés dans les bases de données dépasse largement celui par lequel la structure des protéines encodées par ces nouveaux génomes peut être élucidée. Une meilleure compréhension de la relation qui existe entre la séquence d’acides aminés et la structure tridimensionnelle des protéines et l’identification d’éléments structuraux déterminants de l’évolution d’une propriété comme la thermostabilité permettrait de mieux cibler la recherche de nouveaux biocatalyseurs et d’adapter leurs propriétés pour l’industrie.

Structure et évolution des enzymes

L’histoire moderne des enzymes commence en 1831 quand l’auteur allemand Erhard Friedrich Leuchs remarque qu’un principe actif contenu dans la salive est capable d’hydrolyser l’amidon. En 1833, Anselme Payen et Jean-François Persoz décrivent un principe similaire isolé de l’orge en germination, qu’ils nomment diastase, dérivé du Grec diastasis, qui signifie séparation. Eduard Buchner démontre en 1897 que les microorganismes qui provoquent la fermentation alcoolique ne le font qu’indirectement puisque celle-ci peut survenir à partir d’extraits de levure, dépourvus de cellules vivantes. Le mot enzyme signifie littéralement « in yeast» (dans la levure).
Émile Duclaux propose ensuite d’utiliser le suffixe -ase pour la nomenclature des enzymes. En 1902, Emil Fischer et Franz Hofmeister conclurent indépendamment que les protéines sont formées de longues chaînes d’acides aminés et que celles-ci peuvent être isolées et cristallisées et en 1926, James Sumner démontre la nature protéique des enzymes par ses travaux sur l’uréase. Le développement des techniques de cristallographie et d’analyse par rayons X ayant d’ailleurs permis d’élucider la structure de la molécule d’ADN en 1953 rendit possible d’étudier la structure complexe des protéines et d’expliquer le mécanisme catalytique des enzymes sur la base de leur structure tridimensionnelle (BernaI et Crowfoot 1933, Bragg et Perutz 1954, Crick 1956). C’est alors qu’en 1960, John Kendrew élucide pour la première fois la structure moléculaire d’une protéine, la myoglobine. Les travaux subséquents des membres du «RNA Tie Club1 » et ceux de Marshall Nirenberg permirent d’élucider la nature du code génétique, de démontrer comment les protéines sont encodées et synthétisées dans la cellule et de suggérer un mécanisme pour leur évolution (Watson et Crick, 1953; Crick 1958, 1961, 1988; Brenner 1961; Nirenberg et al., 1965). Le principe de sélection naturelle avancé par Darwin pouvait enfin être expliqué sur une base moléculaire.

Niveaux de structures des protéines

Avant même l’élucidation de la première structure tridimensionnelle d’une protéine, Linderstem-Lang proposa de diviser la structure des protéines en quatre niveaux hiérarchiques (Linderstrem-Lang 1951). La séquence d’acides aminés d’une protéine, c’est-à-dire l’ordre dans lequel ceux-ci sont agencés forme la structure primaire alors que les arrangements locaux des acides aminés de la séquence forment quant à eux les éléments de structures dites secondaires. L’hélice alpha et le feuillet bêta constituent les deux principaux types de structures secondaires et avaient été prédits par Linus Pauling environ dix ans avant l’élucidation de la structure cristallographique de la myoglobine (pauling 1948, 1951, 1960). Le repliement tridimensionnel de ces éléments de structures secondaires forme la structure dite tertiaire qui confère la fonction biologique à une protéine et l’oligomérisation ou l’association de différentes unités tertiaires forme la structure quaternaire de certaines protéines Le premier constat observé lors de l’élucidation de la structure de la myoglobine est l’irrégularité déconcertante de sa structure tertiaire. La chaîne polypeptidique adopte une structure globulaire irrégulière, mais nécessairement unique. L’absence de symétrie dans la structure tertiaire d’une protéine soulève différentes questions sur le mode de repliement unique de sa chaîne polypeptidique. Une des évidences principales de cette  unicité structurale est que les protéines peuvent former des cristaux, hautement symétriques, ceux-ci nécessitent l’arrangement périodique d’un objet de structure définie, ce qui permet de résoudre leur structure par diffraction des rayons X.

