Structure et dynamique des prismes orogéniques

Les mécanismes de collision continentale

    Lorsque les deux croûtes continentales se rencontrent, les contraintes vont augmenter et les roches vont se déformer en réponse à la contrainte. La déformation peut être de deux types, visqueuse en profondeur, et cassante plus proche de la surface. Dans le domaine cassant, des failles inverses vont se former de part et d’autre de la collision, isolant un prisme dans lequelle a lieu la déformation (Fig. 1.1). Dans la suite de cette discussion le point le plus bas de ce prisme, là ou se produit la discontinuité en vitesse, sera appelé le point S. Deux zones vont pouvoir être définies : la zone comprise entre la plaque qui passe en dessous et le point-S, qui sera appelée prisme-pro, et la zone entre la plaque qui reste au dessus et le point-S, qui sera appelée prisme-retro (Fig. 1.1). La dynamique et l’équilibre de ce type de prisme orogénique va dépendre de plusieurs facteurs : des facteurs d’origine interne tels que la vitesse de convergence et la rhéologie des différents matériaux ; et des facteurs d’origine externe, tel que le climat qui va contrôler l’érosion et la sédimentation. Ces différents facteurs vont interagir, s’influençant les uns les autres et créant un système complexe : le climat influence l’érosion et la sédimentation, ces processus de surface, en changeant la répartition des masses dans le système, vont changer l’état de contrainte et le champ thermique du prisme, ce qui va influencer la déformation (Willett 1999, Wobus et al. 2003, Whipple et Meade 2006, Stolar et al. 2007, Whipple 2009). D’un autre coté, le relief, en modifiant les circulations atmosphériques et par l’effet orographique, va modifier le climat, ce qui changera les précipitations, qui influencent l’érosion, qui contrôlent la sédimentation etc., etc… Nous sommes donc en présence d’un système couplé dont la dynamique est contrôlée par l’interaction entre des processus tectoniques et des processus de surface.

Le prisme Himalayen

     En Himalaya, la partie supérieure de la croûte entre en collision dans l’orogène Himalayenne, la partie inférieure passant en dessous jusque sous le plateau Tibétain (Zhao et al. 1993, Schulte Pelkum et al. 2005, Nábˇelek et al. 2009)(Fig. 1.10). La partie supérieure est donc incorporée au prisme par « underplating » (formation de duplexes) ou « forward propagation » (chevauchements actifs dans les Siwaliks), la partie inférieure passant sous le prisme présentant de l’underthrusting. Cependant aucun de ces mécanismes ne permettant d’expliquer la formation des reliefs observés dans la chaîne, on doit donc être en présence d’une combinaison entre l’accrétion des matériaux Indiens, l’« underthrusting » de la croûte inférieure et de l’« overthrusting » ou un « channel flow » responsables de la formation des reliefs. La part relative des différents mécanismes contrôlant la dynamique du prisme himalayen est encore très discutée. Certains auteurs favorisant l’accrétion frontale (Lavé et Avouac 2001) d’autre l’« overthrusting » permis par l’activation de chevauchement hors séquence (Hodges et al. 2004, Brewer et Burbank 2006), l’exhumation d’un « channel flow »(Beaumont et al. 2001; 2004, Jamieson et al. 2004), la formation pur, en déformant le bloc du haut par l’activation de chevauchement hors séquence, et l’hypothèse de l’« underplating » en accrétant un duplex sous le Moyen Pays (Fig. 1.11), de l’« overthrusting » ayant lieu au dessus de ce duplex, mais dans une moindre mesure par rapport au cas 1. Ces différentes hypothèses ont été testées pour le Népal central en utilisant une méthode inverse (Braun 2003) sur un jeu de données thermochronologiques. Herman et al. (2010) montrent que dans cette zone, les données thermochronologique peuvent être expliquées par ces deux modes de déformation au sein du prisme himalayen, cependant, l’hypothèse « overthrusting » par activation d’un chevauchement hors séquence nécessite des vitesses de convergence extrêmement élevées, supérieures à 30 mm.an−1 , pour générer la répartition des âges thermochronologiques observés. Cela les amène donc à favoriser l’hypothèse de l’« underplating » par formation d’un duplex de matériel d’origine Indienne sous le Moyen Pays Himalayan pour expliquer la dynamique du prisme au Népal central. Cette thèse propose de tester la physique de ces différentes dynamiques sur le prisme Himalayen à travers la réalisation de modèles thermomécaniques. Ces modèles utilisent des matériaux présentant des rhéologies analogues à celle des roches Himalayennes ce qui permettra de contraindre les conditions dans lesquelles ces mécanismes d’accrétion peuvent se mettre en place, ainsi que leur impact sur les âges thermochronologiques déterminés à travers la chaîne et les conditions pression-température subies par les roches

