Structure et dynamique de l’hybridation

STRUCTURE ET DYNAMIQUE DE L’HYBRIDATION

DÉFINITION DES STOCKS DE PÊCHE

La préoccupation principale de la gestion des pêches est d ‘ optimiser les captures, tout en favorisant la durabilité de la ressource. Dans ce contexte, l’identification de stocks constitue un enjeu majeur. La tâche est loin d’être évidente, car le concept même de « stock » est variable, selon les préoccupations des gestionnaires et des biologistes. Pour tenir compte de la structure intraspécifique de l’espèce exploitée, plusieurs définitions basées sur des critères biologiques ont été proposées. La définition centrale de « stock biologique » implique un groupe d’individus de la même espèce qui se reproduisent aléatoirement et dont l’ intégrité spatio-temporelle est maintenue (lhssen et al. , 1981; Carvalho & Hauser, 1994). Il existe plusieurs approches pour identifier un tel groupe. Par exemple, un stock biologique peut être déterminé en fonction des caractéristiques génétiques des populations (Ward, 2000). Le concept de « stock génétique » a été popularisé par le développement de nombreuses méthodes d’analyses moléculaires qui permettent d’identifier des unités de population isolées en terme de reproduction (Carvalho & Hauser, 1994; Park & Moran , 1997; O’Connel & Wright, 1997; Ward, 2000). Cette approche est privilégiée lorsque l’enjeu est le maintien, à long terme, de la diversité génétique de l’ espèce exploitée.
Dans l’ensemble, les marqueurs génétiques indiquent que les populations marines tendent à être faiblement différenciées. Cette tendance s’explique généralement par l’effet combiné d’ une grande taille efficace des populations et de l’absence de barrières à la migration et au flux génique (Ward et al., 1994; Shaklee & Bentzen, 1998; Ward, 2000).
Dans ces conditions, les modèles théoriques suggèrent que, en absence de sélection, quelques migrants par génération suffiraient à homogénéiser les fréquences alléliques entre deux populations. L’échange de ces quelques migrants a des conséquences importantes pour le maintien de la diversité génétique, mais ne permet pas pour autant de considérer ces deux populations comme biologiquement homogènes et interdépendantes en terme de recrutement (Waples, 1998; Neigel, 2002). D’ailleurs ces populations auront tendance à présenter des différences au ni veau de la morphologie, du comportement, de la charge parasitaire, ou de la composition élémentaire des otolithes. Pour cette raison, l’étude de ces caractéristiques constitue une alternative ou un complément approprié aux analyses génétiques pour la discrimination des stocks dans un contexte de gestion des pêches (Deriso & Quinn, 1998; Grant et al., 1999, Cadrin, 2000).
Dans le cas du sébaste, l’étude de la forme corporelle par la morphométrie apparaît comme une approche intéressante pour complémenter les analyses génétiques, dans un contexte d’identification des stocks. La forme est le résultat d’un programme génétique modulé par l’environnement et la sélection naturelle (Alberch et al. 1979; Swain & Foote, 1999 et références incluses). Le sébaste est caractérisé par une grande longévité et il est itéropare (c.-à-d. , il se reproduit plusieurs fois au cours de sa vie). Chez cette catégorie d ‘ espèces, la forme corporelle est généralement soumise à un fort contrôle génétique: la forme des individus est peu affectée par les variations environnementales rencontrées à l’ échelle d ‘ une vIe (Schultz, 1989). Au fil des générations, des populations soumi ses à différentes gammes de conditions environnementales tendront néanmoins à accumuler des différences de forme moyenne, un processus appelé sélection adaptative (Alberch et al. 1979; Swain & Foote, 1999 et références incluses).
Pour le sébaste de l’Atlantique du nord-ouest, les études disponibles suggèrent que la forme corporelle constitue un critère approprié pour différencier à la fois les espèces (Kenchington, 1986; Misra & Ni , 1983; Saborido-Rey, 1994; Valentin, 1999; Valentin et al., 2002) et les populations (Saborido-Rey 1994; Saborido-Rey & Nedreaas, 1998). De plus, les récentes études génétiques utilisant les microsatellites (Roques et al. , 2001) tendent à confirmer la structure des populations mise en évidence par la morphométrie, sur le banc de Saint-Pierre, les Grands Bancs et le Bonnet Flamand (Saborido-Rey, 1994).