Les enzymes lipolytiques

Les enzymes se divisent en six classes distinctes sur la base du type de réaction catalysée selon l’« Enzyme Commission3 ». Les hydrolases forment la troisième classe (EC 3). Ces enzymes catalysent l’hydrolyse ou la synthèse de liaisons C-O, C-N ou C-C dans différents types de substrats. Les enzymes lipolytiques sont des hydrolases qui catalysent l’hydrolyse ou la synthèse de liaisons esters (C-O) dans les huiles et autres esters aliphatiques, elles sont impliquées dans le métabolisme des lipides. Les enzymes lipolytiques sont ubiquitaires dans la nature et on les retrouve dans les trois règnes du vivant jouant des rôles physiologiques très diversifiés. Chez les mammifères par exemple, elles sont notamment impliquées dans la digestion, l’absorption et l’utilisation des lipides et des vitamines, dans la transformation métabolique de médicaments naturels et artificiels ainsi qu’au niveau de la détoxification hépatique et de l’utilisation de neurotransmetteurs (Hui et Howles, 2002) pour ne citer que quelques exemples. Chez les microorganismes, elles jouent un rôle dans l’utilisation de sources de carbone et dans la détoxification. Le rôle métabolique que jouent ces enzymes chez les microorganismes reste encore obscur (Liu et al. , 2004).

Les microorganismes thermophiles : une source d’enzymes thermostables

Les microorganismes thermophiles sont pour la plupart des organismes unicellulaires se développant à haute température (45-122 OC) et sont une source importante d’enzymes thermostables (Madigan et al. , 2006, Takai et al., 2008). Les microorganismes dits proprement thermophiles se développent optimalement entre 50 et 80 °C alors que les microorganismes hyperthermophiles ont des températures optimales de croissance supérieures à 80°C. Ces microorganismes se développent dans différentes niches écologiques de la planète et sont des organismes robustes qui montrent un fort potentiel pour différentes applications industrielles. La comparaison de la structure de différentes enzymes thermostables avec celles de leurs homologues mésostables constitue l’approche classique pour élucider certains éléments structuraux potentiellement thermostabilisants chez les versions thermophiles. L’introduction de ces
éléments chez les versions mésophiles ou encore l’annihilation de ces éléments chez les versions thermophiles peuvent permettre d’élucider le rôle de certains éléments structuraux dans la thermostabilité. Le succès pour l’identification d’éléments stabilisants par cette méthode repose souvent sur la haute conservation du repliement  entre les deux protéines étudiées. Les microorganismes se divisent en deux classes, modérément thermophiles et hyperthermophiles (Szilagyi et Zavodszky, 2000). Les plus importants représentant des microorganismes thermophiles sont les bactéries et les archaea (Stetter 2006).

Repliement et stabilité des protéines

Le processus de dénaturation des protéines a été découvert par Chick et Martin en 1910. Le fait que la dénaturation était liée à la perte de la structure tridimensionnelle d’une protéine par un processus de « dépliement» a été avancé par Hsien Wu en 1929 (Edsall 1995), alors que Tanford propose en 1968 une théorie pour la dénaturation des protéines. Ensuite, Pace fonnula en 1975 une description mathématique de l’état natif et dénaturé des protéines. Historiquement, puisque les acides et les bases ont été les premiers dénaturants connus des protéines, il a été immédiatement suggéré que les interactions électrostatiques puissent jouer un rôle prédominant dans le repliement des protéines (Linderstrem-Lang 1949; Perutz 1963). Il y a deux façons par lesquelles les  interactions électrostatiques peuvent affecter la stabilité d’une protéine. Les effets électrostatiques peuvent être stabilisants ou déstabilisants, ceux-ci sont décrits par le modèle de Poisson-Boltzman (Warshel et Papazyan 1998; Michael Gilson, 1995; Fogolari et al., 2002). Des répulsions électrostatiques surviennent quand une protéine possède un important contenu en groupements ionisables. Comme la charge nette d’une protéine augmente en condition très acide (charge positive) ou très basique (charge négative), les répulsions électrostatiques non spécifiques augmentent aussi pouvant déstabiliser la structure native d’une protéine, ce qui explique la dénaturation par le pH

Solution au problème du repliement: code ou énergie?