La formulation arbitraire Lagrangienne Eulerienne

   Le code utilise une formulation arbitraire Lagrangienne Eulerienne (ALE) telle que définie par Fullsack (1995). Le principe de cette formulation est d’utiliser deux grilles : une Eulerienne et une Lagrangienne. Pour chaque pas de temps, la déformation incrémentale est calculée sur la grille Eulérienne puis transférée à la grille Lagrangienne sur laquelle la déformation finale est calculée. Cette grille est passivement déformée et advectée d’un pas de temps à l’autre. Cette méthode présente deux avantages principaux :
– elle permet de modéliser des taux de déformation très importants tout en gardant une stabilité et une précision numérique élevée.
– L’advection de matériaux au travers les limites du modèle est facile à implémenter et stable numériquement
Approche mathématique : Dans les domaines de la mécanique des matériaux continus et de la mécanique des fluides, deux approches différentes sont utilisées : l’approche Lagrangienne, dans laquelle les particules utilisées pour décrire le milieu se déformant sont suivies dans le temps le long de leur trajectoire, et l’approche Eulérienne, dans laquelle ces particules sont situées à des points fixes et décrites par leur vecteur vitesse. Dans le cas d’une approche numérique Lagrangienne la grille portant les propriétés des matériaux et ou les équations sont résolues est déformée et advectée à chaque pas de temps, chaque noeud de la grille correspondant à la même particule au cours du temps, alors que dans l’approche Eulérienne, les noeuds de la grille ont une position fixe au cours du temps et les propriétés des « particules » qu’ils portent sont transférées d’un noeud à l’autre selon le champ de vitesse calculé. En pratique dans Sopale_nested, le passage de l’instant t à l’instant t + ∆t se fait de la manière suivante (Fullsack 1995) :
1. Calcul du flux de matière, par la résolution d’un système d’équations grâce à une méthode basée sur les éléments finis, sur la grille Eulérienne. Cette grille étant peu déformée, la solution est peu entachée d’erreur numérique. On obtient un champ de vitesse v.
2. Calcul de l’érosion et de la sédimentation sur la surface qui a été advectée.
3. Calcul du déplacement des limites du domaine Eulérien entrainé par les processus de surface.
4. Calcul de la compensation isostatique. On obtient un champ de vitesse vertical w.
5. Incorporation de l’isostasie au champ de vitesse du flux de matière : v = v + w.
6. Interpolation de la vitesse verticale du champ de vitesse Eulérien pour obtenir le déplacement de la grille.
7. Interpolation du champ de vitesse de la grille Eulérienne sur les noeuds de la grille Lagrangienne afin d’advecter ceux ci (x L + vL∆t).
8. Mise a jour des champs sur la grille Lagrangienne, interpolation des champs de la grille Lagrangienne (par exemple la température ou la déformation totale) sur la grille Eulérienne pour avoir de nouveaux champs Eulériens.

Impact des données de terrain sur le setup

     Les données de terrain et de laboratoire ont évidement eu une influence prépondérante sur la définition du setup utilisé dans cette étude. La préexistence du plateau tibétain sur le développement de la « fold and thrust belt » Himalayenne est suspectée sur la base de l’asymétrie de la chaîne (ensemble de chevauchements vers le sud). Cette suspicion est confirmée par les études de Chung et al. (1998), Rowley et Currie (2006) et Wang et al. (2008) qui montrent par des études géochimiques, thermochronologiques, magnétostatigraphiques, sédimentologiques et autres, que le plateau Tibétain était déjà un relief important il y à 40 millions d’années. Le détachement mi-crustal prescrit dans le croûte continentale indienne est documenté par les études géophysiques de Zhao et al. (1993) et Schulte-Pelkum et al. (2005) et les rhéologies utilisées contraintes par des études de laboratoire (Karato et Wu 1993, Gleason et Tullis 1995). Enfin, la question à la base même de cette étude : « quelles sont les sources et l’évolution temporelle des variations latérales en Himalaya ? » est soulevée par les nombreuses études cartographiques, structurales, métamorphiques et autres réalisées en Himalaya (cf. synthèse de Yin (2006) par exemple). Cet aspect étant le plus classique des interactions entre terrain et modélisation numérique, je ne le détaillerai pas plus avant.

Quel impact sur les stratégies de terrain ?

     La modélisation numérique a également eu un fort impact sur le terrain qui a été réalisé suite à ces simulations. Tout d’abord, l’Ouest Népal a été choisi en raison de la relative absence de données dans cette zone, absence de données qui entraine un manque de contraintes sur les modèles réalisés en vue de contraindre les variations latérales en Himalaya et plus particulièrement au Népal. A plus petite échelle, les modèles ont montré que, si l’on admet l’hypothèse du sous plaquage asynchrone de la rampe, la plupart des changements géologiques, géomorphologiques et thermochronologiques qui en découle seront observables dans le Moyen Pays. La modélisation numérique nous a donc permis de concentrer notre étude sur cette zone et nous avons de ce fait peu approfondi les études sur la zone Haut Himalayenne. Le calcul d’âge thermochronologique synthétique permet de cibler le système ayant la température de fermeture la plus sensible au mécanisme que nous cherchons à contraindre et ainsi éviter d’utiliser un système présentant une température trop élevée, qui ne serait pas remis à zéro lors de la déformation, ou un système avec une température de fermeture trop basse, qui serait trop sensible au processus de surface, et ne permettrait pas de discuter les mécanismes tectoniques. Enfin, il est très simple avec le modèle d’enregistrer les températures et les pressions maximumales subies par chaque particule, voir éventuellement le chemin pression température, afin de les comparer ensuite avec les données pétrologiques produites par l’analyse des échantillons récoltés et ainsi de valider, ou non, la simulation numérique réalisée