OUTILS POUR LA DISCRIMINATION DES POPULATIONS

Morphométrie

Un des problèmes de base en morphométlie provient de l’ hétérogénéité de taille entre les spécimens (Rohlf & Bookstein , 1987). En effet, les différences de taille ont tendance à masquer les différences morphométriques plus subtiles. De plus, des variations de taille peuvent être assorties de variation s de forme. Ce phénomène est appelé allométrie.
Pour ces deux raisons, la taille doit être soustraite des données morphométriques tout en évaluant son influence sur la forme. Dans le cas du sébaste de l’Atlantique du nord-ouest, l’allométrie est limitée chez les adultes, ce qui facilite la comparaison morphométrique d’individus adultes de taille différente (Valentin, 1999).
Historiquement, les mesures morphométriques étaient prises au moyen d’un vernier et comparées deux à deux sous forme de rapport. Dans les années 1980, la définition de la forme à l’aide d’un réseau de droites (Strauss & Bookstein, 1982; McGlade & Boulding, 1986) couplée à des statistiques multivariées a permis de décrire et de comparer les formes d’ une manière plus systématique. Cette approche a été concluante pour la discrimination d’espèces (Strauss, 1986; Creech, 1992) et de populations (Winans, 1984; Roby et al. , 1991).
Dans les années 1990, le développement de la théorie des formes et de nouvelles procédures numériques a mené à l’émergence de la morphométrie géométrique, une discipline qui est depuis en constante évolution (Marcus & Corti, 1996; Adams et al. , 2004). La grande innovation de cette approche est de définir et de comparer les formes à l’ aide de points de repères représentant des caractéristiques anatomiques homologues entre les individus. La morphométrie géométrique est plus efficace que la morphométrie traditionnelle pour définir la forme , ce qui augmente la puissance des procédures stati stiques utilisées pour tester les différences de forme (Rohlf & Marcus, 1993).
La morphométrie géométrique a permis de discriminer S. mentella, S. fasciatus et leurs hybrides, tels que définis par le génotype au locus MDH-A *, dans le golfe du Saint- Laurent (Valentin et al., 2002). À ce jour, cette approche n’a encore jamais été utilisée pour la discrimination des populations de sébaste de l’Atlantique nord-ouest. Une récente étude menée sur les populations de l’est de l’Atlantique a toutefois confirmé l’utilité de la méthode pour la discrimination des populations de sébaste (Anonymous, 2004).

Microsatellites

Les microsatellites sont des courtes séquences d’ADN composées de 1 à 6 paires de base (pb) répétées en tandem. Ces séquences sont dispersées dans le génome et varient en nombre et en longueur. Les microsateIIites sont caractérisés par un important polymorphisme (plusieurs allèles possibles pour un locus donné), la codominance (expression équivalente des deux allèles parentaux) , la transmission mendélienne et, à moins d’être situés près de gènes soumis à sélection, la neutralité (pas d’avantage sélectif).
Ces caractéristiques en font des marqueurs privilégiés en génétique des populations, et tout particulièrement pour l’étude des populations à faible structure génétique. Dans le cas du sébaste de l’ Atlantique du nord-ouest, les microsatellites ont permis de décrire plus finement la structure génétique des populations et de caractériser la dynamique de l’hybridation introgressive entre S. fasciatus et S. mentella (Roques et al., 2001; voir paragraphes 1.10 et 1.11).
Les progrès réalisés au nIveau des techniques de laboratoire ont contribué à la popularité des microsatellites, en particulier la méthode de polymérisation en chaîne de l’ADN (PCR) avec marquage fluorescent, suivie d’ une électrophorèse sur séquenceur automatisé.
Parallèlement, plusieurs développements ont été réalisés dans le domaine statistique pour analyser spécifiquement les données de microsatellites. De nouveaux indices de différenciation génétique ont été proposés comme alternative aux indices traditionnellement calculés sur la base des fréquences alléliques (Goldstein & Pollock, 1997; Balloux & Lugon-Moulin, 2002). Les indices spécifiques aux microsatellites tiennent compte des différences de taille entre les allèles, ce qui permet de prendre en considération le processus mutationnel particulier aux microsatellites. Ce processus implique des changements d’ une forme allélique vers l’autre par additions/soustractions successives d’une répétition du motif microsatellite.
La nécess ité d’analyser des jeux de données combinant plusieurs variables très polymorphes a favorisé le développement d’analyses statistiques faisant appel à des simulations basées sur les modèles de maximum de vraisemblance, les statistiques bayésiennes et les méthodes de Monte Carlo par chaîne de Markov (Lui kart & England, 1999; Sunnucks, 2000).
En outre, plusieurs études ont souligné les différents problèmes associés spécifiquement à l’ analyse et à l’interprétation des données de microsatellites. Par exemple, il est maintenant reconnu que des problèmes au cours de la PCR (non-amplification, bégaiement) provoquent des erreurs dans la détermination des allèles (Bonin et al., 2004; Hoffman & Amos, 2005).
Les propriétés particulières des microsatellites, eu égard au polymorphisme et au processus de mutation , ont également entraîné une réflexion sur la validité des plans d’échantillonnage (nombre d’ individus par rapport au nombre et au polymorphisme des microsatellites), la précision des estimateurs statistiques et la puissance des tests statistiques (ex., Ruzzante , 1998 ; Hedrick, 1999; Balloux & Lugon-Moulin, 2002; Kalinowski , 2005).