Est-ce que la structure native d’une protéine, unique et stable, est détenninée uniquement par sa séquence? Si oui, est-il possible de résoudre le problème du repliement? L’hypothèse thermodynamique, ou le dogme d’Anfinsen stipule que seule la séquence détermine le repliement d’une protéine (Anfmsen 1973). Les résultats des expériences d’Anson et Mirsky (1931) montrent que le repliement de l’hémoglobine est un processus réversible. Par la suite, il a été démontré que le repliement de plusieurs autres protéines purifiées était aussi réversible in vitro suite leur dénaturation suggérant que seule la séquence détermine le repliement (Nojima et al., 1977). Par contre, d’autres protéines ne possèdent pas ces mêmes propriétés de renaturation et certaines peuvent les présenter, mais seulement en présence de molécules accessoires, tel que les protéines chaperonnes. Les interactions protéines-protéines sont-elles à la base du repliement de certaines protéines? Mais est-ce que seule la séquence détermine le repliement et l’atteinte de la structure finale? Si tel est le cas, est-ce que le repliement est un processus opérant localement, au fur et à mesure que la protéine synthétisée émerge du ribosome? Ou, est-ce que le mécanisme du repliement est un processus se réorganisant jusqu’à l’atteinte d’un minimum énergétique thermodynamiquement stable? Malgré l’asymétrie de la structure d’une protéine, celle-ci peut dans des conditions particulières, former un cristal permettant l’élucidation de sa structure par cristallographie aux rayons X, ce qui suggère que la séquence d’une protéine acquière une structure unique. Cette unicité suggère par le fait même que la structure formée adopte un minimum énergétique, mais comment la protéine acquiert cette conformation unique si rapidement?