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Introduction générale
1.2 La collision continentale
1.2.1 Les mécanismes de collision continentale
1.2.2 La cinématique des prismes de collision
1.2.3 La dynamique des duplexes crustaux
1.2.4 Le prisme Himalayen
1.3 Introduction à la géologie himalayenne : une chaîne présentant d’importantes variations latérales
1.3.1 La chaîne Himalayenne
1.3.2 Les variations topographiques
1.3.3 Variations climatiques
1.3.4 Une importante variabilité tectonique
1.3.5 Conséquence sur l’activité sismique
1.3.6 Evolution des taux d’exhumation à travers la chaîne
1.4 La problématique développée dans le cadre de ce doctorat
2 Modélisation numérique 
2.1 Objectifs
2.2 Le modèle thermomécanique : « Sopale_nested »
2.2.1 La formulation arbitraire Lagrangienne Eulerienne
2.2.2 Rhéologie et calcul de la viscosité effective
2.2.3 Le modèle thermique
2.2.4 Les processus de surface
2.2.5 Le setup
2.3 Les ajouts apportées au code
2.4 Résultats de la modélisation numérique
2.4.1 Modèle 1 : le cycle de formation et d’advection de la rampe
2.4.2 Modèle 2 : Le contrôle rhéologique sur la formation des klippes
2.5 Une nouvelle hypothèse pour expliquer les variations latérales en Himalaya
2.6 Along-strike tectonic variations in Nepal Himalaya : A consequence of asynchronous ramp underthrusting ?
2.7 Perspectives
2.8 Modélisation numérique et géologie de terrain
2.8.1 Impact des données de terrain sur le setup
2.8.2 Comparaison avec des coupes existantes
2.8.3 Quel impact sur les stratégies de terrain ?
3 La coupe de Simikot (Ouest Népal) : une nouvelle interprétation
3.1 Situation géographique et choix de la zone cartographiée
3.1.1 L’extrême Ouest népalais, une zone « redécouverte »récemment
3.2 Les différentes unités stratigraphiques et les corrélations à l’échelle de la chaîne himalayenne
3.2.1 Le Thétys Himalaya
3.2.2 Le Haut Himalaya
3.2.3 Le Moyen Pays
3.2.4 Unités Tertiaires
3.2.5 Les Siwaliks
3.3 Cartographie
3.3.1 Une nouvelle carte dans la région de la Karnali
3.3.2 Description de la carte : les structures principales
3.3.3 Discussion des différentes cartes existantes sur le secteur
3.4 Données obtenues par RSCM
3.4.1 Méthodologie
3.4.2 Choix des échantillons
3.4.3 Résultats
3.4.4 Vers un thermomètre de plus haute température ?
3.5 Les datations 40Ar/ 39Ar
3.5.1 Méthodologie
3.5.2 Résultats
3.6 Estimation pétrologique des pics de pression-température
3.6.1 Principe
3.6.2 Méthodologie
3.6.3 Résultats
3.6.4 Discussion
3.7 Une nouvelle coupe le long de la Karnali
3.7.1 L’équilibrage de coupe, quelle pertinence dans le Moyen Pays himalayen ?
3.7.2 Une coupe différente des précédentes
3.8 Implications sur la dynamique de la chaîne himalayenne dans la région de la Karnalie
3.9 Conclusions
3.10 Structure and evolution of the Western Nepal fold and thrust belt along the Karnali river cross-section
3.11 Quelle cohérence entre les modèles numériques et les observations de terrain ?
4 Le massif métamorphique de El Oro (Equateur) : Des indices de convection crustale
4.1 Le massif de El Oro
4.1.1 Contexte Géologique
4.1.2 L’unité de la Bocana : quelques précisions sur les migmatites
4.1.3 Pétrologie et estimations pression-température au sein du massif métamorphique de El Oro
4.1.4 Comment expliquer un tel gradient géothermique ?
4.2 Modélisation numérique
4.2.1 Le code de diffusion thermique
4.2.2 Setup
4.2.3 Résultats
4.3 Discussion
4.3.1 Source de chaleur
4.3.2 Modélisation numérique
4.3.3 Implication rhéologique : une approche par le nombre de Rayleigh
4.3.4 Perspectives
4.4 Implications géodynamiques
4.5 Conclusions
4.6 « Evidences of convection in a partially molten metasedimentary crust. »
5 Conclusion générale 
5.1 Apports de cette étude
5.1.1 Dynamique du Moyen Pays Himalayen
5.1.2 Une nouvelle interprétation de la coupe de la Karnali
5.1.3 La dynamique thermique de la croûte continentale migmatisée
5.2 Perspectives
5.2.1 Numériques
5.2.2 Thermochronologiques
5.2.3 Etude de la convection crustale
Bibliographie

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