IMPORTANCE DES AGRÉGATIONS

Les récentes études utilisant des marqueurs microsatellites (Roques et al., 2001; Roques et al., 2002) ont permis une première description de la structure des populations de sébastes de l’Atl antique du nord-ouest. Cependant, ces études comprenaient plusieurs limites. En effet, les spécimens n’étaient pas choisis au hasard, mai s étaient plutôt sélectionnés sur la base de la congruence des critères usuel s d’ identification d’ espèce. De plus, les échantillons étai ent composés d’ individus dispersés plutôt que d’individus provenant des grandes agrégations qUI soutiennent la pêche. Cette stratégie d’échantillonnage peut avoir sous-estimé la variabilité génétique et ignoré de l’ information sur la structure génétique des populations exploitées. Dans ce contexte, une stratégie d’ échantillonnage visant les grandes agrégations qui soutiennent la pêche constitue une approche plus appropriée pour étudier la structure des populations. La comparaison des agrégations à l’ intérieur des unités de gestion et entre celles-ci permet de documenter la variabilité intra et inter zone sans nécessiter une sélection préalable des individus. Cette approche est recommandée pour optimiser l’identification des unités de gestion par extrapolation de données génétiques (Paetkau, 1999).
La structure des agrégations de sébaste n’a encore jamais été strictement étudiée.
Cependant, Roques et al. (2001) ont suggéré la présence de différences génétiques à petite échelle entre plusieurs échantillons de S. mentella, dans le golfe du Saint-Laurent et le chenal Laurentien , en absence de différenciation significative entre les deux unités. Par ailleurs, les données de MDH suggèrent que les sébastes pris dans un même trait de chalut tendent à appartenir à la même espèce, et que les hybrides se tiennent avec S. mentella (Rubec et al., 1991; Valentin et al. , 2006). L’association entre S. mentella et les hybrides est une caractéristique qui semble se maintenir tout au long du cycle de vie, puisqu ‘elle est également observée pour les larves et les juvéniles (Sévigny & de Lafontaine, 1992; Sévigny et al ., 2000). En plus de s’ associer avec S. mentella, les hybrides tendent également à \eur ressembler pour plusieurs caractéristiques comme les critères méristiques (AFC, EGM) et la forme corporelle (Valentin et al. , 2002). Ainsi, les sébastes tendent à former des agrégations d’ individus qui présentent souvent des caractéristiques identiques.