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Table des matières

CHAPITRE 1 :INTRODUCTION 
1.1 Les catalyseurs du vivant
1.2 Structure et évolution des enzymes
1.3 Niveaux de structures des protéines
1.4 Les enzymes lipolytiques
1.4.1 Les carboxylesterases et les lipases
1.4.2 Structure des enzymes lipolytiques
1.4.3 Site actif
1.4.4 Spécificité et cinétiques enzymatiques
1.4.5 Applications biotechnologiques des enzymes lipolytiques
1.4.6 Classification des enzymes lipolytiques
1.5 Les microorganismes thennophiles : une source d’enzymes thennostables
1.6 Repliement et stabilité des protéines
1.6.1 Détermination de la stabilité confonnationnelle des protéines
1.6.2 Déterminants structuraux de la thennostabilité des protéines
1.6.3 Enzymes lipolytiques et thennostabilité
1.6.4 Les ponts salins: interactions clées chez les protéines thennophiles
1.6.5 Les interactions électrostatiques peuvent-elles jouer un rôle dans le
repliement de certaines protéines?
1. 7 Problème du repliement des protéines
1. 7.1 Solution au problème du repliement: code ou énergie?
1.7.2 Modélisation de la structure des protéines et annotation génomique
1.7.3 Design de protéines et prédiction ab initio
1.7.4 Espace de séquence et explosion combinatoire
1.8 Évolution dirigée et étude de la thermostabilité par mutagenèses rationnelles
1.9 Objectifs
1.9.1 Objectif général
1.9.2 Objectifs spécifiques
CHAPITRE II :IDENTIFICATION OF THERMOPIDLIC BACTERIAL STRAINS PRODUCING THERMOTOLERANT HYDROLYTIC ENZYMES FROM MANURE COMPOST
2.1 Contribution des auteurs
2.2 Résumé de l’article
2.3 Premier article scientifique
Abstract
Introduction
Materials and methods
Substrates and chemicals
Source of microorganisms
Isolation and culture of thermophiles
PCR, RFLP and sequencing
Analysis of 16S rRNA gene sequences
Bacterial characterization
Thermotolerant hydrolytic activity detection
Results and discussion
Identification ofthermophilic bacteria
Characterization of thermophiles
Thermotolerant hydrolytic activities
Acknowledgments
References
CHAPITRE III :A NOVEL THERMOSTABLE ,CARBOXYLESTERASE FROM GEOBACILLUS THERMODENITRIFICANS: EVIDENCE FOR A NEW CARBOXYLESTERASE FAMILY
3.1 Contribution des auteurs
3.2 Résumé de l’article
3.3 Deuxième article scientifique
Abstract
Introduction
Materials and methods
Isolation of bacteria from environmental samples
Strains, plasmids and culture, conditions
Preparation of genomic DNA
Polymerase chain reaction
Cloning of PCR products
DNA sequencing and bioinformatics analysis
Structural modelling
Protein expression
Protein purification and determination
Enzyme assays
Chain length specificity, optimal pH and temperature
Thermal stability
Results
Sequence of EstGtA2
Expression and purification of EstGtA2
Characterization of EstGtA2
Sequence comparison of EstGtA2
Structure modelling of EstGtA2
Phylogenetic tree of carboxylesterases
Discussion
Conclusion
Acknowledgments
Funding
References
CHAPITRE IV :N-TERMINAL PURIFICATION TAG ALTERS THERMAL STABILITY OF THE CARBOXYLESTERASE ESTGTA2 FROM G. THERMODENITRIFICANS BY IMP AIRING REVERSIBILITY OF THERMAL UNFOLDINNG
4.1 Contribution des auteurs
4.2 Résumé de l’article
4.3 Troisième article scientifique
Abstract
Introduction
Materials ans methods
Buffers and chemicals
DNA cloning and protein expression
Prote in purification and cleavage of the N-terminal tag
Enzyme actIvlty assay
CD measurements
Conformational and thermodynamics (unfolding/refolding)
Results
Expression and purification of the recombinant EstGtA2
Thermal stability of EstGtA2-tagged and -cleaved
Conformational and thermodynamic analysis (unfolding/refolding)
Conclusion
Acknowledgments
References
CHAPITRE V :ROLE OF KEY SALT BRIDGES IN” THERMOSTABILITY OF G.THERMODENITIRIFCANS ESTGTA2: DISTIN”CTIVE PATTERNS WITHIN THE NEW BACTERIAL LIPOLYTIC ENZYME FAMILY XV
5.1 Contribution des auteurs
5.2 Résumé de l’article
5.3 Quatrième article scientifique
Summary
Introduction
Materia1s and Methods
Strains and plasmids
Site-directed mutagenesis
Protein expression and purification
Enzyme activity measurements
CD spectroscopy
Fluorescence spectroscopy
In silico analyses
Results
pH-dependent stability ofEstGtA2
Structural model of EstGtA2
Multiple conserved salt bridges in EstGtA2
Salt bridges as hallmarks ofthe N’ subfamily
Combinatorial alanine-shaving of salt bridge-forming residues
Misfolding ofM4c
Activation and specificity modification by R37 A
Modification of the (i – 2, i – 4) interloop salt bridge
Discussion
A 15th family ofbacteriallipolytic enzymes
Role ofkey salt bridges in thermostability of EstGtA2
Conclusion
Supporting information
Acknowledgements
References
Supporting information
CHAPITRE VI :RESULTATS ET DISCUSSION
6.1 Approche choisie: mutagenèses rationnelles
6.2 EstGtA2: une nouvelle enzyme lipolytique thermostable
6.3 Structure de EstGtA2
6.3.1 Une 15e famille d’enzymes lipolytiques bactériennes (famille XV)
6.3.2 Le groupe N’, un sous-clade de la nouvelle famille XV
6.3.3 Rôle des ponts salins conservés dans la thermostabilité de EstGtA2
6.3.4 Rôle des ponts salins conservés dans le repliement de EstGtA2
6.3.5 Modification d’un pont salin clé en position (i – 2, i – 4)
6.3.6 Modifications d’autres ponts salins dans EstGtA2
6.3.7 Perspectives
CHAPITRE VII :CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPIDQUES
ANNEXE A
DIESELZYMES: DEVELOPMENT OF A STABLE AND METHANOL TOLERANT LIPASE FOR BIODIESEL PRODUCTION BY DIRECTED EVOLUTION
A.l Contribution des auteurs
A.2 Résumé de l’article
A.3 Cinquième article scientifique
A.4 Conclusion générale
ANNEXE B
FIGURES SUPPLEMENTAIRES

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