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Table des matières

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION GÉNÉRALE
1.1 CONTEXTE DE L’ÉTUDE
1.2 CIRCULATION GÉNÉRALE DANS LE NORD-OUEST ATLANTIQUE
1.3 ORIGINE ET TAXONOMIE DES ESPÈCES DE SÉBASTE DE L’ ATLANTIQUE lA DISTRIBUTION DES ESPÈCES DANS LE NORD-OUEST ATLANTIQUE
1.5 CRITÈRES USUELS D ‘IDENTIFICATION DES ESPÈCES
1.6 REPRODUCTION ET RECRUTEMENT
1.7 DÉFIN ITION DES STOCKS DE PÊCHE
1.8 OUTILS POUR LA DISCRIMINATION DES POPULATIONS
1. 8. 1 Morphométrie
1.8.2 Mi crosatellites
1.9 IMPORTANCE DES AGRÉGATIONS
1.1 0 STRUCTURE DES UNITÉS DE GESTION ACTUELLES
1.1 J STRUCTURE ET DYNAMIQUE DE L ‘HYBRIDATION INTROGRESSIVE ENTRE S FASCIA TUS ET S. MENTELLA DANS UNCONTEXTED ‘ÉVOLUTION
1. 12 OBJECTIFS DE RECHERCHE
CHAPITRE 2 : ARCHING EFFECT AFFECTING FISH BODY SHAPE IN GEOMETRIC
MORPHOMETRIC STUDIES
2. 1 ABSTRACT
2.2 INTRODUCTION
2.3 MATERIAL AND METHODS
2.3 .1 Samples
2.3.2 Landmark capture
2.3.3 Geometrie morpho metrics and multivariate stati stics
2.4 RESULTS
2.5 DISCUSSION
2.6 ACKNOWLEDGMENTS
CHAPITRE 3 : COMBINING MICROSATELLITES AND GEOMETRIC MORPHOMETRICS FOR
REDFISH SPECIES DISCRIMINATION IN THE NORTHWEST ATLANTIC METHODOLOGICAL CONSIDERATIONS AND NEW INSIGHTS ON INTROGRESSIVE HYBRIDIZA TION
3.1 ABSTRACT
3.2 INTRODUCTION
3.3 MATERIAL AND METHODS
3.3.1 Sampl es
3.3 .2 Sa mpl e processing
3.3.3 Genetic analyses
3.3.4 Species assignment
3.3 .5 Stati stics on genetic data
3.3.5. 1 Sample-based S/a/iSlics
3.3.5.2 Individua/-based s/a/is/ics
3.3.6 Stati stics on geo metri c morphometric data
3.4 RESULTS
3.4. 1 Descripti ve statistics
3.4.2 Geneti c differenti ati o n and AMOY A .
3.4.3 Analysis with the program STRUCTURE
3.4.5 Geometrie morpho metri cs
3.5 DISCUSSION
3.5. 1 Power of loc i fo r species di scriminati on in relation with loc us polymorphi sm
3.5.2 Ho mopl asy
3.5.3 Introgressive hybridi zati o n between S. mentella and S. f asciatus
3.5.4 Revisiting the hypothes is of morphological convergence
3.5.5 Discriminating power: mi crosatellites versus geometri c morpho metrics
3.5.6 Introgressive hybridizati o n invo lvin g S. marinus
3.6 ACKNOWLEDGMENTS
CHAPITRE 4 : COMBINING MICROSATELLITES AND GEOMETRIC MORPHOMETRICS FOR THE STUDY OF REDFISH PO PULA TION STRUCTURE IN THE NORTHWEST ATLANTIC
4. 1 ABSTRACT
4 .2 INTRODUCTION
4.3 MATERIAL AND METHODS
4.3. 1 Sampl es
4.3 .2 Statistics o n geneti c data
4.3.2.1 Descrip li ve slalislics
4.3.2.2 Bayesian cluslerillg melhod with the p rograll1 STRUCTURE.
43.23 Genetic differenlialion: FST and G ‘ ST
4.3.2.4 Non -Illetric muitidilllensionai scaling on genet ic distances
4.3.2.5 Neighbollr-Joining tree on genelic d istances
4.3.3 Statistics on geometric morphometric data Artefact correction and individual pooling Sample pooling  Non-metric multidimensional scaling on morphomelric dislances Testing for allomelry
4.3.4 Comparin g geneti c and geometric morphometric data
4.4 RESULTS
4.4. 1 Descripti ve stati sti cs
4.4.2 Bayesian clustering method with the progra m STRUCTURE
4.4.3 Genetic di fferentiati on
4.4.4 MDS on geneti c di stances
4.4.5 NJ tree on geneti c di stances
4.4.6 Geometrie morphometrics
4.5 DISCUSSION
4.5 .1 Null alleles
4.5 .2 Private alleles
4.5.3 Population structure in S. mentella
4.5.4 Populati on structure in S. fasciatus
4.5 .5 Lessons fro m the fjords
4.5.5. 1 S. men/ella in lhe Sag uenay.
4.5.5.2 S. fasciatus in Bonlle Bay
4.5.6 Implications for fi shery management
4.5.7 Perspecti ves
4.6 ACKNOWLEDGEMENTS
CHAPITRE 5 : CONCLUSION GÉNÉRALE 
5.1 CONCLUSIONS 
5.2 PERSPECTIVES
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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